LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Wael Ahmed,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 8e section, en date du 21 avril 2016, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de contravention de violences, a infirmé l'ordonnance du juge d'instruction refusant de saisir le juge des libertés et de la détention, l'a mis en examen du chef de violences aggravées et l'a placé sous contrôle judiciaire ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 80, 80-1, 82 et 185 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit que l'appel du ministère public, par application de l'article 185 du code de procédure pénale, imposait à la juridiction d'appel de statuer sur toutes les questions qui lui étaient dévolues, a dit qu'il existait à l'encontre de M. X... des indices graves ou concordants d'avoir volontairement commis des violences ayant entraîné une ITT de plus de huit jours sur la personne de M. Y..., avec ces circonstances que ces faits ont été commis avec usage ou menace d'une arme et par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteurs ou de complices, a prononcé sa mise en examen de ce chef et a ordonné son placement sous contrôle judiciaire ;
"aux motifs que le procureur de la République a ouvert une information à l'encontre de M. X... et tous autres du chef de tentative d'homicide volontaire, et requis la saisine du juge des libertés et de la détention, aux fins de placement en détention de l'intéressé ; que le juge d'instruction a estimé que la procédure qui lui était soumise amenait à faire retenir à l'encontre de l'intéressé des indices graves ou concordants d'avoir commis la contravention de violences volontaires n'ayant pas entraîné d'ITT, sur la personne de la victime ; que le magistrat a ainsi rendu une ordonnance de refus de saisir le juge des libertés et de la détention pour cause de mise en examen pour des faits contraventionnels ; que l'intéressé a été mis en examen du chef de violences volontaires n'ayant entraîné aucune incapacité totale de travail, faits prévus et punis par l'article R. 624-1 du code de procédure pénale, et a été placé sous contrôle judiciaire par ordonnance séparée ; que l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire de M. X... n'a pas de base légale, la mesure de contrôle judiciaire ne pouvant être prononcée qu'à l'égard d'une personne encourant un emprisonnement correctionnel ou une peine plus grave, par application de l'article 138 du code de procédure pénale ; que, faisant application des dispositions de l'article 185 du code de procédure pénale, le parquet du tribunal de grande instance de Paris a relevé appel de l'ordonnance, critiquant dans sa requête d'appel la décision en ce qu'elle n'a pas retenu les indices graves ou concordants qui résultaient de la procédure, à l'encontre de M. X..., d'avoir participé aux faits de tentative d'homicide volontaire commis sur la victime, et sollicité de la chambre la mise en examen de ce chef de l'intéressé ; que la question essentielle posée à la cour est celle consistant à déterminer et tirer toutes conséquences de l'effet dévolutif de l'appel formé par le parquet, à l'encontre de cette ordonnance, appel par nature général et absolu ; qu'en l'espèce, il sera souligné que si une mise en examen est intervenue, l'ordonnance frappée d'appel est motivée par des considérations assises sur l'impossibilité de décerner mandat de dépôt, compte tenu de la qualification des faits adoptée ; qu'il apparaît que le contentieux de la détention est ainsi intimement lié à celui de la mise en examen, et que l'unique objet de l'appel, en l'état de la nature de l'ordonnance entreprise, est lié par une relation certaine de cause à effet à l'existence d'indices graves ou concordants pouvant exister à l'encontre de l'intéressé, du chef de tentative d'homicide volontaire, tel que requis par le parquet dans son réquisitoire introductif ; qu'il convient en conséquence de statuer sur toutes les questions qui sont dévolues à la cour, du fait de l'appel du ministère public, soit, les chefs de mise en examen et la détention provisoire éventuelle de M. X... ;
"1° ) alors que le contentieux de la mise en examen et celui de la détention provisoire sont deux contentieux distincts ; que la chambre de l'instruction ne peut statuer sur la mise en examen de la personne poursuivie que si elle est saisie d'un appel à l'encontre de l'ordonnance motivée du juge d'instruction statuant sur la mise en examen, ou, à défaut d'une telle ordonnance, si elle est directement saisie par le ministère public, en application de l'article 82 du code de procédure pénale ; que, saisie du seul appel de l'ordonnance du 10 mars 2016 disant n'y avoir lieu de saisir le juge des libertés et de la détention, qui ne statuait pas sur la question de la mise en examen de M. X... mais ne faisait que tirer les conséquences du caractère contraventionnel des faits pour lesquels il avait été mis en examen, la chambre de l'instruction, qui n'avait pas été saisie du contentieux de la mise en examen en application de l'article 82 du code de procédure pénale, ne pouvait légalement modifier la qualification pénale des faits adoptée par le juge d'instruction ;
"2°) alors, en tout état de cause, qu'à supposer même qu'en vertu de l'article 185 du code de procédure pénale, la chambre d'instruction, saisie de l'appel d'une ordonnance disant n'y avoir lieu à saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire, ait eu le pouvoir de remettre en cause le chef de mise en examen retenu par le juge d'instruction, elle ne pouvait, en l'espèce, mettre M. X... en examen d'un autre chef puis ordonner son placement sous contrôle judiciaire, dès lors que le procureur de la République n'avait pas relevé appel de l'ordonnance du 10 mars 2016 par laquelle le juge d'instruction avait déjà placé M. X... sous contrôle judiciaire" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles préliminaire, 80-1, 116 et 185 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a dit qu'il existait à l'encontre de M. X... des indices graves ou concordants d'avoir volontairement commis des violences ayant entraîné une ITT de plus de huit jours sur la personne de M. Y..., avec ces circonstances que ces faits ont été commis avec usage ou menace d'une arme et par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteurs ou de complices, a prononcé sa mise en examen de ce chef et a ordonné son placement sous contrôle judiciaire ;
"aux motifs qu'il résulte du dossier que tant M. X... que le troisième homme décrit par ce dernier et les témoins se trouvaient au même moment au même endroit aux prises avec la victime, et que chacun des deux hommes avaient avec celle-ci un contentieux lié à des salaires non payés pour des travaux non déclarés ; que les blessures supportées par la victime résultent, selon les constatations médicales, de l'utilisation d'une arme, du type de celle décrite par le nommé M. Y... ; que l'existence de blessures supportées par M. X... pouvant également résulter de l'utilisation d'un objet tranchant, accrédite la réalité d'une bagarre qui avait déjà commencé avant l'arrivée des pompiers intervenants, alors que le troisième homme, qui se prénommerait Saïd, était présent, avant de fuir, et à laquelle l'intéressé a pris part ; qu'en l'état de ces constatations, qui font apparaître l'utilisation d'une arme à l'encontre de la victime, au cours d'une bagarre qui a mis en présence plusieurs individus, dont M. X..., qui avait lui-même un motif, avoué, de s'en prendre à cette victime, en l'espèce, une créance d'argent, il convient de s'interroger sur la participation de l'intéressé à des faits pouvant constituer une tentative d'homicide volontaire, à supposer l'intention homicide suffisamment patente, ou à des faits pouvant être qualifiés de violences volontaires en réunion et avec arme, celles-ci étant deux circonstances aggravantes réelles, qui ont vocation à s'appliquer à tous les auteurs et complices des faits poursuivis ; qu'en l'espèce, et en l'état de l'information qui débute, alors que des investigations sont nécessaires à la détermination des rôles et responsabilités de chacun des protagonistes, dont tous n'ont pas été entendus, l'intention homicide de M. X... à l'égard de la victime n'apparaît pas suffisamment rapportée, et ne peut, en l'état, se déduire de la seule localisation des blessures, ayant entraîné une ITT de 15 jours (la plus importante étant située à la main gauche), la cour estimant, en revanche, qu'il existe des indices graves ou concordants à l'encontre de M. X..., d'avoir participé en sa qualité d'auteur ou de complice aux faits, sous la qualification délictuelle de violences volontaires avec arme et en réunion, ayant entraîné une ITT de plus de 8 jours, sur le personne de M. Y..., fait prévus et punis par les articles 222-11, 222-12, 8ème et 10ème du code pénal ; qu'il convient de mettre en examen M. X... de ce chef d'infraction ;
"alors que la personne poursuivie doit être informée, avant toute mise en examen, de la qualification pénale des faits pour lesquels la mise en examen est envisagée ; que, devant la chambre de l'instruction, M. X..., mis en examen par le juge d'instruction du chef de violences volontaires n'ayant entraîné aucune ITT défendait à l'appel du ministère public qui requérait sa mise en examen pour tentative d'homicide volontaire ; qu'en prononçant d'office la mise en examen de M. X... du chef de violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, avec arme et en réunion, sans informer au préalable celui-ci de ce qu'il était susceptible d'être mis en examen de ce nouveau chef, la chambre de l'instruction a méconnu les droits de la défense et le principe du contradictoire" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le procureur de la République a requis l'ouverture d'une information criminelle du chef de tentative d'homicide volontaire à l'encontre, notamment, de M. X... ainsi que son placement en détention provisoire ; que le juge d'instruction, qui a procédé à l'interrogatoire de première comparution, l'a mis en examen du chef de violences volontaires contraventionnelles et a rendu deux ordonnances, l'une, disant n'y avoir lieu à saisine du juge des libertés et de la détention pour des faits contraventionnels, l'autre, plaçant l'intéressé sous contrôle judiciaire ; que le ministère public a relevé appel de l'ordonnance de refus de saisine du juge des libertés et de la détention pour n'avoir pas retenu les indices graves et concordants résultant de la procédure existant, selon lui, à l'encontre de M. X... d'avoir participé aux faits de tentative d'homicide volontaire et a sollicité de la chambre de l'instruction sa mise en examen de ce chef et que soit décerné un mandat de dépôt à son encontre ;
Attendu que, pour infirmer l'ordonnance disant n'y avoir lieu à saisine du juge des libertés et de la détention, prononcer la mise en examen de M. X... du chef délictuel de violences aggravées et ordonner son placement sous contrôle judiciaire, l'arrêt relève que le contentieux de la détention est, compte tenu de la qualification adoptée, intimement lié à celui de la qualification, analyse, ensuite, au visa, notamment, des conclusions de l'intéressé, l'ensemble des faits qui lui sont reprochés et précise leur qualification juridique, énonce, enfin, les raisons pour lesquelles, les conditions posées par l'article 144 du code de procédure pénale n'étant pas remplies, une mesure de contrôle judiciaire apparaît suffisante ;
Attendu qu'en procédant ainsi, et, dès lors que la qualification pénale était dans le débat, la chambre de l'instruction a fait une exacte application de l'article 185 du code de procédure pénale qui lui imposait de statuer sur toutes les questions qui lui étaient dévolues par l'appel du ministère public ;
D'ou il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Pers, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Ingall-Montagnier, conseiller rapporteur, Mme Dreifuss-Netter, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.