LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, ensemble l'article L. 137-2 du code de la consommation, alors applicable ;
Attendu qu'en application du premier de ces textes, toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit ; qu'aux termes du second, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ;
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Montargis, 10 novembre 2015), rendu en dernier ressort, que, par déclaration au greffe du 18 mai 2015, la société Logemloiret, propriétaire d'un logement social donné à bail à Mme X..., l'a assignée, après la libération des lieux, en paiement d'une somme au titre des réparations locatives ;
Attendu que, pour déclarer prescrite l'action de la bailleresse, le jugement retient que la société Logemloiret est un professionnel de la location immobilière sociale, que la location d'un logement est une fourniture de services, le bailleur mettant à la disposition du locataire un local en contrepartie d'un loyer, que la règle spéciale de prescription prévue par le code de la consommation doit donc s'appliquer par préférence à la règle générale prévue par I'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 dans le cas d'un contrat de bail conclu entre un professionnel et un consommateur et que la bailleresse a eu connaissance des faits lui permettant d'agir le 28 juin 2012 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le bail d'habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 obéit à des règles spécifiques exclusives du droit de la consommation, de sorte que la prescription édictée par l'article 7-1 de cette loi est seule applicable à l'action en recouvrement des réparations locatives et des loyers impayés, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application et le second par fausse application ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 10 novembre 2015, entre les parties, par le tribunal d'instance de Montargis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance d'Orléans ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Logemloiret ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Logemloiret-office public de l'habitat
Le jugement attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a déclaré irrecevable l'action engagée à l'encontre de Mme X... en vue du paiement d'une indemnité due au titre des réparations locatives ;
AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est notamment obligé :- de répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement ;- de prendre à sa charge l'entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l'ensemble des réparations locatives définies par le décret n° 87-112 du 26 août 1987 ; que la Société LOGEMLOIRET sollicite la somme de 2. 414, 42 Euros, au titre des sommes nécessaires aux réparations liées aux dégradations locatives commises ; que l'état des lieux d'entrée a été établi contradictoirement le 18/ 05/ 2006 et l'état des lieux de sortie établi par procès-verbal de constat d'huissier de justice établi le 28/ 06/ 2012 faisant état de dégradations locatives ; que la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 a introduit un article L. 137-2 dans le Code de la Consommation rédigé comme suit : " L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans " ; que la loi ALUR n° 2014-366 du 24 mars 2014 a introduit un article 7-1 dans la loi n° 89462 du 6 juillet 1989, rédigé comme suit : " Toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit " ; que cependant l'existence d'un délai de prescription de trois ans dans la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 n'exclut nullement l'application de la prescription spéciale prévue par l'article L. 137-2 du Code de la Consommation lorsque le bailleur a la qualité de professionnel et le locataire a la qualité de consommateur, comme tel est le cas en l'espèce ; que la règle spéciale de prescription prévue par le Code de la Consommation doit donc s'appliquer par préférence à la règle générale de prescription prévue par l'article 7-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 qui n'envisage pas le cas d'un contrat de bail conclu entre un professionnel et un consommateur ; que la Société LOGEMLOIRET est un professionnel de la location immobilière sociale ; qu'aucune disposition ou pièce ne permet de considérer que Mme Audrey X... avait souscrit le bail d'habitation pour des besoins liés à son activité professionnelle, ce point n'étant d'ailleurs pas allégué par la Société LOGEMLOIRET ; que la location d'un local d'habitation est une fourniture de services, le bailleur mettant à disposition du locataire un local d'habitation en contrepartie d'un loyer, même si ce contrat de bail est régi par les dispositions spéciales et d'ordre public de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ; que la prescription biennale de l'article L. 137-2 du Code de la Consommation s'appliquait donc aux relations entre les parties à compter de son entrée en vigueur soit le 19 juin 2008 et avant le constat des dégradations locatives, et ce quelles que soit les sommes sollicitées en justice par le bailleur à l'encontre du locataire en application du contrat de bail ; qu'en effet, l'action aux fins de paiement du coût des dégradations locatives est une action d'un professionnel de la location pour un bien fourni dans l'état dans lequel le locataire en a pris possession lors de l'entrée dans les lieux ; qu'il ne peut exister deux délais de prescription pour une action au titre d'un même contrat de bail, selon que la créance concerne des loyers impayés ou des réparations locatives ; que l'application de l'article L. 137-2 du Code de la Consommation s'applique donc même aux actions indemnitaires faites en exécution d'un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, ainsi que l'ont admis plusieurs juridictions (Tribunal d'instance de Dieppe, 7 août 2015, RG n° 11-15-000353 ; Cour d'appel de Paris, Pôle 2, Chambre 2, 22 mai 2015, RG n° 14/ 01425) ; que l'article 2224 du code civil dans sa rédaction en vigueur au jour de l'introduction de l'instance dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, le bailleur a connu les faits lui permettant d'exercer une action à l'encontre de son locataire au jour du constat d'huissier de justice du 28/ 06/ 2012 faisant état de dégradations locatives ; que le bailleur devait donc agir en justice au plus tard le 28/ 06/ 2014 pour les dégradations locatives ; que la Société LOGEMLOIRET a saisi le tribunal le 18/ 05/ 2015 soit après l'expiration du délai de prescription et ne justifie pas de l'existence d'une cause légale de suspension ou d'interruption du délai de forclusion, son action en paiement se trouve irrecevable » ;
ALORS QUE, premièrement, la prescription de deux ans, prévue à l'article L. 137-2 du code de la consommation ne concerne pas les créances nées d'un bail d'habitation ; qu'en décidant le contraire, le juge du fond a violé, par fausse application, l'article L. 137-2 du code de la consommation et, par refus d'application, les articles 2224 du code civil et 7-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, issu de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014.
ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, la prescription de deux ans, prévue à l'article L. 137-2 du code de la consommation ne concerne pas les créances nées d'un bail d'habitation relevant du secteur social ; qu'en décidant le contraire, après avoir constaté que l'OPH LOGEMLOIRET intervenait dans le domaine de « la location immobilière sociale » (jugement, p. 3, § 2), le juge du fond a violé, par fausse application, l'article L. 137-2 du code de la consommation et, par refus d'application, les articles 2224 du code civil et 7-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, issu de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014.