N° A 16-84.451 F-P+B
N° 5840
SC2
6 DÉCEMBRE 2016
REJET
M. GUÉRIN président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six décembre deux mille seize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BELLENGER, les observations de la société civile professionnelle ROCHETEAU et UZAN-SARANO, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;
REJET du pourvoi formé par M. Karim X..., contre l'arrêt n° 59 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bourges, en date du 24 juin 2016, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de vol aggravé, recel aggravé et filouterie de carburant, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure AR ;
Vu le mémoire produit ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 13 octobre 2016, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 18, 151, D. 33, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en nullité formée par M. X... ;
"aux motifs qu'en application des dispositions de l'article 151 du code de procédure pénale, la commission rogatoire, en date du 22 mai 2015, délivrée à M. le général commandant la région du Centre et à M. le colonel commandant le groupement de gendarmerie du Cher, a indiqué la nature des infractions déléguées, soit vol par effraction dans un local d'habitation en réunion accompagné ou suivi de dégradations et filouterie ; que la délégation vise, en ce qui concerne le vol, les faits commis à Fussy, entre le 30 avril 2015 et le 4 mai 2015 au préjudice des époux M. et Mme Y...
Z... ; qu'il résulte du procès-verbal d'investigations susvisé que : "le mardi 2 juin 2015 au matin, les surveillances techniques mises en place dans le cadre de la commission rogatoire délivrée par le juge d'instruction faisaient apparaître que MM. A... et X... se trouvaient sur la commune d'Epinay-sur-Seine (93) et circulaient à bord d'un camion Iveco loué à Bourges (identifié sous le n° DE-171-FJ) et qu'ils n'allaient pas revenir dans l'immédiat car ils avaient encore "deux, trois trucs à évacuer". Aucun de leurs propos ne permettait d'établir de quel type de marchandise il s'agissait et l'importance de la cargaison. Néanmoins, de part les investigations menées contre les susnommés, il n'était pas exclut qu'il pouvait s'agir d'objets d'art dérobés au château de Contremoret" ; que l'analyse de ce procès-verbal met en évidence que si les gendarmes en charge de la commission rogatoire disposaient alors d'éléments relatifs à des faits de recel, mis en évidence par la teneur des conversations et la personnalité des individus en cause, le lien avec le vol commis à Fussy n'était alors nullement établi même si, à l'évidence, il ne pouvait être écarté a priori ; que c'est ainsi dans l'exercice de leurs prérogatives que les gendarmes de Bourges ont fourni aux officiers de police judiciaire matériellement et territorialement compétents, s'agissant d'un délit flagrant de recel commis ou susceptible d'être commis à Epinay-sur-Seine, les éléments d'information de nature à interpeller les auteurs ; que le contrôle routier a eu lieu peu après 17 heures ; que le procès-verbal, en date du 2 juin 2015 à 17 heures 10 établi par les fonctionnaires de police d'Epinay-sur-Seine, qui étaient de rondes anti-criminalité sur l'ensemble du département de la Seine-Saint-Denis, est ainsi rédigé : "demandons alors au conducteur (M. A...), si ce véhicule de location est d'utilité professionnelle ou privé et ce dernier nous répond qu'il s'en sert pour effectuer des déménagements et vide-greniers. Le conducteur nous propose même de nous ouvrir le hayon arrière de la cabine afin de nous montrer l'intérieur. Il nous explique avoir effectué un vide grenier et qu'il transporte des objets bizarres et des vieux trucs. Ce dernier s'affaire donc à ouvrir l'arrière du camion où nous constatons rapidement la présence de nombreux objets d'art à savoir de nombreux tableaux, des statues, des vases et autres objets. Demandons au conducteur si ce dernier possède des justificatifs ou documents attestant le fait d'avoir effectué des vide-greniers et celui-ci nous répond par la négative. Dès lors, vu les faits, agissant en matière de flagrant délit, vu les articles 53 et 73 du code de procédure pénale, interpellons les deux individus. Il est dix-sept heures quarante" ; que M. X... a été placé en garde à vue à compter de 17 h 20 et dans le cadre d'une enquête de flagrance du chef de recel de bien provenant d'un vol aggravé ; qu'à 17 h 40, un officier de police judiciaire d'Epinay-sur-Seine est informé que, suite à la transmission d'un cliché photographique par GSM, les objets se trouvant dans le camion "correspondent en tout point à ceux dérobés au château" ; qu'à 17 h 59, le parquet de Bobigny est informé du placement en garde à vue ; qu'il est dès lors cohérent que l'intéressé n'ait pas été interrogé dans le cadre de la procédure de flagrance, le lien avec les faits objets de la commission rogatoire étant établi dès 17 h 40, soit peu après le placement en garde à vue ; que ladite garde à vue a été levée sous le contrôle du parquet de Bobigny et reprise à 22 h 15 dans le cadre de la commission rogatoire ; qu'il est ainsi constant que les gendarmes en charge de la commission rogatoire n'ont délégué aucun acte aux fonctionnaires de police d'Epinay-sur-Seine, lesquels, étant informés de faits de recel de vol au préjudice d'une victime non encore identifiée, ont procédé régulièrement à un contrôle routier avant d'agir en matière de flagrance compte tenu des éléments sus-évoqués et de suspendre leur enquête dès lors qu'un lien a été formellement établi avec les faits objet de la commission rogatoire, laquelle, au demeurant, avait été délivrée en visant, conformément au principe de saisine in rem, l'infraction de vol aggravé et non celle de recel ;
"1°) alors que le juge ne peut dénaturer les écrits soumis à son examen ; qu'en l'espèce, l'officier de police judiciaire en charge de la commission rogatoire du 22 juin 2015 sur des faits de vol commis à Fussy (Cher) au préjudice des époux M. et Mme Y...
Z... a déclaré, dans son procès-verbal d'investigations du 3 juin 2015, qu'il avait, dans le cadre de cette enquête, sollicité le concours de la brigade anti-criminalité de Bobigny (Seine-Saint-Denis) afin que le camion qui avait été identifié par ses services comme susceptible de transporter le produit de l'infraction puisse faire l'objet d'un contrôle, rue de l'Avenir à Epinay-sur-Seine, en vue de l'éventuelle interpellation de MM. A... et X... qui se trouvaient à son bord (D614) ; que l'officier de police judiciaire ayant procédé à ce contrôle a déclaré, dans son procès-verbal de prise de contact du 2 juin 2015 que, d'une part, "Munis de ces informations, décidons de nous rendre sur la commune d'Epinay-sur-Seine dans l'espoir de repérer ce véhicule soit en mouvement soit stationné afin de fournir des renseignements utiles à l'enquête" et, d'autre part, qu'il s'était rendu à cette fin à l'endroit précis qui lui avait été indiqué par le délégataire, rue de l'Avenir (D616-3) ; qu'en jugeant que la brigade anti-criminalité de Bobigny était compétente pour procéder au contrôle du véhicule puis à l'interpellation et au placement en garde à vue de MM. X... et A... le 2 juin 2015 dans la mesure où aucun lien n'était alors établi avec les faits de vol visés à la commission rogatoire, quand cette affirmation était formellement contredite par les procès-verbaux D614 et D161-3 sur lesquelles elle prétendait la fonder, la chambre de l'instruction les a dénaturés en violation des textes susvisés ;
"2°) alors que l'officier de police judiciaire rogatoirement commis est incompétent pour subdéléguer tout ou partie des actes d'investigation qui lui ont été délégué par le juge d'instruction ; que les actes accomplis en vertu d'une telle subdélégation sont entachés d'une nullité d'ordre public du fait de l'incompétence matérielle de leur auteur ; qu'en se fondant, pour affirmer que la brigade anti-criminalité de Bobigny était compétente pour procéder aux actes litigieux, sur la circonstance en réalité inopérante que si le lien entre l'infraction de vol visée à la commission rogatoire ne pouvait a priori être écarté, il n'était néanmoins pas encore établi à ce stade de l'enquête, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
"3°) alors que le juge ne peut dénaturer les écrits soumis à son examen ; qu'en l'espèce, le juge d'instruction en charge de l'enquête relative au vol commis à Fussy, entre le 30 avril et le 4 mai 2015, au préjudice des époux Y...
Z... donnait notamment mission aux délégataires "de découvrir ce qu'il est advenu de l'important butin dérobé" (D229-1) ; qu'en rejetant la requête en nullité dont elle était saisie par M. X... au motif inopérant que la commission rogatoire visait l'infraction de vol commis au préjudice des époux Y...
Z... et non l'infraction de recel pour laquelle des officiers de police judiciaire non rogatoirement commis pouvaient valablement enquêter, la chambre de l'instruction a dénaturé cette commission rogatoire en violation violé des textes susvisés ;
"4°) alors qu'il existe une unité d'infraction entre les faits de vol et de recel reprochés à un même mis en cause, la seconde infraction étant la conséquence directe de la première ; qu'en l'espèce, le juge d'instruction en charge de l'enquête relative au vol commis à Fussy, entre le 30 avril et le 4 mai 2015, au préjudice des époux Y...
Z... donnait notamment mission aux délégataires "de découvrir ce qu'il est advenu de l'important butin dérobé" (D229-1) ; qu'en rejetant la requête en nullité dont elle était saisie par M. X... au motif que la commission rogatoire visait l'infraction de vol commis au préjudice des époux Y...
Z... et non l'infraction de recel pour laquelle des officiers de police judiciaire non rogatoirement commis pouvaient valablement enquêter, quand la recherche des objets issus du vol constituait un acte d'information se rattachant directement à l'infraction visée par la commission rogatoire et, comme telle, expressément comprise dans la mission prescrite par le juge d'instruction, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'une information judiciaire a été ouverte suite au cambriolage du château de Fussy commis le 6 mai 2015 ; que la section de gendarmerie de Bourges a reçu commission rogatoire pour rechercher les auteurs de ce vol ; que, sur un renseignement communiqué par ces enquêteurs à la brigade anti-criminalité d'Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), des policiers de ce service ont effectué, le 2 juin 2015, un contrôle routier d'un camion, à l'intérieur duquel des marchandises volées ont été découvertes, et ouvert une procédure de flagrant délit de recel ; que la garde à vue des personnes interpellées, parmi lesquelles M. X..., a ensuite été reprise par la gendarmerie du Cher ; que M. X..., mis en examen du chef de vol aggravé, a présenté une requête aux fins d'annulation d'actes de la procédure ;
Attendu que, pour écarter le moyen de nullité, selon lequel la gendarmerie du Cher ne pouvait subdéléguer une commission rogatoire aux services de police d'Epinay-sur-Seine, l'arrêt énonce que les gendarmes ont fourni aux policiers territorialement compétents des éléments d'information sur un délit de recel qui transparaissait des écoutes téléphoniques, et qu'à la suite du contrôle routier effectué par la brigade anti-criminalité, une procédure de flagrant délit de recel a été établie par les policiers de Seine-Saint-Denis, sans qu'il y ait eu délégation d'aucun acte par les gendarmes saisis sur commission rogatoire des seuls faits de vol ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que l'existence d'indices apparents d'un comportement délictueux a été révélée lors de vérifications régulièrement opérées, à l'occasion d'un contrôle routier, conformément aux articles L. 233-2 et R. 233-1 du code de la route, sur des faits de recel distincts de ceux de vols dont le juge d'instruction était saisi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi DAR ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Bellenger, conseiller rapporteur, Mme Dreifuss-Netter, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.