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15/09/2016 | FRANCE | N°14-26040

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 15 septembre 2016, 14-26040


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu l'article L. 37 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance, devenu l'article L. 5552-44 du code des transports ;

Attendu, selon ce texte, que les pensions de retraite servies par l'Établissement national des invalides de la marine (l'ENIM) sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées, en cas d'erreur de droit, que dans le délai d'un an à comp

ter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ;

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu l'article L. 37 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance, devenu l'article L. 5552-44 du code des transports ;

Attendu, selon ce texte, que les pensions de retraite servies par l'Établissement national des invalides de la marine (l'ENIM) sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées, en cas d'erreur de droit, que dans le délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., titulaire d'une pension de retraite servie par l'ENIM, en a demandé la révision afin d'obtenir la prise en compte d'une période de formation professionnelle initiale à l'École nationale de la marine marchande en tant qu'élève bénéficiaire d'une bourse armatoriale ; qu'à la suite du refus opposé par l'ENIM le 21 avril 2011, il a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que, tout en constatant que M. X... avait obtenu la liquidation de sa pension de retraite le 1er août 1989 et que sa demande initiale de révision, fondée sur une erreur alléguée sur l'étendue de ses droits, datait du 26 mars 2003, la cour d'appel, qui a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de cette demande, a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare forclose la demande en révision de pension de retraite maritime formée par M. X... et rejette son recours ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Delaporte et Briard, avocat aux Conseils, pour la société Etablissement national des invalides de la marine.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable la demande de M. X... tendant à la révision de pension d'ancienneté ;

Aux motifs que « Monsieur Jean X... est entré à l'Ecole Nationale de la Marine Marchande de NANTES le 15 octobre 1952 et a obtenu le brevet de capitaine au long cours le 18 mars 1961 ; que le 1er août 1989, il a obtenu de l'ENIM la liquidation de sa pension ; qu'il a par la suite demandé la validation de trois années de formation au cours desquelles il avait conclu un contrat de bourse avec des armateurs soit les années 1952/1953, 1953/1954 et 1958/1959 ; que le tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes Maritimes a rejeté sa demande de validation rétroactive de ces périodes au motif qu'en application des dispositions de l'article L. 5552-44 alinéa 2 du Code des pensions de retraite des marins, il ne pouvait demander la révision de sa pension que dans le délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de pension soit jusqu'au 1er août 1990 alors qu'il avait présenté cette demande en 2006 ; que l'appelant verse aux débats la copie d'un courrier qu'il a adressé à l'ENIM afin d'obtenir la validation des périodes sus mentionnées le 26 mars 2003 ainsi que l'avis de réception ; qu'aucune réponse n'a été faite par l'organisme à ce courrier ; que l'appelant fait valoir que lorsqu'il a présenté sa demande, en 2003 puis en 2006, il l'a fait au vu de la circulaire n°34/01 du 29 novembre 2001 alors applicable et que l'ENIM par courrier du 21 avril 2011 a rejeté sa demande au seul motif qu'il ne fournissait pas les contrats de bourse et que l'irrecevabilité d'une demande de révision au-delà d'un an ne lui a jamais été opposée ; que la lecture de ce courrier permet de constater que l'ENIM a rejeté la demande en raison du fait que le marin devait prouver l'existence du contrat et son exécution intégrale par tout moyen incontestable ; qu'il n'a pas été indiqué à Monsieur X... que sa demande de validation avait été présentée hors délai ; qu'un courrier précédent en 2007 n'avait déjà pas fait état du délai de l'article L 37 du CPRM devenu L. 5552-44 ; que l'appelant produit le courrier adressé par l'ENIM le 22 août 2013 à Monsieur Y... qui a obtenu la validation de ses périodes de formation sans qu'une quelconque forclusion de sa demande lui soit opposée alors que sa pension avait été liquidée depuis le 1er novembre 1999 ; que l'appelant soutient que la circulaire du 29 octobre 1985 puis celle du 29 novembre 2001 ont permis une validation rétroactive exceptionnelle qui écartait les règles de prescription des demandes de révision ; qu'antérieurement à la circulaire du 29 novembre 2001, celle n°36/85 du 29 octobre 1985 avait déjà prévu la validation rétroactive des périodes passées dans les écoles de la Marine Marchande mais qu'elle ne concernait que les années scolaires à partir de 1961/1962 jusqu'à 1968/1969, soit les périodes postérieures à celles visées par la demande de Monsieur X... et ne faisait pas référence aux bourses armatoriales ; que la validation rétroactive des périodes de formation couvertes par une bourse armatoriale est prévue par la circulaire du 29 novembre 2001 ; que ce document qui a pour objet la présentation d'une synthèse facilitant l'application de la réglementation mentionne "Les conditions de validation apparaissent quelque peu opaques, voire parfois incertaines compte tenu de la superposition des normes et de leur complexité" ; qu'elle prévoit la non-application des règles de prescription des arrérages applicables aux demandes de validation rétroactive émanant de marins déjà pensionnés "dans la mesure où l'absence de demande de révision n'est pas du fait personnel de l'intéressé mais résulte de la déficience de l'administration dans l'interprétation des règles applicables" ; qu'ainsi l'ENIM admettait que du fait de sa propre déficience la prescription des arrérages ne pouvait être opposée au marin qui demandait la révision de sa pension plus de quatre ans après l'entrée en jouissance normale de celle-ci ; que Monsieur X... a obtenu la liquidation de sa pension le 1er août 1989 soit 12 ans avant la circulaire du 29 novembre 2001 ; qu'à la date où il a certifié l'exactitude de la réalité de ses services, les périodes de formation avec bourses armatoriales n'entraient pas en compte dans la liquidation des pensions ; qu'en effet, les articles L 10 à L12 du code des pensions de retraite des marins créé le 21 mars 1968 qui définissaient les périodes prises en compte pour pension ne mentionnaient pas expressément la formation professionnelle maritime parmi les services ouvrant droit à pension ; que l'appelant ne peut se voir opposer la forclusion de l'article L.37 du CPRM devenu L.5552-44 du Code des Transports dès lors que la validation des périodes couvertes par les bourses armatoriales n'a été clairement prévue que par la circulaire du 29 novembre 2001 ; que le jugement sera en conséquence infirmé » (arrêt attaqué, p. 3, § 11 à p. 4, pénult. §) ;

Alors d'une part qu'entre en compte, dans la liquidation de la pension de retraite, le temps pendant lequel le marin a suivi une formation financée à l'aide d'une bourse armatoriale, dès lors que le marin appartenait durant cette formation aux cadres permanents de la compagnie de navigation maritime lui ayant alloué la bourse ; que cette règle, qui est antérieure à la circulaire Enim n° 34-2001 du 29 novembre 2001, résulte de l'article L. 11, 2° du code des pensions de retraite des marins, dans sa rédaction issue du décret n° 68-292 du 21 mars 1968 portant codification des textes législatifs et réglementaires déterminant le régime des pensions de retraite des marins ; qu'en énonçant que les périodes de formation avec bourses armatoriales n'entraient pas en compte lors de la liquidation, en 1989, de la pension d'ancienneté de M. X..., la cour d'appel a violé ledit article L. 11, 2° ;

Alors d'autre part qu'il résulte de l'article L. 37 du code des pensions de retraites des marins, devenu l'article L. 5552-44 du code des transports, que passé le délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale, la pension d'ancienneté du marin ne peut plus être révisée pour cause d'erreur de droit ; que cette règle s'applique y compris dans le cas où l'erreur invoquée par le marin lui a été révélée par une circulaire postérieure à l'expiration du délai annal ; qu'en jugeant M. X... recevable à demander la réparation d'une erreur de droit plus d'un an après la notification, en 1989, de la décision de concession initiale de sa pension, dès lors que sa demande faisait suite à la circulaire Enim n° 34-2001 du 29 novembre 2001, la cour d'appel a violé ledit article L. 37 du code des pensions de retraite des marins, devenu l'article L. 5552-44 du code des transports ;

Alors en outre que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause ; que constitue une fin de non-recevoir le moyen tiré de l'expiration du délai d'un an au-delà duquel le marin ne peut plus solliciter la révision de sa pension d'ancienneté pour cause d'erreur de droit ; qu'en relevant, pour écarter cette fin de non-recevoir soulevée par l'Enim, que l'Etablissement n'avait pas invoqué ledit délai dans le courrier de refus adressé le 21 avril 2011 à M. X..., et n'en avait pas non plus fait état dans un précédent courrier en 2007, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 37 du code des pensions de retraite des marins, devenu l'article L. 5552-44 du code des transports ;

Alors encore que le juge doit se déterminer d'après les circonstances particulières de la cause, et ne saurait statuer par voie de référence à des affaires distinctes ; qu'en se référant à un courrier de l'Enim du 22 août 2013 d'où il ressortait qu'un autre marin, M. Y..., avait obtenu la validation de ses périodes de formation plus d'un an après la liquidation de sa pension, sans se voir opposer la forclusion de sa demande, la cour d'appel a statué par un motif impropre à justifier la recevabilité de la demande de révision présentée par M. X..., et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 37 du code des pensions de retraite des marins, devenu l'article L. 5552-44 du code des transports ;

Alors enfin que si la prescription des arrérages prévue par l'article L. 27 du code des pensions de retraite des marins, devenu l'article L. 5552-41 du code des transports, n'est opposable au pensionné qu'en raison de son fait personnel, il n'en est pas de même du délai d'un an au-delà duquel la pension ne peut plus être révisée pour cause d'erreur de droit ; que ce délai d'un an s'applique aux erreurs de droit qui ne sont pas imputables au pensionné ; qu'en relevant, pour écarter l'application dudit délai, qu'aux termes de la circulaire du 29 novembre 2001, l'Enim admettait qu'en raison de sa propre déficience, la prescription des arrérages ne pouvait être opposée au marin demandant la révision de sa pension plus de quatre ans après l'entrée en jouissance normale de celle-ci, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 37 du code des pensions de retraite des marins, devenu l'article L. 5552-44 du code des transports.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. X... devait bénéficier de la validation rétroactive des périodes du 15 octobre 1952 au 30 juin 1953 et du 4 novembre 1953 au 30 juin 1954 ;

Aux motifs qu'« en ce qui concerne la validation demandée, Monsieur X... verse aux débats les certificats de scolarité pour les périodes concernées (élève marine marchande du 15 octobre 1952 au 30 juin 1953, élève officier long-cours du 4 novembre 1953 au 30 juin 1954 et capitaine au long-cours du 28 novembre 1958 au 30 juin 1959) et les attestations de François Z... et André A..., marins retraités qui indiquent que Monsieur X... a obtenu une bourse de l'armateur Les Chargeurs Réunis pour la période 1952 à 1954 puis de l'armateur Société Maritime BP pour le cours de capitaine (1958/1959) ; […] que pour ce qui concerne les périodes 1952/1953 et 1953/1954, Monsieur X... ne produit pas de pièce émanant de la compagnie de navigation Les Chargeurs Réunis ; qu'il verse cependant aux débats le courrier que lui a adressé le 20 février 2003 la compagnie DELMAS qui a racheté celle-ci et qui révèle que malgré la mise en place d'un service de recherches, il n'a pas été possible de régler le problème des dossiers archivés ; qu'ainsi, Monsieur X... est dans l'impossibilité de produire le contrat de bourse pour ces deux périodes ; que les certificats de scolarité et l'attestation de Monsieur Z... qui indique "j'ai obtenu une bourse et j'ai guidé dans ses démarches Jean X... qui obtint la même bouse aux Chargeurs Réunis pendant les deux années d'étude ...de 1952 à 1954…" permettent de démontrer que l'appelant a appartenu aux cadres permanents de la compagnie ; que la validation des périodes de formation a fait l'objet d'une nouvelle circulaire du 26 octobre 2010 qui prévoit que pour les contrats de bourse "Il est accueilli, à titre exceptionnel, de manière rétroactive, des demandes de validation non appuyées par la production d'un contrat formalisé pour ces périodes mais assorties de preuves solides de l'appartenance du marin bénéficiaire au personnel de l'entreprise pendant la durée du contrat de bourse" ; que l'appelant doit bénéficier de la validation des périodes du 15 octobre 1952 au 30 juin 1953 et du 4 novembre 1953 au 30 juin 1954 » (arrêt attaqué, p. 4, dernier §, et p. 5, § 3 à 6) ;

Alors que si les périodes de formation au cours desquelles le marin a bénéficié d'une bourse armatoriale peuvent entrer en compte dans la liquidation de la pension de retraite, c'est à la condition que le marin ait appartenu, durant ces périodes, aux cadres permanents de la compagnie de navigation maritime qui lui a attribué la bourse ; que l'appartenance aux cadres permanents de la compagnie, qui suppose que le marin se soit engagé au service de celle-ci, ne saurait se déduire du seul fait que l'intéressé a suivi la formation à l'aide de la bourse ; qu'en jugeant que les certificats de scolarité produits pour les périodes du 15 octobre 1952 au 30 juin 1953 et du 4 novembre 1953 au 30 juin 1954, ainsi que l'attestation de M. Z... d'après laquelle M. X... avait bénéficié d'une bourse des Chargeurs réunis de 1952 à 1954, permettaient de démontrer l'appartenance de M. X... aux cadres permanents de cette compagnie durant les périodes considérées, la cour d'appel a violé l'article 11, 2° du code des pensions de retraite des marins, dans sa rédaction applicable à la cause.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 14-26040
Date de la décision : 15/09/2016
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 02 septembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 15 sep. 2016, pourvoi n°14-26040


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Delaporte et Briard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.26040
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