LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., gérant de la société Maytop iso 89, a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué le véhicule conduit par Mme Y... assuré auprès de la Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes ; que la société Maytop iso 89, ayant obtenu en référé le versement d'une provision correspondant aux frais engagés pour sa mise en sommeil, a fait assigner ces dernières en réparation de son préjudice ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 6 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
Attendu que, pour faire droit à la demande reconventionnelle de Mme Y... et de son assureur en remboursement des provisions versées au titre des frais de mise en sommeil de la société Maytop iso 89, l'arrêt énonce que cette mise en sommeil procède de la seule décision du dirigeant de l'entreprise et qu'elle ne peut prétendre être indemnisée à la fois de dépenses exposées dans le but de reprendre l'activité ultérieurement et de la perte de valeur de la société ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que, du fait de l'accident, M. X... ne pouvait poursuivre son activité au sein de la société et que sa décision de mettre celle-ci en sommeil en était la conséquence, faisant ainsi apparaître que les dépenses rendues nécessaires constituaient un préjudice en lien de causalité avec l'accident qui ne se confondait pas avec la perte de valeur de la société, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation des chefs de dispositif concernant l'indemnisation des préjudices de la société Maytop iso 89 entraîne l'annulation par voie de conséquence de la disposition selon laquelle celle-ci sera condamnée à rembourser la somme de 125 203,60 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification des écritures de Mme Y... et de son assureur, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme Y... et la Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la société Maytop iso 89
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
II est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à 88.531,06 € le préjudice subi par une entreprise (la SARL Maytop Iso 89), par suite de l'accident de la circulation (causé par Mme Djemila Y..., épouse Z..., assurée par la Matmut) subi par son dirigeant et principal salarié ;
AUX MOTIFS QU'il résultait du rapport d'expertise que la SARL Maytop Iso 89 avait pour activité principale la fabrication, l'achat, la vente, le commerce de techniques et de produits d'isolation thermique et acoustique, d'étanchéité, ainsi que tous les travaux du bâtiment destinés à la construction neuve ou ancienne et la rénovation, qu'elle posait ainsi des survitrages, doubles vitrages, volets roulants et stores, qu'elle avait également développé un concept de rénovation d'escaliers avec un habillage en stratifié, qu'au moment de l'accident de M. X... elle avait un effectif de cinq personnes, M. X... compris ; qu'au vu des constatations non contestées de l'expert sur ce point, M. X... occupait les fonctions de gérant, poseur, commercial et dirigeant de l'entreprise et que, du fait de son absence, il n'avait pas été en mesure d'assurer la direction de l'entreprise, de la gérer au quotidien, de motiver et contrôler ses salariés, d'effectuer les poses sur les chantiers, d'établir certains devis, d'aider ses salariés pour les manipulations et les déplacements d'objets lourds ou dans le cadre de situations difficiles, qu'il s'en évinçait que le rôle de M. X... dans l'entreprise était primordial et que l'accident avait brutalement privé la société Maytop Iso 89 de son dirigeant, qui était également son principal employé ; qu'il était par ailleurs établi, par les documents médicaux présentés à l'expert, qu'après la mise en sommeil de la société décidée par son gérant et en raison de la persistance de séquelles résultant des fractures ouvertes de la jambe et du métatarsien du pied, M. X... ne pourra pas reprendre ses activités antérieures ; que, s'agissant des difficultés antérieures de la société Maytop Iso 89, l'expert, dans une note en réponse du 21 mai 2004, avait répondu de la manière suivante : « Le fait que la SARL MAYTOP ISO ait eu des difficultés financières n 'est pas inconnu des parties, a fortiori de l'expert. L'absence de capitaux propres, soit un montant négatif de 107.772 euros n'est pas en soi un critère suffisant qui caractérise l'entreprise, d'autant que cette société n 'était pas en cessation de paiements, les créanciers étant réglés. C 'est donc bien, à notre sens, l'accident de Monsieur X... qui a fait "basculer" l'équilibre, certes déjà fragile, de l'entreprise, en l'empêchant d'assurer ne serait-ce que son quotidien » ; que, suivant en cela l'avis de l'expert, il était suffisamment établi que c'était bien la cessation brutale d'activité de M. X..., « homme clé » de l'entreprise, qui avait empêché celle-ci de maintenir son activité, ce qui l'avait rendue incessible et que la perte de la valeur vénale de l'entreprise était la conséquence certaine de l'arrêt d'activité de M. X... consécutive à l'accident ; que, sur le préjudice, M. X... ne pouvait prétendre que la cour d'appel avait définitivement statué sur l'indemnité de mise en sommeil dans son arrêt du 11 février 2005, alors que l'absence d'autorité de chose jugée au principal de l'ordonnance de référé s'applique également à l'arrêt rendu par la cour sur appel de cette décision ; que la mise en sommeil de la société Maytop Iso 89 procédait de la seule décision du dirigeant de l'entreprise, ainsi que l'avait rappelé l'expert, que la lecture du premier rapport d'expertise démontrait en effet que l'expert avait fait état d'une possible liquidation amiable de la société dès 2004, que la société Maytop Iso 89 ne pouvait prétendre être indemnisée à la fois de dépenses exposées dans le but de reprendre l'activité ultérieurement et de la perte de valeur de la société, qu'alors que la présente instance avait pour objet la liquidation de son préjudice, elle n'avait en outre saisi la juridiction d'aucune demande chiffrée concernant les dépenses qu'elle imputait directement à l'accident, tels les licenciements ou les honoraires de l'expert-comptable ou de l'avocat ; qu'en conséquence, il y avait lieu d'imputer le montant de la provision reçue sur le préjudice définitivement retenu et de condamner la société Maytop Iso 89 à restituer la différence, avec intérêts au taux légal, non pas à compter du versement de la provision, mais à compter de la signification des écritures de Mme Y... et de la Matmut devant les premiers juges, sollicitant cette restitution et valant mise en demeure ; que le préjudice s'élevant à 88.531,06 €, la société Maytop devait être condamnée à restituer la somme de 125.203,60 € à la Matmut ;
1°) ALORS QUE la réparation du préjudice doit être intégrale ; qu'en ayant refusé de retenir comme chef de préjudice indemnisable de la société Myatop Iso 89 les dépenses liées à la mise en sommeil forcé de l'entreprise, après avoir pourtant constaté (arrêt, p. 4 § 2) que l'accident de M. X... avait empêché l'entreprise de maintenir son activité, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales qui se déduisaient de ses constatations au regard des articles 6 de la loi du 5 juillet 1985 et 1382 du code civil ;
2°) ALORS QUE le principe de la réparation intégrale du préjudice implique que tout préjudice en lien avec le dommage subi par une victime soit indemnisé ; qu'en ayant limité à 88.531,06 € le montant du préjudice subi par la société Maytop Iso 89, en excluant les dépenses liées à la mise en sommeil forcé de l'entreprise, au motif que cette mise en sommeil avait été décidée par le dirigeant de l'entreprise, quand la décision prise par le dirigeant de la société Maytop Iso 89 de la mettre en sommeil, en attendant la consolidation de M. X..., plutôt que de la liquider dès 2004, n'empêchait pas que l'exposante devait être indemnisée de ses dépenses liées à sa cessation d'activité, peu important que celle-ci se soit concrétisée par une mise en sommeil plutôt qu'une liquidation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 de la loi du 5 juillet 1985 et 1382 du code civil ;
3°) ALORS QUE l'entreprise qui a subi un préjudice du fait de l'incapacité de son dirigeant et animateur doit être intégralement indemnisée ; qu'en ayant fixé à seulement 88.531,06 € le montant du préjudice subi par la société Maytop Iso 89, quand le chef de préjudice (temporaire) lié à la mise en sommeil d'une entreprise est distinct de celui (définitif) réparant sa perte de valeur vénale et découlant tous deux, en l'espèce, de l'accident de M. X..., la cour d'appel a violé les articles 6 de la loi du 5 juillet 1985 et 1382 du code civil ;
4°) ALORS QUE les dépenses liées à la mise en sommeil forcé d'une entreprise dont le dirigeant a subi un accident de la circulation doivent être indemnisées ; qu'en refusant d'indemniser de telles dépenses qui avaient été exposées par la société Maytop Iso 89 à la suite de l'accident de M. X..., aux motifs inopérants que l'intimée n'avait saisi la juridiction d'aucune demande chiffrée concernant les dépenses de mise en sommeil qu'elle imputait directement à l'accident, tels les frais de licenciements et les honoraires d'avocat et d'expert-comptable, quand ces demandes avaient bien été présentées et indemnisées par la cour d'appel en référé, à partir du chiffrage proposé par le premier rapport d'expertise (cf. p. 28), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 de la loi du 5 juillet 1985 et 1382 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire) :II est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la victime d'un préjudice (la société Maytop Iso 89) à restituer à l'assureur (la Matmut) du responsable (Mme Djemila Y...), une somme de 125.203,60 €, outre intérêts au taux légal courant à compter de la date de signification des écritures de ces derniers devant les premiers juges sollicitant cette restitution ;
AUX MOTIFS OU' il y avait lieu d'imputer le montant de la provision reçue sur le préjudice définitivement retenu et de condamner la société Maytop Iso 89 à restituer la différence, avec intérêts au taux légal, non pas à compter du versement de la provision, mais à compter de la signification des écritures de Mme Y... et de la Matmut devant les premiers juges, sollicitant cette restitution et valant mise en demeure ; que le préjudice s'élevant à 88.531,06 €, la société Maytop devait être condamnée à restituer la somme de 125.203,60 € à la Matmut ;
1°) ALORS QUE la cassation sur un chef d'arrêt entraîne la cassation sur les autres chefs qui lui sont liés ; qu'en l'espèce, la cassation sur le premier moyen entraînera la cassation sur le second, attaquant le chef d'arrêt ayant condamné la société Maytop Iso 89 à rembourser la somme de 125.203,60 € à la Matmut, par application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la partie qui doit restituer une somme qu'elle détenait en vertu d'une décision de justice exécutoke n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ; qu'en ayant fait courir les intérêts dus par la société Maytop Iso 89 depuis la signification des écritures de première instance de Mme Y... et de la Matmut, et non à compter de la signification de l'arrêt attaqué, la cour d'appel a violé l'article 1153 du code civil.