LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 13 octobre 2007, le Crédit foncier de France (la banque) a consenti un prêt relais à M. et Mme X... (les emprunteurs) ; qu'après déchéance du terme, la banque, assignée en indemnisation par les emprunteurs, a obtenu leur condamnation à paiement ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 312-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, ensemble l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu que la règle édictée par le premier de ces textes, selon lequel aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 du code de la consommation ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévue par ces articles, fait obstacle à l'application de la capitalisation des intérêts prévue par le second texte ;
Attendu que, pour ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, à compter du 8 août 2012, dans les conditions de l'article 1154 du code civil, l'arrêt retient que celle-là est de droit à compter de la demande judiciaire qui en est formée ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application, le second par fausse application ;
Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne la capitalisation des intérêts, l'arrêt rendu le 18 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande du Crédit foncier de France fondée sur l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Condamne le Crédit foncier de France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. et Mme X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur et Madame X... de leur demande tendant à voir déclarer le CREDIT FONCIER DE FRANCE déchu de son droit d'agir en remboursement du prêt consenti aux époux X... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur et Madame X... soutiennent que le CREDIT FONCIER DE FRANCE a manqué à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde ; qu'ils prétendent qu'au moment où ils se sont adressés au CREDIT FONCIER DE FRANCE, le marché immobilier était déjà en baisse avérée depuis fin 2006, que le CREDIT FONCIER DE FRANCE était nécessairement informé de la situation du marché immobilier en France et de la baisse durable qui allait affecter leur projet et qu'il aurait du les mettre en garde sur la situation réelle du marché et les risques encourus: risque de ne pas vendre dans le délai de 24 mois le bien devant servir à rembourser le crédit-relais, risque de vendre à un prix inférieur à celui demandé, risque de ne pouvoir rembourser le crédit- relais par leurs revenus de 2.872 euros par mois, en cas de non vente du bien dans le délai prévu ; qu'ils rappellent qu'ils ont mis le bien en vente dès le mois de juillet 2007, qu'ils ont concédé des mandats à quatre autres agences dès octobre 2007, puis qu'ils ont signé une trentaine de mandats et qu'ils ont baissé régulièrement le prix de vente ; qu'ils ajoutent que le CREDIT FONCIER DE FRANCE connaissaient leur fragilité financière, puisqu'il leur a consenti un prêt de restructuration de 50.000 euros pour solder divers crédits à la consommation ; Considérant qu'en réponse, sur le défaut de conseil et d'information, le CREDIT FONCIER DE FRANCE fait valoir qu'il a pris en compte le prix de vente proposé par les époux X..., pour accorder le crédit relais qui représente environ 69% de la valeur de mise à prix du bien, ce qui permettait aux emprunteurs de bénéficier d'une marge de baisse de ce prix de vente ; qu'il indique qu'il a également pris en compte le délai de réalisation de la vente, mais que le défaut de diligences de Monsieur et Madame X... est la cause directe de la durée de réalisation de cette vente, ces derniers n'ayant dans un premier temps mis en vente le bien que dans une agence immobilière et sans exclusivité, puis à des prix différents selon les agences ; qu'il affirme en outre qu'il ne détenait aucune information sur la prétendue fragilité financière des époux X... que ces derniers auraient eux-mêmes ignorée ; que s'agissant du défaut de mise en garde, il allègue que Monsieur et Madame X... ne démontrent pas le caractère excessif du prêt-relais au regard de leur patrimoine au moment de sa souscription, que l'opération ne présentait aucun risque de surendettement et qu'il n'était donc pas tenu d'un devoir de mise en garde ; Considérant que Monsieur et Madame X... reprochent en premier lieu au CREDIT FONCIER DE FRANCE un manquement à son devoir de conseil et d'information ; Considérant que Monsieur et Madame X... souhaitaient vendre le bien immobilier dont ils étaient propriétaires et acquérir un nouveau bien au prix de 219.000 euros ; Considérant qu'il est établi que Monsieur et Madame X... ne disposaient pas de la somme de 219.000 euros pour payer le prix d'achat du bien ; Considérant que l'offre de prêt relais, reçue par Monsieur et Madame X... le 12 septembre 2007 et acceptée le 24 septembre 2007, d'un montant de 222.910 euros, remboursable à l'échéance de 24 mois, a été faite au vu du mandat de vente consenti le 26 juillet 2007 par Monsieur et Madame X... à l'agence immobilière FERBUSIMMO, pour un prix de 350.000 euros, soit la somme de 330.000 euros net vendeur ; Considérant que la souscription d'un prêt relais d'une durée de 24 mois, permettant de financer la nouvelle acquisition et de rembourser le solde du capital restant dû au titre du prêt consenti pour l'achat du premier bien, dans l'attente de la vente effective du bien leur appartenant, était une opération classique, qui était adaptée à leur situation financière et à leurs objectifs ; Considérant que le montant du crédit relais tenait compte de l'évaluation du bien mis en vente au prix de 330.000 euros par Monsieur et Madame X... en accord avec l'agence immobilière et que le CREDIT FONCIER DE FRANCE n'avait aucune information sur cette évaluation que Monsieur et Madame X... auraient pu ignorer ; Considérant dans ces conditions qu'aucun manquement au devoir de conseil et d'information concernant le prêt relais n'est établi à l'encontre du CREDIT FONCIER DE FRANCE ; Considérant que Monsieur et Madame X... font également grief au CREDIT FONCIER DE FRANCE d'avoir manqué à son devoir de mise en garde ; Considérant que le crédit relais de 229.910 euros n'apparaît pas excessif au regard de leur patrimoine au moment de la souscription du prêt, puisque ce prêt devait être remboursé intégralement par le prix de vente du bien, estimé par Monsieur et Madame X... à 330.000 euros en juillet 2007 ; Considérant que la durée de 24 mois est une durée habituelle pour un prêt relais et que Monsieur et Madame X... ne pouvaient ignorer l'aléa concernant les acquéreurs potentiels de leur bien ; Considérant que Monsieur et Madame X... ne démontrent pas qu'au mois de septembre 2007, le CREDIT FONCIER DE FRANCE disposait d'informations particulières sur le marché immobilier et notamment sur la baisse importante des prix de l'immobilier en France qui allait intervenir, faisant suite à la crise des crédits à risques survenue au cours de l'été 2007 aux États-Unis ; Considérant par ailleurs qu'ils produisent des mandats de vente signés en octobre et novembre 2007 à des prix légèrement différents, mais au même prix net vendeur de 310.000 euros ; qu'ils ont également signé d'autres mandats à des prix inférieurs au cours des mois suivants, mais qu'il ressort notamment du mandat donné le 4 novembre 2008 à la société EDEN que le mandat de vente est donné au prix de 267.000 euros, alors que l'estimation de l'agence au 5 octobre 2007 est de 250.000 euros, ce qui montre que Monsieur et Madame X... ont, en connaissance de cause, surévalué le prix de mise en vente de leur bien ; Considérant qu'ils ne peuvent dès lors reprocher au CREDIT FONCIER DE FRANCE de ne pas les avoir mis en garde sur le risque de vendre leur bien à un prix inférieur à celui demandé et qu'ils ne rapportent pas la preuve d'un manquement du CREDIT FONCIER DE FRANCE à son devoir de mise en garde (arrêt, pages 3 à 5) ;
ET AUX MOTIFS, ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES, QUE les époux X... font grief à la banque de leur avoir conseillé un prêt relais, la vente de leur maison étant hypothétique ; or, il n'est pas discuté que les époux X... ont entendu financer l'acquisition d'un nouveau bien immobilier en totalité par des fonds provenant de la vente d'un bien déjà acquis de sorte que le prêt mis en place qui leur accordait un délai de deux ans, usuel en la matière, pour vendre, correspondait parfaitement à leurs objectifs ; aucun manquement de la banque à son devoir de conseil n'est en conséquence établi ; que sur les griefs tirés du manquement au devoir de mise en garde et de l'octroi d'un crédit excessif, les époux X... arguent d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde sur les risques encourus du fait de l'absence de vente du bien dans les délais, d'une vente à un prix inférieur et d'une baisse du marché connue des professionnels de l'immobilier comme le CREDIT FONCIER de FRANCE, ce qui les aurait conduits à la situation financière catastrophique dans laquelle ils se trouvent aujourd'hui ; il est de principe que l'établissement dispensateur de crédit n'est tenu, lors de l'octroi du prêt, à l'égard de l'emprunteur non averti, comme tel est le cas en l'espèce, d'un devoir de mise en garde quant à ses capacités financières de remboursement et au risque d'endettement, qu'à supposer que ce risque présente un caractère excessif ; en l'espèce, ce caractère n'est pas démontré ; en effet, il s'est agi du financement classique de l'acquisition d'un bien par la vente d'un autre déjà acquis, le prêt n'étant destiné qu'à servir de relais entre les deux actes et son montant à hauteur de 222.910 euros n'apparaît pas manifestement excessif dès lors qu'il devait être intégralement remboursé par le prix de vente d'un bien estimé par les époux X... eux-mêmes à 323.000 euros ; d'autre part, toute vente d'un bien immobilier est nécessairement soumise à l'aléa de l'offre et de la demande, ce que ne pouvaient ignorer les époux X... quel que soit leur degré de connaissance des mécanismes financiers de sorte que la banque n'était pas tenue de les mettre en garde contre un risque connu ; enfin, les époux X... ne démontrent pas qu'en octobre 2007, la banque disposait d'informations particulières sur le marché immobilier laissant présager une baisse de plus de la moitié du prix de vente du bien lequel a finalement été vendu aux prix de 150.000 euros ; en conséquence, les époux X... qui échouent à rapporter la preuve d'un manquement quelconque du CREDIT FONCIER DE FRANCE seront déboutés de leur demande en dommages-intérêts et l'exception d'irrecevabilité qu'ils opposent à la demande en paiement du CREDIT FONCIER DE FRANCE sera rejetée (jugement, pages 6 et 7) ;
ALORS QUE l'établissement de crédit est soumis à un devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur non averti, et doit rapporter la preuve qu'il a satisfait à cette obligation ; que, dès lors, en se bornant à énoncer, par une formule lapidaire, que Monsieur et Madame X... ne démontrent pas qu'au mois de septembre 2007, le CREDIT FONCIER DE FRANCE disposait d'informations particulières sur le marché immobilier et notamment sur la baisse importante des prix de l'immobilier en France qui allait intervenir, faisant suite à la crise des crédits à risques survenue au cours de l'été 2007 aux États-Unis, pour en déduire qu'il n'est pas établi que l'établissement de crédit ait manqué à son obligation de mise en garde, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions d'appel des exposants, si, en tant qu'acteur majeur du marché immobilier, le CREDIT FONCIER n'avait pas nécessairement eu connaissance des informations parues dans la presse spécialisée dès l'année 2006, soit un an avant la signature du prêt litigieux, faisant état du probable retournement du marché immobilier au cours de l'année 2007 et, partant, si la banque n'avait pas nécessairement été alertée sur les risques majeurs d'une baisse des prix de vente à partir de l'année 2007, ce qui aurait dû l'inciter à avertir les emprunteurs à cet égard, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, à compter du 8 août 2012, pour les intérêts dus par les époux X... sur la somme de 124.531,23 € ;
AUX MOTIFS QUE le CRÉDIT FONCIER DE FRANCE a consenti à Monsieur et Madame X... un crédit-relais de 222.910 €, au taux de 5 % pour une durée de 24 mois dans l'attente de la vente du bien de WACQUEMOULIN, destiné à financer l'acquisition du nouveau bien et à rembourser le capital restant dû sur l'ancien bien à hauteur de 20.000 € ; Considérant que Monsieur et Madame X... ne contestent pas le montant de la créance du CREDIT FONCIER DE FRANCE ; Considérant qu'il ressort des décomptes produits par le CREDIT FONCIER DE FRANCE que Monsieur et Madame X... étaient redevables de la somme de 247.170,42 euros au 7 novembre 2009, outre la somme de 26.782,44 euros au titre des intérêts au taux contractuel de 5% du 7 novembre 2009 au 6 janvier 2012, soit la somme de 273.952,86 euros, diminuée de celle de 149.660 euros perçue le 6 janvier 2012 au titre du prix de vente, soit un solde de 124.292,86 euros ; qu'à cette somme doivent être ajoutés les intérêts au taux contractuel à compter du 7 janvier 2012 au 20 janvier 2012, soit la somme de 238,37 euros, le montant au 20 janvier 2012 s'élevant ainsi à 124.531,23 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 5% l'an à compter du 21 janvier 2012 ; Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné solidairement les époux X... à payer le solde du prêt relais, sauf à actualiser le montant de la créance du CREDIT FONCIER DE FRANCE ; que la capitalisation des intérêts est de droit à compter de la demande judiciaire qui en est formée et dès lors qu'il s'agit d'intérêts dus au moins pour une année entière ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement qui a rejeté cette demande et d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter des conclusions du 8 août 2012, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil (arrêt, page 2, 5 et 6) ;
ALORS QUE, pour tous les crédits consentis à un consommateur avant le 1er mai 2011, date d'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, les articles L 312-22 et L 312-23 du Code de la consommation font obstacle à la capitalisation des intérêts prévue à l'article 1154 du Code civil, en cas de défaillance de l'emprunteur ; qu'en estimant au contraire que les intérêts dus au titre du prêt relais consenti à Monsieur et Madame X... seraient capitalisés à compter du 8 août 2012, la Cour d'appel a violé l'ensemble des textes susvisés.