LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble l'article 145 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en matière de référé, que Mme X..., assistante familiale, qui s'était vue confier par l'association Oeuvre de l'Abbé Denis (l'association) M. Z..., alors mineur, aux termes d'un contrat d'accueil à titre permanent, a été agressée par celui-ci ; que Mme X..., qui a subi plusieurs arrêts de travail à la suite de cette agression, a été indemnisée par la Mutuelle assurance des instituteurs de France (la MAIF), assureur de responsabilité civile de l'association, des dégâts matériels causés à son domicile par M. Z... ; qu'elle a assigné M. Z..., l'association, en sa qualité de civilement responsable de ce dernier, la MAIF et la caisse primaire d'assurance maladie de Pau-Pyrénées (la CPAM) devant le juge des référés d'un tribunal de grande instance, aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise médicale destinée à évaluer son préjudice corporel ; que l'association et la MAIF se sont opposées à cette demande en faisant valoir que la victime avait bénéficié d'une prise en charge au titre de la législation sur les accidents professionnels ;
Attendu que, pour débouter Mme X... de sa demande d'expertise, l'arrêt retient, d'abord, que Mme X... sollicite une expertise médicale sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile dans la perspective d'engager une action au fond en responsabilité contre l'association, en qualité de civilement responsable de M. Z..., mais que, même si elle a mis en cause ce dernier qui est aujourd'hui majeur, elle ne pourra agir au fond que contre l'association, son civilement responsable, puisqu'il était mineur au moment des faits dont elle a été victime ; qu'il relève, ensuite, qu'il est établi que pour l'indemnisation du préjudice résultant de cet accident du travail, tant Mme X... que la CPAM entendent se placer sous le régime de l'indemnisation du code de la sécurité sociale ; qu'il en déduit que son action au fond devant le juge du droit commun contre l'association, ès qualités, est manifestement vouée à l'échec dans la mesure où elle ne pourra faire juger sa responsabilité selon les règles du droit commun, de sorte que cette action au fond n'étant pas manifestement recevable devant le juge du fond, elle ne justifie pas d'un motif légitime à solliciter une mesure d'expertise devant le juge des référés ;
Qu'en statuant ainsi alors que la minorité de l'auteur du dommage n'exclut pas sa responsabilité et ne fait pas obstacle à sa condamnation personnelle sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 juillet 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne l'association Oeuvre de l'Abbé Denis et la Mutuelle assurance des instituteurs de France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme X... de sa demande d'expertise médicale,
AUX MOTIFS QUE « (…) en application de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale sous réserves des dispositions prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-5, L. 454-1, L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2, aucune action en réparation d'un accident du travail ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit et l'article 454-1 du même code prévoit que si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre ; en l'espèce, Mme X... sollicite une expertise médicale sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile dans la perspective d'engager une action au fond en responsabilite contre l'AOD, ès-qualités de civilement responsable de M. Z.... Même si elle a mis en cause M. Z... qui est aujourd'hui majeur, elle ne pourra agir au fond que contre son civilement responsable puisqu'il était mineur au moment des faits dont elle a été victime, à savoir l'OAD qui l'avait placé chez elle et dont elle est la salariée en vertu d'un contrat de travail du 16 février 2007 ; il résulte également des pièces produites qu'elle a déclaré les faits dont elle a été victime comme accident du travail (pièces 1, 2 et 3 des appelantes, pièces 5, 6 de Mme X...) et qu'ils ont été pris en charge à ce titre par la CPAM ; ainsi, dans un courrier adressé le 23 mars 2010 au directeur de l'OAD, la CPAM reconnaît que Mme X... a été victime d'un accident du travail et indique qu'elle demande la mise en oeuvre de la procédure tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ; il est donc établi que pour l'indemnisation du préjudice résultant de cet accident du travail tant Mme X... que la CPAM entendent se placer sous le régime de l'indemnisation du code de la sécurité sociale ; dès lors, l'action au fond de Mme X... devant le juge du droit commun contre l'OAD, ès qualités de civilement responsable, est manifestement vouée à l'échec dans la mesure où elle ne pourra faire juger sa responsabilité selon les règles du droit commun. En conséquence, son action au fond n'étant pas manifestement recevable devant le juge du fond, elle ne justifie pas d'un motif légitime à solliciter une mesure d'expertise devant le juge des référés et il convient d'infirmer la décision déférée (…) » (arrêt attaqué, pp. 4 et 5),
ALORS QUE 1°), la minorité de l'auteur d'un dommage n'exclut pas sa responsabilité pour faute sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; qu'en déboutant Mme X... de sa demande d'expertise destinée à évaluer son préjudice, aux motifs erronés que « si elle a mis en cause M. Z... qui est aujourd'hui majeur, elle ne pourra agir au fond que contre son civilement responsable puisqu'il était mineur au moment des faits dont elle a été victime », la cour d'appel a violé les articles 1382 du code civil et 145 du code de procédure civile,
ALORS QUE 3°), dans ses conclusions d'appel (pp. 8 et 9), Mme Laurence X... faisait valoir qu'elle cherchait notamment à engager une action contre un assureur ; qu'en s'abstenant de rechercher si la perspetive d'engager une action contre un assureur, pour obtenir la réparation intégral d'un préjudice, justifiait la mesure d'expertise sollicitée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile.