LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 23 mars 2015), que M. X..., agissant en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Aelis air services, a fait signifier au commandant de bord d'un aéronef de la société Skybridge, qui se trouvait sur l'aéroport de Bâle-Mulhouse, un arrêt rendu le 18 décembre 2012 ayant condamné cette société au paiement de sommes ainsi qu'un commandement de payer fondé sur cette décision et un procès-verbal de saisie-vente de l'aéronef; que par ordonnance du 17 avril 2013, le président d'un tribunal de grande instance a rétracté et annulé l'ordonnance du 8 avril 2013 ayant ordonné la suspension de tous les effets du procès-verbal de saisie-vente de l'aéronef et enjoint à toute personne de ne pas s'opposer à la libre disposition de l'aéronef par la société Skybridge ; que la société Skybridge a alors saisi le juge de l'exécution d'une demande de mainlevée de la saisie-vente ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer la société Skybridge Airops recevable et partiellement fondée en ses prétentions à l'encontre de la société Jean-Luc X... et associés, prise en sa qualité de liquidateur de la société Aelis air services, de constater que la notification du titre faite le 5 avril 2013 par la société Aelis Air Services à la société Skybridge Airops n'a pas été régulière ainsi que les actes d'exécution qui ont suivi le même jour, d'ordonner la mainlevée de la saisie-vente d'un aéronef I-KYB pratiquée le 5 avril 2013 à la requête de la société Aelis air services et de débouter les parties de leurs demandes plus amples et réciproques à titre de dommages-intérêts et de frais irrépétibles, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsque le propriétaire d'un aéronef n'est pas domicilié en France et n'y a pas de représentant habilité, les significations qui lui sont destinées peuvent être délivrées en la personne du commandant de bord ; qu'en retenant, pour ordonner la mainlevée de la saisie-vente de l'aéronef appartenant à la société de droit italien Skybridge, que les significations de l'arrêt fondant les poursuites et du commandement de payer, accomplies entre les mains du commandant de bord qu'elle employait, « n'étaient pas valables » au motif que « le commandant de bord n'avait pas qualité pour recevoir les significations au nom du propriétaire de l'aéronef », quand le commandant de bord de la société Skybridge, domiciliée en Italie et dépourvue de représentant en France, était légalement habilité à recevoir les significations qui lui étaient destinées, la cour d'appel a violé l'article R. 123-3 du code de l'aviation civile ;
2°/ que la signification d'un acte destiné à une personne morale ayant son siège social à l'étranger n'a pas à être accompagnée d'une traduction lorsqu'elle est régulièrement accomplie sur le territoire français ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que les significations destinées à la société de droit italien Skybridge et accomplies sur le territoire français entre les mains du commandant de bord étaient irrégulières fautes d'avoir été accompagnées d'une traduction en langue italienne, quand une telle obligation n'est imposée que pour les significations d'un acte à l'étranger, la cour d'appel a violé l'article 683 du code de procédure civile et les articles 1er et 5 du règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 ;
3°/ qu'en retenant, par motifs adoptés, que la signification du titre exécutoire était irrégulière faute d'avoir été accompagnée d'une traduction en langue italienne, sans répondre au moyen tiré de ce que ce vice avait été régularisé, conformément à l'article 8 du règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007, par la signification ultérieure de la traduction italienne de l'arrêt, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
4°/ que, quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d'une signification, soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond limitativement énumérées à l'article 117 du code de procédure civile ; qu'en se bornant, pour ordonner la mainlevée de la saisie, à relever, par motifs propres et adoptés, que les significations de l'arrêt et du commandement de payer, destinées à la société Skybridge, entre les mains du commandant de bord qu'elle employait « n'étaient pas valables » pour avoir méconnu les règles gouvernant le lieu des notifications pour n'avoir pas été accompagnées d'une traduction en langue italienne et pour avoir été remises à une personne non habilitée, sans constater que les vices de forme retenus avaient causé un grief au destinataire de l'acte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 114 et 694 du code de procédure civile ;
5°/ que le pourvoi en cassation n'a pas d'effet suspensif d'exécution ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que les irrégularités de la signification du titre exécutoire n'avaient pas « fait courir le délai de voies de recours », quand cette circonstance était impropre à caractériser le grief causé, dans une procédure de saisie-vente, par l'irrégularité retenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 114 et 694 du Code de procédure civile ;
6°/ que les opérations de saisie-vente d'un aéronef peuvent commencer dès que le commandement de payer a été délivré ; qu'en retenant, pour ordonner la mainlevée de la saisie, que « si l'article R. 123-2 du code de l'aviation civile ne prévoit pas de délai minimum, il est nécessaire que soit respecté un délai raisonnable » et que, en l'espèce, « un délai suffisant n'a[vait] pas été respecté entre le commandement de payer et la saisie », quand le créancier poursuivant pouvait régulièrement procéder à la saisie immédiatement après la délivrance du commandement de payer, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas et violé l'article R. 123-2 du code de l'aviation civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que les dispositions de l'article R. 123-3 du code de l'aviation n'étaient pas applicables à la signification du titre exécutoire et du commandement de payer et, par une appréciation souveraine, que le fait pour la partie défenderesse d'agir à l'égard d'un préposé d'une personne morale de droit italien ayant son siège en Italie avait permis de contourner les textes relatifs à la notification des titres au sein de l'Union européenne en empêchant cette société de prendre connaissance de l'étendue de l'obligation à laquelle elle avait été condamnée, la cour d'appel, qui a caractérisé le grief causé au destinataire de l'acte, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X..., ès qualités.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré la société de droit italien Skybridge Airops recevable et partiellement fondée en ses prétentions à l'encontre de la société Jean-Luc X... et associés, prise en sa qualité de liquidateur de la société Aelis Air Services, d'AVOIR constaté que la notification du titre faite le 5 avril 2013 par la société Aelis Air Services à la société Skybridge Airops n'a pas été régulière ainsi que les actes d'exécution qui ont suivi le même jour, d'AVOIR ordonné la mainlevée de la saisie-vente d'un aéronef I-SKYB pratiquée le 5 avril 2013 à la requête de la société Aelis Air Services et d'AVOIR débouté les parties de leurs demandes plus amples et réciproques à titre de dommages-intérêts et de frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE selon l'article 503 du Code de procédure civile, auquel ne déroge aucune disposition en matière de saisie des aéronefs, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés ; que l'article R. 123-2 du Code de l'aviation civile dispose en outre qu'il ne peut être procédé à la saisie d'un aéronef qu'après notification d'un commandement de payer fait à la personne du propriétaire ou à son domicile ; qu'il résulte de ces dispositions que la saisie-vente d'un aéronef ne peut être pratiquée qu'après signification : – de la décision judiciaire servant de fondement aux poursuites ; – d'un commandement de payer ; qu'en l'espèce, il ressort du procès-verbal de saisie-vente du 5 avril 2013 que la saisie a été signifiée au commandant de bord de l'aéronef à 20h25, après signification à la même personne, le même jour, dans les minutes qui ont précédé (à 19h28), de l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 18 décembre 2012 et d'un commandement de payer ; que contrairement à ce qui est soutenu par l'appelant, les significations du titre exécutoire et du commandement de payer à la personne du commandant de bord n'étaient pas valables, et ce pour deux raisons : – le commandant de bord n'avait pas qualité pour recevoir les significations au nom du propriétaire de l'aéronef ; – un délai suffisant n'a pas été respecté entre le commandement de payer et la saisie ; que, sur le premier point, si l'article R. 123-3 du Code de l'aviation civile prévoit que les significations peuvent être délivrées en la personne du commandant de bord lorsque le propriétaire de l'aéronef n'est pas domicilié en France et n'y a pas de représentant habilité, cette disposition ne concerne que les significations qui doivent être faites après la saisie en vue de la vente de l'aéronef saisi ; l'article R. 123-3 précité ne traite que de cette question ;
dans ce cas précis, la compétence du commandant de bord pour recevoir les significations au nom du propriétaire se justifie, d'une part en raison de l'urgence résultant de l'immobilisation de l'aéronef par l'effet de la saisie, d'autre part par le fait que le commandant de bord est la personne matériellement présente lors des opérations de saisie ; par conséquent, il ne peut être conféré de portée générale aux dispositions de l'article R. 123-3 du Code de l'aviation civile ; que, par ailleurs, il n'existe pas de disposition légale confiant au commandant de bord un mandat général pour représenter le propriétaire ; tel n'est pas le cas de l'article L. 6522-4 du Code des transports invoqué par l'appelant ; en effet, aussi étendus que soient les pouvoirs conférés au commandant de bord par ce texte, ces pouvoirs s'inscrivent clairement dans le cadre de la mission qui est celle du commandant de bord, à savoir mener à bon port l'appareil ainsi que les personnes ou le fret embarqués, et non pas représenter de manière générale le propriétaire de l'aéronef pour recevoir en son nom tous actes juridiques ; que s'agissant du délai entre le commandement de payer et la saisie, si l'article R. 123-2 du Code de l'aviation civile ne prévoit pas de délai minimum, il est nécessaire que soit respecté un délai raisonnable ; l'exigence du commandement de payer préalable est destinée à permettre au débiteur de s'acquitter volontairement de sa dette, afin d'éviter la saisie, et ce serait ôter toute portée à ce texte que de permettre que la saisie soit pratiquée dans les minutes suivant la signification du commandement ; que, quant à l'argument selon lequel l'avion pourrait décoller et donc être soustrait à la saisie après signification du commandement de payer, il convient d'observer que cet inconvénient peut être évité en pratiquant une saisie conservatoire qui n'exige pas de commandement de payer préalable, mais une autorisation du juge ; or, en l'espèce, la procédure qui a été suivie est celle de la saisie-vente, et non de la saisie conservatoire ; qu'en définitive, la décision du premier juge doit donc être confirmée, en ce qu'elle a ordonné la mainlevée de la saisie ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE la saisie querellée n'est pas régulière en la forme en ce que le titre exécutoire sur la base duquel elle a été instrumentée n'a pas été régulièrement signifié à la société de droit italien Skybridge Airops ; que les significations faites au commandant de bord étaient envisageables pour la régularité des actes de saisie de l'aéronef, conformément à l'article R. 123-3 du Code de l'aviation civile, mais insuffisantes à régulariser la signification du titre ; qu'en effet, les principes de la signification ne prévoyant pas que celle-ci puisse être faite à une personne en déplacement hors de chez elle sauf la personne-même du destinataire, la dérogation prévue par l'article R. 123-3 du Code précité doit s'entendre avec restriction ; que plus encore, si l'on peut admettre que les significations des actes de saisie d'aéronef puissent être faites au commandant de bord dans un but bien compris d'efficacité afin de pallier les risques de dissipation de la chose, il n'en va pas de même à propos de la notification du titre qui est un préalable indifférent à de tels risques ; qu'en outre, le fait pour la partie défenderesse d'agir à l'égard d'un préposé d'une personne morale de droit italien ayant son siège à Campino (Italie) – pour remettre à celui-ci, de passage dans un aéroport international, l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes non traduit en italien, langue dont on a la certitude que les dirigeants de Skybridge Airops connaissent – équivaut à contourner les textes précédemment rappelés au point de ne pouvoir tenir les promesses attachées à toutes notifications de titre : faire courir le délai de voie de recours et permettre réellement au destinataire de prendre connaissance de l'étendue de l'obligation à laquelle il a été condamné ; qu'en conséquence, il y a lieu de faire droit aux prétentions principales de la partie demanderesse, selon les modalités spécifiées au dispositif de ce jugement ;
1°) ALORS QUE lorsque le propriétaire d'un aéronef n'est pas domicilié en France et n'y a pas de représentant habilité, les significations qui lui sont destinées peuvent être délivrées en la personne du commandant de bord ; qu'en retenant, pour ordonner la mainlevée de la saisie-vente de l'aéronef appartenant à la société de droit italien Skybridge, que les significations de l'arrêt fondant les poursuites et du commandement de payer, accomplies entre les mains du commandant de bord qu'elle employait, « n'étaient pas valables » (arrêt, p. 4, antépénultième paragraphe) au motif que « le commandant de bord n'avait pas qualité pour recevoir les significations au nom du propriétaire de l'aéronef » (arrêt, p. 4, pénultième paragraphe), quand le commandant de bord de la société Skybridge, domiciliée en Italie et dépourvue de représentant en France, était légalement habilité à recevoir les significations qui lui étaient destinées, la Cour d'appel a violé l'article R. 123-3 du Code de l'aviation civile ;
2°) ALORS QUE la signification d'un acte destiné à une personne morale ayant son siège social à l'étranger n'a pas à être accompagnée d'une traduction lorsqu'elle est régulièrement accomplie sur le territoire français ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que les significations destinées à la société de droit italien Skybridge et accomplies sur le territoire français entre les mains du commandant de bord étaient irrégulières fautes d'avoir été accompagnées d'une traduction en langue italienne (jugement, p. 3, alinéa 2), quand une telle obligation n'est imposée que pour les significations d'un acte à l'étranger, la Cour d'appel a violé l'article 683 du Code de procédure civile et les articles 1er et 5 du règlement (CE) no 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, en retenant, par motifs adoptés, que la signification du titre exécutoire était irrégulière faute d'avoir été accompagnée d'une traduction en langue italienne (jugement, p. 2, dernier paragraphe, alinéa 1er, et p. 3, alinéa 2), sans répondre au moyen tiré de ce que ce vice avait été régularisé, conformément à l'article 8 du règlement (CE) no 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007, par la signification ultérieure de la traduction italienne de l'arrêt (conclusions, p. 10, § 4 à 7), la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'en toute hypothèse, quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d'une signification, soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond limitativement énumérées à l'article 117 du Code de procédure civile ; qu'en se bornant, pour ordonner la mainlevée de la saisie, à relever, par motifs propres et adoptés, que les significations de l'arrêt et du commandement de payer, destinées à la société Skybridge, entre les mains du commandant de bord qu'elle employait « n'étaient pas valables » (arrêt, p. 4, antépénultième paragraphe) pour avoir méconnu les règles gouvernant le lieu des notifications (jugement, p. 2, dernier alinéa, et p. 3, alinéa 2), pour n'avoir pas été accompagnées d'une traduction en langue italienne (jugement, p. 3, alinéa 2) et pour avoir été remises à une personne non habilitée (jugement, p. 3, alinéa 1er ; arrêt, p. 4, pénultième paragraphe, à p. 5, § 2), sans constater que les vices de forme retenus avaient causé un grief au destinataire de l'acte, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 114 et 694 du Code de procédure civile ;
5°) ALORS QU'en toute hypothèse, le pourvoi en cassation n'a pas d'effet suspensif d'exécution ; qu'en retenant, par motifs adoptés, que les irrégularités de la signification du titre exécutoire n'avaient pas « fai[t] courir le délai de voies de recours » (jugement, p. 3, alinéa 2), quand cette circonstance était impropre à caractériser le grief causé, dans une procédure de saisie-vente, par l'irrégularité retenue, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 114 et 694 du Code de procédure civile ;
6°) ALORS QUE les opérations de saisie-vente d'un aéronef peuvent commencer dès que le commandement de payer a été délivré ; qu'en retenant, pour ordonner la mainlevée de la saisie, que « si l'article R. 123-2 du Code de l'aviation civile ne prévoit pas de délai minimum, il est nécessaire que soit respecté un délai raisonnable » (arrêt, p. 5, § 3) et que, en l'espèce, « un délai suffisant n'a[vait] pas été respecté entre le commandement de payer et la saisie » (arrêt, p. 4, pénultième paragraphe), quand le créancier poursuivant pouvait régulièrement procéder à la saisie immédiatement après la délivrance du commandement de payer, la Cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas et violé l'article R. 123-2 du Code de l'aviation civile.