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14/12/2016 | FRANCE | N°15-85517

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 décembre 2016, 15-85517


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Bernard X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBÉRY, chambre correctionnelle, en date du 1er juillet 2015, qui, pour outrage à une personne chargée d'une mission de service public et dénonciation calomnieuse, l'a condamné à un mois d'emprisonnement avec sursis, 500 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 novembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, présid

ent, Mme Carbonaro, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greff...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Bernard X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBÉRY, chambre correctionnelle, en date du 1er juillet 2015, qui, pour outrage à une personne chargée d'une mission de service public et dénonciation calomnieuse, l'a condamné à un mois d'emprisonnement avec sursis, 500 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 novembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Carbonaro, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CARBONARO, les observations de la société civile professionnelle LE GRIEL, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général MORACCHINI ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 27 septembre 2012, la régie Gaz et Electricité de la commune de Bonneville, ainsi que MM. Y...et Z..., respectivement directeur général et directeur administratif de la régie, ont déposé une plainte avec constitution de partie civile du chef de diffamation ; qu'ils ont exposé qu'un différend existait entre la régie et l'un de ses clients, M. X..., qui refusait de payer ses factures en prétendant que ses demandes d'explication demeuraient sans réponse ; que les plaignants faisaient grief à M. X... d'avoir adressé à la régie, avec copie au maire de la commune, deux courriers, en date des 29 juin 2012 et 24 juillet 2012, dans lesquels il tenait des propos mensongers et attentatoires à leur dignité ; qu'à l'issue de l'information, M. X... a été renvoyé par le juge d'instruction devant le tribunal correctionnel, après requalification, des chefs de dénonciation calomnieuse et outrages envers des personnes chargées d'une mission de service public ; que par jugement du 15 janvier 2015, le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable de ces infractions, l'a condamné à un mois d'emprisonnement avec sursis, 500 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ; que des appels ont été interjetés de cette décision ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 433-5 du code pénal, 2, 3, 388, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Bernard X... coupable d'outrage à personnes chargées d'une mission de service public ;
" aux motifs que sur le délit d'outrages à personnes chargées d'une mission de service public, les parties civiles faisaient état de deux courriers, l'un en date du 29 juin 2012, reçu le 2 juillet 2012, l'autre en date du 24 juillet 2012, reçu le 26 juillet 2012, émanant de M. X..., dans lesquels il tenait des propos injurieux parlant pour la première lettre de « système d'escrocs », « système de truands », et dans la seconde de « fourbes, d'individus vicieux, d'hypocrites profitant du système erroné et mensonger, de malotrus, d'auteurs de perpétuels comportements douteux, de perfides », notamment, envers MM. François-Gaël Y...et Guillaume Z..., respectivement directeur et directeur administratif de la RGEB, faits prévus et punis par l'article 433-5 du code pénal ; que le conseil du prévenu, conteste l'infraction en considérant que les écrits reprochés avaient acquis un caractère public suite à leur envoi, notamment au député-maire de Bonneville, et de ce fait, ne pouvaient constituer les outrages prévus par le texte d'incrimination, qui prévoit que les écrits ne doivent pas être rendus publics ; que, toutefois, il résulte des écrits qu'ils ont été diffusés en fait à des personnes liées par une communauté d'intérêts, d'un côté le maire et de l'autre la RGEB qui présente le caractère d'une régie municipale de distribution d'énergie électrique, cette constatation venant permettre ainsi de considérer la diffusion des écrits comme étant non publique ; que dès lors, l'argumentation soulevée sera rejetée ; que le conseil du prévenu conteste la qualité de personnes chargées d'une mission de service public, à la fois à la RGEB, et à la fois au directeur et au directeur administratif de la régie, considérant que la RGEB n'a pas d'existence propre et que la démonstration de l'existence de la détention par les deux intéressés d'une portion de l'autorité publique n'est pas faite en l'espèce ; qu'il apparaît cependant, que la RGEB est une régie municipale de type loi 2001, en charge de la distribution d'énergie électrique, avec autonomie morale et financière, qui dispose bien dès lors d'une portion de l'autorité publique, qui s'étend à ses cadres dirigeants, membres actifs de la régie en question, chargés de la mise en oeuvre de son activité, les propos outrageants les concernant tous dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions ; que dès lors, l'argumentation soulevée sera rejetée ; que le conseil du prévenu soutient que les propos employés par le prévenu, constituent en fait des faits contraventionnels d'injures et non des outrages constitutifs d'une qualification spéciale qui doit l'emporter sur la qualification générale d'outrages, et à l'égard desquels la prescription de l'action publique doit être dès lors constatée, au vu de son acquisition dans le temps ; que le caractère non public des propos tenus a été démontré ci-dessus, rendant dès lors impossible en l'espèce la retenue de la qualification d'injures publiques ; quant à la qualification d'injures non publiques, elle ne saurait être retenue en l'espèce par suite de la retenue de la qualification généraliste d'outrages estimée comme étant plus adaptée aux présents faits ; que dès lors, l'argumentation soulevée sera rejetée ; que les éléments constitutifs de la matérialité des écrits et des propos tenus, tels que définis dans la citation de renvoi, constitutifs d'expressions outrageantes à l'encontre des destinataires, la RGEB et ses représentants, à savoir ses directeurs, apparaissent donc comme étant parfaitement établis en l'espèce, tout comme l'intention, le prévenu ayant bien eu en l'espèce conscience de leur caractère outrageant, à l'égard des personnes expressément visées ; que dès lors, l'infraction d'outrage à personnes chargées d'une mission de service public sera retenue à l'encontre du prévenu ;
" alors que la régie municipale de distribution d'énergie électrique d'une ville, et le maire de la même commune ne peuvent être qualifiés de groupe de personnes ayant une communauté d'intérêts, dès lors que, tout en ayant certains intérêts communs, ils constituent des entités distinctes, ayant des domaines d'action différents et ne partageant pas nécessairement les mêmes objectifs ; qu'en l'espèce, pour décider le contraire et en déduire que les écrits litigieux n'avaient pas été rendus publics, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que ceux-ci « ont été diffusés à des personnes liées par une communauté d'intérêts, d'un côté le maire et de l'autre la RGEB, qui présente le caractère d'une régie municipale de distribution d'énergie électrique » ; qu'en l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 433-5, alinéa 1er du code pénal " ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable d'outrages envers des personnes chargées d'une mission de service public, l'arrêt retient qu'il existe une communauté d'intérêts entre le maire de la commune de Bonneville et la régie municipale de distribution d'énergie électrique dès lors que le maire, autorité de tutelle, intervient de manière directe dans la nomination des membres du conseil d'administration de la régie et de son directeur ; qu'il en déduit qu'en adressant au maire une copie des lettres destinées à la régie, le prévenu n'a pas pour autant donné un caractère public à ces courriers ;
Qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués au moyen ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 226-10 du code pénal, 2, 3, 388, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de dénonciation calomnieuse ;
" aux motifs que sur le délit de dénonciation calomnieuse, il apparaît que les deux écrits litigieux adressés à la RGEB par le prévenu, l'ont été de manière spontanée, et que par leur transmission au maire, autorité de tutelle de la régie en cause, les propos tenus à l'encontre des parties civiles étaient susceptibles de donner lieu à des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires ; que le conseil du prévenu soutient qu'il y avait absence de dénonciation, le prévenu ayant déclaré avoir juste voulu avertir le maire ; qu'à partir du moment où le prévenu a voulu « avertir » le maire en utilisant les propos outrageants employés à l'encontre des parties civiles, relevés dans la citation, il apparaît difficile de venir soutenir qu'il ne souhaitait pas porter atteinte aux personnes visées, le maire pouvant prendre en compte les récriminations et leur donner toutes suites qu'il aurait estimé utiles ; que dès lors, l'argumentation soulevée sera rejetée ; que le conseil du prévenu soutient en l'espèce une absence de faits matériels dénoncés, ne permettant pas de retenir l'existence de l'infraction reprochée ; que toutefois, l'analyse des deux documents fait apparaître que le prévenu se plaint d'une coupure jugée illégale de fourniture d'électricité, et d'une absence de réponses à ses questions ; que les faits, en l'état exacts pour la coupure, mais inexacts sur le caractère illégal et sur le défaut de réponses, pouvaient laisser penser à un comportement peu responsable des destinataires, et donc leur porter préjudice ; que dès lors, l'argumentation soulevée sera rejetée ; qu'enfin, le conseil du prévenu fait état d'une absence de preuve de la fausseté des faits dénoncés, qui incombe à la partie poursuivante ; que l'intervention d'une coupure est prévue dans le contrat signé par les parties et ne peut intervenir que dans des cas prévus limitativement dans le contrat, ici le défaut de paiement de factures ; que, d'autre part, les éléments contenus dans les lettres qui seraient, selon le prévenu, dus à des absences de réponses à ses questions, ne peuvent en aucun cas être justifiés par une attitude résultant d'un défaut de communication entre les parties, dont l'origine incombe manifestement au prévenu, compte tenu de la réponse donnée par le médiateur de l'énergie au prévenu, ce que le prévenu ne pouvait bien sûr ignorer ; que dès lors, les éléments de l'infraction étant réunis, il convient de rentrer en voie de condamnation à l'encontre du prévenu ;
" 1°) alors que pour caractériser le délit de dénonciation calomnieuse, le fait dénoncé doit être de nature à exposer son auteur à des sanctions pénales, administratives ou disciplinaires ; que dès lors, en se bornant à énoncer qu'« à partir du moment où le prévenu a voulu « avertir » le maire, en utilisant les propos outrageants employés à l'encontre des parties civiles, relevés dans la citation, il apparaît difficile de venir soutenir qu'il ne souhaitait pas porter atteinte aux personnes visées, le maire pouvant prendre en compte les récriminations et leur donner toutes suites qu'il aurait estimé utiles », sans préciser concrètement la teneur des « suites utiles » que le maire aurait pu donner aux propos de M. X..., ni indiquer en quoi, les faits dénoncés étaient susceptibles d'exposer la RGEB ou ses membres à des sanctions pénales, administratives ou disciplinaires, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 226-10 du code pénal ;
" 2°) alors que le délit de dénonciation calomnieuse est une infraction intentionnelle qui implique la connaissance, par le prévenu, de la fausseté du fait dénoncé ou imputé à autrui ; qu'ainsi, en se bornant à énoncer que « l'analyse des deux documents fait apparaître que le prévenu se plaint d'une coupure jugée illégale de fourniture d'électricité et d'une absence de réponses à ses questions » et que « les faits, en l'état exacts pour la coupure », étaient « inexacts sur le caractère illégal et sur le défaut de réponses », sans indiquer concrètement en quoi le demandeur savait, au moment des faits, que la coupure dont il faisait l'objet était licite et, partant, avait conscience de la fausseté du fait dénoncé, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 226-10 du code pénal " ;
Vu l'article 226-10, alinéa 1er, du code pénal ;
Attendu que ne peut être réprimée au titre de l'article susvisé que la dénonciation de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de dénonciation calomnieuse, l'arrêt retient notamment que les propos tenus dans les écrits litigieux, dont des copies ont été adressées au maire, étaient susceptibles de donner lieu à des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires, le maire pouvant donner à ces récriminations les suites qu'il estimait utiles ;
Mais attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs, sans mieux s'expliquer sur la teneur des sanctions administratives ou disciplinaires pouvant être prononcées pour des faits de cette nature, la cour d'appel a méconnu le texte précité ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 1er juillet 2015, mais en ses seules dispositions relatives au délit de dénonciation calomnieuse et aux peines prononcées, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Chambéry et sa mention en marge de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze décembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-85517
Date de la décision : 14/12/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DENONCIATION CALOMNIEUSE - Faits dénoncés - Faits de nature à entraîner une sanction - Sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires - Sanctions susceptibles d'être prononcées - Contenu - Détermination - Nécessité

Ne peut être réprimée, au titre de l'article 226-10, alinéa 1, du code pénal que la dénonciation de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires. Encourt la cassation l'arrêt qui ne s'explique pas sur la teneur des sanctions pouvant être prononcées


Références :

article 226-10, alinéa 1, du code pénal

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 01 juillet 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 déc. 2016, pourvoi n°15-85517, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : Mme Moracchini
Rapporteur ?: Mme Carbonaro
Avocat(s) : SCP Le Griel

Origine de la décision
Date de l'import : 07/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.85517
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