LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... engagé le 21 février 2006 en qualité de conducteur poids lourds par la société Axe froid, a été licencié pour faute grave le 18 mars 2011 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen :
Vu le principe selon lequel la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde ;
Attendu que pour condamner le salarié à payer à la société Axe froid une somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'en exposant délibérément l'employeur aux conséquences gravissimes de la conduite d'un véhicule poids lourd de l'entreprise par un conducteur dépourvu de permis valable, ce salarié a exécuté de façon déloyale le contrat de travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle décidait, par un chef de dispositif que le rejet du premier moyen rend définitif, que le licenciement du salarié était fondé sur une faute grave, la cour d'appel, qui n'a pas retenu l'existence de faits, distincts de ceux visés par la lettre de licenciement, susceptibles de caractériser une faute lourde, a violé le principe susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à payer à la société Axe froid, la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt rendu le 3 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
Déboute la société Axe froid de sa demande à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Condamne la société Axe froid aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Me Ricard la somme de 3 000 euros, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir l'indemnité prévue par l'Etat ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. X... repose sur une faute grave, et de l'avoir débouté de l'ensemble de ses prétentions ;
AUX MOTIFS QUE :
sur la rupture du contrat de travail, que la lettre de licenciement du 18 mars 2011 fixe les limites du litige ;
Attendu que dans cette missive l'employeur reproche au salarié d'avoir conduit un véhicule de l'entreprise entre le 1er février et le 1er mars 2011 alors que son permis de conduire n'était plus valide faute de renouvellement du certificat médical d'aptitude venu à expiration le 24 janvier 2011, faits constatés le 02 mars 2011 à l'occasion de la remise par Mohammed X... d'un certificat médical régularisé ;
Attendu que la matérialité des faits n'est aucunement contestée par l'intimé qui se borne à soutenir qu'il appartenait à l'employeur de veiller à la régularité du permis de conduire de son salarié et à prendre toutes dispositions utiles pour le soumettre en temps utile à la visite médicale permettant de vérifier son aptitude à la conduite des véhicules poids lourds;
Attendu qu'il est constant que Mohammed X... a sciemment conduit les véhicules de l'entreprise alors qu'il savait que son permis de conduire n'était plus valable depuis le 24 janvier 2011 faute par lui de s'être soumis à la visite médicale indispensable à sa prorogation
que l'initiative de faire réaliser en temps utile la visite médicale nécessaire à la prorogation du permis de conduire poids lourds incombait exclusivement au titulaire du permis litigieux en application des articles R 221-11 du Code de la Route et 3 de l'arrêté ministériel du 08 février 1999, ni l'employeur ni l'administration n'ayant à se substituer à lui;
que l'employeur a rempli ses obligations en demandant aux conducteurs de lui présenter leur permis de conduire à chaque remise d'un bulletin de paie, l'intimé s'étant soustrait à cette vérification en s'abstenant de satisfaire à cette exigence lors de la remise du dernier bulletin de salaire, raison pour laquelle l'employeur a exigé par écrit la présentation de ce document administratif les 1er et 24 février 2011, ce qui a incité le salarié à prendre les dispositions nécessaires pour la régularisation de sa situation administrative ;
Attendu que la lettre de licenciement relève à juste titre que la carence du salarié dans l'une de ses obligations essentielles d'ailleurs rappelée par l'article 12 alinéa 2 du contrat de travail du 21 février 2006 a fait encourir à l'entreprise des risques considérables en raison de la violation des règlements en matière de circulation et d'assurance qu'elle comportait et l'exposant à des poursuites pénales ainsi qu'à l'immobilisation des véhicules conduits par le salarié et de leur chargement ;
Attendu que les agissements ainsi établis à l'encontre du salarié ont rendu impossible la poursuite du contrat de travail ;
Attendu en conséquence qu'il échet d'infirmer la décision querellée, de dire que le licenciement pour faute grave est pleinement justifié et de débouter Mohammed X... de l'ensemble de ses prétentions ;
ALORS QUE l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise et doit en assurer l'effectivité ; que l'initiative qui pèse sur le salarié de faire en temps utile la demande de visite médicale nécessaire à la prorogation du permis de conduire n'ôte pas à l'employeur, qui détient la copie des permis de conduire et des visites médicales de ses salariés, l'obligation de s'assurer que ceux-ci sont en état de conduire ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que l'employeur a laissé le salarié prendre la route en dépit de la non présentation de son permis de conduire lors de la remise du bulletin de paie ; qu'en décidant que l'employeur avait satisfait à « ses obligations » et donc à son obligation de sécurité en se bornant à demander au salarié de lui présenter son permis de conduire à la remise de chaque bulletin de paie sans tirer aucune conséquence de la non présentation du permis de conduire, la cour d'appel a violé l'article L.4121-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné M. X... à payer à la société Axe froid la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
AUX MOTIFS QU'en exposant délibérément l'employeur aux conséquences gravissimes de la conduite d'un véhicule poids lourd de l'entreprise par un conducteur dépourvu d'un permis de conduire valable, Mohammed X... a exécuté de façon déloyale le contrat de travail; que ce faisant il a causé à la société appelante un préjudice qui sera réparé par l'allocation de la somme de 2 500 € à titre de dommages et intérêts ;
ALORS QUE la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde qui s'entend de l'intention de nuire et doit résulter d'actes malveillants commis au préjudice de l'employeur ; que pour condamner le salarié au paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt retient que ce dernier a exposé « délibérément l'employeur aux conséquences gravissimes de la conduite d'un véhicule poids lourd de l'entreprise par un conducteur dépourvu de permis de conduire valable » ; qu'en statuant ainsi, sans constater l'intention du salarié de nuire à l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 1222-1 du code du travail, ensemble le principe selon lequel la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde.