La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/11/2016 | FRANCE | N°16-80025

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 novembre 2016, 16-80025


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Christian X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 9 décembre 2015, qui, pour complicité de déversement sans autorisation d'eaux usées non domestiques dans le réseau d'assainissement public, l'a condamné à 2 500 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 octobre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Bellenger

, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Christian X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 9 décembre 2015, qui, pour complicité de déversement sans autorisation d'eaux usées non domestiques dans le réseau d'assainissement public, l'a condamné à 2 500 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 octobre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Bellenger, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller BELLENGER, les observations de la société civile professionnelle ROUSSEAU et TAPIE, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 214-2, R. 214-5 du code de l'environnement, L. 1337-2 du code de la santé publique, 121-6, 121-7, R. 635-8 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X...coupable de complicité du délit de déversement, sans autorisation, d'eaux usées non domestiques dans un réseau public de collecte des eaux usées ;
" aux motifs que courant 2012, une pollution caractérisée par un taux très élevé de bactéries Escherichia Coli avait été constatée dans la baie de Morsalines (50), au point que les eaux avaient été déclassées et la vente de la production conchylicole locale interdite (il y avait déclassement des eaux à partir d'un taux de 230 E. coli/ 100 grammes, alors que des taux de plus de 30 000 E. coli/ 100 grammes avaient été relevés) ; qu'au cours des investigations des services de l'agence régionale de santé, deux fonctionnaires avaient remarqué, le 4 septembre 2012, un camion de vidange de la société Hannot en train de dépoter dans le réseau d'eaux usées de la commune de Saint-Vaast-La-Hougue ; que M. Y..., conducteur du camion, avait reconnu qu'il venait de se débarrasser d'environ 7 mètres cubes pompés le matin même dans les fosses septiques et avait expliqué n'avoir pas eu le temps de retourner au siège de l'entreprise où existait une station d'épuration privative et n'avoir pas les clés pour aller à la station d'épuration de Saint-Vaast-La-Hougue ; que M. Y...avait précisé avoir téléphoné à son chef d'équipe M. A... qui lui avait dit de vidanger dans le réseau d'eaux usées et avoir choisi un endroit qu'il connaissait déjà ; qu'à l'audience, M. Y...avait précisé que cette façon de faire était une pratique courante au temps où il travaillait dans la société Hannot, car cela permettait un gain de temps et d'argent ; que M. A..., chef d'équipe au sein de la société Hannot, avait reconnu avoir dit au chauffeur de vidanger dans le réseau d'eaux usées pour terminer son travail ; que M. X..., responsable de l'agence locale de la société Hannot, avait affirmé qu'il s'agissait d'un fait exceptionnel et qu'aucune consigne n'était donnée pour utiliser les réseaux d'eaux usées ; que ceci étant, il n'avait pu s'expliquer ni sur les dires de M. Y..., confirmant une pratique dévoilée par l'enquête ni sur le fait qu'il était facile de contrôler la différence entre les matières pompées dans les fosses septiques et les matières traitées par la station d'épuration de l'entreprise, différence qui correspondait forcément à une vidange sauvage ; que la matérialité de l'opération de dépotage dans un réseau d'eaux usées était donc parfaitement caractérisée et la seule question était la nature des eaux ou matières ainsi rejetées ; que le tribunal, pour requalifier le délit en contravention de déversement, hors des emplacements autorisés, de déjections ou liquides insalubres, transportés à l'aide d'un véhicule, avait considéré que les matières pompées dans les fosses septiques provenaient de l'activité humaine et étaient donc des eaux domestiques ; que ce raisonnement ne pouvait être retenu, dès lors que l'eau usée domestique, définie à l'article R. 214-5 du code de l'environnement, supposait une eau usée dont la charge brute de pollution organique était inférieure ou égale à 1, 2 kilogramme de DB05 (demande biochimique en oxygène pour le processus de dégradation), alors qu'en l'espèce, les eaux usées, qui avaient stagné plusieurs mois dans des fosses septiques, étaient un concentré de produits, certes d'origine exclusivement humaine mais s'apparentant à des boues, suite au pré-traitement dans la fosse septique, ayant perdu leur caractère d'eaux usées domestiques ; que d'ailleurs, ces effluents ne pouvaient être traités en l'état par une station d'épuration et devaient préalablement subir un pré-traitement destiné à les diluer, puisque leur concentration était 5 à 20 fois plus élevée que celle des eaux usées fraîches ; que le jugement devait donc être infirmé et les deux prévenus concernés par l'appel déclarés coupables du délit visé à la prévention, étant observé que suite à l'appel, la cour était saisie des poursuites d'origine et ne procédait à aucune requalification, ce qui serait d'ailleurs juridiquement possible ;
" 1°) alors que constituent un usage domestique de l'eau, tous les prélèvements et les rejets destinés exclusivement à la satisfaction des besoins des personnes physiques propriétaires ou locataires des installations et de ceux des personnes résidant habituellement sous leur toit, dans les limites des quantités d'eau nécessaires à l'alimentation humaine, aux soins d'hygiène, au lavage et aux productions végétales ou animales réservées à la consommation familiale de ces personnes ; qu'en ayant considéré que la définition de l'eau usée domestique, donnée par l'article R. 214-5 du code de l'environnement, supposait une eau usée dont la charge brute de pollution organique était inférieure ou égale à 1, 2 kilogramme de DB 05, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2°) alors que la complicité suppose que la personne ait, sciemment, par aide ou assistance, facilité la préparation ou la consommation d'un délit, qu'elle ait provoqué à l'infraction ou donné des instructions pour la commettre ; qu'en ayant retenu M. X...dans les liens de la prévention du chef de complicité de déversement sans autorisation d'eaux usées non domestiques dans un réseau public de collecte d'eaux usées, après avoir constaté que seul M. A...avait reconnu avoir dit au chauffeur de vidanger dans le réseau d'eaux usées en raison de la fermeture de la station d'épuration et sans caractériser des faits de complicité à l'égard de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 3°) alors que la complicité suppose un élément intentionnel ; qu'à défaut d'avoir caractérisé des faits de complicité accomplis en connaissance de cause par M. X..., la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Christian X..., responsable local de la société Hannot, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, du chef de complicité de déversement sans autorisation d'eaux usées non domestiques dans un réseau public de collectes d'eaux usées, à la suite du déversement volontaire, par un camion-vidange de la société Hannot, de matières fécales issues de fosses septiques dans le réseau d'assainissement public ; que les juges du premier degré ont déclaré le prévenu coupable, après requalification en contravention de complicité de déversement, hors des emplacements autorisés, de déjections ou liquides insalubres ; que le prévenu, les parties civiles et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision ;
Sur le moyen pris en sa première branche :
Attendu que, pour retenir la qualification délictuelle de complicité de déversement sans autorisation d'eaux usées non domestiques, l'arrêt énonce que les eaux déversées qui avaient stagné plusieurs mois dans les fosses septiques ne correspondaient pas à la définition des eaux domestiques donnée par l'article R. 214-5 du code de l'environnement, les produits rejetés étant un concentré de produits s'apparentant à des boues ayant perdu le caractère d'eaux usées, ces effluents ne pouvant être traités directement dans une station d'épuration et nécessitant un pré-traitement destiné à les diluer ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et, dès lors qu'en application des articles R. 211-29 et suivants du code de l'environnement, les matières de vidange issues de dispositifs non collectifs d'assainissement d'eaux usées sont des déchets assimilés à des boues de stations d'épuration soumises à traitement physique, biologique, chimique ou thermique, ou, à titre dérogatoire, à un épandage agricole contrôlé, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le grief n'est pas fondé ;
Sur le moyen pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de complicité de déversement d'eaux usées non domestiques dans un réseau public de collecte d'eaux usées dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux novembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-80025
Date de la décision : 22/11/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PROTECTION DE LA NATURE ET DE L'ENVIRONNEMENT - Eaux et milieux aquatiques - Déversements susceptibles d'altérer la qualité de l'eau et de porter atteinte aux milieux aquatiques - Matières de vidange issues des installations individuelles d'assainissement - Nature - Détermination

En application des articles R. 211-29 et suivants du code de l'environnement, les matières de vidange, issues de dispositifs non collectifs d'assainissement d'eaux usées, sont des déchets assimilés à des boues de stations d'épuration soumises à traitement physique, biologique, chimique ou thermique, ou, à titre dérogatoire, à un épandage agricole contrôlé


Références :

articles R. 211-29 et suivants du code de l'environnement

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 09 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 nov. 2016, pourvoi n°16-80025, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : Mme Caby
Rapporteur ?: M. Bellenger
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 09/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:16.80025
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award