LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article R. 242-6-3 du code de la sécurité sociale ;
Attendu, selon ce texte, que les litiges concernant la répartition de la charge financière de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle entre l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice relèvent du contentieux général de la sécurité sociale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que salarié de la société Supplay (l'employeur), mis à la disposition de la société Vermeulen Matériaux (l'entreprise utilisatrice), M. X... a été victime, le 20 juillet 1998, d'un accident du travail ; qu'un arrêt du 7 mai 2009 a reconnu l'existence d'une faute inexcusable à l'origine de cet accident, statué sur la majoration de la rente due à la victime, dit que l'entreprise utilisatrice devra garantir l'employeur de l'intégralité tant des conséquences financières de la faute inexcusable que du coût de l'accident du travail et sursis à statuer sur l'indemnisation des préjudices complémentaires de la victime dans l'attente du dépôt de l'expertise ordonnée à cette fin ; qu'un arrêt du 20 décembre 2012 a fixé à une certaine somme l'indemnisation des préjudices subis par la victime et rappelé que l'entreprise utilisatrice était tenue de garantir l'employeur de toutes les conséquences financières de sa faute inexcusable ; que ce dernier a assigné l'entreprise utilisatrice, devant un tribunal de grande instance, pour obtenir le remboursement des sommes afférentes au surcoût des cotisations d'accident du travail généré par l'accident survenu à son salarié ;
Attendu que pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée par l'entreprise utilisatrice et dire que le tribunal de grande instance est compétent pour connaître de l'action engagée par l'employeur, l'arrêt retient que ladite action est fondée sur le manquement de la société utilisatrice à son obligation contractuelle de respecter les règles de sécurité applicables à l'emploi de M. X..., en application des articles 1142 et 1147 du code civil ; que le préjudice dont l'employeur se prévaut est constitué par le surcoût allégué des cotisations accidents du travail généré par cet accident ; que tant le fondement que l'objet de son action sont distincts du recours prévu à l'article L. 412-6 du code de la sécurité sociale à l'encontre de l'auteur de la faute inexcusable ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le recours de l'employeur dont elle était saisie avait pour objet de faire supporter à l'entreprise utilisatrice la charge financière de l'accident du travail subi par M. X..., de sorte que le litige relevait de la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi sur l'exception d'incompétence ;
Déclare la société Vermeulen Matériaux bien fondée en son exception d'incompétence ;
DIT que le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny est compétent et renvoie l'affaire devant ce tribunal pour qu'il statue sur le fond du litige ;
DIT qu'il sera procédé dans les formes prévues par l'article 97 du code de procédure civile ;
Condamne la société Supplay aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Supplay et la condamne à payer à la société Vermeulen Matériaux la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Vermeulen matériaux
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Lille du 30 octobre 2014, rejeté l'exception d'incompétence présentée par la société Vermeulen Matériaux, et dit que le tribunal de grande instance de Lille était compétent pour connaître de l'action engagée par la société Supplay et renvoyé le litige devant le tribunal de grande instance de Lille ;
AUX MOTIFS QUE la société Supplay a fait assigner la société Vermeulen Matériaux devant le tribunal de grande instance de Lille aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 475.917 euros correspondant au surcoût des cotisations accident du travail qu'elle a supporté en suite de l'accident dont a été victime M. Daniel X... ; qu'il résulte des articles L. 241-5-1, L. 412-6, R. 242-6-1 et R. 242-6-3 du code de la sécurité sociale qu'en cas d'accident du travail imputable à la faute inexcusable d'une entreprise utilisatrice, l'entreprise de travail temporaire, seule tenue, en sa qualité d'employeur de la victime, des obligations prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-4 du même code, dispose d'un recours contre l'entreprise utilisatrice pour obtenir le remboursement des indemnités complémentaires versées à la victime et la répartition de la charge financière de l'accident du travail ; que le coût de l'accident du travail au sens de l'article L. 241-5-1 du code de la sécurité sociale et de l'article R. 242-6,1 du même code, dans sa rédaction alors applicable, s'entend exclusivement du capital versé aux ayants droit en cas d'accident mortel et du capital représentatif de la rente accident du travail servie à la victime ; que la SAS Supplay fonde son action sur le manquement à son obligation contractuelle de respecter les règles de sécurité applicables à l'emploi de M. Daniel X... par la société utilisatrice, en application des articles 1142 et 1147 du code civil ; que le préjudice dont elle se prévaut est constitué par le surcoût allégué des cotisations accidents du travail généré par cet accident ; que tant le fondement que l'objet de son action sont distincts du recours prévu à l'article L 412-6 du code de la sécurité sociale à l'encontre de l'auteur de la faute inexcusable ; que la compétence de la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, prévue à l'article R. 242-6-3 du code de la sécurité sociale, ne s'applique donc pas en l'espèce, et le tribunal de grande instance, juridiction de droit commun, a vocation à connaître du présent litige ; que l'ordonnance entreprise sera en conséquence réformée ;
1°) ALORS QU'en vertu de l'article R. 242-6-3 du code de la sécurité sociale, les litiges concernant la répartition de la charge financière d'un accident du travail entre l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice relèvent du contentieux général de la sécurité sociale ; que le litige introduit par la société de travail temporaire en vue d'obtenir le remboursement par la société utilisatrice du surcoût des cotisations accident du travail résultant de l'imputation à son compte employeur des dépenses liées à l'accident du travail concerne la répartition financière de la charge financière de l'accident du travail entre l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice ; qu'en constatant que la société Supplay, entreprise de travail temporaire, demandait la condamnation de la société Vermeulen Matériaux, entreprise utilisatrice, à lui payer la somme de 475.917 euros correspondant au surcoût des cotisations accident du travail qu'elle avait supporté en suite de l'accident dont avait été victime M. X..., et en décidant que la compétence de la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale ne s'appliquait pas en l'espèce et que le tribunal de grande instance, juridiction de droit commun, avait vocation a connaître du présent litige, la cour d'appel a violé les articles R. 242-6-3 du code de la sécurité sociale et L. 211-3 du code de l'organisation judicaire ;
2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'il résulte des dispositions combinées des articles L. 241-5-1 et R. 242-6-1 du code de la sécurité sociale que les conséquences financières de l'accident autres que le capital de la rente servie à la victime ne peuvent être réparties entre l'entreprise utilisatrice et l'entreprise de travail temporaire et que cette dernière doit donc supporter les conséquences financières de l'accident non visées par l'article R. 242-6-1 du code de la sécurité sociale ; qu'en constatant que l'entreprise de travail temporaire demandait le remboursement par la société utilisatrice du surcoût des cotisations accidents du travail imputées à son compte employeur et en décidant que cette action était recevable sur le fondement des articles 1142 et 1147 du code civil, la cour d'appel a violé les articles L. 241-5-1 et R. 242-6-1 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction alors applicable ;
3°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la loi spéciale déroge à la loi générale ; que l'article R.242-6-1 du code de la sécurité sociale dispose que le coût de l'accident du travail mis pour partie à la charge de l'entreprise utilisatrice en application de l'article L. 241-5-1 comprend les capitaux représentatifs des rentes et les capitaux correspondant aux accidents mortels ; qu'en application de ce texte, l'entreprise de travail temporaire ne peut pas agir sur le fondement du droit commun de la responsabilité (articles 1142 et 1147 du code civil) pour obtenir la condamnation de la société utilisatrice à réparer le préjudice résultant, pour l'entreprise de travail temporaire, de la hausse de ses cotisations de sécurité sociale en raison de l'accident du travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le principe specialia generalibus derogant, ensemble les articles 1142 et 1147 du code civil, et, par refus d'application les articles R. 242-6-3, L. 241-5-1 et R. 242-6-1 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction alors applicable.