LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 11 septembre 2015), que M. X..., engagé par M. Y... (l'employeur) en qualité de marin pêcheur, a été victime d'un accident mortel du travail survenu le 30 janvier 2004 au cours de l'exécution de son contrat d'engagement maritime ; que ses ayants droit ont saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;
DONNE acte à l'ENIM du désistement de son pourvoi incident ;
Sur la recevabilité du pourvoi principal, contestée en défense :
Attendu que M. Y... s'est pourvu en cassation contre un arrêt qui lui fait grief en ce que, condamnant l'Etablissement national des invalides de la marine (ENIM) à faire l'avance des indemnités octroyées aux ayants droit de la victime au titre de la faute inexcusable, il prévoit la faculté, pour celui-ci, d'exercer un recours subrogatoire contre l'employeur ;
D'où il suit que le pourvoi est recevable ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de dire que l'ENIM devra verser aux ayants droit de la victime l'ensemble des indemnités allouées à charge pour celui-ci d'exercer un recours subrogatoire contre l'employeur, alors, selon le moyen :
1°/Que sous réserve et dans la limite de dérogations particulières, l'application aux accidents du travail subis par les gens de mer du régime spécial de sécurité sociale organisé par le décret-loi du 17 juin 1938 est exclusive de l'application des dispositions du régime général de la sécurité sociale ; que de la même manière, en l'absence de disposition contraire, la faculté ouverte par la décision n° 2011-127 du 6 mai 2011 du Conseil constitutionnel à la victime d'une faute inexcusable, ou ses ayants droit, de rechercher la responsabilité de l'employeur maritime sur le fondement du droit commun à l'effet d'obtenir réparation intégrale de leur préjudice ne donne pas lieu à indemnisation de l'Établissement national des invalides maritimes ni à recours subrogatoire de sa part ; qu'en l'espèce, il était constant que Mme Z... et ses enfants agissaient, sur le fondement de la responsabilité de droit commun, à l'effet d'obtenir réparation intégrale du préjudice lié pour eux et M. X... au décès de ce dernier par suite d'une faute inexcusable de M. Y... ; qu'en décidant qu'il y avait lieu, dans ces circonstances, de renvoyer Mme Z... et les consorts X... devant l'ENIM pour la liquidation de leurs droits, que leurs indemnités et la majoration de la rente leur seraient versées par cet établissement et que la caisse de prévoyance pourrait exercer un recours subrogatoire contre M. Y..., les juges ont violé l'article 20 du décret-loi du 17 juin 1938 et l'article L. 412-8, 8°, du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable en l'espèce ;
2°/ Que, les dispositions nouvelles qui modifient les régimes de sécurité sociale dans leurs conditions d'indemnisation des accidents du travail par ne sont pas applicables aux procédures d'indemnisation introduites avant leur entrée en vigueur ; qu'en déduisant en l'espèce de l'article 70 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, qui a soumis aux dispositions du régime général de la sécurité sociale les actions en indemnisation formées par les marins ou leurs ayants droit à raison d'une faute inexcusable de l'employeur, que l'intervention de la caisse de prévoyance de l'ENIM était due au même titre que celle de toute autre caisse de sécurité sociale en matière de faute inexcusable, cependant que l'instance en cause avait été introduite par requête du 7 septembre 2007, puis réinscrite après radiation aux termes de conclusions prises le 27 septembre 2010, les juges ont encore violé l'article 20 du décret-loi du 17 juin 1938 et l'article L. 412-8, 8°, du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article 2 du code civil ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 412-8, 8° du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2016, applicable au litige, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-127 QPC du 6 mai 2011, que le marin victime, au cours de l'exécution de son contrat d'engagement maritime, d'un accident du travail imputable à une faute inexcusable de son employeur peut demander, devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, une indemnisation complémentaire dans les conditions prévues par le chapitre 2 du titre V du livre IV du code de la sécurité sociale ;
Et attendu qu'étant saisie aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur afférente à un accident mortel du travail survenu au cours de l'exécution du contrat d'engagement maritime de la victime, la cour d'appel en a exactement déduit que les ayants droit de celle-ci pouvaient obtenir l'indemnisation du préjudice subi par leur auteur et de leur préjudice moral propre conformément aux dispositions des articles L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, et qu'en application du troisième alinéa de ce dernier article, les sommes dues sont avancées par l'ENIM, qui dispose d'un recours subrogatoire contre l'armateur qui a commis une faute inexcusable ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait dans sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ; condamne M. Y... et l'ENIM à verser chacun à Mme Z... en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs Adrien, Justin, Margot et Léonie X... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le demandeur au pourvoi principal, M. Y...,
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a renvoyé Mme Z... et les consorts X... devant l'ENIM pour la liquidation de leurs droits, a dit que leurs indemnités et la majoration de la rente leur seront versées par l'ENIM, et a jugé que cette caisse pourra exercer un recours subrogatoire contre M. Y...
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur le régime d'indemnisation applicable, les marins sont soumis à un régime spécial de sécurité sociale organisé par le décretloi du 17 juin 1938 et géré par l'établissement national des invalides de la marine ; que selon le 8° de l'article L.412-8 du code de la sécurité sociale, outre les personnes mentionnées à l'article L.412-2, bénéficient des dispositions du livre IV du même code, sous réserve des prescriptions spéciales du décret en Conseil d'Etat, "les personnes mentionnées à l'article 2 du décret-loi du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurance des marins pour les accidents du travail et les maladies professionnelles survenus en dehors de l'exécution du contrat d'engagement maritime" ; qu'en vertu du 2° de l'article L.413-12 du même code, il n'est pas dérogé aux dispositions législatives et réglementaires concernant les pensions "des personnes mentionnées à l'article 2 du décret du 17 juin 1938 relatif à la réorganisation et à l'unification du régime d'assurance des marins" ; qu'aux termes de sa décision n° 2011 QPC du 6 mai 2011, le Conseil constitutionnel a estimé qu'eu égard aux conditions particulières dans lesquelles les marins exercent leurs fonctions et aux risques auxquels ils sont exposés, il était loisible au législateur de prévoir que l'indemnisation des marins victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles serait soumise à des dispositions particulières dérogeant aux dispositions de droit commun prévues, en cette matière, par le code de la sécurité sociale et que par suite, en elle-même, une telle dérogation ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi, mais que ces dispositions ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, être interprétées comme faisant par elles-mêmes obstacle à ce qu'un marin victime, au cours de l'exécution de son contrat d'engagement maritime, d'un accident du travail imputable à une faute inexcusable de son employeur puisse demander, devant les juridictions de sécurité sociale, une indemnisation complémentaire dans les conditions prévues par le chapitre 2 du livre V du livre IV du code de la sécurité sociale, précisant que sous cette réserve, ces dispositions ne méconnaissent pas le principe de responsabilité ; qu'il a décidé en conséquence que sous cette réserve, le 8° de l'article L. 412-8 et le 2° de l'article L.413-2 du code de la sécurité sociale étaient conformes à la constitution ; que selon le commentaire officiel, la motivation à l'appui de laquelle le Conseil constitutionnel a rejeté le grief tiré de la violation du principe d'égalité n'interdit pas au législateur d'intervenir pour établir dans un régime spécial des marins un régime d'indemnisation particulier en cas de faute inexcusable de l'employeur, compte tenu des conditions et des risques particuliers propres à l'activité en mer, à condition qu'il n'en résulte pas une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs [; que] l'article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 étend aux marins les dispositions du code de la sécurité sociale applicables aux assurés relevant du régime général en matière de faute inexcusable de l'employeur, peu important que l'accident soit survenu au cours de l'exécution d'un contrat d'engagement maritime ou en dehors de celle-ci ; que si l'ENIM relève que le décret d'application n° 2015-356 du 27 mars 2015 prévoit une entrée en vigueur au titre des déclarations d'accident et des déclarations de maladie professionnelle reçues à compter du lendemain de sa publication, de sorte que ces nouvelles dispositions portant réorganisation et unification du régime d'assurance des marins sont inapplicables à l'espèce, il demeure que par sa décision du 6 mai 2011, le Conseil constitutionnel a validé l'existence du régime spécifique antérieur de sécurité sociale pour les marins puis reconnu à ces derniers, par une réserve d'interprétation, le droit de demander devant les juridictions de sécurité sociale, dans le cadre de leur engagement maritime, l'indemnisation complémentaire dans les conditions prévues au chapitre 2 du titre 5 du livre IV du code de la sécurité sociale, et que cette réserve qui s'incorpore à la loi est applicable à la présente instance ; qu'il s'ensuit que les ayants droit d'un marin victime d'un accident mortel du travail peuvent agir devant la juridiction de la sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et indemnisation des préjudices subis par leur auteur, mais également de leur préjudice moral propre, conformément aux dispositions des articles L.452-1, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, et qu'en application de l'alinéa 3 de ce même article, les sommes dues sont avancées par l'ENIM qui dispose d'un recours subrogatoire contre l'armateur qui a commis une faute inexcusable ; que sur la reconnaissance de la faute inexcusable, non contestées devant la cour, les dispositions du jugement retenant que l'accident mortel du travail dont a été victime Sébastien X... est dû à la faute inexcusable de son employeur, M. Laurent Y... seront confirmées ; que sur les conséquences, seront également confirmées les dispositions du jugement ordonnant la majoration de la rente servie aux ayants-droit de Sébastien X... telle que prévue par les articles L.434-7 à L.434- 14 du code de la sécurité sociale au 30 janvier 2004 ; qu'il en sera de même des indemnisations du préjudice moral subi par l'épouse et ses enfants, dont le premier juge a fait une juste appréciation, à l'exclusion de toute incidence patrimoniale indemnisée par les rentes allouées ; que s'agissant de l'action successorale, les dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel ne font pas obstacle en ce qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur, la victime puisse demander la réparation non seulement des chefs de préjudice énumérés par le texte susvisé, mais aussi de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV de la sécurité sociale ; que s'il n'est pas contesté que la victime dont le corps n'a pas été retrouvé est décédée par noyade, les ayants-droit ne caractérisent pas pour autant les souffrances physiques dont ils entendent demander réparation ; qu'en conséquence, aucune indemnisation ne saurait être allouée de ce chef ; qu'en revanche, alors qu'il n'est pas démenti que Sébastien X... s'est débattu dans les flots plusieurs minutes avant de disparaître, le préjudice d'agonie qui en est résulté sera évalué à 35.000 € ; qu'en revanche, le préjudice patrimonial pour incidence professionnelle et frais d'obsèques invoqués ne sauraient ouvrir droit à indemnisation complémentaire en ce qu'ils constituent des dommages couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ; que les diverses indemnités allouées seront versées directement par l'ENIM aux bénéficiaires en application de l'article L.452-3 du même code, la responsabilité de l'ENIM telle que recherchée par l'employeur étant sans incidence dans les rapports entre cet organisme social et la victime ou ses ayants-droit » (arrêt, p. 5-7) ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « sur la demande de réparation des préjudices des ayants droit de la victime, l'article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale prévoit qu'indépendamment de la rente qu'elle reçoit, la victime d'une faute inexcusable a le droit de demander à son employeur réparation des préjudices subis (...). De même, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime (...) peuvent demander à l'employeur réparation de leur préjudice moral devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale ; que cet article est, à la lecture de le décision du Conseil constitutionnel du 6 mai 2011, applicable au recours des ayants droit d'un marin, reconnu victime de la faute inexcusable de son employeur (aux termes du considérant n-9 portant réserve d'interprétation) ; qu'en l'espèce, la faute inexcusable de l'employeur a été reconnue ; que les ayants droit de M. X... ont dès lors droit à l'indemnisation de leur préjudice moral conformément aux dispositions du chapitre 2 du titre V du livre IV du Code de la sécurité sociale ; que les proches de la victime ont subi un préjudice moral évident et indéniable lié à la perte subite et imprévue d'un être cher et aux circonstances particulières de son décès ; qu'en effet, M. X... est décédé à l'âge de 29 ans ; que son épouse était femme au foyer, cela résultant d'un choix de vie commun, pour qu'elle puisse élever leurs 4 enfants, âgés au jour du décès, de 5 ans à 4 mois ; que ces mineurs ont été privés de la présence de leur père dont ils ne conservent que peu de souvenirs eu égard à leur jeune âge ; que Mme Z... a en outre été contrainte de trouver un emploi suite au décès, du fait du bouleversement survenu dans ses conditions d'existence et celles de ses enfants ; qu'au vu des éléments du dossier, la juridiction estime devoir indemniser les proches de la manière suivante : • pour Mme Z... veuve X... 33,000 euros, • pour chacun des enfants de M. X... : 25.000 euros ; que les consorts X... évoquent dans leurs écritures l'existence d'un préjudice patrimonial du fait du décès de la victime ; que cependant, l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale prévoit la réparation du seul préjudice moral des ayants-droit d'une victime de la faute inexcusable de son employeur, excluant de fait l'indemnisation de tout autre type de préjudice ; que de plus, le préjudice financier allégué est (au moins en partie) réparé par le versement de la rente dont les consorts X... bénéficient actuellement ; que l'existence de cette rente exclut toute indemnisation complémentaire d'un préjudice financier, en application de la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010 (ne prévoyant que la réparation complémentaires des préjudices non couverts à l'exclusion de ceux étant partiellement couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale) ; qu'enfin, il sera relevé qu'aucune demande précise n'est faite à ce titre ni à l'encontre de l'ENIM ou de l'employeur M. Y... et qu'en toute hypothèse, ce chef de préjudice n'est absolument pas chiffré par les consorts X... ; qu'il n'y a ira dès lors pas lieu de statuer sur cette demande ; que sur la mise en cause de L'EMIM et l'action eu garantie contre l'employeur, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 6 mai 2011, estimé qu'en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, le 8° de l'article L. 412-8 et le 2° de l'article L. 413-12 du Code de la sécurité sociale ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, être interprétées comme faisant obstacle à ce que ces dernières puissent demander, devant les juridictions de sécurité sociale, une indemnisation complémentaire dans les conditions prévues par le chapitre 2 du titre V du livre IV du Code de la sécurité sociale ; qu'il en résulte que les victimes d'une faute inexcusable (et leurs ayants droit) doivent pouvoir se voir appliquer les règles du régime général, en matière d'indemnisation des préjudices subis, c'est à dire les règles du chapitre 2 du titre V du livre IV, et notamment l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ; que cet article déjà cité ci -dessus dispose en son 3e alinéa que la réparation des préjudices visés dans les alinéas précédents est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur. ; que par suite, le régime applicable en matière d'indemnisation des préjudices subis pax une victime en droit général :de la sécurité sociale doit également s'appliquer à la victime d'une faute inexcusable relevant d'un régime spécial (en l'espèce le régime spécial des marins) ; que de ce fait, l'ENIM, caisse dont dépendait M. X... du fait de son activité professionnelle, devra faire l'avance des sommes allouées aux ayants droit de la victime (majoration de rente et indemnisation des préjudices) et ne pourra dès lors pas être mis hors de cause ; qu'une fois les ayants-droit indemnisés au titre de leur préjudice, l'ENIM sera subrogée dans leurs droits à l'égard de l'employeur et pourra donc récupérer le montant des sommes versées auprès de celuici ; que M. Y... en sa qualité d'employeur sera condamné à rembourser à l'ENIM les sommes qui seront allouées aux consorts X... au titre de la majoration de la rente, mais également des indemnisations de leurs préjudices conformément aux dispositions de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, puisqu'il ne conteste aucunement l'opposabilité à son encontre de la décision de prise en charge de l'accident du travail ayant entraîné le décès de M. X... » (jugement, p. 7-8) ;
ALORS QUE, premièrement, sous réserve et dans la limite de dérogations particulières, l'application aux accidents du travail subis par les gens de mer du régime spécial de sécurité sociale organisé par le décret-loi du 17 juin 1938 est exclusive de l'application des dispositions du régime général de la sécurité sociale ; que de la même manière, en l'absence de disposition contraire, la faculté ouverte par la décision n° 2011-127 du 6 mai 2011 du Conseil constitutionnel à la victime d'une faute inexcusable, ou ses ayants droit, de rechercher la responsabilité de l'employeur maritime sur le fondement du droit commun à l'effet d'obtenir réparation intégrale de leur préjudice ne donne pas lieu à indemnisation de l'Établissement national des invalides maritimes ni à recours subrogatoire de sa part ; qu'en l'espèce, il était constant que Mme Z... et ses enfants agissaient, sur le fondement de la responsabilité de droit commun, à l'effet d'obtenir réparation intégrale du préjudice lié pour eux et M. X... au décès de ce dernier par suite d'une faute inexcusable de M. Y... ; qu'en décidant qu'il y avait lieu, dans ces circonstances, de renvoyer Mme Z... et les consorts X... devant l'ENIM pour la liquidation de leurs droits, que leurs indemnités et la majoration de la rente leur seraient versées par cet établissement et que la caisse de prévoyance pourrait exercer un recours subrogatoire contre M. Y..., les juges ont violé l'article 20 du décret-loi du 17 juin 1938 et l'article L. 412-8, 8°, du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable en l'espèce ;
ET ALORS QUE, deuxièmement, les dispositions nouvelles qui modifient les régimes de sécurité sociale dans leurs conditions d'indemnisation des accidents du travail par ne sont pas applicables aux procédures d'indemnisation introduites avant leur entrée en vigueur ; qu'en déduisant en l'espèce de l'article 70 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, qui a soumis aux dispositions du régime général de la sécurité sociale les actions en indemnisation formées par les marins ou leurs ayants droit à raison d'une faute inexcusable de l'employeur, que l'intervention de la caisse de prévoyance de l'ENIM était due au même titre que celle de toute autre caisse de sécurité sociale en matière de faute inexcusable, cependant que l'instance en cause avait été introduite par requête du 7 septembre 2007, puis réinscrite après radiation aux termes de conclusions prises le 27 septembre 2010, les juges ont encore violé l'article 20 du décret-loi du 17 juin 1938 et l'article L. 412-8, 8°, du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article 2 du code civil.