LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, de juin 2002 à avril 2004, la société X... a chargé la société Cargo Logistic d'importer pour elle des coraux vivants que celle-ci a déclarés sous une position tarifaire exonérée de droits de douane ; qu'après transaction avec l'administration des douanes qui, le 24 janvier 2005, les a reclassés à une position soumise à un droit de douane de 3, 8 % en lui notifiant une infraction passible d'une amende, la société X... a assigné la société Cargo Logistic, le 11 mai 2009, en réparation du préjudice ainsi subi ;
Attendu que pour dire cette action contractuellement prescrite, l'arrêt retient que la société X... était en relation d'affaires avec la société Cargo Logistic depuis 2002, qu'elle a expressément accepté ses conditions générales de vente en lui donnant mandat et qu'il résulte de leur accord qu'elles ont entendu appliquer à leurs relations les conditions générales de vente établies par la Fédération des entreprises de transport lesquelles prévoient notamment un délai de prescription d'un an ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les clauses dérogatoires au droit commun contenues dans des conditions générales ne sont opposables au cocontractant que si elles ont été portées à sa connaissance et acceptées par lui et qu'il n'était pas contesté que les conditions générales de vente établies par la Fédération des entreprises de transport ne figuraient ni sur le mandat ni sur les factures, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Cargo Logistic aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six septembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour la société X....
La SA X... fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit son action contractuellement prescrite, et de l'AVOIR déboutée de sa demande principale en réparation.
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « (…) la Société X... n'a présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière (…) ;
que la Société X... affirme que son action, introduite en 2009, n'est pas prescrite au regard de la date du redressement qui est intervenu en janvier 2005, puisque le délai de prescription devant être retenu est celui de droit commun prévu à l'article L. 110-4 du code de commerce qui était de 10 ans à l'époque des faits, ramené à 5 ans par la loi du 22 juin 2008 ; qu'elle soutient que le délai de prescription prévu uniquement par l'article 11 des conditions générales de vente établies par la Fédération des entreprises de Transport (TLF) ne lui était pas opposable ;
(…) que la Société CLL réplique que la Société X... avait expressément accepté les conditions générales de vente, par un mandat du 1er janvier 2004, prouvant ainsi sa parfaite connaissance des dites conditions à la date des importations et a fortiori au moment du contrôle douanier et que, par conséquent, son action est bien prescrite, en vertu de l'application de la prescription conventionnelle, puisque celle-ci commencé à courir à la date de survenance du prétendu préjudice, à savoir le redressement notifié le 24 janvier 2005 et aucune action en justice n'ayant été engagée avant mai 2009 ;
(…) que, d'une part, la Société X... était en relations d'affaires avec la Société CLL depuis 2002, d'autre part elle a expressément accepté les conditions générales de vente de la Société CLL par un mandat du 1er février 2004 ; que si ce mandat est produit seulement en copie, celle-ci permet de constater qu'il comporte le cachet commercial de la Société X... et la signature de M. Frédéric X..., son dirigeant ; qu'au demeurant la Société X... n'a engagé aucune procédure pour faux ; qu'en conséquence il caractérise l'accord des parties ;
(…. qu') en conséquence (…) il résulte de l'accord des parties qu'elles ont entendu appliquer à leurs relations les conditions générales de vente établies par la Fédération des entreprises de Transport (TLF) et donc un délai de prescription d'un an. (…) ;
que, si ces dispositions prévoient que ce délai se décompte à partir de l'exécution du contrat, en l'espèce celui-ci n'a pu courir que lorsque le procès verbal d'infraction a été notifié en 2005 alors même que les relations entre les parties avaient cessé ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont fait courir ce délai à compter de la date de survenance du préjudice à savoir la date de notification du redressement, soit le 24 janvier 2005 » (arrêt attaqué p. 5, dernier § et p. 6, § 1 à 5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE : « (…) c'est postérieurement à la signature de la transaction douanière du 1er avril 2008, qu'X... a unilatéralement décidé d'imputer les conséquences financières des infractions constatées, aux transitaires chargés des opérations de dédouanement du corail vivant et que c'est ainsi qu'il a assigné CLL devant le Tribunal de céans. (…)
« (…) que l'erreur de tarification des coraux vivants ne résulte pas d'une erreur matérielle ni d'une volonté délibérée de fraude et que les services des douanes avaient des positions divergentes quant à l'interprétation des textes sur la classification tarifaire des coraux vivants.
« (…) que le respect du contradictoire est un principe intangible et qu'il appartenait à X... de se rapprocher de CLL, au plus tard dès la communication du procès-verbal d'infraction du 24 janvier 2005, afin de l'informer de l'existence et de la nature du litige et de recueillir ses avis et arguments avant de décider d'une éventuelle mise en cause de la responsabilité civile professionnelle de CLL.
(…) qu'X... n'a pas saisi CLL d'une quelconque demande de renseignements ni d'une réclamation depuis le début de l'enquête douanière en 2003 jusqu'à la date du 2 juillet 2008.
« (.. que) par ailleurs (…) les conditions générales de la Fédération des entreprises de Transport et Logistique de France (TLF) régissant les relations contractuelles entre X... et CLL stipulent dans leur article 11 que « Toutes actions auxquelles le contrat conclu entre les parties peut donner lieu sont prescrites dans le délai d'un an à compter de l'exécution du contrat », et qu'il convient dans un souci d'équité et eu égard à la spécificité des faits de la cause, de prendre en compte comme point de départ de la prescription, la date où les infractions ont été relevées par le service des douanes et portés à la connaissance d'X... soit le 24 janvier 2005 ».
« (…) que l'action diligentée par X... contre CLL, a été intentée en mai 2009. Le Tribunal la dira contractuellement prescrite, déboutera X... de sa demande, la dira non fondée » (jugement p. 7, dernier § et p. 8, § 1 à 5).
ALORS QU'en dépit de relations d'affaires suivies, les clauses dérogatoires du droit commun contenues dans des conditions générales ne sont opposables au cocontractant que si elles ont été portées à sa connaissance et acceptées par lui ; que les conditions générales TFL que la Société CLL entendait opposer à la Société X... ne figuraient pas sur le mandat de représentation en douane du 1er février 2004 (mis par erreur pour 30 décembre 2003) lequel mentionnait, sans autre précision : « Nous avons pris connaissance des conditions générales de vente de CARGO LOGISTIC, et les acceptons » ; que ces conditions générales ne figuraient sur aucune des factures de la Société CLL lesquelles comportaient en revanche, en leur verso, une référence expresse aux « conditions générales de la Fédération Française des Commissionnaires et Auxiliaires des transports, Commissionnaires en douane, agents maritimes et aériens », lesquelles étaient dépourvues de toute clause dérogatoire à la prescription de droit commun ; qu'en considérant cependant qu'il résultait de l'accord des parties qu'elles entendaient appliquer à leurs relations les conditions générales TLF motifs pris de l'ancienneté des relations d'affaires entre les parties et de l'existence du mandat (arrêt attaqué p. 6, § 3 et 4), la Cour d'appel a méconnu la volonté des parties, en violation des dispositions de l'article 1134 du Code civil.