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07/07/2016 | FRANCE | N°14-15751

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 juillet 2016, 14-15751


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 13 février 2014) que Mme X... a été engagée le 9 octobre 2000 par la société Agence Franco Européenne en qualité de secrétaire trilingue ; que déclarée par le médecin du travail inapte à tout emploi dans l'entreprise, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation de son contrat de travail et d'une demande en dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décisi

on spécialement motivée sur ce moyen annexé, qui n'est manifestement pas susceptible d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 13 février 2014) que Mme X... a été engagée le 9 octobre 2000 par la société Agence Franco Européenne en qualité de secrétaire trilingue ; que déclarée par le médecin du travail inapte à tout emploi dans l'entreprise, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation de son contrat de travail et d'une demande en dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen annexé, qui n'est manifestement pas susceptible d'entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser une somme en réparation du harcèlement moral subi par la salariée, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque le salarié présente des éléments de fait établissant, selon lui, l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un tel harcèlement et, dans l'affirmative, il appartient, alors, à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, en se bornant à analyser les seuls éléments présentés par la salariée pour retenir que le harcèlement qu'elle alléguait était constitué sans rechercher si l'employeur, quant à lui, ne prouvait pas que les agissements litigieux n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a procédé à un examen incomplet et a méconnu les règles de preuve applicables en matière de harcèlement, en violation de l'article L. 1154-1 du code du travail, par refus d'application, ensemble l'article 1315 du code civil ;

2°/ qu'en tout état de cause, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en l'espèce, en fondant la condamnation de l'employeur sur la circonstance spécifique tirée du harcèlement téléphonique et des appels malveillants dont Mme X... avait été victime quand ces agissements, commis par M. Y..., étaient en lien avec la vie privée et intime de Mme X... et qu'ils étaient étrangers à sa vie professionnelle, à l'exécution de son contrat de travail et à ses conditions de travail, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 1152-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté que la salariée devait faire face à une charge de travail éprouvante, subissait les propos humiliants et insultants de son employeur et était soumise au comportement irrespectueux de celui-ci, a, sans méconnaître les règles de preuve applicables, caractérisé des faits de harcèlement répétés ayant porté atteinte à sa dignité et ayant altéré sa santé physique et mentale ; que le moyen, qui invoque en sa seconde branche un grief nouveau et mélangé de droit et de fait, ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Agence Franco Européenne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 344, 40 euros et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray la somme de 2 600 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Agence Franco Européenne

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir résilié le contrat de travail liant Mme Karine X... à la société AGENCE FRANCO EUROPEENNE, d'avoir condamné celleci au paiement d'une indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'avoir sursis à statuer sur la date de la rupture de ce même contrat ;

Aux motifs que : « Madame Karine X... a saisi le Conseil de Prud'hommes le 3 mars 2010 pour demander la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur qui a été fixée par jugement du Conseil de Prud'hommes à la date du jugement le 29 novembre 2011, tandis que la SARL AGENCE FRANCO EUROPEENNE argue d'une démission au 7 août 2010.

Le 19 mai 2009, après examen de la salariée, le médecin du travail a conclu à une inaptitude de Madame Karine X... à tous les postes de travail dans l'entreprise avec visa de danger immédiat ; dès lors, la SARL AGENCE FRANCO EUROPEENNE se devait de la reclasser ou de la licencier dans le délai d'un mois à compter de la déclaration d'inaptitude par application de l'article L. 1226-4 du code du travail, ce qu'elle n'a pas fait.

De plus, l'envoi par la salariée d'un nouvel arrêt de travail ne peut pas avoir pour conséquence juridique d'ouvrir une nouvelle période de suspension du contrat de travail et de tenir en échec le régime juridique applicable à l'inaptitude, le contrat n'était donc pas suspendu comme le soutient la SARL AGENCE FRANCO EUROPEENNE qui aurait dû reprendre le versement des salaires.

Enfin, la démission s'analyse en la manifestation de la volonté du salarié, signifiée à l'employeur, de mettre fin à sa collaboration, elle ne se présume pas et ne peut résulter que d'un acte clair et non équivoque.
En l'espèce, Madame Karine X... a cessé d'adresser à la SARL AGENCE FRANCO EUROPEENNE ses arrêts de travail à compter du 31 juillet 2010 et à raison de l'inaptitude de la salariée à tous les postes et de l'absence de recherche de reclassement, la SARL AGENCE FRANCO EUROPEENNE n'est pas fondée à prétendre que Madame Karine X... aurait dû reprendre le travail à l'issue de ce dernier arrêt maladie qui lui a été transmis ni que le défaut de reprise du travail constaté le 3 août 2010 doit être analysé comme une démission.

La SARL AGENCE FRANCO EUROPEENNE argue d'une réponse faite par Madame Karine X... par téléphone à l'huissier de justice mandaté pour lui signifier le courrier de prise d'acte de sa démission à défaut de reprise du travail qui aurait dit « je n'ai rien à recevoir de la FRANCO EUROPEENNE, je ne fais plus partie du personnel », que cette réponse du 6 août 2010 ne saurait constituer une démission claire et non équivoque puisqu'elle avait saisi le Conseil de Prud'hommes dès le 3 mars 2010 pour demander la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur et la notification le 30 août 2010 par huissier de la lettre aux termes de laquelle la SARL AGENCE FRANCO EUROPEENNE prend note de sa démission ne saurait justifier la rupture du contrat de travail ; l'employeur ne peut pas rompre un contrat de travail par le biais d'une prise d'acte qui est réservée au salarié, il lui appartenait de licencier Madame Karine X... s'il considérait que Madame Karine X... était absente de façon fautive ; l'erreur commise à un moment donné sur l'étendue de ses droits en ne réclamant le paiement des salaires que jusqu'au mois d'août 2010 ne saurait valider la prétendue démission et ce d'autant qu'il résulte des renseignements de l'URSSAF que le nom de Madame Karine X... apparaît sur les déclarations annuelles des données sociales des années 2009 à 2012, qu'elle est donc toujours présente à l'effectif de la SARL AGENCE FRANCO EUROPEENNE.

Le défaut de reprise du paiement des salaires à défaut de licenciement ou de tentative de reclassement justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur qui équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec ses conséquences de droit ; cependant, il convient de rouvrir les débats pour permettre aux parties de conclure sur la date de la rupture au vu des notes produites en délibéré » ;

1. Alors que, d'une part, la démission claire et non équivoque du salarié emporte rupture du contrat de travail et rend, en conséquence, sans objet l'action en résiliation judiciaire que celui-ci a éventuellement introduite auparavant ; que manifeste une telle volonté claire et non équivoque de démissionner le salarié qui quitte l'entreprise et entre au service d'un nouvel employeur ; qu'en l'espèce, il a été établi que Mme X... avait quitté la société AGENCE FRANCO EUROPEENNE et était entrée au service d'une autre entreprise à compter du 2 mai 2011, soit avant même que la juridiction prud'homale ait statué sur sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail ; qu'en rouvrant les débats avant de statuer sur la date exacte de la rupture du contrat de travail au vu de cette seule circonstance spécifique, la Cour d'appel a nécessairement considéré que ledit contrat avait été rompu par la démarche unilatérale de la salariée, ce qui ne pouvait s'analyser qu'en une démission ; que, partant, la demande en résiliation que Mme X... avait introduite avant cette rupture était nécessairement devenue sans objet, de sorte qu'en ayant tout de même prononcé la résiliation du contrat de travail, la Cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1237-1 du Code du Travail ;

2. Alors que, d'autre part et à tout le moins, sauf à violer ces mêmes dispositions, la Cour d'appel ne pouvait prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et, dans le même temps, surseoir à statuer sur la date de sa rupture au vu d'éléments desquels il s'évinçait qu'avant que la juridiction prud'homale ait statué sur la demande en résiliation introduite par Mme X..., cette dernière avait déjà unilatéralement mis fin à ce contrat en étant entrée au service d'une autre entreprise.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société AGENCE FRANCO EUROPEENNE au paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

Aux motifs que : « selon les dispositions de l'article L. 1154-1 « Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1553-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments pris dans leur ensemble, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »

Madame Karine X... a été en arrêt maladie à compter du 18 décembre 2008 pour un état dépressif réactionnel, son médecin traitant a fait le 20 janvier 2010 un historique du suivi de la salariée aux termes duquel il indique qu'il a observé dès le 19 novembre 2002, un stress professionnel avec des manifestations d'angoisse, de pleurs, de troubles du sommeil dans un contexte d'ambiance dégradée au travail et à compter du mois de décembre 2004, il a dû instaurer un traitement antidépresseur à raison du harcèlement dont elle se plaignait ; elle produit de très nombreux certificats médicaux du docteur Z..., psychiatre, qui la suivait depuis décembre 2008 sur son état.

Madame Karine X... produit le mémoire déposé par le Ministère du Travail devant le Tribunal Administratif de Pau dans le cadre du recours contentieux ouvert par l'employeur à l'encontre de l'avis d'inaptitude duquel il ressort que lors de l'enquête Madame A...s'est montrée plutôt agressive à l'égard de Madame Karine X..., faisant de nombreuses digressions et usant d'un vocabulaire très familier pour parler de l'état de santé de sa salariée et dans le cadre des éléments de contexte, il indiquait que « la SARL AGENCE FRANCO EUROPEENNE est une agence immobilière qui est gérée sans partage et avec autorité par Madame Eliette A.... Sa gestion s'apparente parfois à du « paternalisme » et son autorité ne se limite pas aux seules relations de travail et va au-delà, jusqu'à des commentaires sur la vie privée de ses salariés … Madame A...a abordé de son propre chef des aspects qui relevaient strictement de la vie privée de Madame Karine X... (ses loisirs, ses relations) … les mouvements de personnel très nombreux et montrent une grande difficulté à fidéliser les salariés et assurer une stabilité qui est le signe en général des entreprises qui se portent économiquement bien et dans lesquelles les salariés trouvent de bonnes conditions de travail … ».

Madame Karine X... est restée la seule salariée de l'entreprise avec une charge de travail particulièrement éprouvante, elle produit les attestations de :

Monsieur Joël B...ancien négociateur de la SARL AGENCE FRANCO EUROPEENNE précise que : « Madame A...était d'une exigence peu commune et les difficultés financières dues à une gestion négative la rendaient franchement désagréable, nous culpabilisant sans cesse, faisant régner un climat tendu en nous divisant tous par des réflexions systématiques à l'égard de la vie privée de chacun … Dans un climat de dénigrement systématique … Avant mon licenciement j'ai pu constater une dégradation de son état de santé, perte de poids, douleurs cervicales et dorsales quotidiennes, fatigue … ».

Monsieur Mickaël C..., en BTS formation immobilière en alternance dans l'entreprise, atteste : « … Le plus souvent Madame A...était désagréable lorsqu'elle parlait à Madame Karine X... alors que Karine était rigoureuse dans son travail, que le jour du licenciement de tous les négociateurs, elle a forcé Karine à aller sur le terrain à prospecter, faire la rentrée des mandats, les visites avec les clients et lorsqu'elle rentrait à l'agence en fin de journée, Madame A...lui intimait l'ordre de rattraper l'administratif … Je voyais bien que l'état de santé moral et physique de Madame Karine X... se dégradait de plus en plus … Il est vrai que parfois je surprenais Madame Karine X... en pleurs … Les prolongations d'arrêt arrivaient à l'agence et Madame A...disait que tout ça n'était que de la comédie … ».

Madame Julie D..., ancienne collègue de travail, atteste : « … Dès mon arrivée et tout au long de mon activité au sein de la SARL AGENCE FRANCO EUROPEENNE, soit un an et deux mois, j'ai pu constater que les comportements irrespectueux et incorrects de la part de Madame A..., directrice de l'agence, envers ses employés, notamment à l'égard de Madame Karine X... … Lors de l'arrêt de Madame Karine X..., j'ai été profondément choquée par les propos tenus par la directrice. Je me souviens clairement que Madame A...traversait l'agence en s'évertuant à répéter haut et fort « Karine est une bonne à rien » ou encore « Karine est une incapable » … Par ailleurs, Madame A...appelait Madame Karine X... par téléphone régulièrement, j'ai même entendu … « Qu'elle l'attendait de pied ferme sur un ton plus qu'agressif ». L'insistance dont faisait preuve Madame A...en renouvelant ses appels téléphoniques laissait comprendre que ce n'était pas pour prendre des nouvelles de sa santé, de plus la directrice a ordonné en ma présence à certains des commerciaux de l'agence de rendre visite à Madame Karine X... pour vérifier que celle-ci se trouvait bien à son domicile … Et surtout lui intimer l'ordre qu'elle reprenne son activité immédiatement … A partir de cette période, Madame A...a fait subir à Madame Karine X... un véritable enfer, la surchargeant de travail, lui tenant des propos insultants et humiliants en présence de ses collègues et des clients dont voici quelques réflexions dont je me souviens : « vous êtes incompétente, vous ne savez pas travailler, vous ne faîtes que des conneries, vous êtes nulle ma pauvre fille, et des secrétaires comme vous à l'ANPE j'en trouve à la pelle » et j'en passe, elle lui aboyait dessus, elle balançait le dossier que Madame Karine X... devait même ramasser par terre. C'était affligeant de voir un tel spectacle … Cette dernière rétorquait sans faillir « je fais des gens ce que je veux et la porte vous est grande ouverte » … Elle se plaisait aussi de raconter à ses employés des faits de la vie privée … En plus de ses remarques très personnelles, elle se permet également d'exprimer des commentaires plus blessants encore tels que « eh bien vous avez bien grossi » … J'ajouterai enfin que Madame A...allait jusqu'à s'asseoir sur le bureau du secrétariat en fumant ses cigarettes et rejetait sa fumée de cigarette sur le visage de Madame Karine X... qui est non-fumeuse. ».

Monsieur François E..., ancien négociateur immobilier, évoque le ton agressif et autoritaire qu'employait Madame A...en particulier avec Madame Karine X..., la charge de travail énorme qui lui était imposée, le fait que pendant le salon de l'immobilier, il la voyait partir souvent après 21 h, qu'elle devait être entièrement disponible pour l'entreprise, que tous les salariés avaient bien vu que Madame Karine X... était exténuée « nous avons bien vu qu'elle était à bout » ;

il confirme par ailleurs, l'attitude de Madame A...lors de l'arrêt de travail de la salariée et lors de la reprise de cette dernière : « elle n'hésitait pas à lui parler mal et à la rabaisser devant tout le monde … ».

Madame F..., ancienne conseillère immobilière, confirme les dires des autres salariés dans une attestation détaillée.

Madame Karine X... produit un mot signé de Madame A...dont les salarié ont pris connaissance et ont contresigné « vous avez raison ! Il faut l'avoir sous la main pour essuyer ce que vous êtes un TAS DE M … ».

Madame Karine X... produit le procès-verbal d'audition à la suite de la plainte contre X qu'elle a déposée le 10 août 2009 pour harcèlement téléphonique et appels malveillants sans que le numéro puisse être identifié car les appels étaient masqués, elle précise que les appels ont commencé le 19 mai 2009 lorsqu'elle a été déclarée inapte à tous les postes par la médecine du travail, elle a indiqué enfin que le dernier appel du 8 août 2009 à 16 h 38 disait : « je vais te niquer ou tu me fais une pipe » ; elle s'est à nouveau présentée à la police le 11 septembre 2009 pour signaler les appels insultants reçus au cours du mois d'août, le numéro identifié s'est révélé être celui de Monsieur Y...qui avait été embauché à compter du mois de mai 2009, à la suite de quoi le Procureur a ordonné un rappel à la loi qui été notifié à ce dernier le 24 novembre 2009.

Les faits de harcèlement répétés sont avérés, ils ont porté atteinte à la dignité de Madame Karine X... et altéré sa santé physique et mentale, il convient de réparer le préjudice subi par cette dernière en lui allouant la somme de 15. 000 € à ce titre » ;

1. Alors que, d'une part, lorsque le salarié présente des éléments de fait établissant, selon lui, l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un tel harcèlement et, dans l'affirmative, il appartient, alors, à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, en se bornant à analyser les seuls éléments présentés par la salariée pour retenir que le harcèlement qu'elle alléguait était constitué sans rechercher si l'employeur, quant à lui, ne prouvait pas que les agissements litigieux n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la Cour d'appel a procédé à un examen incomplet et a méconnu les règles de preuve applicables en matière de harcèlement, en violation de l'article L. 1154-1 du Code du Travail, par refus d'application, ensemble l'article 1315 du Code civil ;

2. Alors que, d'autre part et en tout état de cause, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en l'espèce, en fondant la condamnation de l'employeur sur la circonstance spécifique tirée du harcèlement téléphonique et des appels malveillants dont Mme X... avait été victime quand ces agissements, commis par M. Y..., étaient en lien avec la vie privée et intime de Mme X... et qu'ils étaient étrangers à sa vie professionnelle, à l'exécution de son contrat de travail et à ses conditions de travail, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 1152-1 du Code du Travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-15751
Date de la décision : 07/07/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 13 février 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 jui. 2016, pourvoi n°14-15751


Composition du Tribunal
Président : M. Mallard (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.15751
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