LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 17 septembre 2015), que MM. Claude et Harry X... et Rosy X..., décédée, aux droits de laquelle viennent MM. Claude, Harry et Franck X... (les consorts X...) ont été autorisés par un tribunal d'instance à pratiquer une saisie sur les rémunérations du travail de M. Y..., qui a été notifiée à son employeur, la société E-MB 74 (la société) ; que le même jour, le trésor public a notifié à cette dernière un avis à tiers détenteur ; qu'à la suite d'un accord amiable accordant un délai de paiement à M. Y..., le trésor public a donné mainlevée de l'avis à tiers détenteur ; que par une ordonnance de contrainte, le tribunal d'instance a déclaré la société personnellement débitrice des retenues qui auraient dû être opérées sur les rémunérations de M. Y... à compter de la mainlevée de l'avis à tiers détenteur; que la société et M. Y... ont formé opposition à cette ordonnance ;
Attendu que la société et M. Y... font grief à l'arrêt de décider que la mainlevée de l'avis à tiers détenteur donnée en avril 2012 avait mis fin à la suspension de la procédure de saisie des rémunérations diligentée par les consorts X..., créanciers de son salarié, M. Y..., de juger que la société, employeur de M. Y..., était personnellement redevable des retenues qu'elle aurait dû opérer, en conséquence de la mainlevée de l'avis à tiers détenteur, et de condamner la société à payer au régisseur du tribunal d'instance d'Annecy, la somme de 70 511,64 euros, alors selon le moyen, que la notification à l'employeur d'un avis à tiers détenteur suspend le cours de la saisie des rémunérations jusqu'à l'extinction de l'obligation du redevable à l'égard de l'administration fiscale, peu important que le trésor public ait donné mainlevée de l'avis à tiers détenteur pour permettre au redevable de s'acquitter de sa dette selon l'échéancier dont ils sont convenus ; qu'en énonçant, pour décider que la société E-MB 74 était redevable des retenues qu'elle aurait dues opérer, que la procédure de saisie des rémunérations avait repris son cours du seul fait qu'il avait été donné mainlevée de l'avis à tiers détenteur, le 3 avril 2012, en raison des délais accordés au salarié pour s'acquitter de sa dette fiscale, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la mainlevée était motivée par l'extinction de l'obligation du redevable ou pour une autre cause, tout en constatant que la dette fiscale n'était pas éteinte, la cour d'appel a violé l'article R. 3252-37 du code du travail, ensemble l'article L. 3252-10 du code du travail ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé d'une part, qu'en application de l'article L. 3252-10 du code du travail, le tiers saisi verse mensuellement les retenues pour lesquelles la saisie est opérée dans la limite des sommes disponibles, à défaut de quoi, le juge, même d'office, l'en déclare personnellement débiteur et d'autre part, que selon l'article R. 3252-37 du même code, la notification à l'employeur d'un avis à tiers détenteur suspend le cours de la saisie jusqu'à l'extinction de l'obligation du redevable, et relevé qu'au mois d'avril 2012 l'avis à tiers détenteur avait fait l'objet d'une mainlevée totale de la part du comptable de la trésorerie ensuite des délais de paiement accordés à M. Y..., qui restait lui devoir une somme de 405 000 euros, la cour d'appel a exactement retenu, par motif adopté, que si l'avis à tiers détenteur donnait une priorité absolue à la trésorerie et suspendait la procédure de saisie des rémunérations dès sa notification, tel n'était plus le cas lorsqu'il en avait été donné mainlevée, laquelle mettait fin à tous ses effets, peu important le motif de cette mainlevée, de sorte que la société, qui n'avait pas procédé aux retenues correspondant à la part saisissable des rémunérations de M. Y... à compter du mois d'avril 2012 alors que la procédure de saisie des rémunérations avait repris son cours, en était personnellement débitrice ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la seconde branche du moyen unique annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société E-MB 74 et M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société E-MB 74 et M. Y....
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR décidé que la mainlevée donnée à l'avis à tiers détenteur en avril 2012 avait mis fin à la suspension de la procédure de saisie des rémunérations diligentée par les consorts X..., créanciers de son salarié, M. Y..., D'AVOIR jugé que, la société e-MB74, employeur de M. Y..., était personnellement redevable des retenues qu'elle aurait dues opérer, en conséquence de la mainlevée de l'avis à tiers détenteur, et D'AVOIR condamné la société e-MB74 à payer au régisseur du Tribunal d'instance d'Annecy, la somme de 70 511,64 € ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le premier juge a analysé de manière pertinente et fondée les éléments du litige et la conséquence juridique d'un avis à tiers détenteur et de sa mainlevée ; que ses motifs seront adoptés par la Cour ; qu'en effet, la mainlevée de l'avis à tiers détenteur par le Trésor public a constitué pour ce dernier, un renoncement à la priorité de son recouvrement, mis fin à la suspension de la saisie des rémunérations, de sorte qu'à partir de la main levée donnée par l'administration fiscale, l'employeur tiers saisi, aurait du reprendre les versements auprès du greffe du Tribunal d'instance d'Annecy ; que la mainlevée totale d'opposition, visant le délai accordé à M. Y..., en date du 3 avril 2012, qui figure aux pièces, consentait effectivement à ce que la société EMB Etoile Mont Blanc 74 dispose des sommes ayant fait l'objet de l'avis à tiers détenteur et " en l'absence d'autres oppositions ou cessions, s'en dessaisisse au profit de monsieur Y... ", ce qui n'était pas le cas, du fait de la saisie des rémunérations signifiée ; qu'il n'est pas contesté que depuis la main levée donnée par le Trésor, en avril 2012, aucune somme n'a été versée par la société e-MB74, à laquelle pourtant le barème de saisie des rémunérations applicable avait été régulièrement notifié lors de la mise en place de la mesure, de sorte qu'elle ne peut invoquer cet élément qui n'aurait conduit qu'à une actualisation annuelle du montant à retenir, ce qu'elle n'a jamais respecté fut ce pour un montant inférieur ; que le juge d'instance disposait des bulletins de salaire au titre de l'année 2012 et 2013 ; que les modalités de son calcul de la quotité saisissable n'ont pas été utilement critiquées, en tenant compte de la présence d'une personne à charge selon le dossier ; que c'est bien une somme globale de 90 611.64 € qui aurait du être reversée au greffe entre le mois d'avril 2012 et le mois de septembre 2013, sur laquelle ajuste titre ont été déduits les versements ayant bénéficié au Trésor public directement à partir du mois de mai 2012 pour un total de 20 100 € ; qu'il n'y a donc pas lieu d'augmenter, comme y prétendent les consorts X..., les conséquences pécuniaires décidées en première instance en exécution de l'ordonnance de contrainte ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article L. 3252-10 du code du travail dispose que le tiers saisi verse mensuellement les retenues pour lesquelles la saisie est opérée dans les limites des sommes disponibles ; qu'à défaut, le juge, même d'office, le déclare débiteur des retenues qui auraient dû être opérées ; que, selon l'article R. 3252-37 du même code, la notification, à l'employeur d'un avis à tiers détenteur conforme aux articles L. 262 et. L. 263 du livre des procédures fiscales suspend le cours de la saisie jusqu'à l'extinction de l'obligation, du redevable, sous réserve des procédures de paiement direct engagées pour le recouvrement des pensions alimentaires ; que l'employeur informe le comptable public de la saisie en cours ; que le comptable indique au greffe du tribunal la date de l'avis à tiers détenteur et celle de sa notification au redevable ; que le greffier avise les créanciers de la suspension de la saisie ; qu'après extinction de la dette du redevable, le comptable en informe le greffe qui avise les créanciers de la reprise des opérations de saisie ; que l'ordonnance de contrainte du 5 novembre 2013 a condamné la SAS e-MB74 à payer au régisseur du tribunal la somme de 92 338. 74 €, au titre des retenues qui auraient dû être opérées d'avril 2012 à septembre 2013, sur les salaires de Monsieur Hervé Y... ; qu'il est constant que durant cette période, aucun avis à tiers détenteur n'était en cours en ce que l'avis à tiers détenteur notifié le 29 septembre 2009 a fait l'objet d'une main levée totale le 3 avril 2012 de la part du comptable de la Trésorerie de TROYES compte tenu des délais accordés à Monsieur Y... ; que les bulletins de paie du débiteur saisi ne montrent d'ailleurs aucune retenue sur cette période ; que la mainlevée de l'avis à tiers détenteur n'est pas liée en l'espèce à l'extinction de la créance détenue par le Trésor public à l'égard de Monsieur Y..., la SAS e-MB74 ayant indiqué qu'il restait dû une somme de 405 000 € ; que si l'avis à tiers détenteur donne une priorité absolue à la Trésorerie sur les retenues opérées sur les rémunérations compte tenu du privilège du Trésor, et suspend la procédure de saisie des rémunérations dès notification de l'ATD, tel n'est plus le cas lorsqu'il a été donné mainlevée de l'avis à tiers détenteur ; que la mainlevée totale met fin à tous les effets de l'ATD, dont la priorité sur tous autres créanciers saisissants des rémunérations, peu important le motif de la mainlevée ; qu'un accord amiable conclu entre Monsieur Y... et le Trésor public ne peut avoir pour effet de maintenir la suspension de la procédure de saisie des rémunérations jusqu'à extinction de la dette fiscale ; qu'en effet, l'article R. 3252-37 alinéa 3 du code du travail ne vise que l'extinction de la dette par l'effet de l'avis à tiers détenteur, et régit les rapports entre le comptable public et le régisseur du tribunal dans cette hypothèse ; que ce texte n'a pas pour effet de maintenir, alors que l'ATD est levé, un effet prioritaire à la dette fiscale, le Trésor public ayant renoncé à faire valoir les effets de l'ATD en avril 2012 ; que par conséquent, la SAS e-MB74 aurait dû procéder aux retenues correspondant à la part saisissable des rémunérations de Monsieur Y... depuis avril 2012, et notamment sur la période d'avril 2012 à septembre 2013 ; qu'elle invoque ne pas avoir été informée du nouveau mode de calcul de la quotité saisissable ; que pourtant, l'acte de saisie du 24 septembre 2009 lui a été régulièrement notifié, la SAS e-MB74 ayant signé l'accusé de réception de cette notification le 29 septembre 2009, et répondu à la déclaration de situation du débiteur saisi ; que le moyen qu'elle invoque sera dès lors écarté ; qu'ainsi, la SAS e-MB74 est personnellement débiteur des retenues qui auraient dû être opérées sur les salaires de Monsieur Y... d'avril 2012 à septembre 2013 ; que, compte tenu des salaires de Monsieur Y... en 2012 (69 105 € imposables) et en 2013 (63 989 €), du fait qu'il a un enfant à charge et de la période visée par la contrainte, la totalité des retenues qui auraient dû être opérées est la suivante : - salaire moyen en 2012 : 5 758,79 €, d'où une quotité saisissable de 4 372,47 €, soit pour 2012, 9 x 4 372,47 = 39 352,23 € / - salaire moyen en 2013 : 7 109,97 €, d'où une quotité saisissable de 5 695,49 €, soit pour 2013, 9 x 5 695,49 = 51 259,41 € ; soit un total de 90 611,64 € ; que cependant, compte tenu des versements mensuels opérés par Monsieur Y... au trésor Public à compter de mai 2012 (900 x 17) et des versements complémentaires (4x1200 €), il convient de condamner la SAS e-MB74 à verser au régisseur de ce Tribunal la somme de 70 511, 64 € ; qu'enfin, il convient de souligner que la procédure de saisie des rémunérations poursuit ses effets ; que si le débiteur saisi, Monsieur Y..., souhaite des échéanciers avec les créanciers, il lui appartient de prendre attache avec leur mandataire, la présente juridiction ne pouvant mettre fin à la procédure de saisie, en imposant de tels échéanciers ;
1. ALORS QUE la notification à l'employeur d'un avis à tiers détenteur suspend le cours de la saisie des rémunérations jusqu'à l'extinction de l'obligation du redevable à l'égard de l'Administration fiscale, peu important que le Trésor public ait donné mainlevée de l'avis à tiers détenteur pour permettre au redevable de s'acquitter de sa dette selon l'échéancier dont ils sont convenus ; qu'en énonçant, pour décider que la société e-MB74 était redevable des retenues qu'elle aurait dues opérer, que la procédure de saisie des rémunérations avait repris son cours du seul fait qu'il avait été donné mainlevée de l'avis à tiers détenteur, le 3 avril 2012, en raison des délais accordés au salarié pour s'acquitter de sa dette fiscale, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la mainlevée était motivée par l'extinction de l'obligation du redevable ou pour une autre cause, tout en constatant que la dette fiscale n'était pas éteinte, la Cour d'appel a violé l'article R. 3252-37 du Code du travail, ensemble l'article L. 3252-10 du Code du travail ;
2. ALORS si tel n'est pas le cas QU'au cas où la saisie des rémunérations est suspendue par la notification à l'employeur d'un avis à tiers détenteur, cette procédure civile d'exécution ne reprend son cours qu'à compter de la notification à l'employeur, de la mainlevée de l'avis à tiers détenteur par le Trésor public ; qu'en énonçant, pour décider que la société e-MB74 était redevable des retenues qu'elle aurait dues opérer sur les rémunérations servies à M. Y..., que la procédure de saisie des rémunérations avait repris son cours du seul fait qu'il avait été donné mainlevée de l'avis à tiers détenteur, le 3 avril 2012, en raison des délais accordés au salarié pour s'acquitter de sa dette fiscale, sans constater qu'une telle mainlevée avait été effectivement notifiée à la société e-MB74 qui contestait avoir eu connaissance de ses obligations à l'égard du greffe du tribunal d'instance, la Cour d'appel a violé l'article R. 3252-37 du Code du travail, ensemble l'article L. 3252-10 du Code du travail et les articles L. 262 et L. 263 du Livre des procédures fiscales.