LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 3 septembre 2015), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 14 novembre 2013, pourvoi n° 12-23.208) que, sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la caisse de Crédit mutuel Mulhouse Europe (la banque) à l'encontre de la société Morgane (la société) sur le fondement d'un acte de prêt notarié, un jugement d'orientation, confirmé par un arrêt du 30 mars 2012, a ordonné la vente forcée ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué, tenant l'évolution du litige, de dire sans objet l'appel du jugement d'orientation du 24 novembre 2011 et de se dire incompétent pour connaître de ses demandes reconventionnelles, alors, selon le moyen :
1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'au soutien de l'appel interjeté à l'encontre du jugement d'orientation rendu le 24 novembre 2011 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse, la société demandait à la cour d'appel de dire et juger sur le fondement des dispositions des articles 1134 et 1243 du code civil que l'acte de prêt en date du 22 octobre 1998 est atteint d'une nullité d'ordre public dans la mesure où il a été conclu dans une monnaie étrangère, de constater que la société s'était acquittée d'une somme de 1 370.874,22 CHF, soit 1 102.151,78 euros et qu'eu égard à la nullité du contrat de prêt, elle était créancière à l'égard de la caisse de Crédit mutuel Mulhouse Europe de la somme totale de 915 381,16 euros dont celle-ci devait paiement outre les intérêts de retard à compter du 21 janvier 2011 ; que la vente amiable de l'immeuble saisi intervenue les 25 et 27 octobre 2012 ne pouvait inférer en rien sur l'objet de ces prétentions ; qu'en énonçant qu'à la suite de la vente de gré à gré de l'immeuble et de la renonciation du créancier à poursuivre la saisie-immobilière, l'appel du jugement d'orientation est, compte tenu de l'évolution du litige, devenu sans objet, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en toute hypothèse, l'intérêt d'une partie à interjeter appel doit être apprécié au jour de l'appel et ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendu sans objet ; qu'en retenant que la vente de gré à gré de l'immeuble saisi, intervenue les 25 et 27 octobre 2012, soit postérieurement à la date de l'appel interjeté à l'encontre du jugement d'orientation rendu le 24 novembre 2011 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse, avait rendu sans objet cet appel compte tenu de l'évolution du litige, la cour d'appel a violé les articles 31 et 546 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'il connaît sous la même réserve, dans la procédure de saisie-immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle ; que dès lors que le juge de l'exécution est régulièrement saisi par le créancier poursuivant d'une demande en validation de la procédure de saisie immobilière engagée à l'encontre du débiteur, il demeure compétent pour statuer sur l'ensemble des demandes reconventionnelles présentées par celui-ci conformément aux dispositions de l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution quand bien même l'immeuble saisi fait ensuite l'objet d'une vente de gré à gré intervenue avec l'accord du créancier poursuivant ; qu'en énonçant qu'en l'absence de toute procédure d'exécution forcée, le juge de l'exécution n'a pas compétence pour statuer sur les demandes tendant au prononcé de la nullité du contrat de prêt, à la mise en oeuvre de la responsabilité de la banque et à la condamnation de celle-ci au paiement de diverses sommes à titre de remboursement et d'indemnisation de l'emprunteur, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et a violé l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution ;
Mais attendu que le juge de l'exécution ne peut être saisi de difficultés relatives à un titre exécutoire qu'à l'occasion des contestations portant sur les mesures d'exécution forcée engagées ou opérées sur le fondement de ce titre ; qu'ayant retenu, après avoir constaté que la société avait vendu par acte authentique des 25 et 27 octobre 2012 l'immeuble objet de la saisie, l'acte précisant que la banque autorisait la vente et renonçait au bénéfice du commandement et plus généralement de la procédure de saisie, qu'en l'absence de toute procédure d'exécution forcée, le juge de l'exécution n'était pas compétent pour statuer sur les demandes tendant au prononcé de la nullité du contrat de prêt, à la mise en œuvre de la responsabilité de la banque et à la condamnation de celle-ci au paiement de diverses sommes à titre de remboursement et d'indemnisation de l'emprunteur, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, abstraction faite de ceux, surabondants, critiqués par les première et deuxième branches du moyen, exactement décidé qu'elle était incompétent pour connaître des demandes reconventionnelles de la société ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Morgane aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Morgane, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la caisse de Crédit mutuel Mulhouse Europe ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille dix sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte et Briard, avocat aux Conseils, pour la société Morgane.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, tenant l'évolution du litige, d'avoir dit sans objet l'appel du jugement d'orientation du 24 novembre 2011 et de s'être dit incompétent pour connaître des demandes reconventionnelles de la SCI Morgane,
Aux motifs que la cour est saisie de l'appel d'un jugement d'orientation intervenu dans le cadre de la saisie-immobilière pratiquée par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL MULHOUSE EUROPE, à l'encontre de la S.C.I. MORGANE, suivant commandement délivré le 30 mars 2010, délivré en vertu d'un acte authentique de prêt en date du 22 octobre 1998 ; qu'aux termes des dispositions de l'article R.322-15 du code des procédures civiles d'exécution, à l'audience d'orientation, le juge de l'exécution vérifie que les conditions des articles L 311-2, L 311-4 et L 311-6 sont réunies, statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée ; qu'il s'ensuit, que le juge de l'exécution statue par jugement d'orientation, sur les demandes afférentes à la procédure de saisie-immobilière ; que l'article L 213-6 du Code de l'organisation judiciaire dispose, par ailleurs, que "le juge de l'exécution connaît de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit. Le juge de l'exécution connaît sous la même réserve de la procédure de saisie-immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y s'apportant directement…" ; que suivant acte authentique des 25 et 27 octobre 2012, la S.C.I. MORGANE a vendu, de gré à gré, l'immeuble objet de la saisie-immobilière, moyennant le prix de 2.050.000 € ; qu'il est précisé dans l'acte, que le vendeur donne son accord pour que le notaire rédacteur de l'acte, adresse au CREDIT MUTUEL, par prélèvement sur le prix de vente, la somme de 893.394,42 €, montant actualisé de sa créance, le CREDIT MUTUEL autorisant pour sa part, la vente et renonçant au bénéfice du commandement et plus généralement, de la procédure de saisie ; qu'à la suite de la vente de gré à gré de l'immeuble et de la renonciation du créancier à poursuivre la saisie-immobilière, l'appel du jugement d'orientation est, compte-tenu de l'évolution du litige, devenu sans objet ; que de plus, en l'absence de toute procédure d'exécution forcée, le juge de l'exécution n'a pas compétence pour statuer sur les demandes tendant au prononcé de la nullité du contrat de prêt, à la mise en oeuvre de la responsabilité de la banque et à la condamnation de celle-ci au paiement de diverses sommes à titre de remboursement et d'indemnisation de l'emprunteur dont les demandes de ce chef, doivent être rejetées,
Alors, en premier lieu, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'au soutien de l'appel interjeté à l'encontre du jugement d'orientation rendu le 24 novembre 2011 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse, la SCI Morgane demandait à la cour d'appel de dire et juger sur le fondement des dispositions des articles 1134 et 1243 du code civil que l'acte de prêt en date du 22 octobre 1998 est atteint d'une nullité d'ordre public dans la mesure où il a été conclu dans une monnaie étrangère, de constater que la SCI Morgane s'était acquittée d'une somme de 1.370.874,22 CHF, soit 1.102.151,78 euros et qu'eu égard à la nullité du contrat de prêt, elle était créancière à l'égard de la Caisse de Crédit Mutuel Mulhouse Europe de la somme totale de 915.381,16 euros dont celle-ci devait paiement outre les intérêts de retard à compter du 21 janvier 2011 ; que la vente amiable de l'immeuble saisi intervenue les 25 et 27 octobre 2012 ne pouvait inférer en rien sur l'objet de ces prétentions ; qu'en énonçant qu'à la suite de la vente de gré à gré de l'immeuble et de la renonciation du créancier à poursuivre la saisie-immobilière, l'appel du jugement d'orientation est, compte tenu de l'évolution du litige, devenu sans objet, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile,
Alors, en deuxième lieu, qu'en toute hypothèse, l'intérêt d'une partie à interjeter appel doit être apprécié au jour de l'appel et ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendu sans objet ; qu'en retenant que la vente de gré à gré de l'immeuble saisi, intervenue les 25 et 27 octobre 2012, soit postérieurement à la date de l'appel interjeté à l'encontre du jugement d'orientation rendu le 24 novembre 2011 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse, avait rendu sans objet cet appel compte tenu de l'évolution du litige, la cour d'appel a violé les articles 31 et 546 du code de procédure civile,
Alors, en troisième lieu, que le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'il connaît sous la même réserve, dans la procédure de saisie-immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle ; que dès lors que le juge de l'exécution est régulièrement saisi par le créancier poursuivant d'une demande en validation de la procédure de saisie-immobilière engagée à l'encontre du débiteur, il demeure compétent pour statuer sur l'ensemble des demandes reconventionnelles présentées par celui-ci conformément aux dispositions de l'article R.322-15 du code des procédures civiles d'exécution quand bien même l'immeuble saisi fait ensuite l'objet d'une vente de gré à gré intervenue avec l'accord du créancier poursuivant; qu'en énonçant qu'en l'absence de toute procédure d'exécution forcée, le juge de l'exécution n'a pas compétence pour statuer sur les demandes tendant au prononcé de la nullité du contrat de prêt, à la mise en oeuvre de la responsabilité de la banque et à la condamnation de celle-ci au paiement de diverses sommes à titre de remboursement et d'indemnisation de l'emprunteur, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et a violé l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article R.322-15 du code des procédures civiles d'exécution.