LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Sécurité et signalisation a été mise en redressement judiciaire le 3 mai 2011, lequel a ensuite été converti en liquidation judiciaire ; que, le 10 août 2011, le liquidateur a assigné son dirigeant, M. X..., en responsabilité pour insuffisance d'actif et, le 17 décembre 2012, a demandé au juge-commissaire la désignation d'un expert-comptable ; que par ordonnance du 9 janvier 2013, le juge-commissaire a fait droit à la requête et désigné un cabinet d'expertise avec pour mission de déterminer la date de cessation des paiements et examiner les conditions dans lesquelles s'était déroulée l'exploitation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours formé par M. X... contre l'ordonnance désignant le technicien puis contre le jugement statuant sur cette décision alors, selon le moyen, que l'ancien dirigeant d'une personne morale en liquidation judiciaire n'a ni qualité ni prétention à soutenir dans une instance en désignation d'un technicien par le juge-commissaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 31 du code de procédure civile et R. 621-21 du code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que les droits et obligations de M. X... étaient affectés au sens de l'article R. 621-21 du code de commerce, la cour d'appel en a exactement déduit que l'ancien dirigeant de la société était recevable à exercer un recours contre l'ordonnance désignant le technicien ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 621-9, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;
Attendu que pour rejeter la demande de désignation d'un technicien, l'arrêt retient que, si le juge-commissaire peut en application de l'article L. 621-9, alinéa 2, du code de commerce nommer un technicien en vue de rechercher des faits susceptibles de révéler des fautes de gestion, ce pouvoir cesse lorsque l'action a été engagée devant le tribunal, le rapport du technicien n'étant plus destiné à l'information du mandataire et tendant à « sauver » une procédure manifestement vouée à l'échec en obtenant à bon compte les éléments de preuve qui font défaut ; qu'il en déduit qu'une telle pratique n'est pas loyale et détourne les dispositions du texte précité de leur objectif d'information ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'exercice par le liquidateur d'une action en responsabilité civile pour insuffisance d'actif ne prive pas le juge-commissaire de son pouvoir de désigner à tout moment un technicien en vue d'une mission qu'il détermine, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare M. X... recevable en son recours, l'arrêt rendu le 27 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour la société Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable le recours formé par un ancien dirigeant de société (M. X...) et en conséquence d'avoir infirmé le jugement entrepris, statuant à nouveau, d'avoir infirmé l'ordonnance du juge-commissaire querellée et d'avoir débouté Maitre Y..., ès qualités de liquidateur de la Société SES, de ses demandes
AUX MOTIFS QUE des termes mêmes de la requête présentée par Me Y... au juge-commissaire, il résultait que la désignation du technicien sollicitée était destinée à lui fournir des éléments au soutien de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif qu'il avait d'ores et déjà engagée à l'encontre de M. X... ; que celui-ci, dont les droits et obligations étaient affectés au sens de l'article R. 621-21 du code de commerce, s'était vu régulièrement notifier l'ordonnance du juge-commissaire ; que, contrairement à ce qu'avait retenu le tribunal, ce n'était pas en sa seule qualité de dirigeant de la société SES – qualité qu'il n'avait au demeurant plus, puisque la société était en liquidation judiciaire – que l'ordonnance lui avait été notifiée ; que l'ordonnance ne contenait d'ailleurs aucune précision de la sorte, se bornant à dire qu'elle serait notifiée à M. X... à son adresse personnelle ; qu'en raison de l'usage que Me Y... annonçait vouloir faire du rapport du technicien dont il sollicitait la désignation, M. X... avait un intérêt évident à agir, de sorte que son recours était recevable ;
ALORS QUE l'ancien dirigeant d'une personne morale en liquidation judiciaire n'a ni qualité ni prétention à soutenir dans une instance en désignation d'un technicien par le juge-commissaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 31 du code de procédure civile et R. 621-21 du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable le recours formé par un ancien dirigeant de société (M. X...) et en conséquence d'avoir infirmé le jugement entrepris, statuant à nouveau, d'avoir infirmé l'ordonnance du juge-commissaire querellée et d'avoir débouté Maitre Y..., ès qualités de liquidateur de la Société SES, de ses demandes
AUX MOTIFS QUE, selon l'article L. 621-9, alinéa 2 du code de commerce, lorsque la désignation d'un technicien est nécessaire, seul le juge-commissaire peut y procéder en vertu d'une mission qu'il détermine, sans préjudice de la faculté pour le tribunal prévue à l'article L. 621-4 de désigner un ou plusieurs experts ; que le juge-commissaire trouvait dans ce texte tous pouvoirs pour désigner une personne qualifiée afin de mener des investigations en vue de rechercher des faits susceptibles de révéler des fautes de gestion ; que la mission ainsi confiée à un technicien ne constitue pas une mesure d'instruction, ou plus précisément une mesure d'expertise judiciaire, de sorte que les dispositions du code de procédure civile qui régissent celle-ci n'ont pas lieu à s'appliquer ; qu'il n'y aurait dès lors aucune difficulté à désigner, avant tout procès, un technicien dont le rapport permettrait au mandataire judiciaire d'apprécier l'opportunité d'engager une action en responsabilité à l'encontre du dirigeant social ; qu'il en allait tout autrement lorsqu'une procédure ayant d'ores et déjà été engagée, comme c'était le cas en l'espèce, le rapport du technicien dont la désignation était sollicitée n'était plus destiné à l'information du mandataire, mais tendait uniquement à permettre à celui-ci de tenter de « sauver » une procédure judiciaire manifestement vouée à l'échec, tout en s'affranchissant de certaines règles de procédure civile, et notamment de l'article 146 du code de procédure civile, en obtenant à bon compte les éléments de preuve qui lui faisaient défaut au soutien de son action ; que cette pratique qui n'était pas loyale et détournait les dispositions de l'article L. 621-9 du code de commerce de leur objectif premier d'information, ne saurait être tolérée ; que la cour d'appel jugeait donc que la désignation d'un technicien n'était pas nécessaire ; qu'il convenait, dès lors, d'infirmer l'ordonnance du juge-commissaire ;
ALORS QUE D'UNE PART le juge-commissaire peut seul, sous réserve de la compétence du tribunal, désigner, pendant le cours de la procédure collective, un technicien chargé de rechercher d'éventuelles fautes de gestion du dirigeant de la personne morale en difficulté, qu'une action en responsabilité ait déjà ou non été intentée à son encontre ; qu'en énonçant, pour infirmer le jugement ayant confirmé la désignation du cabinet Grant Thornton par le juge-commissaire, que la SELARL Francis Y... ne pouvait solliciter la désignation d'un technicien chargé de rechercher d'éventuelles fautes de gestion de M. X..., car une action en responsabilité pour insuffisance d'actif avait déjà été intentée contre ce dernier par le mandataire judiciaire, la cour d'appel a violé l'article L. 621-9 du code de commerce ;
ALORS QUE D'AUTRE PART le juge-commissaire, saisi d'une demande en désignation de technicien présentée par le liquidateur, n'a pas à rechercher si l'action en responsabilité que celui-ci envisage ou a déjà intentée contre le dirigeant de la personne morale en difficulté, est ou non manifestement vouée à l'échec ; qu'en ayant infirmé le jugement, au motif que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif intentée par la SELARL Francis Y... contre M. X... était manifestement vouée à l'échec, la cour d'appel a violé l'article L. 621-9 du code de procédure civile ;
ALORS QUE DE TROISIEME PART la demande présentée par un liquidateur judiciaire au juge-commissaire, en désignation d'un technicien chargé de rechercher d'éventuelles fautes de gestion commises par le dirigeant de la personne morale en difficulté, n'est pas déloyale, même si l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif a déjà été intentée ; qu'en énonçant que la requête en désignation d'un technicien par la SELARL Francis Y... était déloyale, car une action en responsabilité pour insuffisance d'actif – que le liquidateur tenterait ainsi de sauver-avait déjà été intentée contre M. X..., quand il s'agissait du seul moyen, pour l'exposante, d'obtenir les éléments techniques nécessaires au soutien de son action et que le résultat des investigations du technicien, qui ne donnait qu'un simple renseignement, serait soumis à la libre discussion des parties, la cour d'appel a violé l'article L. 621-9 du code de commerce.