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01/12/2016 | FRANCE | N°15-19304;15-19773

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 01 décembre 2016, 15-19304 et suivant


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité joint les pourvois n° T 15-19. 304 et C 15-19. 773 ;
Sur le moyen unique du pourvoi T 15-19. 304 et le premier moyen du pourvoi C 15-19. 773 réunis :
Vu les articles L. 145-34 et R. 145-8 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 mars 2015), qu'en 1998 un bail portant sur un local à usage de pharmacie a été signé entre Lucette X..., usufruitière, et son fils Jacques, nu-propriétaire ; que celui-ci a cédé le fonds de commerce comprenant ce dr

oit au bail à la société Pharmacie X...- D...- E..., aux droits de laquell...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité joint les pourvois n° T 15-19. 304 et C 15-19. 773 ;
Sur le moyen unique du pourvoi T 15-19. 304 et le premier moyen du pourvoi C 15-19. 773 réunis :
Vu les articles L. 145-34 et R. 145-8 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 mars 2015), qu'en 1998 un bail portant sur un local à usage de pharmacie a été signé entre Lucette X..., usufruitière, et son fils Jacques, nu-propriétaire ; que celui-ci a cédé le fonds de commerce comprenant ce droit au bail à la société Pharmacie X...- D...- E..., aux droits de laquelle se trouve la société Pharmacie du Cours Mirabeau ; que, le 2 août 2007, la société locataire a demandé le renouvellement du bail aux mêmes conditions de loyer s'élevant à la date du renouvellement à 13 618 euros et que Lucette X... a sollicité la fixation d'un loyer déplafonné selon la valeur locative ; qu'au décès de Lucette X..., M. X... et ses soeurs, Mmes X..., sont intervenues à l'instance en fixation du loyer du bail renouvelé en qualité d'ayants droit de leur mère ;
Attendu que, pour rejeter la demande des consorts X... en fixation du loyer selon la valeur locative du local, l'arrêt retient qu'en l'absence de donnée chiffrée permettant de déterminer l'ampleur de la sous-évaluation du loyer initial, qui ne peut se déduire du constat de l'importante différence existant entre le montant du loyer plafonné et de la valeur locative à la date de renouvellement du bail, l'existence d'un loyer anormalement bas se justifiant par les rapports privilégiés entre preneur et bailleur n'est pas rapportée, et qu'il n'y a pas lieu à déplafonnement ;
Qu'en statuant ainsi, tout en écartant l'évolution notable et favorable des facteurs locaux de commercialité, la cour d'appel, qui a retenu l'importance de la différence entre le loyer plafonné et la valeur locative du bien, sans rechercher à quelle autre cause qu'une sous-évaluation en raison des liens de parenté existant entre les signataires du bail cette différence importante pouvait être attribuée, a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi C 15-19. 773 :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Pharmacie du cours Mirabeau aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Pharmacie du cours Mirabeau et la condamne à payer la somme de 2 000 euros à M. Jacques X... et la somme globale de 2 000 euros à Mmes Christiane et Chantal X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. Jacques X... (demandeur au pourvoi n° T 15-19. 304).
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de déplafonnement du loyer fondée sur l'article R. 145-8 du code de commerce, dit que l'évolution notable et favorable au commerce considéré des facteurs locaux de commercialité n'était pas démontrée, rejeté la demande de fixation à la valeur locative et fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 1er février 2007 à la somme de 13 618 euros ;
Aux motifs que le premier juge avait fixé le loyer à la valeur locative en retenant que le bail avait été fixé à un montant dérisoire en considération de relations mère fils qui avaient désormais cessé ; que les intimés soutenaient à juste titre que les modalités de fixation du prix originaire pouvaient être prises en compte pour justifier un déplafonnement du loyer renouvelé, en particulier quand le loyer avait été fixé à un montant anormalement bas eu égard à des raisons de famille existant alors et ayant disparu par la suite ; que la preuve de ces circonstances particulières incombait au bailleur, demandeur au déplafonnement ; qu'il était certain que le bail avait été conclu dans le cadre d'une opération familiale comportant la donation-partage à M. Jacques X... de la moitié de l'officine et de la moitié des murs ; que toutefois, force était de constater que les parties au bail avaient pris soin de mentionner dans le bail que le loyer correspondait à la valeur locative ; que si cette mention ne pouvait être interprétée comme un aveu de droit au regard des critères des articles L. 145-33 et R. 145-8 du code de commerce, elle avait néanmoins un sens et une raison d'être puisqu'elle avait conduit à considérer que Mme X... mère avait entendu exclure toute volonté de gratification de sa part en ce qui concernait la fixation du loyer ; que par ailleurs, les accords pris par Jacques X... concernant les augmentations de loyers et leurs modalités, déclarés inopposables à Mme X..., ne pouvaient être utilisés comme argument décisif ; que l'expert judiciaire avait indiqué, page 23 de son rapport, que le loyer d'origine avait été fixé dans le cadre d'une relation mère fils en-dessous du marché et que cette relation qui n'existait plus entre les parties au bail justifiait que le loyer du bail renouvelé soit établi en fonction de la valeur locative réelle ; que toutefois, ce rapport ne comportait aucune recherche ni aucun examen de la valeur locative moyenne à la date de conclusion du bail, ni aucune donnée chiffrée permettant de déterminer l'ampleur de la sous-évaluation intervenue et qui ne pouvait se déduire du constat de l'importante différence existant entre le montant du loyer plafonné et de la valeur locative à la date de renouvellement du bail ; que ni le rapport B..., ni le rapport de M. Z..., expert amiable de la pharmacie du Cours Mirabeau, n'évoquaient la question, de sorte que la cour d'appel ne disposait pas d'autres éléments d'information que ceux-ci-dessus rappelés, qui consistaient en de simples affirmations insuffisamment corroborées ; qu'il en résultait que l'existence d'un loyer anormalement bas, se justifiant par les rapports privilégiés entre preneur et bailleur, n'était pas démontrée et qu'il n'y avait pas matière à déplafonnement ; que sur l'évolution des facteurs locaux de commercialité, l'expert judiciaire concluait à l'absence d'éléments justifiant une hausse des facteurs locaux de commercialité, ce qui était aussi l'avis de M. Z..., expert amiable du preneur qui n'avait pas conclu à une évolution significative des facteurs locaux de commercialité ; que les considérations liées à l'augmentation de la chalandise générée par la création du complexe commercial intervenue hors période de référence n'étaient pas opérantes ;
Alors 1°) que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves fournies par les parties ; qu'en cas de désignation d'un expert judiciaire, il lui incombe d'ordonner une expertise complémentaire s'il estime le rapport insuffisant ; que la cour d'appel ne pouvait se fonder sur la circonstance que le rapport n'aurait comporté aucune recherche ni aucun examen de la valeur locative moyenne à la date de conclusion du bail, ni aucune donnée chiffrée permettant de déterminer l'ampleur de la sous-évaluation intervenue, sans ordonner une mesure d'instruction complémentaire sur ce point ; qu'en s'étant déterminée ainsi, la cour d'appel a commis un déni de justice et a violé l'article 4 du code civil ;
Alors 2°) que l'expert judiciaire, Mme A..., a relevé que la fréquentation touristique au cours de la période étudiée avait augmenté de 5 % en 9 ans entre 1998 à 2007 (p. 16) ; que la population avait évolué de 0, 69 % par an entre 1999 et 2008 (p. 17) ; qu'il y avait eu une augmentation de 10, 37 % du nombre de logements sur la période considérée (p. 18), et une évolution de la concurrence de 49 pharmacies en 1988 à 51 en 2007 (p. 19) ; qu'elle a relevé que le loyer annuel plafonné, au 1er février 2007, était fixé à 13 618 euros, et que le loyer annuel déplafonné à cette date devait être fixé à la somme de 77 784 euros (p. 25) ; qu'il en résultait que l'évolution certes favorable des facteurs de commercialité n'était pas selon l'expert d'une ampleur telle qu'elle pouvait expliquer à elle seule la différence entre le montant du loyer plafonné et la valeur locative réelle à la même date, due par conséquent à une sous-évaluation du loyer initial dans le cadre d'une relation merè-fils ; qu'en retenant que ce rapport ne contenait aucune donnée chiffrée permettant de déterminer l'ampleur de la sous-évaluation, quand ce rapport comportait de nombreuses données chiffrées permettant de comparer le prix initialement fixé en 1998 et la valeur locative réelle en 2007, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en méconnaissance de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
Alors 3°) que l'expert judiciaire avait exclu une hausse significative des facteurs locaux de commercialité entre février 1998 et février 2007 de nature à expliquer à elle seule l'importante différence entre le loyer annuel plafonné fixé à 13 618 euros et le loyer annuel déplafonné fixé à 77 784 euros à la même date, laquelle ne pouvait résulter selon l'expert résulter que d'une fixation en-dessous du prix du marché dans le cadre d'une relation filiale ; que la cour d'appel, qui a affirmé que l'ampleur de la sous-évaluation ne pouvait se déduire de l'importante différence entre le loyer plafonné et la valeur locative à la date de renouvellement du bail, sans motiver sa décision sur la question de savoir à quel autre facteur pourrait expliquer la différence entre le loyer plafonné et la valeur locative réelle, en l'absence, selon elle, d'évolution des facteurs locaux de commercialité, a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles L. 145-33 et R. 145-8 du code de commerce ;
Alors 4°) que le rapport d'expertise amiable établi par Mme B... contenait des éléments de détermination de la valeur locative, notamment en page 11 où il était indiqué que le bail du 1er janvier 1998 prévoyait un loyer annuel de 186 861 euros pour une surface de 256 mètres carrés, ce qui permettait d'en déduire un prix de 729 euros le mètre carré, le rapport citant d'autres éléments de référence (p. 10 à 12) ; qu'en ayant énoncé que le rapport de Mme B... n'évoquait pas non plus la question, c'est-à-dire l'examen de la valeur locative moyenne à la date de la conclusion du bail ou de données chiffrées permettant de déterminer l'ampleur de la sous-évaluation, de sorte qu'elle ne disposerait d'aucun autre élément d'information, la cour d'appel a dénaturé ce rapport en méconnaissance de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mmes Chantal et Christiane X... (demanderesses au pourvoi n° C 15-19. 773).
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de déplafonnement fondée sur l'article R. 145-8 du code de commerce, rejeté la demande de fixation à la valeur locative, fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 1er février 2007 à la somme de 13. 618 euros, et condamné les consorts X... indivisément à restituer la société Pharmarcie du cours Mirabeau le surplus de loyers trop perçus, avec intérêt légal à compter de la signification de l'arrêt ;
Aux motifs que Mme Lucette C... veuve X..., bailleresse et usufruitière, et M. Jacques X... nu-propriétaire ont donné à bail commercial un local sis... à Aix-en-Provence à M. Jacques X... pour y exercer une activité de pharmacie selon acte notarié du 29 janvier 1998 ; que ce bail concerne le lot numéro 1 du dit immeuble (lot en angle) ayant son entrée principale sur le cours Mirabeau et une autre entrée sur la rue de la Masse ainsi qu'un petit local auquel on accède par un couloir commun de l'immeuble ; que le montant du loyer indexé était fixé à 70. 000 francs annuel soit 10. 671, 43 euros ; que par acte sous seing privé du 20 décembre 2004, M. Jacques X... a cédé l'officine de pharmacie lui appartenant et comprenant le droit au bail à la SELARL Pharmacie X...
D...
E... dont il était l'un des associés ; que cet acte de cession précisait que le loyer serait porté à 1. 153 euros mensuels à compter de la prise de possession par l'acquéreur et prévoyait que le loyer global mensuel (y compris celui d'un autre bail portant sur le lot non concerné par la présente instance) serait porté à la somme de 4. 500 euros au plus tard dans les trois ans de la prise de possession par l'acquéreur ; que le bail venant à expiration le 31 janvier 2007, la société preneuse a signifié à Mme Lucette X... et a M. Jacques X... une demande de renouvellement du bail par acte d'huissier du 2 août 2007 ; que les bailleurs ont accepté le renouvellement moyennant un loyer déplafonné porté à 78. 000 euros ; que par ordonnance du 8 novembre 2010, le juge des loyers commerciaux d'Aix-en-Provence a déclaré inopposable à Mme Lucette X... la cession du bail de sorte que celle-ci n'était pas tenue par les accords de réduction de loyers pris par son fils, a constaté l'accord des parties sur le renouvellement, fixé le loyer provisoire à la somme annuelle de 30. 000 euros en considérant que le loyer initial était sous-évalué dans le cadre d'une relation mère fils et ordonné une expertise confiée à Mme A... pour investiguer sur l'évolution des facteurs locaux de commercialité et la valeur locative ; que cette décision a été confirmée par arrêt de la cour du 3 mai 2013 qui a retenu que Mme X... n'était pas tenue par les engagements de son fils qui ne la représentait pas, et que le montant des loyers prévisionnels n'était pas contesté ; que l'expert désigné par le juge des loyers commerciaux a déposé son rapport le 12 avril 2012, elle conclut à l'absence d'évolution notable et favorable des facteurs de commercialité mais considère que les conditions de fixation du bail d'origine et l'article R 145-8 du code de commerce justifient le déplafonnement ; qu'elle conclut à un loyer plafonné de 13. 618 euros et à un loyer déplafonné de 77. 784 euros calculé sur la base d'une surface pondérée de 113, 41 m ² et une valeur de référence de 685, 90 euros le m ² ; (…) sur le déplafonnement au titre de l'article R 145-8 du code de commerce : le premier juge a fixé le loyer à la valeur locative en retenant que le bail a été fixé à un montant dérisoire en considération de relations mère fils qui ont désormais cessé ; que la cour saisie par l'effet dévolutif est saisie de ce moyen qui ne présente aucun caractère tardif sur le plan procédural ; qu'au visa de l'article R. 145-8 du code de commerce, les intimés soutiennent à juste titre que les modalités de fixation du prix originaire peuvent être prises en compte pour justifier un déplafonnement du loyer renouvelé en particulier lorsque le loyer a été fixé à un montant anormalement bas eu égard à des raisons de famille existant alors et ayant disparu par la suite ; que la preuve de ces circonstances particulières incombe au bailleur demandeur au déplafonnement ; qu'il est certain que le bail a été conclu dans le cadre d'une opération familiale comportant la donation-partage à M. Jacques X... de la moitié de l'officine et de la totalité des murs : que, toutefois, force est de constater que les parties au bail (Lucette X... et Jacques X...) ont pris soin de mentionner dans le bail que le loyer « correspond à la valeur locative » : que cette mention, si elle ne peut être interprétée comme un aveu de droit au regard des critères des articles L. 145-33 et R. 145-8 du code de commerce a néanmoins un sens et une raison d'être puisqu'elle conduit à considérer que Mme X... mère a entendu exclure toute volonté de gratification de sa part en ce qui concerne la fixation du loyer ; que, par ailleurs, les accords pris par Jacques X... concernant les augmentations de loyers et leurs modalités ayant été déclarés inopposables à Mme X..., il ne peut en être tiré aucun argument décisif ; que l'expert judiciaire indique page 23 de son rapport : « Nous considérons que le loyer d'origine a été fixé dans le cadre d'une relation mère fils en dessous du marché. Que cette situation est évoquée par le magistrat pour fixer le loyer prévisionnel, cette relation qui n'existe plus entre les parties au bail justifie à notre avis que le loyer du bail renouvelé soit établi en fonction de la valeur locative réelle. » ; que, toutefois, le rapport ne comporte aucune recherche ni aucun examen de la valeur locative moyenne à la date de conclusion du bail, ni aucune donnée chiffrée permettant de déterminer l'ampleur de la sous évaluation qui serait intervenue, et qui ne peut se déduire du constat de l'importante différence existant entre le montant du loyer plafonné et de la valeur locative à la date de renouvellement du bail ; que ni le rapport B..., ni le rapport de M. Z..., expert amiable de la SELAS Pharmacie du cours Mirabeau n'évoquant la question, la cour ne dispose pas d'autres éléments d'information que ceux-ci dessus rappelés, qui consistent dans de simples affirmations insuffisamment corroborées ; qu'il en ressort que l'existence d'un loyer anormalement bas se justifiant par les rapports privilégiés entre preneur et bailleur n'est pas apportée, il n'y a pas matière à déplafonnement sur le fondement de l'article R. 145-8 du code de commerce ;

1) ALORS QU'en retenant que le rapport B... n'évoquait pas la question de l'examen de la valeur locative moyenne à la date de conclusion du bail originaire du 29 janvier 1998, quand ce rapport comportait des éléments de comparaison concernant des locaux commerciaux situés à proximité de la pharmacie litigieuse dont les baux avaient été conclus à la même époque que celle du bail précité, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce rapport, et a violé l'article 1134 du code civil ;
2) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en retenant que le rapport B... n'évoquait pas la question de l'examen de la valeur locative moyenne à la date de conclusion du bail originaire du 29 janvier 1998, quand il lui appartenait seulement de rechercher si ce rapport, invoqué par la bailleresse, comportait objectivement des éléments de comparaison concernant des locaux commerciaux situés à proximité de la pharmacie litigieuse dont les baux avaient été conclus à la même époque que celle du bail précité, peu important les questions auxquelles l'expert se proposait formellement de répondre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-8 du code de commerce ;
3) ALORS QUE le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves fournies par les parties ; qu'en cas de désignation d'un expert judiciaire, il lui incombe d'ordonner une expertise complémentaire s'il estime le rapport insuffisant ; que la cour d'appel ne pouvait se fonder sur la circonstance que le rapport n'aurait comporté aucune recherche ni aucun examen de la valeur locative moyenne à la date de la conclusion du bail, ni aucune donnée chiffrée permettant de déterminer l'ampleur de la sous-évaluation intervenue, sans ordonner une mesure d'expertise complémentaire sur ce point ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 4 du code civil ;
4) ALORS QU'en affirmant que l'ampleur de la sous-évaluation ne pouvait se déduire de la différence importante entre le montant du loyer plafonné et la valeur locative à la date de renouvellement du bail, tout en écartant l'évolution notable et favorable des facteurs locaux de commercialité, la cour d'appel, en ne précisant pas à quelle autre cause pourrait être attribuée cette différence importante entre le loyer plafonné et la valeur locative du bien, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-8 du code de commerce ;
5) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en retenant que Mme X... mère avait entendu exclure toute volonté de gratification à l'égard de son fils en fixant le loyer du bail du 29 janvier 1998 à la somme de 70. 000 francs, la cour d'appel s'est prononcée par un motif impropre à caractériser l'adéquation de ce montant à la valeur locative à l'époque de la conclusion de ce bail, et a violé les articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-8 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'évolution notable et favorable au commerce considéré des facteurs locaux de commercialité n'est pas démontrée, rejeté la demande de fixation à la valeur locative, fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 1er février 2007 à la somme de 13. 618 euros, et condamné les consorts X... indivisément à restituer la société Pharmarcie du cours Mirabeau le surplus de loyers trop perçus, avec intérêt légal à compter de la signification de l'arrêt ;
AUX MOTIFS QUE sur l'évolution des facteurs locaux de commercialité : la période de référence est du 1° février 1998 au 31 janvier 2007 ; que l'expert judiciaire conclut à l'absence d'éléments justifiant une hausse des facteurs locaux de commercialité, ce qui était également l'avis de M. Z..., expert amiable du preneur qui estimait que rien ne permet de réellement démontrer qu'il y ait eu durant la période considérée une évolution significative des facteurs locaux de commercialité en rapport avec l'activité considérée susceptible d'écarter le principe du plafonnement ;
La situation commerciale des locaux : les locaux sont situés dans le tiers bas du Cours Mirabeau qualifié par l'expert judiciaire d'axe incontournable et légendaire du coeur de ville ; qu'ils occupent l'angle du Cours Mirabeau et de la rue de la Masse, l'accès des clients se pratique directement par l'allée Nord du cours, ils ont une destination exclusive de commerce de pharmacie, l'emplacement est considéré excellent par l'expert ; que la présence du parking Mignet n'est pas un élément nouveau dans la période de référence ; qu'un nouveau complexe commercial attractif « Les allées provençales » s'est ouvert à compter de 2004, mais l'expert note que la deuxième tranche accessible par la Rotonde la plus proche du commerce considéré, a été livrée en avril 2007 ce qui se situe hors période de référence, cet état de fait est d'ailleurs conforté par l'étude urbanistique de la ville d'Aix pièce 2 de M. Jacques X... faisant état d'une arrivée remarquée des allées provençales en 2007 et du vent nouveau qui souffle sur le commerce grâce à elles ; qu'il en ressort que les considérations liées à l'augmentation de la chalandise générée par la création de ce complexe commercial intervenue hors période de référence ne sont pas opérantes ; qu'au cours de la période de référence le cours Mirabeau a connu une mutation importante constituée par la limitation de la circulation automobile la mise en place de larges trottoirs à la place de stationnement longitudinal ; que l'expert note à juste titre que la limitation de la circulation automobile et la suppression de places de stationnement touche la clientèle motorisée qui ne s'arrête pas sur le cours, cette déperdition n'est pas compensée par la création du parking aménagé au sein des allées provençales, puisqu'une autre officine est plus proche de ce parking, le fait que cette pharmacie ne soit pas une création mais un transfert n'ayant pas d'incidence sur sa meilleure attractivité liée à sa proximité pour les usagers du parking ; La fréquentation touristique et l'animation de la commune : l'expert judiciaire qui a examiné un échantillon significatif de nuitées a retenu une progression du taux d'occupation de 1/ 2 point par an qu'elle ne considère pas comme notable, elle écarte à juste titre les données fournies par l'expert du bailleur au motif qu'il s'agit d'une évolution de la capacité d'accueil, situés pour une part hors agglomération et qui n'est pas particulièrement susceptible de fréquenter la pharmacie considérée ; qu'en effet, l'achat de produits pharmaceutiques n'est pas un achat d'impulsion de la clientèle de passage car elle est en lien direct avec la présence de praticiens prescripteurs dont il n'est ni prétendu ni démontré que leur nombre a évolué à proximité des locaux considérés ; que pour réduire l'incidence de ce constat M. Jacques X... fait état d'une évolution des comportements d'achat et de la culture des soins médicaux et invoque l'activité de la pharmacie dans le domaine parapharmaceutique et orthopédique et notamment les chaussures Birkenstock, susceptibles d'intéresser la clientèle de passage et se prévaut de la progression de son chiffre d'affaire, mais il situe lui même cette progression à partir de 2010 ; que s'agissant d'une date postérieure à la période de référence, cet argument ne peut être retenu ; que l'évolution démographique n'est pas notable puisqu'elle se situe à 6, 26 % sur l'ensemble de la période selon les chiffres même de Mme B..., ce qui donne une variation de 0, 69 % par an inférieure au département des Bouches du Rhône qui est de 0, 8 % (page 17 du rapport d'expertise) ; que la création de logements concerne principalement l'opération Sextius Mirabeau ; que, toutefois, le caractère favorable de cette création n'est pas démontré puisque une nouvelle pharmacie s'est ouverte dans le même temps au bas du cours sur les allées provençales, officine décrite « en pied d'immeuble » par le rapport Z..., ce qui ne permet pas de retenir que l'apport de clientèle constitué par ces créations de logement a bénéficié de façon notable au commerce considéré ; qu'en conséquence, au vu de ces éléments, il apparaît que l'existence d'une évolution notable des facteurs locaux de commercialité favorables au commerce considéré n'est pas démontrée ; qu'il n'y a pas matière à déplafonnement et la décision déférée sera infirmée ; que le loyer annuel plafonné au premier février 2007 sera fixé à la somme de 13. 618 euros ;
1) ALORS QU'en se bornant à relever que la deuxième tranche du complexe commercial attractif « Les allées provençales », accessible par la rotonde la plus proche de la pharmacie litigieuse, avait été livrée en avril 2007, soit hors de la période de référence, sans analyser, comme elle y était invitée, l'impact de l'ouverture de la première tranche de ce complexe dès 2004 sur la qualité de la situation commerciale des locaux litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-6 du code de commerce ;
2) ALORS QU'en minimisant l'impact de l'évolution de la capacité d'accueil touristique située en partie hors agglomération par la considération inopérante selon laquelle la présence de praticiens prescripteurs n'avait pas augmenté à proximité des locaux considérés, l'achat de produits pharmaceutiques n'étant pas un achat d'impulsion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-6 du code de commerce ;
3) ALORS QU'en retenant que l'évolution démographique de la ville d'Aix-en-Provence n'était pas notable, en ce que l'augmentation constatée était inférieure à celle du département des Bouches-du-Rhône, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-6 du code de commerce ;
4) ALORS QU'en retenant que l'évolution démographique n'était pas notable, en ce que l'augmentation constatée était inférieure à celle du département des Bouches-du-Rhône, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la composition socioéconomique de cette évolution n'était pas favorable au développement du chiffre d'affaires d'une pharmacie telle que celle exploitée dans les locaux litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-6 du code de commerce ;
5) ALORS QU'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'augmentation considérable des stocks et du chiffre d'affaires de la pharmacie litigieuse ne révélait pas la modification notable des facteurs locaux de commercialité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-6 du code de commerce ;
6) ALORS QU'en laissant sans réponse le moyen tiré de ce que le transfert d ‘ une pharmacie, autrefois située dans le centre-ville d'Aix-en-Provence, vers la zone des « allées provençales » était de nature à augmenter la chalandise de la pharmacie objet du bail commercial litigieux exploitée dans le centre-ville, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-19304;15-19773
Date de la décision : 01/12/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 mars 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 01 déc. 2016, pourvoi n°15-19304;15-19773


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Rousseau et Tapie, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.19304
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