LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 30 septembre 2015), que Mme X..., désignée par jugement du 29 avril 2010, en qualité de tutrice à la personne d'Hélène Y..., décédée le 18 octobre 2013, a été déchargée de ses fonctions le 6 février 2013, au profit de Mme Z... ; qu'une ordonnance du 24 octobre 2013 a condamné cette dernière, fille de la majeure protégée, à payer à Mme X... une certaine somme au titre de sa rémunération, en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, pour la période du 20 mai au 31 décembre 2010 et pour les années 2011 et 2012 ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de fixation de ses émoluments, alors, selon le moyen, que la rémunération des mandataires judiciaires à la protection des majeurs est déterminée de manière forfaitaire et calculée sur la base d'un barème fixé par arrêté ; qu'aucun texte n'autorise le juge à en diminuer le montant ; qu'en l'espèce, en retenant que Mme X... ne pouvait prétendre à ses émoluments pour l'exercice de sa mission de mandataire à la personne d'Hélène Y... durant les années 2010, 2011 et 2012, faute d'avoir pu justifier des diligences qu'elle avait accomplies dans le cadre de sa mission, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi, en violation de l'article 419 du code civil, ensemble les articles L. 471-5, R. 472-8 et R. 471-5-2 du code de l'action sociale et des familles ;
Mais attendu que si la rémunération des mandataires judiciaires à la protection des majeurs est déterminée de manière forfaitaire et calculée sur la base d'un barème fixé par arrêté, l'absence de toute diligence fait obstacle à cette rémunération ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé que Mme X... n'avait pas exercé la mission qui lui avait été confiée, en a exactement déduit que la demande de fixation de sa rémunération devait être rejetée ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme Z... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Mme Françoise X... de sa demande de fixation de ses émoluments au titre de sa mission de tuteur à la personne d'Hélène Y... pour les années 2010, 2011 et 2012 ;
Aux motifs que, « Il résulte des dispositions de l'article 419 du Code civil pris en ses deuxième et troisième alinéas que, contrairement aux mandataires non professionnels que sont les membres de la famille ou les proches de la personne protégée, dont la fonction ne donne pas lieu à rémunération, « si la mesure de protection est exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, son financement est à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources et selon des modalités prévues par le code de l'action sociale et des familles. Lorsque le financement de la mesure ne peut être intégralement assuré par la personne protégée, il est pris en charge par la collectivité publique, selon des modalités de calcul communes à tous les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et tenant compte des conditions de mise en oeuvre de la mesure, quelles que soient les sources de financement. Ces modalités sont fixées par décret ». L'article L 461-4 du code de l'action sociale et des familles définit les conditions de rémunération des mandataires judiciaires à la protection des majeurs en prévoyant d'une part une rémunération « de base » et, d'autre part, le cas échéant, une indemnité complémentaire pouvant intervenir à titre exceptionnel sur décision du juge des tutelles.
L'ensemble des décrets et arrêtés relatifs au financement des mesures de protection exercées par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs a été codifié dans les articles L 361-1, L 472-3, R 472-5 et suivants du code de l'action sociale et des familles. L'article R 472-8 de ce code, issu du décret n° 2011-936 du 1er août 2011, dispose en son I. que la rémunération du mandataire judiciaire à la protection des majeurs est déterminée par un arrêté des ministres chargés de la famille, de la justice et du budget, en fonction d'indicateurs prenant en particulier en compte la nature des missions et la période des missions. La rubrique 1° e) de ce texte intègre expressément les missions qui porteraient uniquement sur la protection de la personne ou sur celle du patrimoine. L'arrêté du 6 janvier 2012, publié au Journal Officiel du 21 janvier 2012, dispose quant à lui que la rémunération est constituée d'un tarif mensuel qui doit être calculé selon une formule précise qu'elle indique lorsque la mission du mandataire ne porte que sur l'une des missions mentionnées au e) du 1° du I de l'article R 472-8.
En conséquence, et en l'espèce, Mme Martine Z... n'est pas fondée à contester le principe d'une rémunération de Mme Françoise X... au titre de sa mission de tuteur à la personne de sa mère entre la décision la désignant et celle la déchargeant. Toutefois, pour pouvoir prétendre à une rémunération, la mandataire judiciaire doit pouvoir justifier des diligences qu'elle a accomplies dans le cadre de sa mission, le jugement la désignant ayant précisé dans son dispositif qu'un compte-rendu devait être transmis chaque année au juge des tutelles, conformément aux dispositions de l'article 463 du Code civil. Or, force est de constater qu'aucun de ces comptes-rendus n'est versé aux débats ni aucune autre pièce de nature à justifier de l'exécution de son mandat alors que l'arrêt en date du 6 février 2013 la déchargeant de sa mission de tuteur à la personne avait clairement mentionné : « Mme Françoise X... a reconnu qu'elle n'avait pu mener à bien sa mission en l'état notamment de la dégradation de l'état de santé de la personne protégée ».
Dans ces conditions et au vu de l'ensemble de ces éléments d'appréciation, il y a lieu d'infirmer la décision déférée et de débouter Mme Françoise X... de sa demande de fixation de sa rémunération au titre de sa mission de tuteur à la personne de Mme Hélène Y... pour les années 2010, 2011 et 2012, étant de surcroît observé que sa base de calcul ne correspondait pas aux prescriptions susvisées et à la formule de calcul. Succombant au principal, elle doit également être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier résultant de la résistance abusive de Mme Martine Z... et être condamnée aux dépens de l'appel. Il n'y a pas lieu, dans ces conditions, à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile » ;
Alors que, la rémunération des mandataires judiciaires à la protection des majeurs est déterminée de manière forfaitaire et calculée sur la base d'un barème fixé par arrêté ; qu'aucun texte n'autorise le juge à en diminuer le montant ; qu'en l'espèce, en retenant que Mme X... ne pouvait prétendre à ses émoluments pour l'exercice de sa mission de mandataire à la personne d'Hélène Y... durant les années 2010, 2011 et 2012, faute d'avoir pu justifier des diligences qu'elle avait accomplies dans le cadre de sa mission, la Cour d'appel a ajouté une condition à la loi, en violation de l'article 419 du code civil, ensemble les articles L. 471-5, R. 472-8 et R. 471-5-2 du code de l'action sociale et des familles.