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23/11/2016 | FRANCE | N°15-21942

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 novembre 2016, 15-21942


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 mai 2015), rendu sur renvoi après cassation (Soc. 23 octobre 2013, pourvoi n° 11-10.848), que le 20 juin 2000, la société Elf Antar, aux droits de laquelle vient la société Total marketing services (la société), a confié à la société X..., représentée par son gérant, M. X..., la location-gérance d'un fonds de commerce d'une station-service ; qu'elle a procédé à la résiliation immédiate du contrat de location-gérance le 4

février 2005 ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale en revendiquant le bé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 mai 2015), rendu sur renvoi après cassation (Soc. 23 octobre 2013, pourvoi n° 11-10.848), que le 20 juin 2000, la société Elf Antar, aux droits de laquelle vient la société Total marketing services (la société), a confié à la société X..., représentée par son gérant, M. X..., la location-gérance d'un fonds de commerce d'une station-service ; qu'elle a procédé à la résiliation immédiate du contrat de location-gérance le 4 février 2005 ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale en revendiquant le bénéfice de l'article L. 7321-2 du code du travail pour obtenir le paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaires, d'indemnités et de dommages-intérêts ; que la cour d'appel de Versailles a, par arrêt du 29 octobre 2010, notamment décidé qu'il y avait lieu de faire application à M. X... des dispositions de l'article L. 7321-2 du code du travail et débouté la société Total de sa demande reconventionnelle en paiement d'une somme correspondant au montant de recettes carburants non restituées ; que la Cour de cassation a, par l'arrêt susvisé du 23 octobre 2013, cassé cette décision, mais seulement de ce dernier chef ;

Attendu que le gérant fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société des sommes en réparation du préjudice causé par ses fautes dans la gestion des recettes de carburants alors, selon le moyen :

1°/ que les travailleurs visés à l'article L. 781-1 du code du travail devenu les articles L. 7321-1 et L. 7321-3 bénéficient de la législation du travail et notamment des dispositions relatives aux relations individuelles de travail ; qu'en déduisant de ces textes que seules les "… dispositions particulières en matière de durée du travail, de santé et sécurité au travail et de responsabilité du gérant de succursale à l'égard des salariés placés sous son autorité (…)", prévues par les articles L. 7321-3 et L. 7321-4 du code du travail s'appliquaient au gérant de succursale, tandis que "sa responsabilité [vis à vis de son fournisseur" relevait "du droit commun et non de la législation du travail", la cour d'appel a violé par fausse interprétation les textes susvisés ;

2°/ que les dispositions d'ordre public du droit du travail sont applicables aux gérants salariés de succursales, dont la profession consiste essentiellement à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise industrielle et commerciale, dans un local fourni ou agréé par cette entreprise, et aux conditions et prix qu'elle impose ; que dès lors la responsabilité pécuniaire du gérant salarié de succursale n'est engagée envers l'entreprise fournissant les marchandises distribuées qu'en cas de faute lourde ; qu'en décidant, au contraire, que "le statut de gérant de succursale oblige Monsieur X... à répondre vis à vis de son fournisseur de toute faute dans la gestion du fonds" et en le condamnant à verser à la société Total marketing services une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts aux termes de motifs qui ne caractérisent pas sa faute lourde, la cour d'appel a violé le principe d'ordre public selon lequel "la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur n'est engagée qu'en cas de faute lourde" ;

Mais attendu que le gérant s'étant vu reconnaître, par un chef de dispositif devenu définitif, non pas la qualité de salarié visée par le principe revendiqué, mais l'application des dispositions de l'article L.7321-2 du code du travail, l'engagement de sa responsabilité pécuniaire n'était pas soumise à l'exigence de l'existence d'une faute lourde ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Monsieur X... à payer à la Société Total Marketing Services la somme de 50 000 € en réparation du préjudice causé par ses fautes dans la gestion des recettes de carburants, avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2010 ;

AUX MOTIFS QUE " Sur la responsabilité du gérant de succursale : la Cour d'appel de Versailles, dans son arrêt du 29 octobre 2010, a dit qu'il y avait lieu de faire application des dispositions de l'article L.7321-2 du code du travail au profit de Monsieur X..., lui reconnaissant ainsi le statut de gérant de succursale ;

QUE l'article L.7321-1 du code du travail dispose que "les dispositions du présent code sont applicables aux gérants de succursales, dans la mesure de ce qui est prévu au présent titre" ; que les articles L.7321-3 et L.7321-4 du code du travail prévoient des dispositions particulières en matière de durée du travail, de santé et sécurité au travail et de responsabilité du gérant de succursale à l'égard des salariés placés sous son autorité ; qu'en revanche, sa responsabilité vis à vis de son fournisseur quant aux modalités commerciales d'exploitation de la station service relève des règles de droit commun et non de la législation du travail ;;

QUE s'agissant du contrat de location-gérance, il a été signé entre la Société Total et la SARL X..., Monsieur X... n'étant intervenu à l'acte qu'en qualité de gérant de la société, aujourd'hui en liquidation judiciaire ; que le présent litige concerne Monsieur X... en sa qualité, non pas de gérant de la SARL X..., mais de gérant de succursale ; que les clauses du contrat liant la Société Total (fournisseur) à la SARL X... (chargée de la distribution des produits) ne peuvent donc lui être opposées, d'autant que le caractère fictif de la Société X... n'a pas été allégué par la Société Total ni constaté par les précédentes décisions ; qu'en outre contrairement à l'affirmation de la Société Total, la cour d'appel de Versailles n'a pas jugé dans son dispositif, qui seul a autorité de la chose jugée, que le contrat de location-gérance constituait la loi des présentes parties au litige ; qu'ainsi, la Société Total ne justifie pas d'une clause contractuelle rendant Monsieur X... redevable de plein droit d'un déficit d'exploitation ou d'inventaire ;

QU'en revanche, le statut de gérant de succursale oblige Monsieur X... à répondre vis à vis de son fournisseur de toute faute dans la gestion du fonds ;

QU'il n'est pas contestable que Monsieur X... devait restituer à la Société Total les recettes relatives au carburant qu'elle lui fournissait et dont elle restait propriétaire, étant précisé que les paiements par carte bancaire lui étaient directement versés, sans transiter par le compte de la Société X... ; que la Société Total justifie par la production de relevés bancaires qu'à plusieurs reprises des refus de prélèvement lui ont été opposés sur le compte de la SARL X... les et 10 septembre 2004, le 14 septembre et le 28 décembre 2004 ; que ce blocage de certains prélèvements caractérise une faute de gestion du gérant, les motifs invoqués par celui ci étant inopérants, puisque la Société Total restant propriétaire des carburants fournis à la station devait en recouvrer le prix ; que la Société Total justifie également qu'entre le 28 janvier 2005 et le 4 février 2005, le dépôt des recettes carburants sur le compte dédié avait fortement diminué, ce qui caractérise également une faute du gérant, puisqu'en l'absence de dépôt des espèces et des chèques, la Société Total a été dans l'impossibilité de prélever les sommes lui revenant ;

QU'en conséquence, il est établi deux fautes de Monsieur X... dans la gestion des recettes carburants qui engagent sa responsabilité vis à vis de la Société Total ;

QUE sur le préjudice de la Société Total, il appartient à la Société Total de rapporter la preuve de son préjudice causé par les fautes de Monsieur X... ; que l'admission de la créance de Total au passif de la SARL X... est irrévocable dans les rapports entre le créancier et le débiteur mais non dans les rapports avec les tiers ; que la caution, qui paie la dette même du débiteur, ou le codébiteur solidaire peuvent également se voir opposer l'autorité de chose jugée liée à l'admission de la créance ; qu'en l'espèce, Monsieur X... n'est pas caution de la société du même nom, l'acte par lequel il s'était engagé ayant été privé d'effet ; que de même, il n'a pas signé l'acte de location gérance en qualité de cogérant à titre personnel mais en sa seule qualité de gérant de la SARL X... ; qu'en conséquence, le montant de la créance admise à la procédure collective de la Société X... n'a pas autorité de chose jugée à son égard et il appartient à la Société Total de justifier du montant des recettes carburant non restituées par la faute du débiteur ;

QUE la Société Total réclame la somme globale de 141.659,30 euros correspondant à la liste des créances échues et à échoir à l'égard de la SARL X..., déduction faite de diverses régularisations, des paiements de carburant par cartes bancaires et du montant de la caution versée par la société Atradius ; que [cependant] la cour relève que :

- la liste des créances échues mentionne des "régularisations de commissions trop perçues" et des "factures impayées de redevances variables ou fixes" qui ne correspondent donc pas à des "recettes de carburant" ;

- pour certaines factures impayées datant des mois de mai, juin 2004 et janvier 2005 (antérieures au 29), aucune faute du gérant n'a été alléguée ;

- pour d'autres factures, aucune régularisation suite à paiement par cartes bancaires n'est mentionnée dans le poste "à déduire", alors même que pour la facture 3007560481, la somme de 7 726,93 € a bien été versée par ce mode de paiement comme figurant sur le rapport de fin de journée du 19/12/2014 produit par Monsieur X..., les autres rapports de fin de journée détaillant les paiements n'étant pas communiqués ;

- les relevés de compte de la SARL X... ne sont produits que jusqu'au 10 février 2005 avec au demeurant un dernier versement au crédit par chèque de 4 000 euros, et non jusqu'à l'ouverture de la liquidation judiciaire le 14 suivant ;

QU'en revanche, la liste susvisée mentionne également des factures impayées sur la période d'opposition aux prélèvements (septembre 2004 et décembre 2004) et sur la période de défaut partiel d'encaissement des chèques et espèces sur le compte dédié, avec les régularisations correspondantes suite au paiement du carburant par cartes bancaires ; qu'ainsi, au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour est en mesure d'évaluer à la somme de 50.000 euros le préjudice subi par la Société Total du fait des fautes de Monsieur X... dans la gestion du fonds ayant empêché le prélèvement de recettes carburants ;

QU'enfin, par arrêt du 25 septembre 2013, la cour d'appel de Versailles a condamné la Société Total à payer à Monsieur X... la somme de 99.542,78 euros bruts au titre des salaires dus entre le mois de juillet 2001 et le mois de février 2005, outre 12 873,57 euros d'intéressement ; qu'en conséquence, après déduction de la somme de 50.000 euros mise à sa charge, il restait à Monsieur X... une somme mensuelle au moins équivalente au SMIC ; qu'il convient en conséquence de condamner Monsieur X... à payer à la Société Total la somme de 50.000 euros au titre son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2010, date de la demande en paiement (…)" ;

1°) ALORS QUE les travailleurs visés à l'article L. 781-1 du code du travail devenu les articles L. 7321-1 et L. 7321-3 bénéficient de la législation du travail et notamment des dispositions relatives aux relations individuelles de travail ; qu'en déduisant de ces textes que seules les "… dispositions particulières en matière de durée du travail, de santé et sécurité au travail et de responsabilité du gérant de succursale à l'égard des salariés placés sous son autorité (…)", prévues par les articles L.7321-3 et L.7321-4 du Code du travail s'appliquaient au gérant de succursale, tandis que "sa responsabilité[vis à vis de son fournisseur" relevait "du droit commun et non de la législation du travail", la Cour d'appel a violé par fausse interprétation les textes susvisés ;

2°) ALORS QUE les dispositions d'ordre public du droit du travail sont applicables aux gérants salariés de succursales, dont la profession consiste essentiellement à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise industrielle et commerciale, dans un local fourni ou agréé par cette entreprise, et aux conditions et prix qu'elle impose ; que dès lors la responsabilité pécuniaire du gérant salarié de succursale n'est engagée envers l'entreprise fournissant les marchandises distribuées qu'en cas de faute lourde ; qu'en décidant, au contraire, que "le statut de gérant de succursale oblige Monsieur X... à répondre vis à vis de son fournisseur de toute faute dans la gestion du fonds" et en le condamnant à verser à la Société Total Marketing Services une somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts aux termes de motifs qui ne caractérisent pas sa faute lourde, la Cour d'appel a violé le principe d'ordre public selon lequel "la responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur n'est engagée qu'en cas de faute lourde".


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-21942
Date de la décision : 23/11/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS - Gérant de succursale - Travailleur visé à l'article L. 7321-2 du code du travail - Responsabilité - Responsabilité pécuniaire - Mise en oeuvre - Faute - Faute lourde - Caractérisation - Nécessité (non)

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Responsabilité du salarié - Responsabilité pécuniaire - Mise en oeuvre - Conditions - Faute lourde - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Travailleur visé à l'article L. 7321-2 du code du travail

La responsabilité pécuniaire du gérant de succursale, qui s'est vu reconnaître non pas la qualité de salarié mais le bénéfice des dispositions de l'article L. 7321-2 du code du travail, n'est pas soumise à l'exigence de l'existence d'une faute lourde


Références :

articles L. 7321-1, L. 7321-2 et L. 7321-3 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 20 mai 2015

Sur la nécessité de caractériser la faute lourde du salarié pour engager sa responsabilité pécuniaire, à rapprocher :Soc., 6 mai 2009, pourvoi n° 07-44485, Bull. 2009, V, n° 126 (rejet)

arrêt cité ;Soc., 13 février 2013, pourvoi n° 11-23920, Bull. 2013, V, n° 37 (cassation partielle)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 nov. 2016, pourvoi n°15-21942, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat général : M. Richard de la Tour
Rapporteur ?: M. Flores
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 07/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.21942
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