LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 juillet 2015), que les sociétés Bernard X... gestion et Alain Colas Tahiti, représentées par leur mandataire ad hoc, Mme A..., ont fait opposition à l'arrêt ayant rétracté les sentences rendues par le tribunal arbitral désigné en vertu d'un compromis signé le 16 novembre 2007 entre, d'une part, leurs liquidateurs judiciaires, M. et Mme X... en leur nom personnel, les liquidateurs judiciaires de ces derniers ainsi que des sociétés Groupe Bernard X... et Société financière et immobilière Bernard X... et, d'autre part, la société CDR Créances et la société CDR Consortium de réalisation ;
Attendu que Mme A..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de déclarer son opposition irrecevable alors, selon le moyen :
1°/ que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; que saisi d'une contestation relative à l'existence du droit propre d'un débiteur en liquidation judiciaire à exercer une voie de recours contre une décision qui lui est préjudiciable, il lui appartient de se prononcer sur l'existence de ce droit propre au regard des règles de droit applicable au litige ; qu'en s'en remettant au comportement des sociétés BT Gestion et ACT à l'époque de la signature du compromis d'arbitrage, au lieu d'examiner si l'exercice de la voie de recours ressortissait à un droit propre, pour néanmoins en exclure l'existence, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 12 du code civil ;
2°/ que le liquidateur ne peut compromettre sur toutes les questions qui intéressent collectivement les créanciers, sans que le débiteur ait été entendu ou dûment appelé ; que ce droit propre trouve son prolongement dans celui reconnu au débiteur de former un recours contre la décision annulant les sentences rendues dans le cadre de cet arbitrage ; qu'en écartant néanmoins tout droit propre des sociétés BT Gestion et ACT à exercer un recours contre la décision de révision des sentences des 7 juillet et 28 novembre 2008, au motif inopérant que celles-ci n'avaient pas revendiqué ce droit pour signer en leur nom les compromis d'arbitrage qui l'avaient été par le liquidateur, la cour d'appel a violé les articles L. 622-9, alinéa 1, et L. 622-20 du code de commerce, dans leur rédaction applicable au litige ;
3°/ que le débiteur en liquidation judiciaire a toujours un droit propre à exercer un recours contre une décision lui portant préjudice ; qu'en écartant néanmoins tout droit propre des sociétés BT Gestion et ACT à exercer un recours contre la décision de révision des sentences arbitrales des 7 juillet et 27 juillet 2008, sans rechercher si cette décision de nature à retarder la clôture des opérations de liquidation et à compromettre la liquidation par extinction du passif ne conférait pas un droit propre au débiteur à former ce recours, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-9, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige ;
4°/ que la renonciation ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en se bornant à retenir que les société BT Gestion et ACT n'avaient pas revendiqué de droit propre pour signer le compromis d'arbitrage en leurs noms, sans caractériser aucun élément manifestant une volonté non équivoque de renoncer à se prévaloir d'un droit propre, pour en écarter l'existence, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
5°/ que le fait que le liquidateur soit partie à une instance n'est pas en lui-même de nature à exclure l'existence d'un droit propre du débiteur en liquidation à exercer une voie de recours contre la décision rendue à l'occasion de cette instance ; qu'en jugeant néanmoins que les société BT Gestion et ACT étaient irrecevables, faute de droit propre, à demander par voie d'opposition la rétractation de la décision qui s'est prononcée sur l'action en révision dans laquelle elles étaient représentées par leurs liquidateurs judiciaires, la cour d'appel a violé l'article L. 622-9, alinéa 1, du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige ;
Mais attendu, qu'ayant constaté que le compromis du 16 novembre 2007 avait été signé par les liquidateurs judiciaires des sociétés Bernard X... gestion et Alain Colas Tahiti et que ces dernières n'y figuraient pas comme titulaires d'un droit propre et distinct de celui défendu par leur liquidateur judiciaire, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche inopérante invoquée par la troisième branche, en a exactement déduit qu'elles n'étaient pas recevables à faire opposition à la décision ayant rétracté la sentence prononcée par le tribunal arbitral désigné en exécution de ce compromis ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Bernard X... gestion et Alain Colas Tahiti, représentées par leur mandataire ad hoc, Mme A..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour Mme A..., ès qualités
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'opposition formée par la société BT Gestion et la société Alain Colas Tahiti, agissant toutes deux par Mme A... désignée en qualité d'administrateur ad hoc, à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris du 17 février 2015 sur le recours en révision formé par les sociétés CDR Créances et CDR Consortium de Réalisation à l'encontre de la sentence arbitrale rendue à Paris le 7 juillet 2008 et trois autres sentences rendues le 27 novembre 2008 ;
Aux motifs que « l'article 571 du Code de procédure civile dispose " L'opposition tend à faire rétracter un jugement rendu par défaut. Elle n'est ouverte qu'au défaillant " ; que si l'opposition qui remet en question devant le même juge les points jugés par défaut pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit, est ouverte à la partie défaillante, celle-ci ne peut, à la faveur de l'exercice de cette voie de recours, se trouver investie de plus de droits qu'elle n'en aurait eu dans l'instance à laquelle elle n'a pas comparu ; qu'en l'espèce, le compromis d'arbitrage qui avait pour objet de déférer au tribunal arbitral, afin de les résoudre " de manière globale et définitive " les divers contentieux opposant les époux X... et les sociétés du Groupe X... aux sociétés CDR pendants devant différentes juridictions, a été signé le 16 novembre 2007 par les liquidateurs à la liquidation judiciaire des sociétés opposantes, habilités par application de l'article L. 622-9 alinéa 1 du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 2 janvier 1985, à exercer, durant toute la durée de la liquidation, les droits et actions concernant le patrimoine des débitrices dessaisies de l'administration de leurs biens par l'effet du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire ; que les sociétés opposantes qui ne figurent pas au compromis comme titulaires d'un droit propre distinct de celui défendu par leurs liquidateurs et qui dissoutes consécutivement au prononcé leur liquidation judiciaire n'ont d'ailleurs pas, afin de revendiquer un tel droit devant les arbitres, provoqué en temps utile la désignation d'un mandataire ad hoc pour les représenter et agir en leur nom en lieu et place, de leurs dirigeants sociaux privés de qualité à raison de la cessation de leurs fonctions, ne peuvent se voir être regardées comme parties à la sentence arbitrale en cette qualité ; que cette qualité de partie titulaire d'un droit propre ne saurait résulter de ce que par actes distincts de ceux délivrés à leurs liquidateurs ès qualités, les sociétés BTG et ACT ont été assignées dans l'instance en révision, à leur dernier siège social connu, sous la même forme et aux mêmes fins que les parties au compromis et à la sentence arbitrale, et sans que les sociétés CDR aient provoqué la désignation de mandataires ad hoc pour les représenter ; que la qualité de partie titulaire d'un droit propre ne peut davantage se déduire de la qualification donnée à l'arrêt du 17 février 2015, rendu par défaut à raison de leur défaillance, cette décision s'étant bornée à tirer les conséquences de la situation procédurale qui s'imposait à la juridiction saisie laquelle n'avait pas, en l'absence de contestation, à se prononcer sur la qualité des parties assignées non comparantes ; qu'il s'ensuit que BTG et ACT n'ayant pas été parties à l'arbitrage au titre d'un droit propre sont irrecevables à demander par voie d'opposition la rétractation de la décision qui a prononcé sur l'action en révision dans laquelle elles étaient représentées par leurs liquidateurs judiciaires » ;
Alors, d'une part, que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; que saisi d'une contestation relative à l'existence du droit propre d'un débiteur en liquidation judiciaire à exercer une voie de recours contre une décision qui lui est préjudiciable, il lui appartient de se prononcer sur l'existence de ce droit propre au regard des règles de droit applicable au litige ; qu'en s'en remettant au comportement des sociétés BT Gestion et ACT à l'époque de la signature du compromis d'arbitrage, au lieu d'examiner si l'exercice de la voie de recours ressortissait à un droit propre, pour néanmoins en exclure l'existence, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 12 du code civil ;
Alors, d'autre part, que le liquidateur ne peut compromettre sur toutes les questions qui intéressent collectivement les créanciers, sans que le débiteur ait été entendu ou dûment appelé ; que ce droit propre trouve son prolongement dans celui reconnu au débiteur de former un recours contre la décision annulant les sentences rendues dans le cadre de cet arbitrage ; qu'en écartant néanmoins tout droit propre des sociétés BT Gestion et ACT à exercer un recours contre la décision de révision des sentences des 7 juillet et 28 novembre 2008, au motif inopérant que celles-ci n'avaient pas revendiqué ce droit pour signer en leur nom les compromis d'arbitrage qui l'avaient été par le liquidateur, la cour d'appel a violé les articles L. 622-9, alinéa 1, et L. 622-20 du code de commerce, dans leur rédaction applicable au litige ;
Alors, de plus, que le débiteur en liquidation judiciaire a toujours un droit propre à exercer un recours contre une décision lui portant préjudice ; qu'en écartant néanmoins tout droit propre des sociétés BT Gestion et ACT à exercer un recours contre la décision de révision des sentences arbitrales des 7 juillet et 27 juillet 2008, sans rechercher si cette décision de nature à retarder la clôture des opérations de liquidation et à compromettre la liquidation par extinction du passif ne conférait pas un droit propre au débiteur à former ce recours, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 622-9, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige ;
Alors, par ailleurs, que la renonciation ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'en se bornant à retenir que les société BT Gestion et ACT n'avaient pas revendiqué de droit propre pour signer le compromis d'arbitrage en leurs noms, sans caractériser aucun élément manifestant une volonté non équivoque de renoncer à se prévaloir d'un droit propre, pour en écarter l'existence, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Alors, enfin, que le fait que le liquidateur soit partie à une instance n'est pas en lui-même de nature à exclure l'existence d'un droit propre du débiteur en liquidation à exercer une voie de recours contre la décision rendue à l'occasion de cette instance ; qu'en jugeant néanmoins que les société BT Gestion et ACT étaient irrecevables, faute de droit propre, à demander par voie d'opposition la rétractation de la décision qui s'est prononcée sur l'action en révision dans laquelle elles étaient représentées par leurs liquidateurs judiciaires, la cour d'appel a violé l'article L. 622-9, alinéa 1, du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige.