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29/11/2016 | FRANCE | N°15-87332

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 novembre 2016, 15-87332


Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Sécurité protection, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 5 novembre 2015, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. Jean-Louis X...du chef de dénonciation calomnieuse ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 octobre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ; <

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Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire AS...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Sécurité protection, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 5 novembre 2015, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. Jean-Louis X...du chef de dénonciation calomnieuse ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 octobre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire ASCENSI, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CUNY ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 226-10 du code pénal, 1382 du code civil, 2, 418, 464, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel, renvoyant M. X... des fins de la poursuite, a débouté la société Sécurité protection, partie civile, de ses demandes ;
" aux motifs que, sur l'action publique, il est admis que la dénonciation peut être faite par ricochet c'est-à-dire lorsque la dénonciation a été portée à la connaissance des autorités compétentes par le truchement d'un tiers ; qu'au cas particulier, le délégué syndical a indiqué aux enquêteurs qu'il s'était contenté d'en faire part à l'employeur et de dire qu'il ferait mettre la question à l'ordre du jour au prochain comité d'entreprise ; que l'intervention de l'inspection du travail n'est en aucun cas lié aux deux courriers du prévenu puisqu'antérieure aux courriers litigieux ; que, ni la police ni le parquet n'ont été saisis de ces faits ; qu'en outre, aucune décision judiciaire au sens de l'alinéa 2 de l'article 226-10 du code pénal n'est intervenue de sorte que la fausseté des faits dénoncés n'est pas acquise et qu'il revient à la juridiction de jugement d'apprécier la pertinence des accusations ; qu'au cas particulier, le courrier du 25 juin 2009 contient le passage suivant : « certaines personnes dont je tiens les noms à votre disposition sont venues me signaler qu'ils travaillaient pour la société Sécurité protection sans contrat de travail. » ; que le courrier du 26 juin 2009 renferme quant à lui le passage suivant : « je vous ai expliqué dans ce mot cacheté que j'ai reçu des plaintes et des réclamations d'agents de sécurité ou de maîtres-chiens se plaignant de n'avoir toujours pas signé de contrat de travail ni de savoir pour quelle société ils travaillent, malgré plusieurs vacations effectuées sur le site du parc des expositions de Bordeaux lac pour le salon Vinexpo » ; que le prévenu dénonce ainsi des faits de travail dissimulé imputables à son ancien employeur et pouvant concerner plusieurs salariés ; que l'élément moral rappelé par l'article 226-10 du code pénal suppose que l'auteur a eu conscience et connaissance de la fausseté des faits qu'il dénonce et au moment où il le fait ; que la preuve de cette connaissance n'est pas rapportée par le ministère public, la seule animosité, ou encore la légèreté ou la témérité n'établissant pas cette mauvaise foi caractérisée exigée par la loi ; que la seule circonstance que le prévenu a varié dans ses déclarations quant au nombre de salariés qui lui auraient fait des confidences ou encore qu'il était en conflit devant le conseil de prud'hommes ne permet pas, en l'absence d'autre élément avéré, de constituer l'élément moral de l'infraction ; que les faits dénoncés par la partie civile seraient susceptibles de recevoir la qualification de contravention de diffamation non publique mais cette infraction est largement prescrite, la plainte de la partie civile datant du 14 décembre 2011 pour deux courriers des 25 et 26 mai 2009 ; qu'en conséquence, la cour infirme le jugement et statuant à nouveau renvoie le prévenu des fins de la poursuite ; que, sur l'action civile, la partie civile qui est recevable est déboutée compte tenu de la relaxe intervenue. Il y a prise à restitution de la consignation ;
" 1°) alors qu'est constitutive du délit de dénonciation calomnieuse la dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée ; qu'en l'espèce, la dénonciation des faits de prétendu travail dissimulé reprochés à la société Sécurité protection avait été adressée par M. X... à M. Y..., délégué syndical et secrétaire général du comité d'entreprise au sein de cette même société, soit à une personne dont, de par ses fonctions, il entrait dans le cadre de ses missions de représentation des salariés, de défense de leurs intérêts et d'assistance à ceux-ci de donner suite à une telle dénonciation en saisissant les autorités administratives et judiciaires compétentes ; que les circonstances tirées du fait qu'en définitive, aucune autorité de sanction ou de poursuites n'avait été saisie par lui et de ce qu'aucune décision judiciaire n'était intervenue contre la société employeur étaient, dès lors, nécessairement inopérantes dans la mesure où M. Y... était ainsi, lui-même, une autorité qui avait le pouvoir de donner suite à la dénonciation dont il avait été le destinataire ou d'en saisir l'autorité compétente ;
" 2°) alors qu'en considérant que la mauvaise foi de M. X... et, partant, l'élément moral de l'infraction n'étaient pas établis en l'espèce, sans répondre à l'articulation essentielle de la société Sécurité protection tirée de ce que les faits dénoncés par M. X... avaient tous été déclarés faux par les autorités compétentes pour les examiner (conclusions, p. 6), la cour d'appel, qui a ainsi omis de procéder à une recherche essentielle à la caractérisation d'une absence de preuve dudit élément moral, a insuffisamment motivé sa décision ;
" 3°) alors qu'en n'examinant que les seules circonstances tirées de ce que le prévenu avait varié dans ses déclarations quant au nombre de salariés qui lui auraient fait des confidences sur leur prétendu travail dissimulé et de ce qu'il était en conflit avec la société Sécurité protection devant le conseil de prud'hommes pour apprécier si sa mauvaise foi était établie, sans examiner également, comme elle y était invitée, les circonstances tirées de son incapacité à fournir des indications exploitables concernant l'identité du ou des salariés en question et celles tirées de ce que, dans ses écrits de dénonciation, il ne mentionnait pas le fait qu'il n'avait aucune certitude sur l'identité exacte de l'employeur de ces personnes, contrairement à ce qu'il avait affirmé par la suite, la cour d'appel a insuffisamment motivé sa décision quant à une absence de preuve de l'élément moral de l'infraction et l'a ainsi privée de base légale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X..., ancien salarié de la société Sécurité protection, a adressé à M. Bernard Y..., délégué syndical, délégué du personnel et secrétaire du comité d'entreprise au sein de ladite société, deux courriers, en dates des 25 et 26 juin 2009, dans lesquels le premier dénonçait des faits de travail dissimulé imputables à cette société, dont il aurait eu connaissance à la suite de confidences reçues de certains agents de sécurité ; que, le 8 décembre 2011, la société Sécurité protection a porté plainte et s'est constituée partie civile du chef de dénonciation calomnieuse ; que le juge d'instruction a renvoyé M. X... devant le tribunal correctionnel du chef susvisé ; que le tribunal a déclaré le prévenu coupable des faits qui lui étaient reprochés et a prononcé sur les intérêts civils ; que l'intéressé a relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour renvoyer M. X... des fins de la poursuite et rejeter les demandes de la société Sécurité protection, l'arrêt retient que l'intervention de l'inspection du travail n'était aucunement liée à la dénonciation des faits et que ni les services de police ni le procureur de la République n'avaient été saisis des faits dénoncés ; que les juges ajoutent que la preuve de la connaissance de la fausseté de ces faits n'est pas rapportée par le ministère public, la seule animosité, ou encore la légèreté ou la témérité ne caractérisant pas cette mauvaise foi, de même que la seule circonstance que le prévenu a varié dans ses déclarations quant au nombre de salariés qui lui auraient fait des confidences ou encore celle qu'il était en conflit avec son employeur devant le conseil de prud'hommes ne permettent pas, en l'absence d'autres éléments avérés, de constituer l'élément moral de l'infraction ;
Attendu que, si c'est à tort que l'arrêt retient que le délégué syndical, qui était susceptible de donner une suite à la dénonciation ou de saisir l'autorité compétente, n'avait pas effectivement exercé une telle faculté, alors que cette circonstance était indifférente à la caractérisation du droit à la réparation des préjudices de la partie civile, la décision n'encourt pas pour autant la censure, dès lors que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve de l'élément moral de l'infraction reprochée n'était pas rapportée à la charge du prévenu, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-87332
Date de la décision : 29/11/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DENONCIATION CALOMNIEUSE - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Mauvaise foi - Appréciation souveraine - Condition

L'appréciation des juges du fond, quant à l'existence ou l'absence de mauvaise foi chez le dénonciateur, est souveraine, dès lors que les motifs de leur décision ne sont entachés ni d'insuffisance ni de contradiction, et qu'ils ont répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont ils étaient saisis


Références :

Sur le numéro 1 : article 226-10 du code pénal
Sur le numéro 2 : article 593 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 05 novembre 2015

n° 2 :Dans le même sens que :Crim., 23 juin 1992, pourvoi n° 91-81647, Bull. crim. 1992, n° 249 (rejet), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 nov. 2016, pourvoi n°15-87332, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Cuny
Rapporteur ?: M. Ascensi
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 09/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.87332
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