Statuant sur les pourvois formés par :
- Le syndicat Maritime Nord, - M. Didier X..., - M. Eric Y..., parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 4 juin 2015, qui, dans la procédure suivie, sur leur plainte, contre MM. Pascal Z... et François A..., du chef de diffamation publique envers un particulier et complicité de ce délit, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 20 septembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Parlos, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller PARLOS, les observations de Me BOUTHORS, de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, THOUVENIN et COUDRAY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
I-Sur le pourvoi formé par Didier Capelle :
Attendu qu'il résulte d'un extrait des actes de l'état civil de la ville de Calais que Didier X... est décédé le 8 juin 2015 ; que l'examen du pourvoi formé par l'intéressé contre l'arrêt de la cour d'appel, fixé à l'audience du 7 juin 2016, a été renvoyé à la date du 20 septembre 2016, notamment pour permettre aux ayants droit de celui-ci de se constituer, le cas échéant, pour reprise d'instance en ce qui concerne les intérêts civils ; qu'en l'absence, à la date fixée, d'une telle déclaration, il convient de constater que le pourvoi est devenu sans objet ;
II-Sur les pourvois formés par le Syndicat Maritime Nord et M. Y... :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, 10, § 2, et 11 de la Convention européenne des droits de l'homme, 23, 29 alinéa 1, 32 alinéa 1, 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881, 9-1 du code civil, 2, 10, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour a partiellement confirmé les dispositions civiles du jugement entrepris après avoir reconnu le bénéfice de la bonne foi aux prévenus poursuivis du chef de diffamation publique envers un particulier ;
" aux motifs que l'appel formé par les trois parties civiles a pour effet de déférer à la présente juridiction du second degré l'action en réparation des conséquences dommageables qui peuvent résulter de la faute civile de MM. Z... et A... prévenus définitivement relaxés, cette faute devant être démontrée partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, que les parties conviennent que la faute civile reprochée à MM. Z...
A..., à savoir l'allégation ou l'imputation d'un fait qui porte atteinte l'honneur et à la considération de MM. Y..., X... et du syndicat maritime Nord reste définie par l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ; que ni M. A..., ni M. Z... ne remettent cause l'appréciation portée par le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer lequel a retenu dans son jugement du 7 janvier 2014, le caractère diffamatoire des propos tenus par M. A... et retranscrits dans le journal Nord littoral dans les articles des 10 et 16 janvier 2012 sous les titres M. A... secrétaire général de la CFDT et " le bureau national se réunira jeudi pour exclure section de Seafrance-Seafrance : la CFDT statuera jeudi ", tels que repris dans les préventions initiales en ce qu'ils imputent aux parties civiles d'une part la commission de faits délictueux et de malversations susceptibles de constituer des infraction pénales ; qu'en revanche, M. A... conteste le caractère diffamatoire des propos relatifs au refus par le syndicat maritime Nord CFDT d'étudier une solution alternative au projet de SCOP qu'il portait ; qu'à cet égard la cour considère que ne porte pas atteinte à l'honneur et à considération de MM. Y..., X... et du syndicat maritime Nord le fait pour M. A... d'indiquer qu'ils ont privilégié une solution alternative de la SCOP par rapport aux autres projets de reprise de SeaFrance, alors même que le rôle du syndicat maritime et de ses dirigeants était bien de faire des choix stratégiques dans le cadre de la procédure collective de SeaFrance, choix qui se sont d'ailleurs révélés avisés puisqu'ils ont été avalisés par le tribunal de commerce ; que reste à déterminer si en imputant aux parties civiles la commission de faits délictueux et de malversations susceptibles de constituer des infractions pénales, MM. A... et Z... peuvent se prévaloir de leur bonne foi ; que sur l'existence ou non d'une base factuelle sérieuse qu'avant même la parution du premier article du 10 janvier 2012, M. A... justifie du fait qu'était connu le refus de M. Y... secrétaire du comité d'entreprise de la société SeaFrance de communiquer au président de ce comité d'entreprise l'ensemble des justificatifs comptables, en particulier des sommes décaissées et détaillées par achat avec justificatif de l'ordonnateur de l'engagement de dépenses et du paiement, des documents financiers et juridiques et plus généralement de tous document afférents à la gestion des comptes du même comité d'entreprise sur l'exercice 2009, et ce malgré l'ordonnance de référé du 6 octobre 2010 du président du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer, le jugement du juge de l'exécution du 17 décembre 2010, liquidant à 3 350 euros l'astreinte provisoire prévue à l'ordonnance du 6 octobre pour les y contraindre, l'arrêt de la chambre sociale de la cour d'appel de Douai du 28 janvier 2011, toutes ces pièces étant versées aux débats, ce refus pouvant être interprété par M. A... comme la volonté de cacher des malversations ; qu'était également connu le fait que dans le cadre d'une procédure de contentieux des élections professionnelles, les statuts du syndicat CFDT maritime Nord datés du 28 novembre 2008 et communiqués dans le cadre de l'instance par ce syndicat, comportaient un article 13-3 suivi de l'article 13. 5, alors que les statuts produits par SeaFrance qui avaient été transmis à cette société le 17 juillet 2009 par fax émanant de la CFDT comportaient un article 13. 4 qui donnait compétence au conseil syndical et non au bureau pour décider de la représentation en justice, constatation reprise dans le jugement du tribunal d'instance de Montreuil-sur-Mer du 17 mars 2011 ; et que cette communication d'un élément qui apparaissait comme un faux avait conduit la société SeaFrance assistée de ces deux administrateurs judiciaires à saisir le procureur de la République de Boulogne-sur-Mer d'une plainte pour faux et usage de faux et tentative d'escroquerie au jugement le 6 avril 2011 et ce même si au jour de l'article litigieux du 10 janvier 2012 (et même du second) aucune poursuite n'avait été diligentée ; que M. A... ne pouvait par ailleurs qu'avoir été alerté par la lecture de nombreux articles de presse des dérives du syndicat CFDT maritime Nord : le Figaro Economie du 6 janvier 2012 : A Calais c'est l'omerta ; que les syndicalistes de la CFDT maritime Nord font peur, cet article relatant notamment une agression d'un syndicaliste CGT M. Roger C...par M. Y... ayant conduit à sa condamnation le 4 mai 2009 par la cour d'appel de Douai, mais aussi les pressions, menaces, intimidations sur les salariés de la part de figures de la CFDT Maritime Nord et recrutements et les promotions réservés aux personnes qui avaient leur carte à ce syndicat ; libération du 6 janvier 2012 : les dérives de la CFDT, violences sur une policière en 2005 lors d'une tentative de blocage d'un ferry d'une compagnie concurrent ayant conduit à la condamnation de M. X... par le tribunal correctionnel du Havre, condamnation confirmée par la cour d'appel de Rouen en juin 2010, menaces de mort contre le responsable de la CFDT Nord-Pas-de-Calais, gestion opaque du comité d'entreprise, abus ; aujourd'hui en France du 7 janvier 2012 : la gestion très opaque du comité d'entreprise de SeaFrance ; le journal du Dimanche du 8 janvier 2012 ; des années de " gratte " mafieuse, article relatif à des détournements de fonds, cigarettes et alcool, MM. X... et Y... étant présentés comme les cerveaux ; la cour note qu'au delà de ces articles de journaux, à l'encontre desquels les parties civiles indiquent avoir engagé des poursuites pour diffamation publique, M. A... verse aux débats l'arrêt de la chambre correctionnelle d'Amiens du 11 mars 2009 condamnant M. Y... et Didier X... pour violences volontaires en réunion sur personne chargée d'une mission de service public en l'espèce des fonctionnaires de la direction départementale des affaires maritimes de Dunkerque et un arrêt du 16 juin 2010 de la cour d'appel de Rouen condamnant M. Y... et Didier X... le premier pour tentative de vol avec violence d'un appareil photo, le second pour complicité de ce délit dans le cadre d'une manifestation, en date du 8 décembre 2005, au Havre à l'encontre de la société Louis Dreyfus ; que postérieurement au premier article, mais antérieurement au second du 16 janvier 2012, M. A... a eu connaissance du rapport de la cour des comptes sur la société SeaFrance 2004-2007 (actualisation à 2008) rendu public le 11 janvier 2012 et qui révélait les points suivants ; qu'il ne semble pas que SeaFrance ait une véritable politique en matière de recrutement ; que pour les ADGS le recrutement s'effectue largement par cooptation selon des critères peu transparents. Les recommandations familiales et surtout l'appui de la formation syndicale majoritaire (CFDT Maritime) entrent comme un facteur déterminant dans la sélection des candidats ; le recrutement du personnel d'exécution a provoqué de nombreuses remarques au sein même de l'entreprise, faisant mention de personnes peu motivées et n'ayant souvent aucune qualification ; que sur les promotions de fin de carrière, l'intersyndicale des officiers de SeaFrance s'est exprimée par voie de presse début 2007 sur le monopole détenu par la CFDT en dénonçant des avantages exorbitants octroyés à ses délégués, comme la promotion des personnels arrivant en fin de carrière à des postes d'assistants officiers ne correspondant pas aux qualifications des intéressés, la cour reprenant par elle même ces critiques ; que les journaux nationaux ont par ailleurs entre le premier et le second article litigieux continué de publier des articles dénonçant les agissements du syndicat CFDT Maritime Nord : le Monde 10 janvier 2012 : SeaFrance un syndicalisme à la dérive, violences, relations incestueuses avec l'ancienne équipe de direction, soupçons d'enrichissement personnel, les accusations pleuvent contre les pratiques supposées de la CFDT Maritime Nord ; que le Nouvel Observateur du 12 janvier 2012 : SeaFrance coule en eaux troubles ; les dérives des syndicalistes soupçonnés de malversations et le laxisme de la direction ont condamné la compagnie Transmanche ; que la cour ne peut suivre les parties civiles lorsqu'elles allèguent qu'il n'est pas envisageable que M. A... ait eu en sa possession en janvier 2012, les documents judiciaires qu'il produit dans le cadre de cette instance, alors même qu'il ne faisait référence qu'à des malversations et à aucune autre infraction ; que la cour note tout au contraire que de nombreux journaux avaient fait état des violences reprochées aux deux syndicalistes et de la gestion opaque du comité d'entreprise et que M. A... évoque de manière générale des comportements délictueux ; qu'il est, par ailleurs, connu qu'était alors envisagée une mesure d'exclusion du syndicat CFDT Maritime, ce qui permet au contraire de penser que le secrétaire général de la CFDT avait ces informations en sa possession et que sa connaissance des agissements des responsables du Syndicat Maritime Nord ne venait pas que des seuls articles de journaux ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments (décisions juridictionnelles, rapport de la cour des comptes et faits révélés par des enquêtes de journaux nationaux), le tribunal de Boulogne-sur-Mer a pu légitimement considérer que M. A... disposait d'éléments suffisamment nombreux, étayés, fiables et convergents formant un ensemble cohérent pour constituer un socle solide de bases factuelles, la bonne foi de M. Jacques A... de ce chef devant bénéficier à M. Pascal Z... lequel a pris l'initiative de publier un entretien avec M. Jacques A... sans apporter de commentaire diffamatoire (article du 10 janvier 2012) et de reprendre les propos tenus pas M. Jacques A... lors d'une émission de radio sur Europe 1 sans apporter de commentaire diffamatoire (article du 16 janvier 2012) ;-2- Sur la légitimité du but poursuivi : le fait que M. François A... ait refusé de s'exprimer dans le journal Littoral du 26 septembre 2011, sur SeaFrance et qu'il l'ait fait les 10 et 16 janvier 2012, ne rend nullement illégitime le but poursuivi en janvier 2012, comme le soutiennent les parties civiles ; que la cour note que M. A... était venu à Calais en septembre 2011 non point pour parler de la situation de SeaFrance, mais pour participer à l'assemblée générale de la CFDT des douanes et qu'il avait fait choix de communiquer notamment sur la réforme des retraites ; que lorsqu'il s'exprime en janvier 2012, M. A... le fait comme secrétaire général du syndicat national CFDT, à un moment où les pratiques du syndicat CFDT Maritime Nord sont décriées dans la presse nationale dans de très nombreux journaux, où le rapport de la cour des comptes sur SeaFrance est rendu public et où le tribunal de commerce de Paris doit statuer sur les offres de reprise de cette société, l'audience étant prévue pour le 28 janvier 2012 et où a été enclenchée une procédure d'exclusion du syndicat CFDT Maritime Nord de la fédération syndicale CFDT ; qu'en faisant valoir le point de vue de la centrale syndicale nationale qu'il représente, M. A... remplit pleinement son rôle de secrétaire général et le but ainsi poursuivi est tout à fait légitime ; que de même est légitime le fait pour le journal local Nord Littoral, implanté dans la région où SeaFrance a son activité, de donner ainsi la parole à ce représentant syndical ;-3- Sur l'absence d'animosité personnelle : la cour note que dans aucun des deux articles parus les 10 et 16 janvier 2012, les noms de MM. Y... ou Didier X... ne sont cités que ce soit directement par M. A... ou par le journal, aucune photographie de ces deux hommes n'illustrant, par ailleurs, ces articles ; que les propos tenus mettent en accusation des pratiques jugées incompatibles avec les valeurs défendues par le syndicat CFDT au niveau national, mais ne témoignent d'aucune animosité personnelle envers les parties civiles ni de la part de M. A..., ni de la part du journal, ce grief n'étant, d'ailleurs, pas repris par ces parties civiles ;-4- Sur l'absence ou non de prudence dans les propos : les parties civiles font à juste titre remarquer la différence entre les propos utilisés dans le cadre du communiqué de presse du 5 janvier 2012, du syndicat CFDT qui fait état de soupçons sur des pratiques obscures et frauduleuses des responsables CFDT de SeaFrance, que relaient les média et qui conclut au fait qu'au stade des enquêtes judiciaires en cours, la présomption d'innocence prévaut et le fait que sept jours après ce communiqué, alors même que l'enquête judiciaire n'avait pas avancé, le secrétaire général du même syndicat indique " aujourd'hui nous sommes au-delà de la présomption d'innocence " (article du 10 janvier 2012) et " il y avait la présomption d'innocence [...] maintenant, il y a des faits qui sont concrets " (article du 16 janvier 2012) pour conclure à l'absence de prudence des propos de M. Jacques A... ; que le tribunal correctionnel a, d'ailleurs, lui aussi relevé dans son jugement du 7 janvier 2014, la virulence des propos et leur ton polémique ; que la cour, à l'instar de ce qu'avait décidé le tribunal correctionnel, juge que ces propos qui ne visaient nommément aucune des deux personnes physiques parties civiles, mais des responsables syndicaux CFDT, n'excédaient pas ce qui était raisonnablement acceptable au vu de la liberté d'expression qui est reconnue en France au regard des critères de la jurisprudence de la commission européenne des droits de l'homme ;-5- Sur la faute : dès lors que la bonne foi de MM. A... et Z... peut être ainsi retenue, la cour conclut qu'ils n'ont commis aucune faute civile susceptible d'ouvrir un droit pour les trois parties civiles à obtenir réparation du préjudice dont elles alléguaient ;
" 1°) alors que la base factuelle suffisante de nature à justifier une diffamation doit être adéquate et corrélée aux propos litigieux ; que la mise en cause de l'honnêteté personnelle des parties civiles ne peut être justifiée par une base factuelle essentiellement déduite de l'existence de violences sociales survenues à l'occasion d'un conflit du travail aigu ; qu'en présentant la culpabilité des parties civiles comme acquise en l'absence de la moindre décision de justice relative aux seules imputations poursuivies, la cour a privé son arrêt de toute base légale au regard des textes et principes visés au moyen ;
" 2°) alors que la liberté d'expression syndicale, même en cas de conflit interne à une organisation, n'autorise pas le dirigeant de celle-ci à présenter publiquement les responsables d'une formation qu'il entend exclure comme ayant commis des faits délictueux et des malversations, susceptibles, « au-delà de la présomption d'innocence », de constituer des infractions pénales qui ne sont pas avérées ; que pareille accusation jetant publiquement le discrédit sur les parties civiles ne s'autorise en elle-même d'aucun but légitime ; qu'en affirmant le contraire sur la foi de considérations étrangères au strict objet du litige, la cour a derechef privé son arrêt de toute base légale au regard des textes et principes visés au moyen ;
" 3°) alors que l'absence de désignation des personnes physiques par leur nom ne permet pas d'excuser des propos diffamatoires lorsque celles-ci sont facilement identifiables et que le syndicat, personne morale, est nommément cité ; que pour considérer remplie la condition de prudence dans l'expression, la cour relève que les deux personnes physiques parties civiles n'étaient pas identifiables ; que cependant les expressions « représentants syndicaux » et « responsables syndiqués » de l'entreprise SeaFrance ne laissent aucun doute quant à l'identité des personnes visées, s'agissant des représentants du syndicat majoritaire du premier employeur de la ville ; qu'est en outre nommé le syndicat Maritime Nord CFDT ; qu'en refusant de tirer les conséquences de ses propres constatations sur l'identification nécessaire des personnes visées par des propos diffamatoires, la cour a derechef privé sa décision de base légale au regard des textes et principes visés au moyen " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de la procédure qu'après la cessation de l'activité, le 9 janvier 2012, de la société SEAFRANCE, compagnie de transport maritime, filiale de la SNCF, placée en redressement judiciaire le 30 juin 2010, puis en liquidation judiciaire avec maintien d'activité jusqu'en janvier 2012, afin de permettre la présentation d'offres de reprise satisfaisantes, le journal Nord Littoral a publié, dans ses éditions des 10 et 16 janvier 2012, deux articles, le premier, intitulé " François A..., secrétaire général de la CFDT " Nous avons pris des mesures d'exclusion " et constitué par une interview de M. A..., le second, sous le titre " le bureau national se réunira jeudi pour exclure la section de SEAFRANCE, SEAFRANCE : la CFDT statuera jeudi ", consistant dans la reprise de propos tenus par M. A... lors d'une émission diffusée en direct simultanément par une radio périphérique et une chaîne de télévision d'information permanente, relatifs à l'action du syndicat CFDT Maritime Nord et de certains de ses responsables lors des difficultés rencontrées par la société SEAFRANCE ; que ce syndicat, devenu, depuis, le syndicat Maritime Nord, son secrétaire général, M. E..., et son secrétaire général-adjoint, M. Y..., ayant porté plainte et s'étant constitués parties civiles des chefs de diffamation publique envers un particulier et complicité, M. Z..., directeur de publication, et M. A... ont été renvoyés, respectivement, de ces chefs devant le tribunal correctionnel puis relaxés ; que les parties civiles ont relevé appel de ce jugement ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, l'arrêt attaqué énonce que le fait d'indiquer que les plaignants ont entendu privilégier la solution de reprise de SEAFRANCE en société coopérative et participative (Scop), n'a pas porté atteinte à leur honneur et à leur considération, dans la mesure où leur rôle était d'opérer des choix stratégiques au cours de la procédure collective, qui plus est retenus par le tribunal de commerce ; qu'il retient que les passages incriminés, selon lesquels il y aurait eu, au-delà de la présomption d'innocence, des faits concrets renforçant les soupçons sur les principaux responsables de la section syndicale, n'ont pas nommément visé le syndicat CFDT Maritime Nord, son secrétaire général et son secrétaire général-adjoint ;
Attendu que les juges ajoutent que, si les autres allégations imputant aux parties civiles la commission de délits ou des malversations pouvant revêtir une qualification pénale sont diffamatoires, ils ont été tenus lors d'un débat portant, à la fois, sur le devenir d'une entreprise et des pratiques syndicales critiquables, sans être inspirés par l'animosité personnelle, alors qu'un rapport de la Cour des comptes de février 2009, rendu public le 12 janvier 2012, sur la gestion de l'entreprise durant les exercices 2004 à 2007, les refus opposés par le secrétaire du comité d'entreprise de communiquer les justificatifs comptables du comité, après que plusieurs décisions de justice lui en eurent fait injonction, la falsification alléguée des statuts du syndicat CFDT Maritime Nord, communiqués lors d'une instance judiciaire, par la suppression de stipulations qui donnaient compétence au conseil syndical et non au bureau du syndicat pour décider de la représentation en justice, ainsi que six articles de presse de quotidiens ou hebdomadaires nationaux de tous bords, rendant compte de faits découverts au cours de leurs enquêtes et dénonçant les agissements des plaignants, en particulier des violences, ayant conduit aux condamnations pénales de MM. X... et Y..., ou des pressions, menaces et intimidations sur des salariés, ou encore des faveurs au sein de la section syndicale et des malversations, en constituaient une base factuelle suffisante ;
Attendu que, si c'est par des motifs erronés mais surabondants que la cour d'appel a retenu que certaines assertions relatives à l'existence, selon leur auteur, de faits concrets renforçant les soupçons sur le syndicat CFDT Maritime Nord, devenu le syndicat Maritime Nord, et ses principaux responsables d'avoir commis des délits ou des faits pouvant revêtir une qualification pénale ne visaient pas les parties civiles, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure dès lors que ses énonciations mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que l'ensemble des propos incriminés, s'inscrivant dans un débat d'intérêt général sur le devenir d'une entreprise d'envergure et les modalités de l'action syndicale au sein de cette société en difficulté, reposait sur une base factuelle suffisante, de sorte que de tels propos ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d'expression au sens de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs :
I-Sur le pourvoi formé par Didier X... :
DIT n'y avoir lieu à statuer ;
II-Sur les pourvois formés par le Syndicat Maritime Nord et M. Y... :
Les REJETTE ;
FIXE à 2 000 euros la somme que le syndicat Maritime Nord et M. Y... devront payer à M. A... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux novembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.