LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 378 et 392 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite de la notification par l'Administration des douanes, le 31 juillet 2006, à la société Universel textile (la société), d'un avis de mise en recouvrement pour obtenir paiement d'une certaine somme au titre de droits de douane et de taxes éludés lors de l'importation de marchandises, un jugement rendu le 25 octobre 2011 par un tribunal d'instance a prononcé un sursis à statuer dans l'attente d'une décision du tribunal de première instance des Communautés européennes ; que la société a, par courrier du 23 septembre 2013, demandé au tribunal d'instance de prononcer un nouveau sursis à statuer, dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne, dans la mesure où l'arrêt rendu le 27 septembre 2011 par le tribunal de première instance avait fait l'objet d'un recours devant ladite cour ; que par un jugement du 25 mars 2014, le tribunal d'instance a rejeté la demande de l'administration des douanes tendant à faire prononcer la péremption de l'instance et a prononcé un sursis à statuer dans l'attente de la décision devant être rendue par le tribunal de l'Union européenne, sur renvoi de la Cour de justice de l'Union européenne ;
Attendu que pour déclarer l'instance introduite par la société périmée, l'arrêt retient que si le tribunal d'instance, dans le jugement du 25 octobre 2011, a ordonné le sursis à statuer de la procédure au motif que « la société Universel textile serait en droit de se prévaloir devant la juridiction nationale de l'invalidité du règlement qui pourrait être prononcée par la Cour de justice des communautés européennes », dans le dispositif du jugement du 25 octobre 2011, le tribunal d'instance n'a pas décidé que l'événement mettant fin au sursis serait constitué par le jugement définitif du tribunal de première instance des Communautés européennes et qu'il s'en déduit, alors même que l'affaire est pendante devant le tribunal de l'Union européenne que l'événement courait à compter de la décision de ce tribunal du 27 septembre 2011 ;
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que le contentieux communautaire était encore pendant devant le tribunal de l'Union européenne et alors que la décision à caractère définitif à intervenir dans ce litige constituait l'événement déterminant le terme du sursis à statuer décidé par le tribunal d'instance dans ses jugements du 25 octobre 2011 et du 25 mars 2014, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette l'incident de péremption ;
Condamne le ministre des finances et des comptes publics et la société Rhodanienne de transit aux dépens exposés, jusqu'à ce jour, devant les juges du fond ainsi qu'à ceux exposés devant la Cour de cassation ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du ministre des finances et des comptes publics et de la société Rhodanienne de transit, condamne le ministre des finances et des comptes publics à payer à la société Universel textile la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier septembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour la société Universel textile.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré l'instance introduite par la société Universel Textile périmée ;
Aux motifs qu'en application de l'article 386 du Code de procédure civile « l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans » ; il résulte des pièces versées aux débats que lorsque le tribunal d'instance a rendu son jugement ordonnant le sursis à statuer jusqu'à la décision du Tribunal de 1ère instance, celle-ci avait déjà été prononcée, ce dont, manifestement, aucune des parties n'avait connaissance ; que cette décision qui a annulé le règlement par lequel l'administration fonde son avis de mise en recouvrement a fait l'objet d'un recours devant la Cour de Justice ; que l'affaire est à l'heure actuelle pendante devant le Tribunal de l'Union Européenne ; certes, le tribunal d'instance a ordonné le sursis à statuer de la procédure au motif que « la société Universel Textiles serait en droit de se prévaloir devant la juridiction nationale de l'invalidité [du règlement] qui pourrait être prononcée par la Cour de Justice des communautés européennes » ; cependant, en application de l'article 480 du Code de procédure civile, tout ce qui a été jugé doit se trouver dans le dispositif ; or, dans le dispositif, le tribunal d'instance n'a pas décidé que l'événement mettant fin au sursis serait constitué par le jugement définitif du tribunal de 1ère instance ; il s'en déduit que l'événement courait à compter de la décision du tribunal de 1ère instance du 27 septembre 2011 ; que la demande de remise au rôle de l'affaire en vue de solliciter le sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive, seulement présentée le 23 septembre 2013 par courrier recommandé, ne constitue pas, à elle seule, une diligence au sens de l'article 386 du Code de procédure civile, et n'a pas de valeur interruptive de péremption ; il est observé en tant que de besoin que ce faisant, la société Universel Textile a ainsi, contrairement à ce qu'elle soutient aujourd'hui, manifesté que la cause du sursis fixée par le tribunal d'instance n'était pas « à l'évidence » une décision définitive du tribunal de 1ère instance ; qu'il découle de ce qui précède que la péremption est acquise et que le jugement doit être infirmé (arrêt, pages 3 et 4) ;
1°/ Alors que si, en vertu de l'article 480 du Code de procédure civile, seul ce qui est tranché par le dispositif de la décision peut avoir l'autorité de la chose jugée, il n'est pas interdit d'éclairer la portée de ce dispositif par les motifs de ladite décision ;
Qu'en l'espèce, si le dispositif du jugement du 25 octobre 2011 s'est borné à surseoir à statuer sur les demandes de l'exposante « dans l'attente de la décision du tribunal de première instance des communautés européennes », la portée de ce dispositif est éclairée par les motifs du jugement qui, en indiquant expressément que la société Universel Textile serait en droit de se prévaloir de l'invalidité du règlement CE 387/2004 qui pourrait être prononcée par la Cour de Justice des communautés européennes, démontrent que seule une décision statuant définitivement sur la validité dudit règlement était susceptible de mettre fin au sursis à statuer ;
Qu'à cet égard, il est constant qu'au jour où la Cour d'appel a été invitée à statuer sur les demandes de l'exposante, le jugement du 27 septembre 2011 avait été annulé par un arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes en date du 14 novembre 2013 renvoyant l'affaire devant le tribunal de l'Union Européenne, lequel n'a pas encore statué sur ce recours, de sorte qu'en cet état, le délai de péremption de l'instance ne pouvait avoir couru à l'encontre de l'exposante, à défaut de toute décision ayant définitivement tranché la question de la validité du règlement CE 387/2004 ;
Que, dès lors, en se bornant à énoncer que seules les mentions figurant dans le dispositif du jugement du 25 octobre 2011 ont l'autorité de la chose jugée et que celles-ci n'indiquent pas que l'événement mettant fin au sursis pouvait être constitué par un jugement définitif tranchant la question de la validité du règlement, sans rechercher si les motifs dudit jugement, en éclairant ainsi le dispositif de la décision, ne permettaient pas de considérer que seul un jugement définitif sur la question de la validité du règlement pouvait mettre fin au sursis, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 386 et 480 du Code de procédure civile ;
2°/ Alors, subsidiairement, que le délai de péremption court à compter du prononcé de la décision de sursis lorsque l'événement, cause du sursis, était déjà intervenu à cette date ;
Que, dès lors, en estimant que le délai de péremption avait couru, en l'espèce, à compter du prononcé du jugement du tribunal de première instance des communautés européennes en date du 27 septembre 2011, pour en déduire que la présente instance était périmée, à défaut de diligence des parties dans le délai de deux ans à compter de cette date, tout en relevant qu'au jour où le tribunal d'instance, par jugement du 25 octobre 2011, avait prononcé le sursis à statuer jusqu'à la décision du tribunal de première instance des communautés européennes, cette dernière avait déjà été rendue, ce dont il résultait que le délai de péremption ne pouvait courir, en pareille hypothèse, qu'à compter du prononcé de la décision de sursis, la Cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé, par fausse application, l'article 392 du Code de procédure civile ;
3°/ Alors que dans le cadre d'une procédure orale, sauf lorsque le juge leur enjoint d'exécuter des démarches procédurales particulières, les parties au litige n'ont d'autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l'affaire ;
Qu'en l'espèce, pour prononcer la péremption de l'instance introduite par la société Universel Textile, la Cour d'appel a relevé, d'une part, - à tort - que le délai de deux ans prévu à l'article 386 du Code de procédure civile avait commencé à courir à compter de la décision du tribunal de 1ère instance des communautés européennes du 27 septembre 2011, d'autre part, que la lettre recommandée de l'exposante en date du 23 septembre 2013 demandant la remise au rôle de l'affaire ne constituait pas une diligence au sens du texte susvisé ;
Qu'en statuant ainsi quand, s'agissant d'une procédure orale, les parties n'avaient d'autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l'affaire, de sorte que le courrier du 23 septembre 2013 demandant la remise au rôle de l'affaire avait valablement interrompu le délai de péremption, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 386 du Code de procédure civile.