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06/10/2016 | FRANCE | N°15-19588

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 octobre 2016, 15-19588


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 avril 2015), que M. X... a été engagé par la SNMEVOAA (mutuelle de l'armée de l'air) le 16 novembre 1990, suivant contrat à durée indéterminée en qualité de directeur adjoint ; que suite au regroupement le 25 octobre 2008 des trois mutuelles militaires au sein d'une structure unique - UNEO - le contrat de M. X... lui a été transféré, les fonctions de celui-ci connaissant dès lors plusieurs modifications pour, en définitive, aboutir

à celle de « Responsable de la cellule d'Audit interne auprès de la Direc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 avril 2015), que M. X... a été engagé par la SNMEVOAA (mutuelle de l'armée de l'air) le 16 novembre 1990, suivant contrat à durée indéterminée en qualité de directeur adjoint ; que suite au regroupement le 25 octobre 2008 des trois mutuelles militaires au sein d'une structure unique - UNEO - le contrat de M. X... lui a été transféré, les fonctions de celui-ci connaissant dès lors plusieurs modifications pour, en définitive, aboutir à celle de « Responsable de la cellule d'Audit interne auprès de la Direction générale » ; que l'intéressé a été sollicité le 19 juillet 2010 pour une intervention lors de la convention UNEO du 17 septembre 2010 laquelle faisait l'objet d'une répétition générale le 13 septembre ; qu'à la suite de la lecture à cette occasion d'un texte qu'il avait préparé, le salarié a été licencié le 27 septembre 2010 pour faute grave ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de juger que son licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter en conséquence de ses demandes relatives à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :
1°/ que l'abus de la liberté d'expression dont un salarié jouit dans l'entreprise suppose que le salarié ait tenu des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs excédant le ton humoristique et dans des circonstances propres à porter atteinte à l'image de son employeur ; qu'en constatant que le texte écrit par M. X... dans lequel il était conclu que « nous sommes tous des collaborateurs - comme disait si bien LAVAL » n'était qu'un projet, n'avait pas été lu par le salarié lui-même, mais avait été révélé lors d'une réunion préparatoire, devant un public composé presque exclusivement de membres de l'entreprise, par un salarié tiers qui avait la faculté de ne pas lire les propos dénoncés, et en jugeant, néanmoins, qu'en raison de son caractère inapproprié ce propos constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement de M. X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article L. 1232-1 du code du travail ;
2°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, au regard de l'ancienneté de M. André X... et du fait que ce dernier n'avait jamais été sanctionné, ainsi qu'en considération des différentes affectations dont M. X... avait fait l'objet depuis la fusion des trois mutuelles, pour n'être finalement responsable que d'une entité dont ce salarié était le seul membre, l'employeur n'avait pas saisi ce propos écrit dans un projet de discours et lu par un tiers à une audience restreinte pour obtenir la cessation du contrat de travail de M. X..., sans indemnité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a retenu que le salarié avait écrit, dans son texte dont il savait qu'il serait lu lors de la répétition du 13 septembre 2010 réunissant les membres de la mutuelle concernés par la préparation de la convention du 17 septembre 2010, « vous l'avez bien compris, en tant que collaborateur, vous avez un rôle essentiel dans la démarche, et nous sommes tous des collaborateurs, comme disait si bien Laval », a pu décider que ces propos, compte tenu de l'environnement de travail, constituaient un abus de la liberté d'expression du salarié donnant une cause réelle et sérieuse à son licenciement ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a retenu que les propos du salarié constituaient une cause réelle et sérieuse de son licenciement n'avait pas à s'expliquer sur l'existence, qu'il alléguait, d'une autre cause de celui-ci ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Delaporte et Briard, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que le licenciement de M. André X... prononcé par la mutuelle Unéo était fondé sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, débouté M. X... de ses demandes relatives à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs que « le 19 juillet 2010, Mme Z... sollicitait les services du contrôle et de l'audit interne pour une intervention lors de la convention Unéo du 17 septembre 2010 laquelle faisait l'objet d'une répétition générale le 13 septembre ; que par courriel du 13 septembre 2010, M. André X... était convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 22 septembre 2010 et mis à pied ; que le 27 septembre 2010, il était licencié dans les termes suivants : "Nous faisons suite à l'entretien préalable à votre éventuel licenciement qui s'est tenu le 22 septembre 2010 et au cours duquel les raisons de l'engagement d'une telle procédure vous ont été exposées, nous les reprenons ci-après. Vous avez été engagé par la Mutuelle de l'Armée de l'Air en qualité de directeur adjoint le 16 novembre 1990. A la suite de la mise en place du groupement mutualiste Unéo issu du rapprochement de la Mutuelle Nationale Militaire et de la Caisse Nationale du Gendarme et de la Mutuelle de l'Armée de l'Air, vous avez été nommé en qualité de responsable de la cellule audits internes à compter du 31 août 2009.Dans le cadre de vos fonctions, vous êtes en charge d'encadrer et de piloter la cellule audits internes dont les missions sont l'évaluation indépendante et objective de l'organisation et du degré de maîtrise des opérations, en apportant des conseils d'amélioration. Au-delà des compétences étendues audit poste, votre fonction de responsable et votre statut de cadre dirigeant, votre participation au comité de direction, nécessitent un comportement managérial exemplaire et le respect des principes portés par la "ligne managériale solidaire" tels qu'indiqués dans votre avenant du 28 janvier 2009.Or votre comportement de ces dernières semaines entre en contradiction avec ceux-ci. La direction générale du groupe Unéo vous avait assigné la responsabilité d'une intervention lors de la convention réunissant l'ensemble du personnel du groupe le vendredi 17 septembre 2010. Il s'agissait d'expliciter au cours d'une allocution d'une durée de cinq minutes environ le rôle transverse de la fonction contrôle interne avec laquelle vous travaillez en étroite collaboration, ainsi que la nécessaire implication de tous les salariés. Lors de la réunion de répétition du lundi 13 septembre 2010, réunissant l'ensemble des cadres dirigeants, dont vous faites partie, ainsi que tous les intervenants à cette convention, y compris des personnes extérieures au groupe (cabinet conseil en communication événementiel, journaliste devant animer la manifestation), il a été demandé à la responsable du service contrôle interne de lire son allocution mais également la vôtre, en raison de votre absence pour formation professionnelle. Cette allocution était destinée en tant que telle à être lue lors de la convention. Par courriel du 10 septembre 2010, vous avez confirmé sans réserve la validité du texte que vous proposiez. Les participants à cette réunion ont alors pris connaissance de votre discours et plus particulièrement de votre conclusion, qui, tant par sa forme que par son contenu, est apparue comme contraire aux valeurs de l'entreprise et à l'étique attendue de tout cadre dirigeant du groupe Unéo. En effet, vous appuyant sur le vocable "collaborateurs", vous avez explicitement fait référence à la période historique connue sous l'appellation "collaboration" et avez même cité, en caractères plus grands que le reste de votre texte, le nom de M. Pierre Laval, insistant sur des orientations socio-politiques déplacées et particulièrement choquantes au regard des fondements humains et des valeurs du monde mutualiste et de notre entreprise. A ce titre, et malgré les principes affichés de la ligne managériale solidaire, vous avez en tant que cadre dirigeant commis une faute particulièrement grave, mettant en cause l'étique exigée de tout cadre dirigeant, l'exemplarité attendue de tout dirigeant de notre groupe, la solidarité avec la politique définie par la direction générale et les organes de la gouvernance de notre groupe mutualiste, l'image de l'entreprise devant être portée par tous les salariés. Compte tenu de l'importance de vos fonctions, de votre statut, votre conduite a des conséquences préjudiciables sur la confiance nécessaire à votre mission et vous décrédibilise auprès de la direction et de vos interlocuteurs. En conséquence, cette situation rendant impossible la poursuite de nos relations contractuelles, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour faute grave. La rupture effective de nos relations contractuelles interviendra à l'issue de la première présentation dudit courrier, étant entendu que vous ne bénéficiez pas de votre préavis, ni d'indemnité de licenciement" ; qu'il ressort des différents mails versés aux débats par les parties qu'au départ, seule Mme B... devait intervenir lors de la convention ; qu'elle a transmis les textes pour sa propre intervention dès le mois de juillet 2010 à M. André X... et qu'il les avait corrigés ; que Mme C..., directrice d'Unéo, a souhaité que Mme B..., responsable du contrôle interne, n'intervienne pas seule sur scène le contrôle interne lors de l'intervention du 17 septembre 2010 ; que le 7 septembre 2010, M. D..., directeur général adjoint a indiqué que "pour la présentation, le plus judicieux ce serait la présence de M. André X... au titre de chef de projet mission Oxea" ; que ce dernier a confirmé le 9 septembre 2010 son intervention à la convention le 17 septembre 2010 mais s'est excusé d'être absent pour la réunion préparatoire du 13 septembre, étant en formation ce jour-là ; qu'il a donc préparé sa propre intervention rapidement et qu'il a transmis un projet, où il était écrit "vous l'avez bien compris, en tant que collaborateur, vous avez un rôle essentiel dans la démarche, et nous sommes tous des « collaborateurs » - comme disait si bien LAVAL !" ; qu'il a envoyé ce document à Mmes B... et E... le 10 septembre 2010 à 16 h 31 avec la mention "fichier retravaillé pour présentation" ; que ce texte a été lu le 13 septembre 2010 à la réunion préparatoire par Mme B... ; qu'il convient de constater que le texte écrit par M. André X..., qui n'était qu'un projet, n'a pas été lu par ce dernier lors de la réunion préparatoire, devant un public composé quasi exclusivement de membres de la mutuelle à l'exception d'un animateur pour TV Concept ; que Mme B..., non tenue par un lien hiérarchique avec M. André X..., avait la faculté de ne pas lire les propos dénoncés puisqu'elle n'y adhérait pas, comme elle affirme l'avoir dit lors de son intervention, tel que cela ressort de son attestation versée aux débats ; que compte tenu de l'ancienneté de M. André X... et du fait qu'il n'a jamais été sanctionné, ce fait unique ne constitue pas une faute grave ; qu'en revanche, les propos de M. André X..., destinés à être lus en public, sont particulièrement inappropriés et constituent, compte tenu de son environnement de travail, une cause réelle et sérieuse ; que le jugement entrepris sera infirmé ;
Alors, d'une part, que l'abus de la liberté d'expression dont un salarié jouit dans l'entreprise suppose que le salarié ait tenu des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs excédant le ton humoristique et dans des circonstances propres à porter atteinte à l'image de son employeur ; qu'en constatant que le texte écrit par M. X... dans lequel il était conclu que « nous sommes tous des collaborateurs - comme disait si bien LAVAL » n'était qu'un projet, n'avait pas été lu par le salarié lui-même, mais avait été révélé lors d'une réunion préparatoire, devant un public composé presque exclusivement de membres de l'entreprise, par un salarié tiers qui avait la faculté de ne pas lire les propos dénoncés, et en jugeant, néanmoins, qu'en raison de son caractère inapproprié ce propos constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement de M. X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article L. 1232-1 du code du travail ;
Alors, d'autre part, qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, au regard de l'ancienneté de M. André X... et du fait que ce dernier n'avait jamais été sanctionné, ainsi qu'en considération des différentes affectations dont M. X... avait fait l'objet depuis la fusion des trois mutuelles, pour n'être finalement responsable que d'une entité dont ce salarié était le seul membre, l'employeur n'avait pas saisi ce propos écrit dans un projet de discours et lu par un tiers à une audience restreinte pour obtenir la cessation du contrat de travail de M. X..., sans indemnité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1232-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-19588
Date de la décision : 06/10/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 08 avril 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 oct. 2016, pourvoi n°15-19588


Composition du Tribunal
Président : M. Ludet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Delaporte et Briard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.19588
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