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04/01/2017 | FRANCE | N°16-82888

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 janvier 2017, 16-82888


Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Paul X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BASTIA, chambre correctionnelle, en date du 6 avril 2016, qui, pour violences volontaires et menaces de mort, l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis et 2 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 novembre 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Ingall-Montagnier, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme Dreifuss-Netter, M. Fossier, Mmes Schneider, Farrenq-Nési, MM. Bellenger, La

vielle, conseillers de la chambre, Mmes Harel-Dutirou, Guého, conseille...

Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Paul X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BASTIA, chambre correctionnelle, en date du 6 avril 2016, qui, pour violences volontaires et menaces de mort, l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis et 2 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 novembre 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Ingall-Montagnier, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme Dreifuss-Netter, M. Fossier, Mmes Schneider, Farrenq-Nési, MM. Bellenger, Lavielle, conseillers de la chambre, Mmes Harel-Dutirou, Guého, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Liberge ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller INGALL-MONTAGNIER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBERGE ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur la recevabilité du pourvoi formé le 12 avril 2016 :
Attendu que le demandeur, ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait le 8 avril 2016, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision ; que seul est recevable le pourvoi formé le 8 avril 2016 ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 222-17, 222-44, 222-45 du code pénal, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation des articles 5, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 34 de la Constitution, 434-15 du code pénal, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de menaces de mort à l'encontre de MM. Y...et Z... et en répression l'a condamné à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis ;
" aux motifs qu'il résulte des déclarations de M. Y..., faites aux enquêteurs immédiatement après les faits qu'il a été menacé de mort par M. X... ; que, lors de son audition le lendemain des faits, il a déclaré que le prévenu l'avait menacé de mort ainsi que ses chiens, dans les termes suivants ; d'abord, en lui disant : « je reviens demain matin, si les chiens ne sont pas dans leur niche à l'extérieur, je vais vous fumer » ; puis, à nouveau : « je vais te tuer » ; que M. Z... a confirmé les menaces de mort proférées à l'encontre de son ami et à son encontre ; il a déclaré que M. X... l'avait pris à la gorge en disant : « je vais vous fumer tous les deux » ; qu'il a maintenu ses déclarations dans une nouvelle audition le 21 mai 2014, en disant que ces menaces de mort avaient été d'abord proféré envers les chiens puis ensuite répétées à plusieurs reprises, à leur encontre ; que Mme Ilaria A..., épouse Y..., a également déclaré que M. X... avait menacé son époux en disant : « si tes chiens ne dorment pas dans les niches extérieures, je vais prendre le fusil et je vais tirer une balle à toi et à tes chiens » ; qu'elle n'a pas fait part de nouvelles menaces car, comme elle l'a indiqué, elle n'avait pas ensuite assisté à toute la scène car elle était rentrée à l'intérieur de la maison pour rester près de ses enfants qui pleuraient et étaient traumatisés ; que le prévenu a nié ces menaces de mort et soutenu qu'il avait été lui-même menacé ; que, lors de l'enregistrement de la conversation, effectué à l'insu de M. Z..., il en résulte et tel que le dit la victime que le prévenu avait le souci de faire apparaître que c'était lui qui avait été menacé de mort ; que les termes employés tels que rapportés par les deux victimes, « je vais vous fumer », « je vais vous tuer » sont sans équivoque et constituent bien des menaces de mort ; que ces menaces ont été proférées à l'encontre des deux victimes et en leur présence ; que ces menaces ont été prononcées plusieurs reprises au cours de l'altercation ; ainsi, même si le laps de temps a été très court, il en résulte que ces propos ont été prononcés à plusieurs reprises et adressés directement à l'encontre des deux parties civiles ; que le délit de menaces de mort est ainsi parfaitement caractérisé, selon les dispositions de l'article 222-17, alinéa 2, du code pénal ;
" 1°) alors que l'article 222-17 qui incrimine la menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes dont la tentative est punissable, dès lors que la menace est réitérée porte atteinte aux articles 5, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 34 de la Constitution ainsi qu'aux principes de légalité des délits et des peines, de clarté de la loi, de prévisibilité juridique et de sécurité juridique, notamment en ce qu'il ne définit pas en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire l'élément constitutif de l'infraction, c'est-à-dire la réitération, et ne répond pas à la question de savoir si cette réitération exige ou non un délai entre l'expression des menaces ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité du texte précité qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel posée par mémoire distinct et motivé, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;
" 2°) alors que la menace de mort est punissable lorsqu'elle est soit réitérée, ou matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet ; que la simple répétition de la phrase comportant la menace, dans un même trait de temps n'est pas une réitération qui suppose le renouvellement d'une action ; qu'en l'espèce il ressort des propres constatations de l'arrêt que les propos prétendument tenus « je vais vous tuer, je vais vous fumer » ont été tenus au cours d'une même altercation, dans un laps de temps très court voire dans la même phrase ; qu'en assimilant la simple répétition de la phrase menaçante à la réitération de la menace, l'arrêt attaqué a violé l'article 222-17 du code pénal ;
" 3°) alors que le délit de menace de mort prévu par l'article 222-17 du code pénal suppose d'établir que la menace proférée était celle de donner la mort et qu'elle a été réitérée ; qu'en l'espèce, M. X... était poursuivi du chef de menaces de mort pour avoir prétendument dit « je reviens demain matin, si les chiens ne sont pas dans leur niche à l'extérieur, je vais vous fumer, je vais vous tuer tous les deux, je vais vous fumer tous les deux » ; que l'expression « je vais vous fumer », qui peut être interprétée comme une volonté de se battre, sans qu'il y ait une intention de tuer, ne caractérise pas une menace de mort ; que, dès lors, en entrant en voie de condamnation du chef de menaces de mort, en affirmant que les termes employés « je vais vous fumer » sont sans équivoque et constituent bien des menaces de mort, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés ;
" 4°) alors qu'il ne ressort d'aucun témoignage ou déposition que les propos « je vais vous tuer » ont été prononcés par M. X... ; que, dès lors, en relevant, pour entrer en voie de condamnation à son encontre pour des menaces de mort à l'encontre des deux parties civiles, que les termes employés tels que rapportés par les deux victimes « je vais vous tuer » ont été proférées à l'encontre des deux victimes et en leur présence, la cour d'appel a dénaturé les pièces du dossier et ainsi privé sa décision de base légale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour violences n'ayant pas entraîné d'incapacité temporaire de travail supérieure à huit jours et menaces de mort réitérées à l'encontre de M. Y... et M. Z..., locataires d'un domaine dont il est le gérant, qui se sont constitués partie civile ; que le tribunal correctionnel a relaxé le prévenu des chefs de menaces de mort à l'encontre de M. Y... et M. Z... et de violences à l'encontre de M. Z... et l'a déclaré coupable de violences légères à l'encontre de M. Y... ;
Attendu que, pour infirmer le jugement et déclarer M. X... coupable de menaces de mort, l'arrêt retient, tant de ses déclarations selon lesquelles il a dit aux locataires que si les chiens dormaient à l'intérieur de la maison ses bergers allaient les tuer, que des déclarations de M. Y... et M. Z..., corroborées par celles de Mme A..., épouse Y..., pour les paroles entendues avant qu'elle ne rentre dans la maison pour s'occuper des enfants traumatisés, que le prévenu a menacé M. Y... et M. Z... en prononçant à plusieurs reprises au cours de l'altercation " je vais vous fumer " et " je vais vous tuer " ; que les juges ajoutent que les termes employés sont sans équivoque et constituent des menaces de mort proférées à l'encontre des deux victimes à plusieurs reprises au cours de l'altercation ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dénuées d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a justifié sa décision dès lors que la répétition des propos traduisant la détermination persistante de leur auteur caractérise l'infraction ;
D'où il suit que le moyen, sans objet en sa première branche à la suite de l'arrêt du 6 décembre 2016 de la Cour de cassation disant n'y avoir lieu à renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 222-17 du code pénal, doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article R. 625-1, 111-3, 131-13 du code pénal, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de violences ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas huit jours à l'encontre de M. Y... et en répression l'a condamné à une amende de 2 000 euros ;
" aux motifs qu'il résulte des déclarations de la victime que le prévenu lui a d'abord donné une gifle et qu'il a répliqué ; puis ensuite, que le prévenu a tenté de s'emparer d'un couteau qui est tombé à terre avec des assiettes et à nouveau, il lui donnait deux gifles et un coup de poing ; que ces déclarations sont corroborées par celles de M. Z... qui a déclaré que M. X... avait donné une gifle à son ami qui lui donnait également une gifle et qu'ensuite M. X... avait essayé de s'emparer d'un couteau de cuisine assez long et fin ; M. Z... a indiqué que le prévenu cherchait sans cesse à frapper son ami en essayant d'attraper des objets mais qu'il avait réussi à l'en empêcher ; qu'il a bien précisé que M. X... avait porté un coup de poing et deux ou trois gifles à son ami ; que Mme lIaria A..., épouse Y... a déclaré que le prévenu avait craché au visage de son époux et lui avait donné une gifle ; que son époux lui a donné également une gifle ; qu'elle a bien indiqué que M. X... essayait d'attraper des objets et que c'est grâce à l'intervention de leur ami que le pire avait été évité ; que, si les constatations des gendarmes et du médecin indiquent qu'il n'y a pas de trace, le certificat mentionne néanmoins une ITT de 2 jours ; que son épouse a déclaré que le soir des faits, son nez était gonflé ; que le prévenu qui a nié avoir donné des gifles et porté un coup de poing à M. Y..., reconnaît seulement lui avoir craché au visage ; qu'il a par ailleurs indiqué qu'il ne regrettait pas de lui avoir caché au visage et dans son mail adressé à la victime, il a d'ailleurs indiqué « je vous ai craché au visage car chez nous c'est le sort réservé aux minables de votre espèce » ; qu'il a par ailleurs, curieusement, contrairement à l'ensemble des déclarations nié avoir reçu une gifle ; que les déclarations et le témoignage de M. Pascal C..., dont la présence dans le véhicule est contestée par les victimes et par Mme Y..., n'apporte aucun élément quant à la réalité et à la nature des faits, puisque selon ses propres déclarations, il était dans le véhicule pendant l'altercation et qu'il n'a de ce fait pas assisté à l'altercation ; qu'en conséquence, au vu des éléments de la procédure, les faits de violences commis à l'encontre de M. Y..., malgré les dénégations du prévenu, à l'exception du crachat qu'il reconnaît, sont caractérisés ; que ces faits commis avec violences, disproportionnés à la nature du litige doivent être sanctionnés ; que la victime ainsi que son ami font état dans leurs déclarations de la présence d'un couteau dont le prévenu a essayé de s'emparer ; que c'est ainsi à bon droit que le tribunal est entré en voie de condamnation pour ces faits ; et que, pour les faits de violences commis à l'encontre de M. Y..., constituant une contravention de 5e classe, le tribunal a fait une juste appréciation en prononçant une peine d'amende de 2 000 euros qui sera confirmée ;
" alors qu'en prononçant à l'encontre de M. X..., qui avait été déclaré coupable de violences ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas huit jours à l'encontre de M. Y..., une peine de 2 000 euros d'amende, bien que le maximum légal soit de 1 500 euros, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés " ;
Vu l'article 111-3 du code pénal ;
Attendu que, selon ce texte, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;
Attendu que, après avoir déclaré le prévenu coupable de la contravention prévue par l'article R. 625-1 du code pénal, l'arrêt attaqué le condamne à 2000 euros d'amende ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi une peine excédant le maximum prévu par l'article 131-13 du code pénal pour les contraventions de la cinquième classe, la cour d'appel a méconnu les texte et principe ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle sera limitée à la peine d'amende, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
I-Sur le pourvoi formé le 12 avril 2016 :
Le DÉCLARE IRRECEVABLE
II-Sur le pourvoi formé le 8 avril 2016 :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bastia, en date du 6 avril 2016, mais en ses seules dispositions relatives à la peine d'amende, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT que la peine prononcée pour la contravention de violences est de 1 500 euros d'amende ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bastia et sa mention en marge de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre janvier deux mille dix sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-82888
Date de la décision : 04/01/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ATTEINTE A L'INTEGRITE PHYSIQUE OU PSYCHIQUE DE LA PERSONNE - Atteinte volontaire à l'intégrité de la personne - Menaces - Réitération - Délai entre les menaces (non)

La répétition, au cours d'une même altercation, de propos traduisant la détermination persistante de leur auteur caractérise l'infraction de menaces de mort


Références :

article 222-17 du code pénal

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 06 avril 2016

Sur l'absence de délai entre les menaces de mort, dans le même sens que :Crim., 26 février 2002, pourvoi n° 01-83545, Bull. crim. 2002, n° 43 (rejet)Sur la réitération de menaces à l'égard d'une même victime, à rapprocher :Crim., 24 octobre 2007, pourvoi n° 07-83726, Bull. crim. 2007, n° 252 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 jan. 2017, pourvoi n°16-82888, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Liberge
Rapporteur ?: Mme Ingall-Montagnier
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.82888
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