La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/07/2016 | FRANCE | N°15-18764

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 juillet 2016, 15-18764


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mars 2015), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 11 septembre 2013, n° 12-20. 816), que Mme X..., fille adoptive de Marcel Y..., a assigné en 2009 Mme Y..., veuve de l'écrivain, en nullité de deux actes juridiques du 29 janvier 1980, par lesquels elle cédait à cette dernière l'intégralité de ses droits successoraux et renonçait à agir en justice, actes qu'elle prétendait avoir conclus à la suite de m

anoeuvres dolosives émanant de Mme Y..., de leur conseil et de leur notaire com...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mars 2015), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 11 septembre 2013, n° 12-20. 816), que Mme X..., fille adoptive de Marcel Y..., a assigné en 2009 Mme Y..., veuve de l'écrivain, en nullité de deux actes juridiques du 29 janvier 1980, par lesquels elle cédait à cette dernière l'intégralité de ses droits successoraux et renonçait à agir en justice, actes qu'elle prétendait avoir conclus à la suite de manoeuvres dolosives émanant de Mme Y..., de leur conseil et de leur notaire communs, et destinées à lui cacher la réelle consistance du patrimoine de son père et l'étendue de ses droits ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de déclarer son action prescrite ;
Attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel, qui a retenu que Mme X... avait eu connaissance des faits constitutifs du dol qu'elle invoquait dès la signature des actes litigieux, a, sans avoir à procéder à des recherches que sa décision rendait inopérantes, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme Z... veuve Y... et à M. Frédéric Y... la somme globale de 3 000 euros ; rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré prescrite l'action en annulation des actes authentiques et sous seing privé du 29 janvier 1980 intentée par Madame Francine Y... ;
Aux motifs que, « devant la cour d'appel de renvoi, Mme Francine Y... épouse X... soutient n'avoir découvert le dol dont elle avait été victime lors de la signature de l'acte notarié du 29 janvier 1980 qu'en 2008, en consultant un avocat pour préparer sa propre succession ;
Que c'est, selon elle, à cette occasion, qu'elle a constaté que lui avait été cachée la réelle consistance du patrimoine de son père et l'étendue de ses droits dans le but de lui faire signer une cession de ses droits successifs à bas prix ; que cette manoeuvre n'aurait été possible qu'en la convainquant de se faire assister des mêmes professionnels que Mme Y..., profitant des liens d'affection existants ; qu'elle fait valoir que la présentation des actifs de la succession qui lui a été soumise était erronée, qu'elle n'a pas pu s'en rendre compte étant esthéticienne de profession et profane en la matière ;
Qu'en réponse, Mme Jacqueline Z... veuve Y... et M. Frédéric Y... font valoir qu'il appartient à Mme X... de faire la preuve de la découverte de manoeuvres dolosives et de faits précis lui étant imputables, ainsi qu'à leurs conseils et notaires communs ; que, selon eux, Mme X... est défaillante quant à la production de cette preuve et que le seul fondement aux manoeuvres dolosives dont elle l'accuse serait leurs relations d'affection et de confiance ;
Mais considérant qu'il est tout d'abord constant que Mme Francine Y... épouse X... a été pleinement associée aux opérations de liquidation de la succession de son père, ainsi qu'en témoigne le fait que :
- que son nom figure sur l'acte de notoriété dressé le 20 mai 1974,
- qu'elle a été rendue destinataire, dès l'ouverture de la succession, de courriers l'informant du déroulement de ces opérations et était présente ou représentée, par son époux, aux réunions qui se sont tenues chez Me A...,
- qu'elle était présente lors des opérations d'inventaire qui ont eu lieu les 24 mai et 19 septembre 1974 dans l'hôtel particulier du défunt,..., le 16 décembre suivant dans la salle des coffres du Crédit Lyonnais, et, le 4 avril 1979, en l'étude de Me A...,
- qu'elle a été tenue au courant des divers contentieux existant et s'est vu remettre les évaluations de l'actif et du passif de la succession réalisées, soit par le notaire en charge des opérations de liquidation, soit dans le cadre des opérations d'expertise judiciaire portant notamment sur l'hôtel particulier du square de l'avenue Foch et sur les droits d'auteurs de son père (rapport de M. Félix B... du 19 septembre 1979) ;
Que la circonstance qu'elle ait été assistée et représentée à la procédure par le même avocat que sa mère, en la personne de Me C..., et ait bénéficié des conseils du même notaire en la personne de Me A..., ne suffit à caractériser l'existence de manoeuvres telles qu'il est évident que sans ces manoeuvres, elle n'aurait pas contracté ; qu'il y a lieu de relever que d'autres héritiers de la succession (Jean-Pierre D... et Jacques Y...) étaient assistés de leur propre avocat ; que l'existence d'intérêts divergents entre les héritiers était parfaitement connu de l'expert B..., qui a pris en compte les légitimes interrogations des parties en présence ; qu'il sera rappelé que le prix de cession des autres héritiers de Marcel Y... à Mme Jacqueline Z... veuve Y... était identique à celui consenti par Mme Francine Y... épouse X... ;
Que Mme X... n'allègue ni ne démontre que des oeuvres ou des contrats d'exploitation des oeuvres de Marcel Y... auraient été sciemment dissimulés à l'expert judiciaire, et que cette dissimulation aurait été rendue possible par la présence des conseils désignés par Mme Jacqueline Z... veuve Y... ; que la valorisation qui a été effectuée de ce patrimoine incorporel par l'expert l'a été au terme d'un inventaire des oeuvres de Marcel Y..., d'une analyse des contrats connus passés de son vivant pour l'exploitation de ses oeuvres, d'un récapitulatif précis de ses droits d'auteurs perçus au cours des cinq années ayant précédé sa mort et jusqu'en 1977, au vu, en particulier, de ses déclarations de revenus, et d'un recoupement entre les contrats connus et les revenus déclarés ; que le rapport lui-même envisage l'éventualité que certains contrats demeurés inconnus des parties n'aient pas été versés à l'expertise, et souligne par ailleurs qu'il est de la nature même de l'exploitation des oeuvres littéraires de subir les aléas de la notoriété de l'auteur ;
Qu'il résulte des éléments qui précèdent qu'à supposer que les actifs notamment incorporels de la succession de Marcel Y... se soient avérés ultérieurement sous-évalués, Mme X... ne démontre pas que cette sous-évaluation serait le résultat de manoeuvres, d'une dissimulation effectuée sciemment par Mme Jacqueline Z... et moins encore d'une collusion de celle-ci avec leurs conseils communs ; que s'il est invoqué le fait que Mme X... aurait dû être assistée de ses propres conseils compte tenu de l'opposition d'intérêts existant avec ses co-héritiers, et notamment avec Mme Jacqueline Z..., cette seule circonstance ne suffit à caractériser l'existence de manoeuvres présentant les caractéristiques exigées par l'article 1116 du code civil, étant observé Mme X... était, dès cette époque, en mesure de constater que certains des autres héritiers de la succession avaient fait le choix de désigner leur propre conseil et d'apprécier l'opportunité de procéder de même, ce qui nécessitait en soi aucune compétence juridique ;
Qu'ainsi, Mme X... ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de manoeuvres dolosives affectant la validité de l'acte du 29 janvier 1980 dont elle n'aurait été en mesure de prendre conscience qu'en 2008 ; qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de constater la nullité, par voie de conséquence, de l'acte du 27 avril 2001 ;
Qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement et de déclarer l'action en nullité pour dol prescrite » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges :
« Sur la prescription de l'action en nullité intentée par Madame Y..., épouse X... Cette dernière a saisi le tribunal de céans d'une demande d'annulation de l'acte sous seing privé intitulé " Protocole ", de l'acte de cession de ses droits successifs en date du 29 janvier 1980, de l'acte de " cession complémentaire " daté du 27 avril 2001 ainsi que de " l'acte de cession à titre de licitation du 18 août 2004 ".
Sa demande d'annulation tant du " Protocole " que de Pacte de cession en date du 29 janvier 1980 est fondée sur le dol dont elle dit avoir été victime.
Aux termes des deux premiers alinéas de l'article 1304 du code civil, Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans les cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

Le délai de l'action en nullité pour erreur ou pour dol ne court que du jour où il a été découvert et non simplement soupçonné.
Madame Y..., épouse X..., soutient qu'en consultant un avocat courant 2008, en vue d'organiser sa succession, celui-ci lui a appris que certains actifs de la succession de son père avaient été sous-évalués, que d'autres ne figuraient pas dans Pacte de partage et que des informations, factuelles ou juridiques, lui avaient été cachées lors du règlement de cette succession.
Elle prétend donc que le point de départ du délai d'action en annulation du " Protocole " et de Pacte de partage n'a commencé à courir qu'en 2008, de sorte qu'elle est encore recevable à agir sur ce fondement.
Il convient de relever, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par l'intéressée, qu'elle n'a pas été tenue à l'écart des opérations de liquidation de la succession de son père.
Au contraire, elle y a été pleinement associée puisque :- son nom figure sur l'acte de notoriété dressé le 20 mai 1974,- dès l'ouverture des opérations de liquidation de la succession de son père, elle a été destinataire de courriers d'informations sur le déroulement de ces opérations ou était présente, ou représentée par son époux, aux réunions se tenant chez Maître A...,- elle était également présente lors des opérations d'inventaire qui ont eu lieu les 24 mai et 19 septembre 1974, dans l'hôtel particulier du défunt, situé... (16'arrondissement), le 16 décembre dans la salle des coffres du Crédit Lyonnais, et le 4 avril 1979 en l'étude de Maître A...,- elle a été tenue au courant des divers contentieux existant et s'est vu remettre les évaluations des actif et passif de la succession réalisées soit par le notaire en charge des opérations de liquidation, soit dans le cadre d'opérations d'expertise, notamment pour l'hôtel particulier dont il a été fait mention plus haut et les droits d'auteur de son père (cf. Rapport d'expertise judiciaire réalisée par Monsieur F... en septembre 1979),- elle était enfin partie aux actes de cessions de certains biens ou droits dépendant de la succession de son père.

Il convient, en outre, de souligner que l'acte sous seing privé intitulé " Protocole " a été signé par Madame Z..., veuve Y..., et tous les héritiers du défunt, dont certains étaient en conflit avec cette dernière.
Le prix de la cession des droits successifs consentie à la veuve était identique pour chaque héritier, ce dont Madame Y..., épouse X..., était nécessairement informée en tant que signataire de l'acte.
Enfin, l'acte de " cession de droits successifs à titre transactionnel et forfaitaire " au profit de Madame Z..., veuve Y..., a également été signé par tous les héritiers le 29 janvier 1980.
Il résulte de l'ensemble de ces constatations que Madame Y..., épouse X..., a toujours disposé de tous les documents et informations relatifs au règlement de la succession de son père.
Le dol dont elle se dit victime pouvait donc être décelé par elle à la date de la signature de cet acte de cession des droits successifs.
Pour autant, elle s'est estimée pleinement remplie de ses droits pendant plus de 27 ans.
Elle ne peut donc aujourd'hui sérieusement arguer d'une consultation juridique réalisée courant 2008, dont la teneur est ignorée, pour soutenir n'avoir eu connaissance d'un éventuel dol qu'à, cette date, alors même que cette découverte tardive ne résulte que de sa propre carence.
Ainsi, sa demande en annulation du " Protocole " et de l'acte de cession de droits successifs en date du 29 janvier 1980 apparaît irrecevable car prescrite.
S'agissant de son action en annulation de l'acte de " cession complémentaire " daté du 27 avril 2001 ainsi que " l'acte de cession à titre de licitation du 18 août 2004 ", Madame Y..., épouse X..., la fonde sur " le défaut de pouvoir du notaire pour signer le premier acte qui équivaut à un défaut de consentement " et sur le " défaut de consentement " pour le second acte fait en dehors de sa présence, alors que, selon elle, la cession portait sur des biens indivis.
Il y a lieu de relever que les écritures des défendeurs au fond sont taisantes sur ce point.
L'acte authentique en date du 27 avril 2001 intitulé " Acte complémentaire suite à la cession de droits successifs par Madame X... à Madame Jacqueline Y... du 29 janvier 1980 " a été signé hors la présence de la première, puisqu'il est indiqué qu'elle est représentée par Madame Régine G..., clerc de notaire ", " en vertu des pouvoirs qui lui ont été conférés par Madame Marie Josèphe H..., clerc de notaire [...] aux termes d'une procuration sous seing privé en date à PARIS, du 31 mars 1995, ci annexée, suivant laquelle Madame H... a agi en vertu des pouvoirs qui lui ont été conférés par Madame X..., aux termes de l'acte du 29 janvier 1980, ci-après analysé ".
Il convient de préciser que cet acte consiste en une " attestation immobilière " précisant la désignation cadastrale exacte de " certaines parcelles de terrain dépendant de la succession de Monsieur Marcel Y... " aux fins de publication aux bureaux des hypothèques territorialement compétents.
Madame Y..., épouse X..., sous-entend que le clerc de notaire la représentant à cet acte n'avait pas reçu pouvoir pour ce faire.
La nullité d'un acte pour absence de pouvoir du mandataire, nullité relative, qui ne peut être demandée que par la partie représentée, est soumise aux dispositions de l'article 1304 du code civil : le délai pour agir en nullité est donc de cinq ans à compter de la date de signature de l'acte querellé.
Or, Madame Y..., veuve X..., n'allègue, en l'espèce, aucun vice du consentement ayant pu différer le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité.
En conséquence, il doit être constaté que l'action en annulation, introduite par Madame Y..., épouse X..., par actes en date des 27 juillet, 5 et 6 août 2009, est prescrite pour avoir été engagée plus de cinq ans après la signature de l'acte contesté ;
Alors que, à peine de prescription, l'action en nullité d'une convention pour dol doit être engagée dans les cinq ans qui suivent la découverte de ce dol par le cocontractant ; qu'en l'espèce, en retenant, pour juger prescrite l'action en nullité intentée les 27 juillet, 5 et 6 août 2009 contre les actes signés le 29 janvier 1980, que Madame Francine Y... n'avait pas rapporté la preuve des manoeuvres dolosives qu'elle invoquait, de sorte que la prescription quinquennale aurait couru à compter du 29 janvier 1980, sans rechercher la date à laquelle Madame Francine Y... avait effectivement eu connaissance des faits constitutifs du dol qu'elle invoquait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de les articles 1116 et 1304 du code civil ;
Alors que, subsidiairement, en ne recherchant pas, comme il le lui avait été pourtant demandé, si le fait d'avoir omis de porter à la connaissance de Madame Francine Y... que les fruits des droits d'auteur de Marcel Y... entraient dans le calcul de la masse successorale tout comme les fruits des parts de sociétés, qu'également les donations consenties aux autres héritiers et au conjoint survivant devaient être rapportées à la succession et enfin que la valeur de l'usufruit dépendait de l'âge de l'usufruitier, n'avaient pas constitué des manoeuvres de dissimulation de nature à pousser Madame Francine Y... à la signature de l'acte du 29 janvier 1980, caractéristiques d'un dol (conclusions, p. 14), la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1116 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-18764
Date de la décision : 13/07/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 26 mars 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 jui. 2016, pourvoi n°15-18764


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.18764
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award