LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;
Attendu que les litiges relatifs à la passation et à l'exécution de contrats comportant occupation du domaine public relèvent, en vertu du premier des textes susvisés, de la compétence de la juridiction administrative ; que, cependant, les litiges entre le gestionnaire d'un service public industriel et commercial et ses usagers, quand bien même l'activité de ce service a lieu sur le domaine public, relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire, ces litiges étant par nature détachables de l'occupation domaniale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Régie des ports raphaëlois (la régie), chargée de l'exploitation du port d'Agay, a donné en location à M. X... un corps-mort, afin d'y amarrer le voilier dont il est propriétaire ; qu'à la suite de la rupture de l'amarrage, le navire a subi divers dommages ; que M. X... a assigné la régie et son assureur, la société Axa France IARD, pour obtenir réparation de son préjudice ; que ceux-ci ont soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative ;
Attendu que, pour décliner la compétence du juge judiciaire et renvoyer les parties à mieux se pourvoir, l'arrêt énonce que M. X... se plaint d'un dommage qu'il impute à la régie à l'occasion de l'exécution du contrat de location d'un corps-mort, situé sur le domaine public maritime, et que le litige se rattache ainsi à l'exécution d'un contrat comportant occupation du domaine public ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le litige opposant la régie, gestionnaire d'un service public industriel et commercial, à M. X..., en tant qu'usager de ce service, était détachable de l'occupation domaniale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DÉCLARE la juridiction judiciaire compétente pour connaître du litige opposant M. X... à la Régie des ports raphaëlois et à la société Axa France IARD ;
DIT que l'instance se poursuivra devant le tribunal de grande instance de Draguignan ;
Condamne la Régie des ports raphaëlois et la société Axa France IARD aux dépens exposés devant les juges du fond et la Cour de cassation ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. X...
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a, statuant sur le contredit, renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
AUX MOTIFS QUE « l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques prescrit que « sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs : 1. Aux autorisations ou contrats comportant occupant du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordés ou conclus par les personnes publiques ou leur concessionnaire ; 2. aux principes ou au montants des redevances d'occupation ou d'utilisation du domaine public quelles que soient les modalités de leur fixation (...) ; Monsieur X... se plaint d'un dommage à son voilier qu'il impute à la Régie dans le cadre de l'exécution d'un contrat de location d'un corps-mort, lequel est situé sur le domaine public maritime dont l'occupation temporaire a été accordée par un arrêté inter-préfectoral du 12 mai 2004 à la commune de Saint-Raphaël ayant-droit de la Régie ; le litige se rattache ainsi non à l'usage d'un service public industriel et commercial, mais à l'exécution d'un contrat comportant occupation du domaine public, ce qui en vertu du texte précité rend la juridiction judiciaire incompétente pour en connaître ; l'ordonnance est conséquence infirmée » ;
ALORS QUE, premièrement, si les litiges relatifs à la passation et à l'exécution de contrats comportant occupation du domaine public relèvent, en principe, de la compétence du juge administratif, les litiges entre le gestionnaire d'un service public industriel et commercial et ses usagers, quand bien même l'activité de ce service a lieu sur le domaine public, relèvent de la compétence des juridictions judiciaires, ces litiges étant par nature détachables de l'occupation domaniale ; qu'en jugeant que le litige noué entre Monsieur X... et la Régie des Ports Raphaëlois relevait de la compétence du juge administratif, au seul motif qu'il était survenu dans le cadre de l'exécution d'un contrat de location situé sur le domaine public maritime, tandis que ce seul motif était impropre pour disqualifier l'existence d'une relation de droit privé entre la Régie des Ports Raphaëlois, gestionnaire d'un service public industriel et commercial, et Monsieur X..., les juges d'appel ont violé l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790 ;
ALORS QUE, deuxièmement et en tout cas, en se bornant à constater que Monsieur X... se plaignait d'un dommage dans le cadre de l'exécution d'un contrat de location d'un corps-mort « situé sur le domaine public maritime dont l'occupation temporaire a été accordée par un arrêté inter-préfectoral du 12 mai 2004 », sans rechercher, comme elle y était tenue, si le litige survenu entre le gestionnaire du port, chargé d'un service public industriel et commercial, et son usager, Monsieur X..., n'était pas détachable de l'occupation domaniale, les juges d'appel ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques , ensemble la loi des 16 et 24 août 1790.