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12/07/2016 | FRANCE | N°14-29441

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juillet 2016, 14-29441


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 23 octobre 2014) qu'engagé en janvier 1996 en qualité d'ouvrier agricole par la société Plantebelle, exploitation gérée par son épouse, M. Marie a été convoqué à un entretien préalable le 9 septembre 2011 puis licencié pour faute grave par lettre du 19 octobre 2011 ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de rejeter ses demandes indemnitaires présentées à ce tit

re, alors, selon le moyen :

1°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du liti...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 23 octobre 2014) qu'engagé en janvier 1996 en qualité d'ouvrier agricole par la société Plantebelle, exploitation gérée par son épouse, M. Marie a été convoqué à un entretien préalable le 9 septembre 2011 puis licencié pour faute grave par lettre du 19 octobre 2011 ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de rejeter ses demandes indemnitaires présentées à ce titre, alors, selon le moyen :

1°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que la lettre de licenciement énonçait : « je ne peux plus maintenir en l'état le contrat de travail qui t'unit à l'EARL Plantebelle au vu : - du fait que tu t'es auto-attribué une rémunération au titre du salaire d'avril 2011 dont tu n'avais pas droit et ce alors même que tu as bénéficié dans le même temps du paiement de ton salaire d'avril 2011 déduction faite des sommes antérieurement perçues indûment ; - du fait que tu as dérobé trois formules de chèques en arrachant la souche afin de cacher ton forfait, une de ces trois formules ayant été utilisée par toi même » ; qu'en retenant dès lors que, « si le grief de vol n'est pas établi à l'encontre du salarié, en revanche tel n'est pas le cas de celui tenant à l'usage abusif de la procuration dont il bénéficiait encore sur le compte de la société », quand la lettre de licenciement, qui faisait grief au salarié de s'être attribué une rémunération indue, ne lui reprochait pas d'avoir fait un usage abusif de la procuration qu'il détenait sur le compte de la société, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;

2°/ que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits invoqués, dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ; qu'en se bornant à relever que le grief d'usage abusif de la procuration que le salarié détenait sur le compte de la société n'était pas atteint par la prescription de l'article 1332-4 du code du travail, sans rechercher si, après avoir pris connaissance des faits fautifs, l'employeur avait engagé la procédure disciplinaire dans un délai suffisamment restreint pour pouvoir invoquer le caractère gravement fautif du comportement du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3°/ que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en retenant que l'usage abusif que le salarié avait fait de la procuration qu'il détenait sur le compte de la société caractérisait une faute grave, quand elle constatait, d'une part, que ce manquement isolé avait été commis par un salarié bénéficiant d'une ancienneté de quinze ans et qui était en instance de divorce avec la gérante de la société, d'autre part, que cette dernière n'avait révoqué la procuration que le salarié détenait sur le compte de la société que cinq mois plus tard, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

Mais attendu d'abord que c'est sans sortir des limites du litige fixées par la lettre de licenciement que la cour d'appel a retenu le grief d'usage abusif de la procuration détenue par le salarié sur le compte de la société ;

Et attendu ensuite qu'ayant constaté que ce n'était qu'en septembre 2011 à l'issue de vérifications bancaires que l'employeur avait eu connaissance de faits pouvant être imputés au salarié et que la procédure de licenciement avait été engagée à cette période, la cour d'appel a fait ressortir, répondant implicitement mais nécessairement au moyen, que le délai écoulé entre la connaissance des faits fautifs et la notification du licenciement était compatible avec l'allégation d'une faute grave ; qu'elle a pu retenir, au vu de la grave rupture de confiance générée par l'usage abusif d'une procuration bancaire intervenant dans un contexte familial conflictuel, que ce fait rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement de monsieur X... fondé sur une faute grave et d'AVOIR, en conséquence, débouté le salarié de ses demandes indemnitaires subséquentes ;

AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement pour faute grave du 19 octobre 2011, qui fait état du vol de trois formules de chèque et leurs talons et d'un tampon encreur au nom de la société, mentionne les motifs suivants : « (..) Dès lors, je ne peux plus maintenir en l'état le contrat de travail qui t'unit à la société Plantebelle au vu : du fait que tu t'es auto-attribué une rémunération au titre du salaire d'avril 2011 dont tu n'avais pas droit et ce alors même que tu as bénéficié dans le même temps du paiement de ton salaire d'avril 2011 déduction faite des sommes antérieurement perçues indûment, du fait que tu as dérobé trois formules de chèques en arrachant la souche afin de cacher ton forfait, une de ces trois formules ayant été utilisée par toi même. (..) » ; que la société Plantebelle produit copie de la procédure pénale diligentée suite au dépôt de plainte de sa gérante le 1er septembre 2011, le relevé des opérations du mois de mai 2011 pour le compte qu'elle détient au Crédit agricole, l'attestation de madame Y..., secrétaire comptable, le bulletin de paie de monsieur X... pour le mois d'avril 2011 et la copie du chèque litigieux recto verso dont il ressort que : la plainte pour vol a été classée sans suite par la parquet d'Angoulême, l'infraction n'étant pas suffisamment caractérisée, monsieur X... a admis s'être délivré un chèque à lui même le 17 mai 2011, représentant selon lui son plein salaire du mois d'avril 2011, alors qu'il détenait encore une procuration qui lui a été retirée le 21 septembre 2011, sur le compte de la société Plantebelle, ce fait n'a été relevé de manière certaine et a été rapproché de la disparition des trois formules de chèques qu'au début du mois de septembre 2011 et l'identité du bénéficiaire du d'un de ces chèques débité au mois de mai 2011 sur ce compte n'a été connue avec certitude qu'au cours du mois de septembre 2011, ainsi qu'en attestent le témoignage de la secrétaire comptable qui précise que le 1er septembre 2011 malgré la demande qu'elle avait formulée à la banque elle ne connaissait toujours pas l'identité du bénéficiaire, et la date du 26 septembre 2011 de la télécopie adressée par la banque en pièce 5 de la communication de la société Plantebelle, pour le mois d'avril 2011 monsieur X... avait encaissé la somme de 655, 25 euros au titre de son salaire déduction faite des congés pris ; qu'il résulte de ces éléments que si le grief de vol n'est pas établi à l'encontre de monsieur X..., en revanche tel n'est pas le cas de celui tenant à l'usage abusif de la procuration dont il bénéficiait encore sur le compte de la société, ce fait dont il établi qu'il ne pouvait pas être invoqué à son encontre par l'employeur avant le mois de septembre 2011, n'étant pas atteint pas la prescription de l'article 1332-4 du code du travail ; que monsieur X... a usé de sa procuration alors qu'il n'est pas contesté qu'il ne lui appartenait plus depuis un an de réaliser ses propres bulletins de paie et de se délivrer des chèques de salaire et qu'il avait été réglé du salaire que son employeur estimait lui devoir, le contentieux les opposant sur ce point ne justifiant pas que monsieur X... fasse usage d'un mandat qui lui avait été donné à d'autres fins estimant ainsi se faire justice à lui même ; que ce manquement est de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'exploitation compte tenu de la rupture grave de confiance qu'il suscite dans les rapports salarié-employeur, même s'il s'inscrit dans un contexte familial conflictuel puisque l'ordonnance de non conciliation date du 12 mai 2011 alors que monsieur X... s'opposait à la procédure de divorce initiée par son épouse, le conflit conjugal ne pouvant pas justifier un tel agissement ; que dans ces conditions, la cour, estimant que le licenciement est fondé sur une faute grave, réforme le jugement déféré de ce chef et statuant à nouveau en ce sens déboute monsieur X... de l'ensemble de ses demandes au titre de ce licenciement ;

1°) ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement énonçait : « je ne peux plus maintenir en l'état le contrat de travail qui t'unit à l'EARL Plantebelle au vu : - du fait que tu t'es auto-attribué une rémunération au titre du salaire d'avril 2011 dont tu n'avais pas droit et ce alors même que tu as bénéficié dans le même temps du paiement de ton salaire d'avril 2011 déduction faite des sommes antérieurement perçues indûment ; - du fait que tu as dérobé trois formules de chèques en arrachant la souche afin de cacher ton forfait, une de ces trois formules ayant été utilisée par toi même » ; qu'en retenant dès lors que, « si le grief de vol n'est pas établi à l'encontre de monsieur X..., en revanche tel n'est pas le cas de celui tenant à l'usage abusif de la procuration dont il bénéficiait encore sur le compte de la société », quand la lettre de licenciement, qui faisait grief au salarié de s'être attribué une rémunération indue, ne lui reprochait pas d'avoir fait un usage abusif de la procuration qu'il détenait sur le compte de la société Plantebelle, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;

2°) ALORS, subsidiairement, QUE la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits invoqués, dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire ; qu'en se bornant à relever que le grief d'usage abusif de la procuration que monsieur X... détenait sur le compte de la société Plantebelle n'était pas atteint par la prescription de l'article 1332-4 du code du travail, sans rechercher si, après avoir pris connaissance des faits fautifs, l'employeur avait engagé la procédure disciplinaire dans un délai suffisamment restreint pour pouvoir invoquer le caractère gravement fautif du comportement du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail ;

3°) ET ALORS, subsidiairement, QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en retenant que l'usage abusif que monsieur X... avait fait de la procuration qu'il détenait sur le compte de la société caractérisait une faute grave, quand elle constatait, d'une part, que ce manquement isolé avait été commis par un salarié bénéficiant d'une ancienneté de quinze ans et qui était en instance de divorce avec la gérante de la société, d'autre part, que cette dernière n'avait révoqué la procuration que monsieur X... détenait sur le compte de la société Plantebelle que cinq mois plus tard, la cour d'appel a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-29441
Date de la décision : 12/07/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 23 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2016, pourvoi n°14-29441


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.29441
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