LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que l'administration n'est tenue d'informer le juge administratif, qui doit alors statuer à bref délai, du placement en rétention administrative d'un étranger, que si cette mesure intervient en cours d'instance d'annulation d'une des décisions à l'origine de son éloignement ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par un premier président, et les pièces de la procédure, que, le 6 octobre 2015, M. X..., de nationalité soudanaise, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en garde à vue par les services de la police aux frontières pour infraction à la législation sur les étrangers et pénétration et circulation illicites sur une voie ferrée et ses dépendances interdites à la circulation du public ; que, le 7 octobre, le préfet a pris à son encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire national sans délai, fixant le pays de retour, et le plaçant en rétention administrative ; que, le lendemain, M. X... a contesté ces décisions devant le tribunal administratif qui a fixé au 13 octobre 2015 la date de l'audience sur ces recours ; que le préfet a demandé la prolongation de la mesure de rétention administrative ;
Attendu que, pour rejeter la demande, l'ordonnance retient que l'administration n'a pas informé le tribunal administratif du placement en rétention de l'étranger ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il avait constaté que le recours contre le placement en rétention du 7 octobre 2015 avait été déposé le 8 octobre, de sorte que la mesure de rétention n'était pas intervenue en cours d'instance, le premier président a violé le texte susvisé ;
Vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare les appels recevables, l'ordonnance rendue le 13 octobre 2015, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Douai ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour le préfet du Pas-de-Calais
II est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé la décision du juge des libertés entreprise, en ce qu'elle avait rejeté la requête d'un préfet (la préfète du Pas-de-Calais), en prolongation de la rétention administrative d'un étranger (M. X...) ;
AUX MOTIFS OU'en vertu de l'article L. 512-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les 48 heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire qui l'accompagnent le cas échéant ; qu'il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus au I ; que, toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les 48 heures suivant sa notification. Lorsque l'étranger a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d'assignation. Toutefois, si l'étranger est assigné à résidence en application du même article L. 561-2, son recours en annulation peut porter directement sur l'obligation de quitter le territoire ainsi que, le cas échéant, sur la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...), statue au plus tard 72 heures à compter de sa saisine. Il peut se transporter au siège de la juridiction judiciaire la plus proche du lieu où se trouve l'étranger si celui-ci est retenu en application de l'article L. 551-1 du présent code. Si une salle d'audience est attribuée au ministère de la justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée à proximité immédiate de ce lieu de rétention, il peut statuer dans cette salle. L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision a été prise. L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office. Il est également statué selon la procédure prévue au présent III sur le recours dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français par un étranger qui est l'objet en cours d'instance d'une décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2. Le délai de 72 heures pour statuer court à compter de la notification par l'administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d'assignation ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que la préfecture n'avait pas transmis cette information au tribunal administratif; qu'ainsi, alors que M. X... avait été placé en rétention administrative le 7 octobre 2015 à 11 h 40, le tribunal administratif ne l'avait convoqué que le 13 octobre 2015, ne pouvant respecter le délai de 72 heures dans lequel le juge administratif doit statuer, lorsqu'un étranger en rétention administrative introduit un recours devant lui ; qu'ainsi, en privant M. X... du droit à un procès équitable et de son droit à voir son recours examiné au cours d'une procédure rapide, comme ses autres compatriotes, placés au centre de rétention concomitamment ou dans un temps très proche, et pour lesquels le tribunal administratif avait annulé, pour partie, la décision préfectorale, le préfet n'avait pas laissé à M. X... la possibilité d'exercer son droit à un recours utile ; que si le juge des libertés et de la détention n'est pas compétent pour apprécier la légalité des actes administratifs et le respect de la procédure administrative, il lui appartient néanmoins de contrôler que le justiciable a pu bénéficier du droit à un procès équitable, en vertu de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme qui rappelle que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; qu'en vertu de l'article 13 de cette même convention, toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ; qu'ainsi, c'était à bon droit que le juge des libertés et de la détention n'avait pas fait droit à la demande de prolongation du préfet, cette décision devant être confirmée dans toutes ses dispositions ;
1°) ALORS QUE l'administration n'est tenue d'informer le juge administratif du placement en rétention administrative d'un étranger que si cette mesure intervient en cours d'instance d'annulation d'un des actes servant de base à son éloignement ; qu'en ayant refusé la demande de prolongation de la rétention administrative de M. X..., au motif que l'administration n'avait pas informé le tribunal administratif du placement en rétention de l'étranger, quand cette mesure était intervenue le 7 octobre 2015, tandis que M. X... avait attaqué les divers actes fondant son éloignement et la mise à exécution de celui-ci -dont l'arrêté de placement en rétention-, le 8 octobre suivant, le conseiller délégué a violé l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
2°) ALORS QUE l'omission, par l'administration, de notifier au juge administratif, saisi d'un recours en annulation contre une décision administrative fondant l'éloignement d'un étranger, le placement de celui-ci en rétention, ne porte pas atteinte à son droit à un recours équitable et effectif ; qu'en jugeant qu'en omettant d'avertir le juge administratif du placement en rétention administrative de M. X..., l'administration avait méconnu son droit à un procès effectif et équitable, le conseiller délégué a violé l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme.