La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2016 | FRANCE | N°15-26096

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 décembre 2016, 15-26096


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa sixième branche :
Vu l'article R. 67 du code électoral, ensemble les principes généraux du droit électoral ;
Attendu, selon le texte susvisé, qu'immédiatement après la fin du dépouillement, le procès-verbal des opérations électorales est rédigé dans la salle de vote, en présence des électeurs, en deux exemplaires signés de tous les membres du bureau ; que, dès l'établissement du procès-verbal, le résultat est proclamé en public par le président du bureau d

e vote et affiché en toutes lettres par ses soins dans la salle de vote ; que le no...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa sixième branche :
Vu l'article R. 67 du code électoral, ensemble les principes généraux du droit électoral ;
Attendu, selon le texte susvisé, qu'immédiatement après la fin du dépouillement, le procès-verbal des opérations électorales est rédigé dans la salle de vote, en présence des électeurs, en deux exemplaires signés de tous les membres du bureau ; que, dès l'établissement du procès-verbal, le résultat est proclamé en public par le président du bureau de vote et affiché en toutes lettres par ses soins dans la salle de vote ; que le non-respect de cette formalité est de nature à affecter la sincérité des opérations électorales et, s'agissant d'un principe général du droit électoral, constitue une irrégularité justifiant à elle seule l'annulation des élections ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que le 28 mai 2015 ont eu lieu au sein de la société Keolis-Lille les élections des membres du comité d'entreprise, des délégués du personnel et des membres du conseil de discipline, après signature le 13 avril précédent d'un protocole préélectoral par l'ensemble des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ; que le syndicat de l'encadrement, techniciens et assimilés des transports en commun de la CUDL Keolis-Lille transpole CFE CGC a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation de ce scrutin concernant l'élection des membres du comité d'entreprise titulaires dans le deuxième collège, techniciens et agents de maîtrise ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation des élections, le tribunal d'instance retient qu'il n'y a pas d'irrégularité susceptible de fausser les résultats ;
Qu'en statuant ainsi, alors même qu'il constatait que l'employeur reconnaissait que le procès-verbal des élections n'avait pas été signé par l'ensemble des membres du bureau de vote avant la proclamation des résultats, le tribunal d'instance a violé les texte et principes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 13 octobre 2015, entre les parties, par le tribunal d'instance de Lille ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Douai ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour le syndicat CGT transpole, le syndicat de l'encadrement, techniciens et assimilés des transports en commun de la CUDL
Ce moyen reproche au jugement attaqué d'avoir rejeté la demande d'annulation des élections des membres titulaires du comité d'entreprise, dans le deuxième collège « techniciens et agents de maîtrise », s'étant déroulées le 28 mai 2015 au sein de la société KEOLIS-LILLE ;
AUX MOTIFS QUE sur les irrégularités invoquées, à moins qu'elles ne soient directement contraires aux principes généraux du droit électoral, les irrégularités commises dans l'organisation et le déroulement du scrutin ne peuvent constituer une cause d'annulation que si elles ont exercé une influence sur le résultat des élections ;
QU'en l'espèce, sur la non prise en compte de votes par correspondance, le protocole d'accord préélectoral prévoyait la possibilité d'un vote par correspondance ; qu'il est constant que le matériel de vote a été adressé en temps utile ; que deux salariés Monsieur X... et Monsieur Y... auraient indiqué avoir perdu ou n'avoir pas reçu leur kit, l'employeur leur en a donc adressé un 2ème ; que Monsieur Y... dans une attestation confirme avoir reçu 2 kits et avoir procédé à deux votes ; que dans le cadre d'un vote par correspondance, le bureau de vote avait toute légitimité à considérer les bulletins comme nuls, un salarié ne pouvant voter qu'une fois ; que les bulletins nuls doivent être placés à part et mentionnés dans le procès- verbal des élections, ce qui est bien le cas en l'espèce ; qu'iI n'est donc pas relevé d'irrégularité sur ce point ;
QUE sur l'absence de correspondance entre le nombre de bulletins recensés et le nombre d'émargements, et sur la feuille de dépouillement et le nombre de votants sur le procès-verbal ; qu'il est constant au regard des pièces produites au débat que les membres du bureau de vote ont omis d'émarger la liste d'émargement pour deux salariés ayant voté par correspondance, que cet oubli a été réparé sur le procès-verbal, et que mention a été faite de cette différence sur la feuille de dépouillement en commentaire ; qu'il n'y a donc pas d'irrégularité susceptible de fausser les résultats ;
QUE sur la désignation du président du bureau de vote et des signatures du procès-verbal, la composition du bureau de vote est prévue par le protocole préélectoral ; que la composition du bureau électorale doit être conforme à ce qui est prévu au protocole ; que l'absence de président désigné au sein du bureau est une cause d'annulation de plein droit ; qu'en l'espèce, il est constant que lee bureau de vote a été désigné et qu'il n'est pas soulevé que cette désignation soit contraire au protocole ; que si toutes les pièces produites au débat ne reprennent pas la composition du bureau de vote (les feuilles de dépouillement ne reprennent pas les signatures des membres du bureau de vote), le procès-verbal (pièce demandeur 9bis) et l'attestation de Madame Z... et des autres salariés permettent de constater que le bureau de vote a été valablement désigné ; qu'il n'y a donc pas d'irrégularité susceptible de fausser les résultats ; qu'il y lieu en conséquence de débouter le syndicat CFE CGC de toutes ses demandes ;
ALORS D'UNE PART QUE le Tribunal d'instance qui, pour justifier la mise à l'écart de l'ensemble des votes par correspondance de deux électeurs, Messieurs X... et Y..., qui avaient adressé deux fois leur enveloppe de vote, se borne à affirmer que le bureau de vote avait toute légitimité à considérer les bulletins comme nuls, un salarié ne pouvant voter qu'une fois, sans rechercher, comme il y était invité, si ne devait pas être invalidé uniquement le premier vote émis par les intéressés et pris en compte le vote exprimé en dernier lieu après l'envoi par la direction d'un second matériel de vote, conformément à la solution prévue par le protocole préélectoral en cas de vote par correspondance suivi d'un vote sur place d'un électeur, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.2324-19, ensemble l'article L.2324-21 Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE les syndicats exposants faisaient valoir dans leurs écritures devant le Tribunal que c'était sur les consignes expresses de la direction des ressources humaines de la société KEOLIS qui avait adressé aux deux salariés un second matériel de vote, en raison du retard dans l'acheminement du premier, d'une part, et de son caractère incomplet, d'autre part, que les intéressés avaient procédé à un deuxième vote, ce dont il se déduisait de plus fort que ce dernier aurait dû être pris en compte ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef déterminant des conclusions des syndicats CFE-CGC de KEOLIS-LILLE et CGT TRANSPOLE, le Tribunal d'instance n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS DE TROISIEME PART QUE les exposants faisaient également valoir qu'outre les votes précités des deux salariés, les votes par correspondance de trois autres électeurs avaient été écartés sans aucune justification, ainsi qu'en attestait l'organisation, le 3 juin 2015, d'une réunion par la direction « suite aux incidents de dépouillement Collège Techniciens Agents de Maîtrise », au cours de laquelle une solution à cette non prise en compte de trois enveloppes supplémentaires avait été recherchée mais sans succès en raison de l'absence d'unanimité des organisations syndicales ; que le Tribunal d'instance, qui ne s'explique pas sur cette nouvelle cause d'irrégularité invoquée devant lui, pourtant de nature à avoir une incidence sur le résultat du scrutin en raison de la faible différence de score des différentes organisations syndicales, a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS DE QUATRIEME PART, et en tout état de cause , QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en se bornant à affirmer qu'il n'était pas relevé d'irrégularité dans la prise en compte des votes par correspondance sans se livrer à aucune analyse, fût-elle sommaire, des éléments de preuve qui lui étaient soumis, tels que la convocation à la réunion du 3 juin 2015 et les nombreuses attestations de salariés membres d'organisations syndicales évoquant l'incident lié à l'absence de prise en compte de trois votes par correspondance supplémentaires, le Tribunal d'instance n'a pas satisfait au exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS DE CINQUIEME PART QUE l'absence de président désigné dans les bureaux de vote en violation des principes généraux du droit électoral constitue, en raison de l'importance de ses fonctions, une irrégularité qui porte atteinte au déroulement normal des opérations électorales et compromet dans son ensemble la loyauté du scrutin ; qu'en se bornant à affirmer, pour écarter la cause d'irrégularité du scrutin invoquée par les syndicats tirée de l'absence de désignation du président du bureau de vote, que ce bureau a été valablement désigné sans qu'il ressort de ses énonciations qu'un des membres du bureau a été désigné en qualité de président, le Tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard (de l'article) R.42 du Code électoral, ensemble les principes généraux du droit électoral ;
ALORS DE SIXIEME PART QUE le procès-verbal des élections établi immédiatement après la fin du dépouillement des votes doit comporter la signature des membres du bureau de vote ; que le non-respect de cette formalité, en violation des dispositions de l'article R.67 du Code électoral, est de nature à affecter la sincérité des opérations électorales et, s'agissant d'un principe général du droit électoral, constitue une irrégularité justifiant à elle seule l'annulation des élections ; qu'il résulte des énonciations du jugement attaqué que la société KEOLIS-LILLE reconnaissait que le procès-verbal initial rédigé, le 28 mai 2015, dans la salle de vote avant la proclamation des résultats à 20 h 22, n'avait pas reçu la signature des membres du bureau de vote, laquelle ne figurait que sur le procès-verbal établi le 1er juin avant son envoi à l'administration : que le Tribunal d'instance qui, en dépit de ce fait constant, établi en outre par la production des deux documents en cause, a validé les élections en considérant qu'il n'y avait pas d'irrégularité susceptible de fausser les résultats, a violé l'article R.67 du Code électoral, ensemble les principes généraux du droit électoral.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-26096
Date de la décision : 07/12/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité d'entreprise et délégué du personnel - Opérations électorales - Modalités d'organisation et de déroulement - Régularité - Défaut - Atteinte aux principes généraux du droit électoral - Portée

ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Principes généraux - Principe de sincérité - Respect - Nécessité - Applications diverses - Procès-verbal des opérations électorales - Etablissement - Régularité - Défaut - Portée

Il résulte de l'article R. 67 du code électoral que le procès-verbal des opérations électorales est rédigé dans la salle de vote, immédiatement après la fin du dépouillement, et en présence des électeurs, en deux exemplaires signés de tous les membres du bureau. Le non-respect de cette formalité est de nature à affecter la sincérité des opérations électorales et, s'agissant d'un principe général du droit électoral, constitue une irrégularité justifiant à elle seule l'annulation des élections


Références :

article R. 67 du code électoral

principes généraux du droit électoral

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Lille, 13 octobre 2015

Sur l'absence de signature de la liste d'émargement pouvant, comme celle du procès-verbal des opérations électorales, affecter la sincérité de ces opérations, à rapprocher :Soc., 28 mars 2012, pourvoi n° 11-16141, Bull. 2012, V, n° 113 (3) (cassation partielle)

arrêt cité ;Soc., 30 septembre 2015, pourvoi n° 14-25925, Bull. 2015, V, n° 183 (cassation), et la décision citée


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 déc. 2016, pourvoi n°15-26096, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat général : Mme Berriat
Rapporteur ?: Mme Lambremon
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.26096
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award