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18/01/2017 | FRANCE | N°15-26105

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 janvier 2017, 15-26105


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 septembre 2015), qu'assignée devant la juridiction française par la société Riviera Motors, la société Aston Martin Lagonda Limited a soulevé une exception d'incompétence fondée sur la clause attributive de juridiction aux tribunaux anglais contenue dans le contrat de concession signé entre elles ;

Attendu que la société Riviera Motors fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction judiciaire française incompéte

nte, alors, selon le moyen :

1°/ que si les articles 18, 20 et 26 du contrat du 30 s...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 septembre 2015), qu'assignée devant la juridiction française par la société Riviera Motors, la société Aston Martin Lagonda Limited a soulevé une exception d'incompétence fondée sur la clause attributive de juridiction aux tribunaux anglais contenue dans le contrat de concession signé entre elles ;

Attendu que la société Riviera Motors fait grief à l'arrêt de déclarer la juridiction judiciaire française incompétente, alors, selon le moyen :

1°/ que si les articles 18, 20 et 26 du contrat du 30 septembre 2003 organisaient, en cas de différend relatif à l'exécution des obligations contractuelles, une procédure de règlement optionnel permettant aux parties de recourir à un tiers expert ou d'intenter une action judiciaire dans les conditions prévues par l'article 26, lequel soumettait le contrat au droit anglais et à la « compétence exclusives des juridictions anglaises », il était expressément prévu, par l'annexe 5 D, alinéa 2, que « en cas de différends relatifs à la résiliation, chaque partie peut recourir aux juridictions étatiques compétentes en vertu de la législation nationale, quand bien même l'expert aurait été saisi et rendu une décision » ; qu'en retenant que cette disposition se serait bornée « à renvoyer à la compétence de la juridiction étatique compétente - laquelle se définit, par référence à l'article 26, comme la juridiction anglaise », et qu'elle ne dérogeait « donc en rien à la clause attributive de l'article 26 », sans faire aucune référence à la locution « en vertu de la législation nationale », laquelle signifiait nécessairement que la juridiction étatique compétente au sens de l'annexe 5 D était le tribunal interne compétent selon le droit interne, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, et a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'en déclarant la clause attributive de compétence prévue par l'article 26 du contrat applicable à la rupture brutale de la relation établie entre les parties, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette clause, qui liait indissociablement la compétence du juge anglais et l'application du droit anglais et désignait ainsi un ordre juridique globalement compétent, n'aboutissait pas à faire échec aux dispositions impératives de l'article L. 442-6-I, 5°, qui relèvent de l'ordre public économique, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de ces dispositions ;

3°/ qu'à défaut de viser les différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d'une infraction au droit de la concurrence, la clause attributive de compétence internationale figurant dans un contrat de distribution n'est pas applicable à une action en responsabilité délictuelle fondée sur la rupture brutale d'une relation commerciale établie ; qu'en déclarant applicable, en l'espèce, la clause attributive de compétence prévue par l'article 26 du contrat, aux motifs que « le rapport de droit en cause » ne se limitait « aux obligations contractuelles », mais qu'il devait « s'entendre des litiges découlant de la relation contractuelle », là où cette clause ne comportait aucune référence aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d'une infraction au droit de la concurrence, la cour d'appel a violé l'article 23 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le rapport de droit en cause ne se limitait pas aux obligations contractuelles, la référence de l'article 26 au "présent contrat" ne concernant que le droit applicable, et devait s'entendre des litiges découlant de la relation contractuelle, la cour d'appel, hors toute dénaturation, en a souverainement déduit, des dispositions impératives constitutives de lois de police fussent-elles applicables au fond du litige, que la clause attributive de compétence s'appliquait à la rupture brutale du contrat ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Riviera Motors aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Aston Martin Lagonda Limited la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Riviera Motors

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la juridiction judiciaire française incompétente pour connaître du litige et d'avoir renvoyé la SA Riviera Motors à mieux se pourvoir ;

Aux motifs que « que le contrat de concession conclu les 30 septembre et 2 octobre 2003 entre les sociétés Aston Martin Lagonda Limited et Riviera Motors prévoit, en son article 18 (7) : « Tout désaccord relatif à la résiliation sera porté devant un tiers expert conformément à la procédure mentionnée à l'article 20 (« Résolution des Différends ») ; en son article 20 « Résolution des Différends » : (1) « Les parties au présent contrat sont habilitées à porter les différends relatifs à l'exécution de leurs obligations contractuelles au titre du présent Contrat devant un expert tiers indépendant aux fins de résolution, comme précisé au paragraphe 1 de la Pièce jointe 5 D. (2) La référence aux obligations contractuelles figurant à l'article 20(1) ci-dessus comprend notamment ce qui suit : (a) les obligations en matière de fourniture ; (b) la fixation ou l'atteinte des objectifs de vente ; (c) la mise en oeuvre des exigences relatives au stock; (d) la mise en oeuvre d'une obligation de fournir ou d'utiliser les véhicules de démonstration; (e) les conditions relatives aux ventes de marques différentes; (f) la question de savoir si la résiliation du présent Contrat est justifiée par les raisons évoquées dans l'avis; (g) le versement de dommages et intérêts au titre de l'article 18, paragraphe (11); (h) la validité et le respect des Normes Fondamentales applicables aux Concessionnaires ». (3) la procédure de résolution des différends mentionnée à l'article 20(1) ne saurait porter préjudice au droit de l'une des parties d'intenter une action judiciaire conformément à l'article 26, en cas de différend »; en son article 26 « Loi applicable /Juridiction » : « Le présent Contrat est soumis à la loi anglaise et les parties se soumettent de façon irrévocable à la compétence exclusive des juridictions anglaises » ; que l'article 26 du contrat prévoit, en termes généraux : - « les parties se soumettent de façon irrévocable à la compétence exclusive des juridictions anglaises » - la compétence exclusive de la juridiction anglaise ; que cet article ne limite pas cette compétence aux litiges de nature contractuelle ; que, si l'annexe 5 D, alinéa 2, invoquée par Riviera, stipule qu' « en cas de différends relatifs à la résiliation, chaque partie peut recourir aux juridictions étatiques compétentes en vertu de la législation nationale, quand bien même l'expert aurait été saisi et rendu une décision. » - traduction de « compétent national court » proposée par Aston Martin (pièce n° 27 communiquée par Aston Martin) et non contestée par Riviera - cette disposition se borne à renvoyer à la compétence de la juridiction étatique compétente - laquelle se définit, par référence à l'article 26, comme la juridiction anglaise - et ne déroge donc en rien à la clause attributive de l'article 26 qui ne souffre d'aucune exception ; que par ailleurs, cette clause n'est pas en contradiction avec l'article 23, alinéa 1er du Règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I) - qui dispose que « si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat membre, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat membre sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties » ; que le rapport de droit en cause ne se limite pas en effet aux obligations contractuelles - la référence de l'article 26 au « présent contrat » ne concernant que le droit applicable - mais doit s'entendre des litiges découlant de la relation contractuelle; que la clause attributive de compétence s'appliquant, dans ces conditions, à la rupture brutale de la relation établie entre les parties, la Cour infirmera le jugement entrepris, dira la juridiction judiciaire française incompétente pour connaître du présent litige et renverra Riviera à mieux se pourvoir; que, par suite de cette incompétence, la Cour n'a pas pouvoir d'ordonner à Riviera de restituer à Aston Martin les sommes reçues à titre provisoire en exécution du jugement du tribunal de commerce du 3 décembre 2013 ; qu'Aston Martin sera déboutée de sa demande de ce chef » ;

Alors, d'une part, que si les articles 18, 20 et 26 du contrat du 30 septembre 2003 organisaient, en cas de différend relatif à l'exécution des obligations contractuelles, une procédure de règlement optionnel permettant aux parties de recourir à un tiers expert ou d'intenter une action judiciaire dans les conditions prévues par l'article 26, lequel soumettait le contrat au droit anglais et à la « compétence exclusives des juridictions anglaises », il était expressément prévu, par l'annexe 5 D, alinéa 2, que : « en cas de différends relatifs à la résiliation, chaque partie peut recourir aux juridictions étatiques compétentes en vertu de la législation nationale, quand bien même l'expert aurait été saisi et rendu une décision » ; qu'en retenant que cette disposition se serait bornée « à renvoyer à la compétence de la juridiction étatique compétente - laquelle se définit, par référence à l'article 26, comme la juridiction anglaise », et qu'elle ne dérogeait « donc en rien à la clause attributive de l'article 26 », sans faire aucune référence à la locution « en vertu de la législation nationale », laquelle signifiait nécessairement que la juridiction étatique compétente au sens de l'annexe 5 D était le tribunal interne compétent selon le droit interne, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, et a violé l'article 1134 du code civil ;

Alors, d'autre part, et en toute hypothèse, qu'en déclarant la clause attributive de compétence prévue par l'article 26 du contrat applicable à la rupture brutale de la relation établie entre les parties, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette clause, qui liait indissociablement la compétence du juge anglais et l'application du droit anglais et désignait ainsi un ordre juridique globalement compétent, n'aboutissait pas à faire échec aux dispositions impératives de l'article L 442-6-I 5°), qui relèvent de l'ordre public économique, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de ces dispositions ;

Alors, enfin, et en tout état de cause, qu'à défaut de viser les différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d'une infraction au droit de la concurrence, la clause attributive de compétence internationale figurant dans un contrat de distribution n'est pas applicable à une action en responsabilité délictuelle fondée sur la rupture brutale d'une relation commerciale établie; qu'en déclarant applicable, en l'espèce, la clause attributive de compétence prévue par l'article 26 du contrat, aux motifs que « le rapport de droit en cause » ne se limitait « aux obligations contractuelles », mais qu'il devait « s'entendre des litiges découlant de la relation contractuelle », là où cette clause ne comportait aucune référence aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d'une infraction au droit de la concurrence, la cour d'appel a violé l'article 23 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-26105
Date de la décision : 18/01/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Clause attributive de juridiction - Domaine d'application - Détermination - Cas - Rupture brutale d'une relation commerciale établie

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Clause attributive de juridiction - Règles de conflit de juridictions - Application exclusive - Litige relevant de lois de police du for - Absence d'influence

C'est souverainement qu'ayant relevé qu'une clause attribuant compétence à un for étranger s'étendait à tous les litiges nés de la relation contractuelle, une cour d'appel en déduit que cette clause s'applique à la rupture brutale du contrat, quand bien même des dispositions impératives constitutives de lois de police seraient applicables au fond du litige


Références :

article 23 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000

article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce

article 1134 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 septembre 2015

Sur l'application d'une clause d'arbitrage à la rupture brutale de relations commerciales établies, à rapprocher :1re Civ., 21 octobre 2015, pourvoi n° 14-25080, Bull. 2015, I, n° 248 (rejet).Sur l'absence d'influence des lois de police applicables au fond du litige pour déterminer la juridiction compétente, à rapprocher :Com., 24 novembre 2015, pourvoi n° 14-14924, Bull. 2015, IV, n° 161 (cassation), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 18 jan. 2017, pourvoi n°15-26105, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Bernard de La Gatinais (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Hascher
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.26105
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