LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 juillet 2015), rendu en référé, que, le 12 décembre 2008, M. X... a donné à bail en renouvellement à la société Y... un local à usage de restaurant ; que, se plaignant de la présence d'humidité rendant les lieux loués insalubres, la société locataire, placée en redressement judiciaire par jugement du 11 mars 2013, et M. Z..., désigné en qualité de mandataire judiciaire, ont, après dépôt d'un rapport d'expertise, assigné en référé le bailleur en suspension du paiement des loyers à compter de la date du jugement d'ouverture de la procédure collective jusqu'à remise en état des lieux ; qu'à titre reconventionnel, M. X... a sollicité la constatation de la résiliation du bail, l'expulsion et la condamnation de la société Y... au paiement d'une provision ainsi que la fixation et le paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation ;
Attendu que, pour rejeter la demande de suspension des loyers, l'arrêt retient que, si la société locataire a reconnu, devant l'expert judiciaire, avoir effectué des travaux d'aménagement dans les lieux à hauteur de 263 871 euros sans toutefois communiquer les factures correspondantes, le montant important de ces travaux permet de retenir que, nécessairement, la société locataire est l'auteur des travaux de transformation du sous-sol, ce que corroborent les attestations de Mme A... et de M. B..., de sorte qu'il existe une contestation sérieuse ;
Qu'en statuant ainsi, sans examiner si les factures annexées au rapport d'expertise judiciaire sous les numéros 316 à 323 étaient de nature à démontrer que les travaux financés par la société Y... ne portaient pas sur la restructuration du sous-sol, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juillet 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à la société Y... et à M. Z..., ès qualités, la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Y... et M. Z..., ès qualités,
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de suspension du paiement des loyers formée par la société Y... et monsieur Z..., constaté l'acquisition de la clause résolutoire, ordonné l'expulsion de la société Y..., fixé l'indemnité mensuelle d'occupation à 2 583,62 € hors taxes et charges, condamné la société Y... à payer cette provision jusqu'à libération des lieux, et condamné la société Y... à payer 27 845,05 € outre les intérêts au taux légal à titre de provision sur les arriérés locatifs arrêtés au 10 décembre 2013 ;
AUX MOTIFS QUE : « sur la demande de suspension du paiement des loyers, eu égard à la procédure collective et au commandement de payer délivré par M. André X..., il y avait urgence pour la SARL Y... et Me Simon Z... ès qualités à solliciter la suspension du paiement des loyers afin d'éviter la perte du fonds de commerce ; que la SARL Y... et Me Simon Z... ès qualités sollicitent la suspension du paiement des loyers avec effet rétroactif à la date du jugement de redressement judiciaire au motif que les problèmes d'humidité dont seraient affectés les locaux les rendraient insalubres et empêcheraient toute exploitation ; qu'il résulte des pièces produites que la SARL Y... a cessé le paiement des loyers à compter de juin 2011 et elle reconnaît que dès le 22 avril 2011, elle n'a plus exploité les lieux loués ; que par ordonnance du 5 juin 2012, M. André X... a été débouté de ses demandes de constatation de la résiliation du bail et d'expulsion au motif que selon un rapport d'expertise amiable des infiltrations sont présentes dans le sous-sol de l'établissement et dans la cuisine et que la locataire était donc fondée à opposer à son bailleur l'exception d'inexécution, l'origine des désordres ne relevant pas de son obligation d'entretien ; que cependant, par u ne ordonnance du même jour, le président du tribunal de grande instance de Toulon a débouté la SARL Y... de ses demandes de provisions relativement aux travaux à effectuer et a ordonné une expertise sur les désordres affectant le fonds de commerce ; qu'après changement d'expert, cette mesure d'instruction a été confiée à M. Dominique C..., lequel a déposé son rapport le 25 août 2014 ; que M. Dominique C... a décrit les locaux loués comme étant constitués au rez-dechaussée d'une salle de restaurant avec bar et d'une terrasse privative, et au sous-sol de réserves, des vestiaires et sanitaires du personnel, des sanitaires des clients, d'un bureau et de la cuisine ; qu'il explique que ces pièces en sous-sol ne comportent aucune ouverture sur l'extérieur, à l'exception de la cuisine qui possède une porte donnant au dehors ; que les vestiaires et sanitaires du personnel, les réserves, les sanitaires des clients, une cloison au niveau de la cuisine et le carrelage au sol de cette pièce sont affectés de problèmes d'humidité majeurs avec détérioration maximale des peintures et enduits muraux ; qu'en outre, le groupe VMC ne fonctionne pas ; qu'à l'extérieur du bâtiment, le bandeau en avancée ou « casquette » est en mauvais état avec des traces d'infiltrations d'eau ; qu'il s'il conclut que la dégradation de cet élément en façade du restaurant relève d'un défaut d'entretien, l'expert explique que l'humidité constatée au sous-sol résulte de la transformation des caves en locaux à usage commercial sans la réalisation de travaux appropriés, associé à un défaut caractérisé de ventilation ; qu'or, d'après les documents et plans qui lui ont été fournis par les parties, M. Dominique C... a analysé qu'à l'occasion de l'achat des locaux dont s'agit par M. X... le 10 septembre 2003, le sous-sol était décrit comme constitué de caves et n'avait donc pas été encore transformé en locaux à usage commercial ; qu'à cette date du 10 septembre 2003, les locaux étaient exploités par la SARL Nouveau Restaurant Don Miguel qui a cédé son bail à la SARL Y... le 18 septembre 2007 ; que le contrat de cession ne permet pas de dire si les locaux avaient alors été transformés ; qu'en revanche, suite à un dégât des eaux en 2010, la société 2E2C a effectué un autre rapport et a décrit les locaux au 17 juillet 2010 tels qu'ils sont à l'heure actuelle ; que cet expert conclut que le préjudice subi par la SARL Y... doit s'analyser sous deux éventualités : soit elle a pris les locaux tels qu'ils se présentent à ce jour notamment en soussol et devra être indemnisée de son dommage, soit elle est l'auteur des travaux de restructuration du sous-sol, et dans ce cas elle ne peut évoquer un quelconque préjudice puisqu'elle en serait responsable ; que M. Dominique C... a noté que la SARL Y... a reconnu avoir effectué des travaux d'aménagement à hauteur de 263.871 €, mais qu'elle n'a pas communiqué les factures correspondantes ; que nonobstant ce défaut de production, le montant important des travaux permet de retenir que nécessairement, la SARL Y... est l'auteur des transformations du sous-sol ; que cette thèse est confirmée par les attestations produites par M. André X... ; que Mme Maeva A... explique qu'elle a travaillé comme serveuse au restaurant L'Anecdote à Hyères de novembre 2007 à avril 2011 et que lorsqu'elle avait été embauchée les locaux avaient été refaits et étaient neufs, et que M. Bruno Y..., soit le gérant de la SARL Y..., lui avait dit qu'il avait utilisé des caves pour faire des vestiaires et des WC ; que M. Thierry B... qui a été chef de cuisine de 1995 à 2000 dans ces locaux, puis propriétaire du fonds de commerce de 2000 à septembre 2007, soutient qu'il n'a jamais connu de problèmes d'humidité dans le sous-sol, qu'ayant dîné un soir chez M. Y..., celui-ci lui avait fait visiter ses nouveaux locaux et qu'il avait pu constater que celui-ci avait complètement changer l'aménagement des deux niveaux ; qu'il suit de là qu'il existe une contestation sérieuse sur l'allégation de la SARL Y... selon laquelle les lieux seraient impropres à leur destination du fait du bailleur et que celui-ci aurait failli à son obligation de garantir une jouissance paisible des lieux objet du bail ; que les conditions d'application de l'article 808 du code de procédure civile qui permettent au juge des référés en cas d'urgence de renvoyer l'affaire au fond ne sont pas applicables en appel ; qu'en conséquence, la SARL Y... et Me Simon Z... ès qualités seront déboutés de leur demande de suspension du paiement des loyers ; que l'ordonnance de référé sera donc réformée ; que sur les demandes reconventionnelles du bailleur, la SARL Y... et Me Simon Z... ès qualités soutiennent que le commandement de payer qui leur a été délivré respectivement les 3 et 6 janvier 2014 serait entaché de nullité pour avoir calculé un arriéré locatif TTC alors que dans l'acte constatant le renouvellement du bail, le loyer serait mentionné sans précision de hors-taxes ou TTC ; que cependant, contrairement à ce que soutiennent les intimés, l'article 21 en page 8 de ce contrat du 12 décembre 2008 avec effet au 1er janvier 2009, stipule que le renouvellement de bail est consenti et accepté moyennant un loyer annuel de hors-taxes et hors charges de 30.400,20 € que le preneur s'oblige à payer au bailleur en 12 termes égaux par mois et à l'avance ce qui représente 2.533,35 € ; que cet article prévoit aussi une provision sur charges de 30 € par mois, soit un loyer de 2.563,35 € ; que dans le commandement de payer, il apparaît que M. André X... a appliqué une TVA de 19,6 % sur cette somme de 2.563,35 €, soit un loyer mensuel TTC de 3.065,76 € ; qu'il est effectivement discutable que la TVA ait à s'appliquer sur la provision sur charges ; que toutefois, une erreur dans le montant réclamé n'est pas à lu seul suffisant pour entraîner la nullité du commandement de payer ; que la SARL Y... n'ayant payé aucune somme, et donc n'ayant pas payé la somme qu'elle estime devoir au titre de sa dette locative, ce moyen est dénué de toute portée ; que la SARL Y... et Me Simon Z... ès qualités soutiennent aussi de façon incongrue que la mention « En vertu d'un renouvellement de bail commercial ayant pris effet le 1er janvier 2009 » qui n'indiquerait pas la date exacte du bail, soit le 12 décembre 2008, serait de nature aussi à entraîner la nullité de celui-ci ; que cependant les précisions données, c'est-à-dire que le bail commercial dont s'agit a pris effet le 1er janvier 2009 portant sur un local sis 1 avenue Aristide Briand et avenue de Belgique 83400 Hyères au rez-de-chaussée et après division les lots portant les numéros 22 pour 85 m² et 43 pour 62 m², et au sous-sol après division les lots portant les numéros 13, 14, 16, 17, 18, 20 et 40, ne permet pas un quelconque doute sur le contrat dont s'agit ; que la SARL Y... et Me Simon Z... ès qualités seront déboutés de leur demande de nullité du commandement de payer qui leur a été délivré respectivement les 3 et 6 janvier 2014 ; que la SARL Y... et Me Simon Z... ès qualités qui sollicitent la suspension du paiement des loyers avec effet rétroactif au 11 mars 2013, reconnaissent de fait ne pas avoir réglé les causes du commandement de payer dans le délai d'un mois ; que la clause résolutoire contenue au contrat de bail a donc été acquise au 6 février 2013 et il sera constaté la résiliation du bail à cette date ; qu'en conséquence, il sera ordonné l'expulsion de la SARL Y... des lieux loués ; qu'en ce qui concerne la provision, l'article 22 de ce contrat prévoyait une indexation tous les trois ans soit au 1er janvier 2012 et au 1er janvier 2015, que M. André X... n'a pas appliquée dans le commandement de payer, mais qu'il sollicite en appel, soit 2.583,60 € hors taxes augmentés de 30 € de provisions sur charges ; que la dette locative de la SARL Y... d'avril 2013 à décembre 2013 s'élevait donc à la somme de 28.079,82 € (2.583,60 € + TVA à 19,60 % + 30 € x 9) ; que conformément à la demande de M. André X..., la SARL Y... sera condamnée à lui payer une provision de 27.845,05 € TTC arrêtée au 10 décembre 2013, avec intérêts au taux légal à compter du commandement du 6 janvier 2014 ; qu'enfin, l'indemnité mensuelle sera fixée au montant du loyer dû en décembre 2013, soit à la somme de 2.583,60 € hors taxes et hors charges » (arrêt p.6 à 8) ;
ALORS 1°) QUE les factures des travaux réalisés par la société Y... étaient annexées au rapport d'expertise judiciaire sous les numéros 316 à 323 ; que l'arrêt attaqué a affirmé que ces factures n'avaient pas été communiquées d'après l'expert judiciaire et qu'elles n'étaient pas produites, pour ensuite déduire du montant des travaux réalisés par la société Y... que celle-ci était l'auteur des travaux de restructuration du sous-sol causes de l'humidité, puis considérer que cette analyse était corroborée par les attestations de madame A... et de monsieur B..., et retenir sur ces bases l'existence d'une contestation sérieuse s'opposant à la demande de suspension du paiement des loyer formée par les exposants ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise et violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS 2°) QUE les juges du fond ont faussement retenu que les factures des travaux réalisés par la société Y... n'étaient pas produites, que le montant de ces travaux permettait de retenir que la société Y... était l'auteur des travaux de restructuration du sous-sol causes de l'humidité, et que ce point était corroboré par les attestations de madame A... et de monsieur B... ; qu'en n'examinant pas, ce faisant, les factures annexées au rapport d'expertise judiciaire sous les numéros 316 à 323 et qui étaient de nature à démontrer que les travaux payés par la société Y... ne portaient pas sur la restructuration du sous-sol, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS 3°) QUE la cassation du chef de l'arrêt attaqué rejetant la demande de suspension du paiement des loyers entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs constatant l'acquisition de la clause résolutoire, ordonnant l'expulsion de la société Y..., fixant l'indemnité mensuelle d'occupation et condamnant la société Y... à payer cette provision jusqu'à libération des lieux ainsi que 27 845,05 € outre les intérêts au taux légal à titre de provision sur les arriérés locatifs, lesquels chefs sont fondés sur le prétendu défaut de paiement des loyers.