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11/10/2016 | FRANCE | N°14-19798

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 octobre 2016, 14-19798


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 mars 2014), que la société Etudes spéciales appliquées (la société ESA) a été condamnée, par un jugement du 7 juillet 2010, à payer à la société Kade une provision à valoir sur un rappel de commissions dues en exécution du contrat d'agence commerciale liant les parties, ainsi que sur l'indemnité de rupture de celui-ci ; qu'après avoir été mise, le 28 juillet 2010, en redressement jud

iciaire, la société ESA, assistée de son administrateur judiciaire, a relevé app...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 mars 2014), que la société Etudes spéciales appliquées (la société ESA) a été condamnée, par un jugement du 7 juillet 2010, à payer à la société Kade une provision à valoir sur un rappel de commissions dues en exécution du contrat d'agence commerciale liant les parties, ainsi que sur l'indemnité de rupture de celui-ci ; qu'après avoir été mise, le 28 juillet 2010, en redressement judiciaire, la société ESA, assistée de son administrateur judiciaire, a relevé appel de sa condamnation ; que la société Kade a déclaré au passif, outre le montant de la provision, une créance de 80 000 euros au titre d'un complément de commission et une autre de 50 000 euros au titre d'un complément d'indemnité de rupture ; qu'un arrêt du 16 mai 2012 a fixé les créances de la société Kade aux sommes de 151 835,16 euros pour le rappel de commissions et de 177 806,67 euros pour l'indemnité de rupture ; que par une ordonnance du 26 mars 2013, le juge-commissaire a admis les créances de la société Kade pour la somme globale de 130 000 euros, correspondant au montant déclaré hors provision ; que la société a interjeté appel de cette décision ;
Attendu que la société ESA fait grief à l'arrêt d'annuler l'ordonnance et d'inviter les parties à procéder selon les dispositions de l'article R. 624-11du code de commerce alors, selon le moyen :
1°/ qu'il ne relève de l'office exclusif du greffier de modifier l'état des créances à la suite d'une décision passée en force de chose jugée reconnaissant les droits d'un créancier ayant déclaré sa créance à la procédure collective qu'une fois l'état des créances déposé au greffe ; que tant que l'état des créances n'a pas été déposé, le juge-commissaire conserve le pouvoir de statuer sur l'admission de la créance ; qu'au cas présent, pour annuler l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 26 mars 2013 ayant statué sur l'admission au passif de la créance de la société Kade ayant fait l'objet d'un arrêt de la cour d'appel de Lyon, la cour d'appel a énoncé qu'il relevait de l'office exclusif du greffier d'apporter à l'état des créances la modification résultant de cette décision ; qu'en se déterminant de la sorte, sans constater que l'état des créances avait été déposé au greffe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 624-11 du code de commerce ;
2°/ qu'une créance objet d'une instance en cours ne peut être admise au passif pour un montant supérieur à celui figurant dans la déclaration de créance ; qu'ainsi, dans l'hypothèse où la décision statuant sur l'existence et le montant de la créance fixe les droits du créancier à un montant supérieur à celui indiqué dans la déclaration de créance, cette décision ne peut conduire à modifier à la hausse le montant de la créance déclarée indiqué sur l'état des créances ; qu'au cas présent, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que la société Kade avait déclaré à la procédure collective de l'exposante la somme de 130 000 euros au titre des commissions et indemnités complémentaires dans l'attente de l'issue de l'instance en cours ayant ordonné une expertise pour en fixer le montant ; que la cour d'appel de Lyon a, par arrêt du 16 mai 2012, fixé à un montant supérieur le montant de la créance de la société Kade ; que la cour d'appel a considéré que l'état des créances devait être modifié pour indiquer le montant de la créance, tel que fixé par cette décision, quand bien même ce montant serait supérieur au montant indiqué sur la déclaration de créance ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a entériné une solution revenant à admettre une créance au passif de la procédure pour un montant supérieur au montant déclaré, a violé les articles L. 622-22, L. 622-24 et R. 624-11 du code de commerce ;
Mais attendu, d'une part, que, lorsqu'une créance fait l'objet d'une instance en cours, il n'appartient pas au juge-commissaire de se prononcer sur elle, à quelque moment que ce soit ; que le moyen, qui soutient que le juge-commissaire conserve le pouvoir de fixer une telle créance avant le dépôt de l'état des créances, n'est pas fondé ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que l'arrêt du 16 mai 2012 était devenu irrévocable, c'est à bon droit que la cour d'appel a dit que la créance de la société Kade serait portée sur l'état des créances par le greffier pour le montant reconnu par cet arrêt, sans pouvoir être ramené à celui de la déclaration de créance ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société ESA Etudes spéciales appliquées aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Kade ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze octobre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société ESA - Etudes spéciales appliquées.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé l'ordonnance du juge-commissaire du 26 mars 2013 et d'avoir invité les parties à procéder selon les dispositions de l'article R.624-11 du code de commerce ;
Aux motifs que « L'article L. 624-2 du code de commerce dispose : "Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence" ; qu'aux termes des articles L. 624-3-1 et R.624-8 du code de commerce, les décisions d'admission ou de rejet des créances ou d'incompétence prononcées par le juge-commissaire sont portées sur un état qui est déposé au greffe du tribunal et que le greffier fait publier au Bodacc ; qu'en l'espèce, l'état des créances publié au Bodacc le 10 août 2010 mentionne pour les créances de la société Kade : - pour la déclaration de 33.153,04€ : admission définitive à titre chirographaire : 27.985,87€ - condamnation tribunal de commerce de Roanne selon jugement du 7 juillet 2010. Principal/contest LRAR du 24/11/2010 : ordonnance de rejet partiel rendu le 14 février 2011, - pour la déclaration de 6.000€ (article 700) : admission définitive à titre chirographaire pour 6.000€ - condamnation tribunal de commerce de Roanne selon jugement du 7 juillet 2010 ; pour la déclaration de 4.186€ (frais d'expertise) : admission définitive à titre chirographaire pour 4.186€ -condamnation tribunal de commerce de Roanne selon jugement du 7 juillet 2010 et ordonnance du 09/09/2010 frais d'expertise, - pour la déclaration de 131,81€ (dépens) : admission définitive à titre chirographaire pour 131,81€ - condamnation tribunal de commerce de Roanne selon jugement du 7 juillet 2010 – dépens liquidés, - pour la déclaration de la créance de 80.000€ : estimation commissions – contentieux en cours devant la cour d'appel de Lyon, - pour la déclaration de créance de 50.000€ : estimation indemnité de rupture – contentieux en cours devant la cour d'appel de Lyon ; qu'il résulte de cet état de créance que lors de la vérification des créances et conformément aux dispositions de l'article L. 624-2 du code de commerce, le juge-commissaire a rejeté partiellement la créance de 33.153,04€, contestée à hauteur de 5.167,17€ en raison de l'encaissement de cette somme suite à une saisie-attribution, ainsi qu'il ressort des pièces versées aux débats, a admis les créances qui étaient fixées par décision de justice et a mentionné qu'une instance était en cours devant la cour d'appel de Lyon pour les créances déclarées au titre des commissions et de l'indemnité de rupture ; que l'article R.624-9 du code de commerce prévoit que l'état des créances mentionné à l'article R.624-8 est complété par : 1°lorsque la matière est de la compétence d'une autre juridiction, les décisions rendues par la juridiction compétente, 2° les décisions mentionnées au premier alinéa de l'article R.624-11, 3° les décisions rendues par la cour d'appel statuant sur les recours formés contre les décisions du juge-commissaire ; et que l'article R.624-11 précise : « le créancier dont les droits ont été reconnus par une décision d'une autre juridiction passée en force de chose jugée adresse au greffier du tribunal qui a ouvert la procédure une expédition de cette décision. Le greffier avise le mandataire judiciaire ainsi que l'administrateur et le commissaire à l'exécution du plan s'il y a lieu de toute modification ainsi apportée à l'état des créances » ; qu'en application de ces textes, la société KADE devait adresser l'arrêt de la cour d'appel, fixant ses créances relatives au rappel de commissions et à l'indemnité de rupture au greffier du tribunal de commerce de Lyon et il appartenait au greffier de porter directement la décision sur l'état des créances sans pouvoir d'appréciation et quel que soit le montant déclaré, l'autorité de la chose jugée de la décision de la juridiction fixant les droits du créancier et faisant obstacle à toute modification de la créance telle que fixée ; qu'une fois mentionnée la décision sur l'état des créances, il appartient au greffier d'aviser le représentant des créanciers ainsi que l'administrateur et le commissaire à l'exécution du plan, s'il y a lieu, de la modification apportée à l'état des créances ; qu'en l'espèce, la société KADE a transmis la décision à la SELARL MJ Partenaires qui a saisi le juge-commissaire, en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SARL KADE, et le juge-commissaire a rendu la décision déférée ; qu'or, d'une part, la SELARL MJ PARTENAIRES n'avait pas qualité pour contester la créance ni en qualité d'administrateur ni en qualité de commissaire à l'exécution du plan ; que, d'autre part, le juge-commissaire n'avait ni le pouvoir de statuer, la modification de l'état des créances relevant de l'office du greffier et encore moins, celui de fixer les créances à un montant inférieur à celui fixé par la cour d'appel ; qu'ayant excédé ses pouvoirs, sa décision doit être annulée ; qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société KADE l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer ; qu'une indemnité de 2.000€ doit lui être allouée » (arrêt p. 4-5) ;
1°) Alors qu'il ne relève de l'office exclusif du greffier de modifier l'état des créances à la suite d'une décision passée en force de chose jugée reconnaissant les droits d'un créancier ayant déclaré sa créance à la procédure collective qu'une fois l'état des créances déposé au greffe ; que tant que l'état des créances n'a pas été déposé, le juge-commissaire conserve le pouvoir de statuer sur l'admission de la créance ; qu'au cas présent, pour annuler l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 26 mars 2013 ayant statué sur l'admission au passif de la créance de la société KADE ayant fait l'objet d'un arrêt de la cour d'appel de Lyon, la cour d'appel a énoncé qu'il relevait de l'office exclusif du greffier d'apporter à l'état des créances la modification résultant de cette décision ; qu'en se déterminant de la sorte, sans constater que l'état des créances avait été déposé au greffe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R.624-11 du code de commerce ;
2°) Alors que le juge doit observer et faire observer le principe de la contradiction ; qu'il ne peut relever d'office un moyen de fait ou de droit sans provoquer les observations des parties ; qu'au cas présent, ni la société ESA ni la société KADE n'avaient soutenu que l'état des créances avait fait l'objet d'une publication au BODACC ; qu'en énonçant que l'état des créances avait été publié au BODACC le 10 août 2010, la cour d'appel, qui a relevé un moyen d'office sans provoquer les observations des parties, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°) Alors que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'au cas présent, l'état des créances versé aux débats indiquait que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société ESA avait été publié au BODACC le 10 août 2010 ; qu'en énonçant que cet état des créances avait été publié au BODACC le 10 août 2010, la cour d'appel a dénaturé ce document, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
4°) Alors qu' une créance objet d'une instance en cours ne peut être admise au passif pour un montant supérieur à celui figurant dans la déclaration de créance ; qu'ainsi, dans l'hypothèse où la décision statuant sur l'existence et le montant de la créance fixe les droits du créancier à un montant supérieur à celui indiqué dans la déclaration de créance, cette décision ne peut conduire à modifier à la hausse le montant de la créance déclarée indiqué sur l'état des créances ; qu'au cas présent, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que la société KADE avait déclaré à la procédure collective de l'exposante la somme de 130.000€ au titre des commissions et indemnités complémentaires dans l'attente de l'issue de l'instance en cours ayant ordonné une expertise pour en fixer le montant ; que la cour d'appel de Lyon a, par arrêt du 16 mai 2012, fixé à un montant supérieur le montant de la créance de la société KADE ; que la cour d'appel a considéré que l'état des créances devait être modifié pour indiquer le montant de la créance, tel que fixé par cette décision, quand bien même ce montant serait supérieur au montant indiqué sur la déclaration de créance ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a entériné une solution revenant à admettre une créance au passif de la procédure pour un montant supérieur au montant déclaré, a violé les articles L.622-22, L. 622-24 et R. 624-11 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-19798
Date de la décision : 11/10/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 27 mars 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 oct. 2016, pourvoi n°14-19798


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.19798
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