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01/02/2017 | FRANCE | N°16-10051

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 01 février 2017, 16-10051


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 novembre 2015), que le juge des tutelles a rejeté la demande de MM. Tayeb, Abdelkader et Miloud X... (les consorts X...) tendant au dessaisissement de M. Y..., mandataire judiciaire à la protection des majeurs, de sa mission de tuteur de leur père ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de confirmer cette décision ;

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que M. X

... a été convoqué par la cour d'appel ; que cette dernière, qui n'a pas recouru à la ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 novembre 2015), que le juge des tutelles a rejeté la demande de MM. Tayeb, Abdelkader et Miloud X... (les consorts X...) tendant au dessaisissement de M. Y..., mandataire judiciaire à la protection des majeurs, de sa mission de tuteur de leur père ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de confirmer cette décision ;

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que M. X... a été convoqué par la cour d'appel ; que cette dernière, qui n'a pas recouru à la procédure de dispense d'audition sur avis médical, n'était tenue ni d'entendre la personne protégée ni de s'expliquer sur son défaut de comparution ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que les consorts X... font le même grief à l'arrêt ;

Attendu que, sous le couvert d'un grief non fondé de manque de base légale au regard de l'article 417 du code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont estimé qu'il n'était justifié d'aucun manquement du mandataire désigné dans l'exercice de sa mission ; qu'il ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. Tayeb, Abdelkader et Miloud X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour MM. Tayeb, Abdelkader et Miloud X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Messieurs Abdelkader, Miloud et Tayeb X... de leur demande de dessaisissement de Monsieur Vercingétorix Y... de ses fonctions de tuteur de Monsieur Boubeglha X... ;

Aux motifs propres qu'« il résulte de l'article 417 du Code civil que le juge des tutelles peut dessaisir les personnes chargées de la protection de leur mission en cas de manquement caractérisé dans l'exercice de celle-ci, après les avoir entendues ou appelées ; que l'article 396 du Code civil précise que toute charge tutélaire peut être retirée en raison de l'inaptitude, de la négligence, de l'inconduite ou de la fraude de celui à qui elle a été confiée ; qu'il en est de même lorsqu'un litige ou une contradiction d'intérêts empêche le titulaire de la charge de l'exercer dans l'intérêt de la personne protégée ; qu'en l'espèce, aucune négligence ne peut être évoquée à l'encontre du mandataire judiciaire désigné qui a multiplié les initiatives et les courriers ; qu'il lui est reproché d'avoir pris parti dans ses écrits ; qu'il est avéré que Monsieur Y... a demandé explicitement à Monsieur Tayeb X... de faire en sorte que l'association d'aides à domicile puisse intervenir sereinement auprès de Monsieur Boubeghla X... –courrier du 8 septembre 2014 ; qu'il lui a de même demandé de déménager dans un courrier du 7 octobre 2014, après avoir constaté les initiatives prises pendant son absence, avec des déplacements du majeur protégé non conformes à ce qui avait été convenu et susceptibles de ne pas correspondre à sa sécurité ; mais que ces prises de position faisaient suite à des incidents précis, datés et justifiés en procédure ; qu'au demeurant, elles ont été suivies d'un courrier ultérieur du mandataire à l'attention des divers frères et soeurs daté du 7 mai 2015, dans lequel il disait opter pour le statu quo, avec donc le maintien de Monsieur Tayeb X... au domicile au titre de l'accompagnement et l'intervention de professionnels au titre des soins ; que ce même courrier proposait de servir d'intermédiaire pour la mise en place de visites des divers membres de la fratrie, afin de pacifier au mieux les relations ; qu'il ne saurait dès lors être question d'un parti pris qui ferait obstacle à l'exercice de la mission de tuteur, ce d'autant que Monsieur Y... a pris l'initiative de plusieurs réunions associant l'ensemble de la fratrie, y compris encore très récemment pour tenter de trouver une organisation familiale permettant le retour à domicile de Monsieur Boughebla X... ; que si tous les enfants ont en effet entendu le souhait répété du majeur protégé de quitter son accueil institutionnel et de revenir chez lui, ils ont été jusqu'à ce jour dans l'incapacité de proposer une solution sereine et pérenne ; qu'ils ont de même été, pour plusieurs d'entre eux, jusqu'à s'invectiver violemment dans l'enceinte du centre de soins où séjourne leur père ; que dès lors le litige évoqué pour solliciter la décharge du mandataire judiciaire ne lui est nullement imputable et ne peut que perdurer, en l'absence d'évolution de l'attitude de chacun des fils quelque soit le mandataire désigné ; que dans ces conditions et au regard des dispositions du code civil ci-dessus rappelées, l'ordonnance déférée sera confirmée » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que « deux griefs sont allégués à l'encontre du tuteur : négligence et inaptitude ; que le grief de négligence fait à Monsieur Y... ne repose que sur des allégations qu'aucun élément versé au dossier ne permet d'étayer ; bien au contraire, que les rapports écrits de ce mandataire judiciaire montrent l'attention et l'activité qu'il a déployées avec une rare diligence ; qu'en outre, il tient depuis le début de la mesure le tribunal informé de son déroulement par de brefs et fréquents rapport verbaux, la situation lui ayant été signalée comme particulièrement sensible en raison du conflit qui déchire la famille ; qu'aucune négligence n'est établie à l'encontre du tuteur, qui déploie au contraire beaucoup d'énergie pour organiser la concertation entre les enfants ; que cela ressort notamment de l'organisation d'une deuxième réunion de famille le 9 février, malgré la mise en échec d'une première tentative de conciliation le 21/11/14 en raison de l'absence de ceux-là même qui l'accusent à présent de négligence ; que le grief d'inaptitude repose lui aussi sur des affirmations dépourvues de preuve ; qu'ainsi, il est reproché au tuteur d'avoir « déménagé brutalement » le majeur protégé chez son fils Mohamed sans motif valable alors que le domicile de ce dernier serait inadapté ; que la preuve des faits allégués ne repose que sur les déclarations de Tayeb et Abdelkader, démenties par le tuteur ainsi que Michel et Mohamed ; qu'or non seulement l'intégrité du mandataire judiciaire à la protection des majeurs ne saurait être mise en doute sans preuve, mais encore les pièces du dossier montrent le défaut de sincérité de l'un de ceux qui l'accusent ; qu'en effet il résulte du rapprochement de la lettre que Tayeb a écrite le 10/10/2014 avec son dépôt de plainte auprès de la gendarmerie le 14/12/14 qu'il a délibérément menti devant les autorités dans le but de nuire à son frère Michel, en soutenant que celui-ci le harcelait car il était vexé d'avoir perdu la fonction de tuteur, alors que quatre jours plus tôt il indiquait que son frère avait volontairement démissionné de ces fonctions ;qu'il ressort de l'ensemble de ses documents versés au dossier qu'au-delà des animosités entre certains des frères et des intérêts matériels susceptibles d'influencer les comportements, le problème réside dans une intervention excessive de la part des enfants ; que certains interviennent ou veulent intervenir, jusque dans les moindres détails de la vie quotidienne, tels que la toilette, la prise de médicaments, les achats courants… ce qui entraîne inévitablement des conflits et perturbe l'existence du majeur protégé ainsi que le travail des auxiliaires de vie ; qu'en outre cela génère une intrusion des frères dans la vie familiale de Tayeb ; qu'il résulte de ce qui précède que l'intérêt du majeur protégé consiste à le mettre à l'abri des conflits familiaux dont il est l'enjeu ou le prétexte, et que seul un tuteur professionnel est à même d'y parvenir ; que le plus apte à gérer cette situation extrêmement difficile est Monsieur Y... » ;

Alors que lors de la désignation ou du dessaisissement du tuteur, le juge des tutelles est tenu de prendre en considération les sentiments exprimés par le majeur protégé ; que cette obligation s'impose au juge d'appel ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que, concernant le dessaisissement du tuteur, la Cour d'appel n'a pas pris en considération les sentiments de Monsieur Boubeghla X..., qui n'a été ni convoqué ni auditionné devant elle ; qu'en statuant de la sorte, la Cour d'appel a violé les articles 417 et 449 alinéa 3 du Code civil, ensemble les articles 1244, 1244-1 et 1245 alinéa 4 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Messieurs Abdelkader, Miloud et Tayeb X... de leur demande de dessaisissement de Monsieur Vercingétorix Y... de ses fonctions de tuteur de Monsieur Boubeglha X... ;

Aux motifs propres qu'« il résulte de l'article 417 du Code civil que le juge des tutelles peut dessaisir les personnes chargées de la protection de leur mission en cas de manquement caractérisé dans l'exercice de celle-ci, après les avoir entendues ou appelées ; que l'article 396 du Code civil précise que toute charge tutélaire peut être retirée en raison de l'inaptitude, de la négligence, de l'inconduite ou de la fraude de celui à qui elle a été confiée ; qu'il en est de même lorsqu'un litige ou une contradiction d'intérêts empêche le titulaire de la charge de l'exercer dans l'intérêt de la personne protégée ; qu'en l'espèce, aucune négligence ne peut être évoquée à l'encontre du mandataire judiciaire désigné qui a multiplié les initiatives et les courriers ; qu'il lui est reproché d'avoir pris parti dans ses écrits ; qu'il est avéré que Monsieur Y... a demandé explicitement à Monsieur Tayeb X... de faire en sorte que l'association d'aides à domicile puisse intervenir sereinement auprès de Monsieur Boubeghla X... –courrier du 8 septembre 2014 ; qu'il lui a de même demandé de déménager dans un courrier du 7 octobre 2014, après avoir constaté les initiatives prises pendant son absence, avec des déplacements du majeur protégé non conformes à ce qui avait été convenu et susceptibles de ne pas correspondre à sa sécurité ; mais que ces prises de position faisaient suite à des incidents précis, datés et justifiés en procédure ; qu'au demeurant, elles ont été suivies d'un courrier ultérieur du mandataire à l'attention des divers frères et soeurs daté du 7 mai 2015, dans lequel il disait opter pour le statu quo, avec donc le maintien de Monsieur Tayeb X... au domicile au titre de l'accompagnement et l'intervention de professionnels au titre des soins ; que ce même courrier proposait de servir d'intermédiaire pour la mise en place de visites des divers membres de la fratrie, afin de pacifier au mieux les relations ; qu'il ne saurait dès lors être question d'un parti pris qui ferait obstacle à l'exercice de la mission de tuteur, ce d'autant que Monsieur Y... a pris l'initiative de plusieurs réunions associant l'ensemble de la fratrie, y compris encore très récemment pour tenter de trouver une organisation familiale permettant le retour à domicile de Monsieur Boughebla X... ; que si tous les enfants ont en effet entendu le souhait répété du majeur protégé de quitter son accueil institutionnel et de revenir chez lui, ils ont été jusqu'à ce jour dans l'incapacité de proposer une solution sereine et pérenne ; qu'ils ont de même été, pour plusieurs d'entre eux, jusqu'à s'invectiver violemment dans l'enceinte du centre de soins où séjourne leur père ; que dès lors le litige évoqué pour solliciter la décharge du mandataire judiciaire ne lui est nullement imputable et ne peut que perdurer, en l'absence d'évolution de l'attitude de chacun des fils quelque soit le mandataire désigné ; que dans ces conditions et au regard des dispositions du code civil ci-dessus rappelées, l'ordonnance déférée sera confirmée » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que « deux griefs sont allégués à l'encontre du tuteur : négligence et inaptitude ; que le grief de négligence fait à Monsieur Y... ne repose que sur des allégations qu'aucun élément versé au dossier ne permet d'étayer ; bien au contraire, que les rapports écrits de ce mandataire judiciaire montrent l'attention et l'activité qu'il a déployées avec une rare diligence ; qu'en outre, il tient depuis le début de la mesure le tribunal informé de son déroulement par de brefs et fréquents rapport verbaux, la situation lui ayant été signalée comme particulièrement sensible en raison du conflit qui déchire la famille ; qu'aucune négligence n'est établie à l'encontre du tuteur, qui déploie au contraire beaucoup d'énergie pour organiser la concertation entre les enfants ; que cela ressort notamment de l'organisation d'une deuxième réunion de famille le 9 février, malgré la mise en échec d'une première tentative de conciliation le 21/11/14 en raison de l'absence de ceux-là même qui l'accusent à présent de négligence ; que le grief d'inaptitude repose lui aussi sur des affirmations dépourvues de preuve ; qu'ainsi, il est reproché au tuteur d'avoir « déménagé brutalement » le majeur protégé chez son fils Mohamed sans motif valable alors que le domicile de ce dernier serait inadapté ; que la preuve des faits allégués ne repose que sur les déclarations de Tayeb et Abdelkader, démenties par le tuteur ainsi que Michel et Mohamed ; qu'or non seulement l'intégrité du mandataire judiciaire à la protection des majeurs ne saurait être mise en doute sans preuve, mais encore les pièces du dossier montrent le défaut de sincérité de l'un de ceux qui l'accusent ; qu'en effet il résulte du rapprochement de la lettre que Tayeb a écrite le 10/10/2014 avec son dépôt de plainte auprès de la gendarmerie le 14/12/14 qu'il a délibérément menti devant les autorités dans le but de nuire à son frère Michel, en soutenant que celui-ci le harcelait car il était vexé d'avoir perdu la fonction de tuteur, alors que quatre jours plus tôt il indiquait que son frère avait volontairement démissionné de ces fonctions ;qu'il ressort de l'ensemble de ses documents versés au dossier qu'au-delà des animosités entre certains des frères et des intérêts matériels susceptibles d'influencer les comportements, le problème réside dans une intervention excessive de la part des enfants ; que certains interviennent ou veulent intervenir, jusque dans les moindres détails de la vie quotidienne, tels que la toilette, la prise de médicaments, les achats courants… ce qui entraîne inévitablement des conflits et perturbe l'existence du majeur protégé ainsi que le travail des auxiliaires de vie ; qu'en outre cela génère une intrusion des frères dans la vie familiale de Tayeb ; qu'il résulte de ce qui précède que l'intérêt du majeur protégé consiste à le mettre à l'abri des conflits familiaux dont il est l'enjeu ou le prétexte, et que seul un tuteur professionnel est à même d'y parvenir ; que le plus apte à gérer cette situation extrêmement difficile est Monsieur Y... » ;

Alors que le juge des tutelles peut dessaisir de leur mission les personnes chargées de la protection d'un majeur en cas de manquement caractérisé dans l'exercice de celle-ci, après les avoir entendues ou appelées ; que devant la Cour d'appel, Messieurs Tayeb, Abdelkader et Miloud X... justifiaient de l'absence de neutralité de Monsieur Y..., mandataire judiciaire à la protection des majeurs, qui avait choisi comme seul interlocuteur Monsieur Mohamed X..., avec lequel ils étaient en conflit ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher si ce manque de neutralité n'était pas constitutif d'un manquement caractérisé du mandataire judiciaire dans l'exercice de ses fonctions, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 417 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-10051
Date de la décision : 01/02/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 05 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 01 fév. 2017, pourvoi n°16-10051


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.10051
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