LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 4 du code de procédure civile, l'article L. 312-8 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, l'article L. 312-33 du même code, ensemble l'article L. 110-4 du code du commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant offres du 4 juillet 2005, acceptées le 29 juillet, M. et Mme X... (les emprunteurs) ont souscrit deux prêts immobiliers auprès de la société Crédit industriel et commercial (la banque) ; qu'invoquant l'inexactitude du taux effectif global (TEG), les emprunteurs l'ont assignée aux fins d'obtenir, à titre principal, la déchéance totale de son droit aux intérêts et, à titre subsidiaire, en cas de déchéance partielle, la nullité de l'intérêt au taux conventionnel et sa substitution par l'intérêt au taux légal pour les intérêts non atteints par la déchéance ;
Attendu que, pour dire irrecevable l'action des emprunteurs, l'arrêt retient que l'action en nullité de la stipulation d'intérêts est soumise à la prescription quinquennale, dont le délai court à compter de la date de signature de l'offre, intervenue le 29 juillet 2005, de sorte que la prescription était acquise à la date de l'assignation, délivrée le 1er avril 2011 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle était saisie, à titre principal, non d'une demande d'annulation de la stipulation d'intérêts, mais d'une demande en déchéance du droit aux intérêts, laquelle, fondée sur les articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, était soumise à la prescription décennale édictée par l'article L. 110-4 du code de commerce, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Crédit industriel et commercial aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. et Mme X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte et Briard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit irrecevable car prescrite l'action des époux X... ;
Aux motifs que « en l'espèce, les époux X... soutiennent que les TEG mentionnés au contrat de prêt sont erronés, comme n'intégrant pas les sommes dues au titre de la participation au fonds mutuel de garantie ainsi que les coûts de l'intervention de la société Wagram Financements ; que la mention dans l'écrit constatant un prêt d'argent, du taux effectif global est une condition de validité de la stipulation d'intérêt ; que l'inexactitude de cette mention équivaut à une absence de mention ; que la sanction du taux effectif global erroné est la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel prévu ; que selon l'article 123 du code civil rappelé par le CIC, les fins de non recevoir peuvent être proposées en tout état de cause ; que la prescription constitue une fin de non recevoir ; qu'en cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non professionnel, la prescription de l'action en nullité de la stipulation d'intérêt engagée par celui-ci en raison de l'erreur affectant le TEG est de 5 ans ; qu'elle court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur ; qu'ainsi le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur ; que l'offre de prêt comporte deux articles 5. 2 et 6. 2 intitulés chacun " coût du crédit " relativement aux prêts de 340. 000 et 572. 000 € ; que l'article 5. 2 (prêt de 340, 000 €) est ainsi rédigé :- Intérêts du prêt 52. 087, 38 € Taux 2, 900 %- Frais de dossier 0, 00 0, 00 €- Cotisation assurances décès des emprunteurs et autres options : 10, 883, 60 € taux 0575 %- coût de la convention et des garanties : 700 € Taux 0, 043 % SOIT COÛT TOTAL : 63. 680, 98 € TAUX EFFECTIF GLOBAL (Articles L. 313-1 et L. 313-2) PAR AN DE : 3, 518 % L'AN soit UN TEG PAR MOIS DE : 0, 293 % (en majuscules dans le texte) * que l'article 6. 2 (prêt 572. 000 €) est ainsi rédigé-Intérêts du prêt 220. 135, 24 € taux 3, 550 %- Frais de dossier : 500, 00 € Taux 0, 009 %- Cotisation assurances décès des emprunteurs et autres options 29. 322, 24 € taux 0, 442 %- Coût de la convention et des garanties : 700, 00 € taux 0, 013 % SOIT COÛT TOTAL 250, 657, 48 € TAUX EFFECTIF GLOBAL (Articles L. 313-1 et L. 313-2) PAR AN de 4, 016 % SOIT UN TEG PAR MOIS DE 0, 334 % ; qu'il résulte des accords de cautionnement du CREDIT LOGEMENT annexés à l'offre que la contribution initiale au fonds mutuel de garantie se chiffre à 4756 € pour le prêt de 340, 000 €, et à 8. 004 € pour le prêt de 572. 000 € et la commission de caution à 500 € pour les deux prêts ; que la simple lecture de l'offre permet de constater que ni les contributions au fonds mutuel de garantie ni le coût de l'intervention de la société WAGRAM FINANCEMENTS n'ont été intégrés dans le calcul du TEG ; que les énonciations de l'acte sont claires et précises et permettaient de révéler, à les supposer établies, l'erreur ou le vice susceptibles d'affecter le TEG ; que les époux X... pouvaient d'autant mieux détecter les manquements qu'ils allèguent par leurs propres moyens que Monsieur X... était directeur des affaires juridiques de WENDEL INVESTISSEMENT, et Madame Diane X..., responsable juridique de la société BUSINESS OBJET ; qu'en outre, ayant eux mêmes contacté la société WAGRAM FINANCEMENTS pour entrer en relation avec le CIC, ils savaient mieux que quiconque que l'intervention de cette société avait un coût et qu'il n'était pas pris en compte dans le TEG ; qu'en conséquence le point de départ de la prescription est la date de l'acceptation de l'offre, soit le 29/ 7/ 2005 ; que la prescription était acquise au 29/ 7/ 2010 ; que l'assignation a été délivrée le 1/ 4/ 2011 ; que dès lors l'action des époux X... doit être déclarée irrecevable ;
Alors, d'une part, que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que dans leurs conclusions d'appel les époux X... se prévalaient, à titre principal, des erreurs affectant le taux effectif global mentionné dans les offres de prêts émises par le CIC et sollicitaient, en conséquence, que la banque soit déchue du droit aux intérêts conventionnels par application de l'article L. 312-33 du code de la consommation ; qu'en retenant néanmoins, pour déclarer leur action prescrite, que les emprunteurs se prévalaient des erreurs affectant le taux effectif global mentionné dans les contrats de prêts et que la prescription de l'action en nullité de la stipulation d'intérêts qui en résulte est de cinq ans, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, que ne sanctionnant pas une condition de formation du contrat, la déchéance du droit aux intérêts pour méconnaissance des formes de l'offre de prêt n'est pas une nullité et est soumise à la prescription de l'article L. 110-4 du code de commerce ; qu'en soumettant en l'espèce l'action en déchéance du droit aux intérêts introduite par les emprunteurs à la prescription quinquennale de l'action en nullité de la stipulation d'intérêts, la cour d'appel a violé les articles L. 312-33 du code de la consommation et L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008.