La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/01/2017 | FRANCE | N°15-26827

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 janvier 2017, 15-26827


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 septembre 2015) que, par acte du 1er juin 1984, Joséphin X...et Antoinette Y..., son épouse, ont consenti à leurs deux enfants, Philippe et Muriel, une donation à titre de partage anticipé de divers biens immobiliers ; qu'ils sont respectivement décédés en 1988 et 2007 ; que Muriel X... est décédée en 2011, laissant pour héritiers M. Z..., son époux, et leur fille Manon ; que M. X... a sollicité le rapport à la suc

cession de sa mère de la valeur de la jouissance gratuite par sa soeur de l'un...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 septembre 2015) que, par acte du 1er juin 1984, Joséphin X...et Antoinette Y..., son épouse, ont consenti à leurs deux enfants, Philippe et Muriel, une donation à titre de partage anticipé de divers biens immobiliers ; qu'ils sont respectivement décédés en 1988 et 2007 ; que Muriel X... est décédée en 2011, laissant pour héritiers M. Z..., son époux, et leur fille Manon ; que M. X... a sollicité le rapport à la succession de sa mère de la valeur de la jouissance gratuite par sa soeur de l'un des biens donnés dont les donateurs s'étaient réservés l'usufruit ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que seule une libéralité est rapportable à la succession ; qu'en conséquence, le rapport de la jouissance gratuite d'un logement est subordonné à l'existence d'un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier ; qu'en infirmant la décision rendue en première instance selon laquelle le rapport était dû et en rejetant la demande de rapport formée par M. X... en s'abstenant de toute recherche quant à l'appauvrissement et l'intention libérale du disposant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 843 et 851 du code civil ;

2°/ que M. X... soutenait dans ses conclusions que l'appauvrissement et l'intention libérale du disposant étaient établis, de sorte que le rapport de la jouissance gratuite du logement était dû ; qu'en laissant sans réponse ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le juge a le devoir d'interpréter l'acte ambigu en recherchant quelle a été la commune intention des parties ; que la renonciation de l'usufruitier à son droit de jouissance n'est certes soumise à aucune forme à la condition que sa volonté soit certaine et non équivoque ; que l'acte du 1er juin 1984 contient une donation de la nue-propriété de plusieurs biens avec réserve d'usufruit au bénéfice des donateurs sur tous les biens donnés tout en faisant mention de l'occupation par l'un des donataires d'un des immeubles donnés en nue-propriété ; qu'en se contentant d'affirmer que « c'est en considération de l'occupation par Mme Muriel X... de l'un des appartements objets de la donation qu'a été apprécié le caractère égalitaire du partage, comme en atteste la mention expresse de cette occupation à l'acte du 1er juin 1984 », sans rechercher quelle était la commune intention des parties et sans s'assurer de la volonté certaine des donateurs de renoncer à la jouissance dudit bien, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 578 et 621 du code civil ;

4°/ que les biens qui font l'objet d'une donation-partage ne sont pas soumis au rapport et la question des modalités de ce dernier ne se pose que lorsque le rapport est dû ; qu'en jugeant d'une part qu'il était fait mention de l'occupation dans l'acte de donation-partage, de sorte qu'il pouvait être conclu que le rapport de celle-ci n'était pas dû, tout en exposant les règles de détermination de la valeur du rapport d'autre part et en relevant que M. X... ne produisait aucun calcul pour démontrer qu'il y avait lieu à indemnité de rapport à intégrer dans la masse partageable de troisième part, la cour d'appel a statué sans qu'il soit possible de savoir si la demande de rapport a été rejetée parce que celui-ci n'était pas dû ou parce que M. X... avait failli dans l'évaluation de celui-ci ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 843, 851, 860 et 1076 du code civil ;

5°/ qu'il ne peut être tiré de la valeur du rapport une quelconque conséquence sur l'existence de celui-ci ; que pour débouter M. X... de sa demande de rapport, la cour d'appel a relevé « qu'en tout état de cause, en cas de donation en nue-propriété avec réserve d'usufruit au profit du donateur, la valeur à prendre en compte est celle de la pleine propriété du bien », pour en déduire « qu'en conséquence, s'agissant de la valorisation de l'avantage invoqué, le fait que Mme Muriel X... ait en définitive joui du bien comme si elle en avait la pleine propriété n'a pas nécessairement d'incidence sur l'égalité du partage » ; qu'en statuant de la sorte, en constatant que les modalités du rapport en valeur permettent de parvenir à l'égalité successorale lorsque le rapport est dû pour décider qu'en l'espèce le rapport ne serait pas dû puisque la jouissance du bien par Muriel X... n'a pas nécessairement d'incidence sur l'égalité du partage, la valeur du rapport à prendre en compte étant celle de la pleine propriété du bien, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles 843, 851 et 860 du code civil ;

6°/ que le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation ; si le bien a été aliéné avant le partage, on tient compte de la valeur qu'il avait à l'époque de l'aliénation ; qu'en jugeant que « conformément à l'article 860 du code civil, la valeur s'apprécie au jour du partage et il est par ailleurs relevé qu'au cas d'espèce, des biens ont été vendus en 1996 sans remploi du prix, ce qui conduit à une valorisation qui doit tenir compte du prix de vente ; que M. X... ne produit aucun calcul intégrant ces éléments pour démontrer qu'il y a lieu à indemnité de rapport à intégrer dans la masse partageable pour être ensuite allotie en moins prenant à la part de Mme Muriel X... » et ainsi débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes, sans relever si parmi les biens objets de l'aliénation figurait celui qui était occupé par Muriel X... et qui justifierait que la valeur à l'époque de l'aliénation dudit bien soit prise en compte dans le calcul du rapport, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 860 du code civil ;

Mais attendu que les juges du fond n'ayant pas été saisis d'une demande tendant à la liquidation et au partage de la succession d'Antoinette Y..., les demandes de M. X... ne pouvaient qu'être écartées ; que le moyen est inopérant ;

Vu l'avis délivré aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre janvier deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement et débouté M. Philippe X... de toutes ses demandes, notamment de sa demande de rapport à la succession d'Antoinette X... de la valeur de la jouissance gratuite par Muriel X... d'un appartement dans la villa « Elle et Lui » entre 1984 et 2007 ;

AUX MOTIFS, notamment repris de l'arrêt avant dire droit rendu le 2 avril 2015, QU'« attendu que Monsieur Philippe X... soutient que l'occupation par Madame Muriel X... de l'appartement dont elle n'avait reçu que la nue-propriété a rompu l'égalité du partage opéré au profit des deux enfants et qu'il doit donc en être fait rapport à la succession ; mais attendu que c'est en considération de l'occupation par Madame Muriel X... de l'un des appartements objets de la donation qu'a été apprécié le caractère égalitaire du partage, comme en atteste la mention expresse de cette occupation à l'acte du 1er juin 1984 ; et attendu qu'en tout état de cause, en cas de donation en nue-propriété avec réserve d'usufruit au profit du donateur, la valeur à prendre en compte est celle de la pleine propriété du bien ; qu'en conséquence, s'agissant de la valorisation de l'avantage invoqué, le fait que Madame Muriel X... ait en définitive joui du bien comme si elle en avait la pleine propriété n'a pas nécessairement d'incidence sur l'égalité du partage ; que la rupture d'égalité alléguée ne pourrait s'apprécier qu'en considération de la valeur en pleine propriété des biens reçus par l'un comme l'autre des donataires et notamment Monsieur Philippe X... dont l'argumentation revient en définitive, contrairement à ce qu'il prétend, à remettre en cause l'égalité de la donation-partage ; qu'il est rappelé que conformément à l'article 860 du code civil, la valeur s'apprécie au jour du partage et il est par ailleurs relevé qu'au cas d'espèce, des biens ont été vendus en 1996 sans remploi du prix ce qui conduit à une valorisation qui doit tenir compte du prix de vente ; que Monsieur Philippe X... ne produit aucun calcul intégrant ces éléments pour démontrer qu'il y a lieu à indemnité de rapport à intégrer dans la masse partageable pour être ensuite allotie en moins prenant à la part de Madame Muriel X... ; que Monsieur Philippe X... ne peut donc voir prospérer ses demandes à l'encontre des consorts Z...» ;

1° ALORS QUE seule une libéralité est rapportable à la succession ; qu'en conséquence le rapport de la jouissance gratuite d'un logement est subordonné à l'existence d'un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier ; qu'en infirmant la décision rendue en première instance selon laquelle le rapport était dû et en rejetant la demande de rapport formée par M. X... en s'abstenant de toute recherche quant à l'appauvrissement et l'intention libérale du disposant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 843 et 851 du code civil ;

2° ALORS QUE M. Philippe X... soutenait dans ses conclusions (p. 16 à 18 et 19 à 20) que l'appauvrissement et l'intention libérale du disposant étaient établis, de sorte que le rapport de la jouissance gratuite du logement était dû ; qu'en laissant sans réponse ce moyen, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3° ALORS QUE le juge a le devoir d'interpréter l'acte ambigu en recherchant quelle a été la commune intention des parties ; que la renonciation de l'usufruitier à son droit de jouissance n'est certes soumise à aucune forme à la condition que sa volonté soit certaine et non équivoque ; que l'acte du 1er juin 1984 contient une donation de la nue-propriété de plusieurs biens avec réserve d'usufruit au bénéfice des donateurs sur tous les biens donnés tout en faisant mention de l'occupation par l'un des donataires d'un des immeubles donnés en nue-propriété ; qu'en se contentant d'affirmer que « c'est en considération de l'occupation par Madame Muriel X... de l'un des appartements objets de la donation qu'a été apprécié le caractère égalitaire du partage, comme en atteste la mention expresse de cette occupation à l'acte du 1er juin 1984 », sans rechercher quelle était la commune intention des parties et sans s'assurer de la volonté certaine des donateurs de renoncer à la jouissance dudit bien, la cour n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 578 et 621 du code civil ;

4° ALORS QUE les biens qui font l'objet d'une donation-partage ne sont pas soumis au rapport et la question des modalités de ce dernier ne se pose que lorsque le rapport est dû ; qu'en jugeant d'une part qu'il était fait mention de l'occupation dans l'acte de donation-partage, de sorte qu'il pouvait être conclu que le rapport de celle-ci n'était pas dû, tout en exposant les règles de détermination de la valeur du rapport d'autre part et en relevant que M. X... ne produisait aucun calcul pour démontrer qu'il y avait lieu à indemnité de rapport à intégrer dans la masse partageable de troisième part, la cour d'appel a statué sans qu'il soit possible de savoir si la demande de rapport a été rejetée parce que celui-ci n'était pas dû ou parce que M. X... avait failli dans l'évaluation de celui-ci ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 843, 851, 860 et 1076 du code civil ;

5° ALORS QU'il ne peut être tiré de la valeur du rapport une quelconque conséquence sur l'existence de celui-ci ; que pour débouter M. X... de sa demande de rapport, la cour d'appel a relevé « qu'en tout état de cause, en cas de donation en nue-propriété avec réserve d'usufruit au profit du donateur, la valeur à prendre en compte est celle de la pleine propriété du bien », pour en déduire « qu'en conséquence, s'agissant de la valorisation de l'avantage invoqué, le fait que Muriel X... ait en définitive joui du bien comme si elle en avait la pleine propriété n'a pas nécessairement d'incidence sur l'égalité du partage » ; qu'en statuant de la sorte, en constatant que les modalités du rapport en valeur permettent de parvenir à l'égalité successorale lorsque le rapport est dû pour décider qu'en l'espèce le rapport ne serait pas dû puisque la jouissance du bien par Mme X... n'a pas nécessairement d'incidence sur l'égalité du partage, la valeur du rapport à prendre en compte étant celle de la pleine propriété du bien, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles 843, 851 et 860 du code civil ;

6° ALORS QUE le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation ; si le bien a été aliéné avant le partage, on tient compte de la valeur qu'il avait à l'époque de l'aliénation ; qu'en jugeant que « conformément à l'article 860 du code civil, la valeur s'apprécie au jour du partage et il est par ailleurs relevé qu'au cas d'espèce, des biens ont été vendus en 1996 sans remploi du prix ce qui conduit à une valorisation qui doit tenir compte du prix de vente ; que Monsieur Philippe X... ne produit aucun calcul intégrant ces éléments pour démontrer qu'il y a lieu à indemnité de rapport à intégrer dans la masse partageable pour être ensuite allotie en moins prenant à la part de Madame Muriel X... » et ainsi débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes, sans relever si parmi les biens objets de l'aliénation figurait celui qui était occupé par Muriel X... et qui justifierait que la valeur à l'époque de l'aliénation dudit bien soit prise en compte dans le calcul du rapport, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 860 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-26827
Date de la décision : 04/01/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SUCCESSION - Rapport - Libéralités rapportables - Conditions - Action en justice - Demande tendant à la liquidation et au partage de la succession

Si le juge n'est pas saisi d'une demande tendant à la liquidation et au partage de la succession, la demande de rapport d'une libéralité dont aurait bénéficié un héritier doit être écartée


Références :

articles 578, 621, 843, 851, 860, 1076 et 1134 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10 septembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 jan. 2017, pourvoi n°15-26827, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Rapporteur ?: M. Reynis
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.26827
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award