LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 septembre 2014), que Mme X..., aux droits de laquelle se trouvent les consorts X..., propriétaire de locaux à usage commercial donnés à bail à la société King George, lui a délivré congé pour le 3 février 2004 avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction ; qu'après qu'un arrêt du 16 juin 2010, rectifié le 31 octobre 2012, a fixé l'indemnité d'éviction, Mme X... a signifié à la locataire son repentir par acte du 30 juin 2010, puis l'a assignée en validité de cet acte ;
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de dire que le droit de repentir n'a pas été valablement exercé ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu à bon droit que la circonstance que la locataire avait mis ensuite son fonds en location gérance ne valait pas renonciation de celle-ci à agir en contestation de la validité de l'exercice du droit de repentir et relevé que l'acte du 30 juin 2010, par lequel Mme X... entendait notifier l'exercice de ce droit, réservait le droit de la bailleresse de former pourvoi contre l'arrêt qui avait écarté la prescription de l'action en fixation de l'indemnité d'éviction, la cour d'appel en a exactement déduit, sans dénaturation, que cet acte, dépourvu de caractère irrévocable, ne pouvait caractériser l'exercice par la bailleresse de son droit de repentir ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, par arrêt du 30 septembre 2015 réparant une omission de statuer, a répondu aux conclusions invoquant la réitération du droit de repentir par acte du 14 novembre 2012 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... et les condamne à payer à la société King George la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte et Briard, avocat aux Conseils, pour les consorts X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme X... n'a pas valablement exercé son droit de repentir par acte d'huissier du 30 juin 2010, dit que le bail a pris fin par l'effet du congé le 3 février 2004 et que Mme X... reste débitrice de l'indemnité d'éviction telle que fixée par l'arrêt du 16 juin 2010 rectifié par arrêt du 31 octobre 2012, débouté Mme X... de sa demande en fixation d'une nouvelle indemnité d'occupation, dit que les indemnités d'occupation et d'éviction se compenseront à due concurrence et débouté Mme X... de sa demande de mainlevée de l'inscription judiciaire d'hypothèque sur ses biens,
Aux motifs que « par arrêt du 16 juin 2010, cette cour a, réformant le jugement déféré du 24 juin 2008, sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité d'occupation non prescrite et le point de départ des intérêts courant sur celle-ci et statuant à nouveau sur les points réformés :- écarté l'exception de prescription de l'action en fixation de l'indemnité d'éviction,- fixé cette indemnité due par Mme Bernadette X... à la somme totale de 1. 957. 499 € avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'arrêt, somme à laquelle s'ajouteront sur justificatifs les frais de licenciement exposés par la SARL King George,- débouté en tant que de besoin Mme X... de sa demande d'expulsion de la SARL King George../.. ; que Mme X... a notifié l'exercice de son droit de repentir par acte d'huissier du 30 juin 2010 indiquant dans l'acte qu'elle se réservait de critiquer l'arrêt en ce qu'il a écarté la prescription qui avait été accueillie par les premiers juges et de former un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt, qu'elle n'était cependant pas en mesure de régler la somme allouée à la SARL King George dont elle a toujours contesté les modalités de calcul, qu'elle entendait se soustraire au paiement de cette indemnité en se déclarant disposée à consentir au principe du renouvellement du bail à compter de cette notification, aux mêmes clauses et conditions que celles du bail précédent, entendant cependant obtenir que le loyer soit porté à la valeur locative des lieux soit la somme de 150. 000 € par an ; que par arrêt rectificatif du 31 octobre 2012, cette cour a rectifié l'arrêt précédent du 16 juin 2010 en fixant l'indemnité d'éviction à la somme de 2. 167. 854 € au lieu de 1. 957. 499 € telle qu'indiquée par suite d'une erreur matérielle ; que par nouvel acte du 14 novembre 2012, Mme X... rappelant qu'elle n'était pas davantage en mesure de régler l'indemnité d'éviction telle que rectifiée, a déclaré exercer à nouveau son droit de repentir et être disposée à consentir au principe du renouvellement du bail précédent en entendant que le loyer soit porté à la somme de 150. 000 € par an ; que par ordonnance du 8 mars 2012, le pourvoi formé par M. X... contre l'arrêt de la cour d'appel du 16 juin 2010 a fait l'objet d'une radiation du rôle à la demande de la SARL King George, faute d'exécution par Mme X... des condamnations prononcées par l'arrêt d'appel ; que Mme X... rappelle qu'elle a exercé son droit de repentir dans le délai de quinze jours du prononcé de l'arrêt du 16 juin 2010 fixant pour la première fois le montant de l'indemnité d'éviction, que la condition de délai posée à l'article L. 145-8 a été respectée ; elle soutient qu'elle a fait notifier l'exercice de son droit par acte extrajudiciaire exprimant de manière claire et non équivoque son intention de renouveler le bail, étant dans l'incapacité de verser la somme fixée au titre de l'indemnité d'éviction, que la validité de cet acte ne saurait être remise en cause du fait du caractère irrévocable qui s'attache à l'exercice du droit de repentir, et ce malgré la réserve exprimée concernant le pourvoi qu'elle entendait former contre l'arrêt de la cour, que la société locataire a d'ailleurs elle-même reconnu la validité de l'exercice du droit de repentir en décidant de mettre le fonds en location gérance, ce qui suppose qu'elle s'estime être titulaire d'un bail renouvelé ; que le caractère irrévocable qui s'attache à l'exercice du droit de repentir tel qu'énoncé à l'article L. 145-59 du code de commerce signifie que le bailleur s'oblige dès la notification de ce droit à accepter le renouvellement aux conditions de loyer fixé judiciairement, sans pouvoir notamment opposer ensuite à la locataire à nouveau le bénéfice du refus de renouvellement ; que Mme X... se déclarant dans l'incapacité de payer le montant de l'indemnité d'éviction tel que fixé par l'arrêt de la cour d'appel du 16 juin 2010 ne pouvait en conséquence dans le même temps où elle entendait notifier l'exercice de son droit de repentir et son offre de renouveler le bail, exprimer des réserves quant à son intention de former un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel écartant la prescription de l'action en fixation de l'indemnité d'éviction et fixant le montant de celle-ci ; qu'il s'ensuit que l'acte d'huissier du 30 juin 2010 par lequel Mme X... a manifesté l'intention de renouveler le bail et qui contient une réserve quant à l'exercice du pourvoi qu'elle a entendu former contre l'arrêt fixant le montant de l'indemnité d'éviction est dépourvu de caractère irrévocable et ne peut caractériser l'exercice par la bailleresse de son droit de repentir ; que la circonstance que la locataire a mis ensuite son fonds en location gérance ne vaut pas renonciation de celle-ci à agir en contestation de la validité de l'exercice du droit de repentir ; qu'il s'ensuit que Mme X... n'ayant pas exercé valablement son droit de repentir, le bail a définitivement pris fin par l'effet du congé délivré le 30 juillet 2003 à effet du 3 février 2004 et aucun nouveau bail n'a valablement été proposé ni ne s'est formé entre les parties »,
Alors, en premier lieu, qu'aux termes de l'acte extrajudiciaire notifié le 30 juin 2010 à la société King George, Mme Bernadette Y..., épouse X..., après avoir procédé au rappel du dispositif de l'arrêt rendu le 16 juin 2010 par la cour d'appel de Paris, indiquait que « le propriétaire se réserve le droit de critiquer la décision rendue en ce qu'elle a écarté l'exception de prescription qui avait été accueillie par les premiers juges, et de former un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt précité » ; que Mme X... déclarait ensuite, sans aucune équivoque, ni réserve, que n'étant pas en mesure de régler la somme allouée à la société King George, elle entendait par les présentes se soustraire au paiement de l'indemnité d'éviction, porter à la connaissance du preneur la notification du droit de repentir prévue à l'article L. 145-58 du code de commerce et déclarait être disposée à consentir au principe du renouvellement du bail à compter de la notification des présentes aux mêmes clauses et conditions que celles du bail précédent entendant cependant obtenir que le loyer annuel en principal soit porté à la valeur locative desdits lieux, soit la somme de 150. 000 euros par an ; qu'en énonçant que l'acte d'huissier du 30 juin 2010 est dépourvu de caractère irrévocable dès lors qu'il contient une réserve quant à l'exercice du pourvoi que Mme X... a entendu former lorsque seule l'éventualité d'un pourvoi était envisagée dans cet acte, le délai de deux mois continuant à courir, la cour d'appel a dénaturé l'acte extrajudiciaire du 30 juin 2010 et a violé l'article 1134 du code civil ;
Alors, en deuxième lieu, que le propriétaire peut, jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, se soustraire au paiement de l'indemnité, à charge par lui de supporter les frais de l'instance et de consentir au renouvellement du bail dont les conditions, en cas de désaccord, sont fixées conformément aux dispositions réglementaires prises à cet effet ; que ce droit ne peut être exercé qu'autant que le locataire est encore dans les lieux et n'a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation ; que la décision du propriétaire de refuser le renouvellement ou de se soustraire au paiement de l'indemnité, dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 145-58 est irrévocable ; qu'il s'évince des constatations de l'arrêt que dans les quinze jours du prononcé de l'arrêt du 16 juin 2010 fixant pour la première fois le montant de l'indemnité d'éviction, Mme X... a fait notifier à la société King George l'exercice de son droit de repentir par acte extrajudiciaire ; qu'en énonçant que l'acte d'huissier du 30 juin 2010, notifié à la société locataire dans les quinze jours de l'arrêt rendu le 16 juin 2010 par la cour d'appel de Paris fixant pour la première fois le montant de l'indemnité d'éviction, était dépourvu de caractère irrévocable dès lors qu'il « contient une réserve quant à l'exercice du pourvoi qu'elle a entendu former » contre cet arrêt lorsque le caractère irrévocable du droit de repentir se déduisait de ce que la manifestation de volonté non équivoque de la bailleresse de consentir au renouvellement du bail n'était assortie d'aucune condition, la cour d'appel a violé les articles L. 145-58 et L. 145-59 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil,
Alors, en troisième lieu, que le preneur qui, à la suite de l'exercice par le bailleur du droit de repentir, conclut un contrat de location-gérance sur le fonds de commerce dont le droit au bail est l'élément essentiel renonce par là-même à contester la validité du droit de repentir préalablement exercé ainsi que le renouvellement du bail ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 145-58 et L. 145-59 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil,
Alors, enfin, que dans ses conclusions d'appel, Mme Y..., épouse X..., faisait valoir qu'à la suite de la requête en rectification d'erreur matérielle présentée par la société King George, la cour d'appel de Paris, par arrêt en date du 31 octobre 2012, avait fixé le montant de l'indemnité d'éviction due par la bailleresse non plus « à la somme totale de 1. 957. 499 euros, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour » (arrêt du 16 juin 2010) mais à la somme de 2. 167. 854 euros ; que dans les quinze jours de cette décision Mme Y..., épouse X..., avait notifié de nouveau à la société King George l'exercice de son droit de repentir par acte extrajudiciaire en date du 14 novembre 2012 en déclarant une nouvelle fois être disposée à consentir au renouvellement du bail aux mêmes clauses et conditions que celles du bail précédent, entendant cependant obtenir que le loyer annuel en principal soit porté à la valeur locative desdits lieux, soit la somme de 150. 000 euros par an ; que Mme Y..., épouse X..., soutenait en conséquence que sa volonté d'exercer son droit de repentir avait été ainsi réitérée le 14 novembre 2012 sans aucune équivoque et de manière irrévocable ; qu'en ne répondant pas à ce moyen la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.