La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/07/2016 | FRANCE | N°16-80694

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 juillet 2016, 16-80694


N° S 16-80.694 FS-P
N° 4137

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, le vingt-sept juillet deux mille seize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller DREIFUSS-NETTER, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU et de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI et les conclusions de M. l'avocat général GAILLARDOT ;
Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire spécial reçu le 14 juin 2016 et présenté pa

r :
- Mme Audrey X..., épouse Y...,
à l'occasion du pourvoi formé par elle con...

N° S 16-80.694 FS-P
N° 4137

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, le vingt-sept juillet deux mille seize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller DREIFUSS-NETTER, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU et de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI et les conclusions de M. l'avocat général GAILLARDOT ;
Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire spécial reçu le 14 juin 2016 et présenté par :
- Mme Audrey X..., épouse Y...,
à l'occasion du pourvoi formé par elle contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 11 janvier 2016, qui, pour escroquerie, l'a condamnée à trois ans d'emprisonnement avec sursis, 30 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction professionnelle, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu mémoire en défense produit ;
1. Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée : « En ce qu'elles n'excluent pas qu'une personne puisse faire l'objet, pour les mêmes faits, de poursuites et de sanctions à la fois devant les juridictions pénales, devant les chambres disciplinaires de première instance et la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes ainsi que devant les sections des assurances sociales des chambres disciplinaires de première instance et du conseil national de l'ordre, les dispositions des articles 313-1, 313-7 et 313-8 du code pénal, L. 4124-6 du code de la santé publique et L. 145-2 du code de la sécurité sociale méconnaissent-elles le principe de la nécessité des délits et des peines et son corollaire, le principe non bis in idem ? » ;

2. Attendu que, dans leurs versions successives en vigueur pendant la période où les faits se sont déroulés, les dispositions des articles 313-1, 313-7 et 313-8 du code pénal servent de fondement aux poursuites pour escroquerie exercées contre Mme X..., épouse
Y...
, et déterminent les peines applicables aux personnes physiques ; que celle-ci a également fait l'objet, en partie pour les mêmes faits, de sanctions prononcées, en application des dispositions des articles L. 4124-6 du code de la santé publique et L. 145-2 du code de la sécurité sociale, par une chambre disciplinaire de première instance et la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes ainsi que devant des sections des assurances sociales de ces chambres, de sorte que les dispositions législatives sont applicables à la procédure ;
3. Attendu que, si l'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale a été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2012-289 QPC du 17 janvier 2013, l'article L. 4124-6 du code de la santé publique ne figure que dans les motifs de la décision et qu'en outre, les décisions 2014-453/ 454 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015, 2016-445 QPC et 2016-446 QPC du 24 juin 2016, en ce qu'elles ont jugé que le cumul de l'application de dispositions instituant des sanctions, lorsque celles-ci sont infligées à l'issue de poursuites différentes en application de corps de règles distincts, peut méconnaître le principe de nécessité des délits et des peines, au sens de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, si certaines circonstances sont réunies, constituent un changement des circonstances de droit ;
4. Attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;
5. Attendu qu'en vertu des textes déférés, appartenant à des corps de règles distincts, un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme peut, pour les mêmes faits, faire l'objet de poursuites devant deux juridictions ordinales différentes, en vue du prononcé de sanctions disciplinaires, ainsi que de poursuites pénales lorsque les faits commis ont eu pour objet de tromper, par des manoeuvres frauduleuses, des organismes d'assurance-maladie pour en obtenir des sommes indues ;
6. Attendu qu'en vertu des décisions du 24 juin 2016 précitées du Conseil constitutionnel, le principe de nécessité des délits et des peines implique, en tout état de cause, qu'une même personne ne puisse faire l'objet de poursuites différentes conduisant à des sanctions de même nature pour les mêmes faits, en application de corps de règles protégeant les mêmes intérêts sociaux ;
7. Attendu que, sur ce dernier point, il résulte de la décision n° 2012-289 QPC du 17 janvier 2013, que d'une part, l'ordre des médecins, en vertu du premier alinéa de l'article L. 4121-2 du code de la santé publique, « veille au maintien des principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine » et à « l'observation, par tous leurs membres, des devoirs professionnels ainsi que des règles édictées par le code de déontologie », dont la méconnaissance est sanctionnée, par l'autorité disciplinaire compétente, en vertu de l'article L. 4124-6 du même code ; que d'autre part, dans le cadre du contentieux du contrôle technique, visant la recherche et le redressement de tout abus professionnel commis au préjudice de la sécurité sociale, l'article L. 145-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les fautes, abus, fraudes et tous faits intéressant l'exercice de la profession, relevés à l'encontre des médecins, à l'occasion des soins dispensés aux assurés sociaux sont soumis aux sections des assurances sociales des chambres disciplinaires de première instance et de la chambre nationale de l'ordre des médecins ; que ces dispositions ne protègent donc pas les mêmes intérêts sociaux ;
8. Attendu que le délit d'escroquerie, classé par le législateur dans la catégorie des atteintes frauduleuses aux biens, est susceptible d'être commis par toute personne et non pas seulement par des professionnels de santé, au préjudice de personnes physiques ou morales quelles qu'elles soient ; que les intérêts protégés par cette infraction ne sont pas non plus identiques aux précédents ;
9. Attendu que le cumul des poursuites n'étant dès lors pas susceptible de porter atteinte au principe de nécessité des délits et des peines au sens où l'entend le Conseil constitutionnel, la question posée ne présente pas un caractère sérieux ;
D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la transmettre au Conseil constitutionnel ;
Par ces motifs :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pers, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Dreifuss-Netter, conseiller rapporteur, Mmes Planchon, Ingall-Montagnier, MM. Ricard, Parlos, conseillers, MM. Laurent, Béghin, Mmes Guého, Pichon, conseillers référendaires ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-80694
Date de la décision : 27/07/2016
Sens de l'arrêt : Qpc - non-lieu à renvoi au conseil constitutionnel
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Action publique - Code pénal - Articles 313-1, 313-7 et 313-8 - Code de la santé publique - Article L. 4124-6 - Code de la sécurité sociale - Article L. 145-2 - Principe de nécessité des délits et des peines - Précision de la version en vigueur applicable à la procédure - Déclaration préalable de constitutionnalité - Changement de circonstances de droit - Caractère sérieux - Défaut - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 11 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 jui. 2016, pourvoi n°16-80694, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Pers (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Gaillardot
Rapporteur ?: Mme Dreifuss-Netter
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:16.80694
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award