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06/07/2016 | FRANCE | N°15-19832

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 06 juillet 2016, 15-19832


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 avril 2015, n° 62/ 2015), que la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel a supprimé le monopole des avoués, procédé notamment à leur intégration dans la profession d'avocat et fixé les règles et la procédure d'indemnisation applicables ; que la société civile professionnelle Jean-Marc X... et Yves Y..., précédemment titulaire d'un office d'avoué près la cour d'appel

de Dijon, en liquidation amiable (la SCP), a saisi le juge de l'expropriation en p...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 avril 2015, n° 62/ 2015), que la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel a supprimé le monopole des avoués, procédé notamment à leur intégration dans la profession d'avocat et fixé les règles et la procédure d'indemnisation applicables ; que la société civile professionnelle Jean-Marc X... et Yves Y..., précédemment titulaire d'un office d'avoué près la cour d'appel de Dijon, en liquidation amiable (la SCP), a saisi le juge de l'expropriation en paiement d'une indemnité de remploi ;

Attendu que la SCP fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que l'indemnité de remploi est celle qu'un propriétaire exproprié est en droit d'obtenir pour compenser les frais qu'il aurait à supporter pour l'achat d'un bien équivalent destiné à remplacer celui dont il est dessaisi ; que l'indemnité de remploi au versement de laquelle les
avoués peuvent prétendre à raison de la suppression de leur profession n'a pas le même objet que l'indemnité ayant vocation à indemniser la perte du droit de présentation elle-même, cette dernière prenant la forme d'un capital correspondant à la valeur du droit de présentation ; qu'en l'espèce, la SCP rappelait que le Fonds d'indemnisation de la profession d'avoué lui avait communiqué une offre d'indemnisation d'un montant de 767 607 euros pour indemniser la seule perte du droit de présentation, de 13 443 euros pour les frais liés à la mise en place de contrats de sécurisation professionnelle, de 16 052 euros pour les frais d'archivage supportés par elle, et de 9 600 euros pour les « conséquences financières d'impératifs d'assurance et de participation aux coûts de gestion de la Chambre nationale des avoués » ; que la SCP demandait au juge de l'expropriation le versement d'une indemnité de remploi, destinée à réparer un préjudice distinct et supplémentaire qui n'était pas visé par l'offre qu'elle avait acceptée ; qu'en déclarant l'action de la SCP irrecevable au motif qu'en acceptant l'offre émise par le Fonds, elle avait renoncé à contester « le montant de l'indemnisation du droit de présentation » et à revendiquer le versement d'« un complément d'indemnisation du droit de présentation », quand celle-ci ne demandait pas à la cour d'appel de réévaluer le montant de l'indemnisation du droit de présentation ni le versement d'un complément d'indemnisation du droit de présentation, mais demandait le versement d'une indemnité distincte au paiement de laquelle elle n'avait en aucun cas renoncé, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 322-5 du code de l'expropriation ;

2°/ que toute renonciation à un droit ne peut résulter que d'une manifestation de volonté expresse et dépourvue d'équivoque ; qu'en l'espèce, la SCP rappelait que le Fonds d'indemnisation de la profession d'avoué lui avait communiqué une offre d'indemnisation d'un montant de 767 607 euros pour indemniser la seule perte du droit de présentation, de 13 443 euros pour les frais liés à la mise en place de contrats de sécurisation professionnelle, de 16 052 euros pour les frais d'archivage supportés par elle, et de 9 600 euros pour les « conséquences financières d'impératifs d'assurance et de participation aux coûts de gestion de la Chambre nationale des avoués » ; qu'elle demandait au juge de l'expropriation le versement d'une indemnité de remploi, destinée à réparer un préjudice distinct et supplémentaire dont la réparation n'avait pas été visée dans l'offre d'indemnisation ; qu'en déclarant la SCP irrecevable en ses demandes indemnitaires, aux seuls motifs que celle-ci avait formé une demande d'indemnisation auprès du Fonds puis avait « accepté expressément et sans réserve l'offre d'indemnisation du droit de présentation présentée par la commission d'indemnisation », alors que l'acceptation d'une offre émise par le Fonds d'indemnisation relativement à la réparation de certains postes de préjudices précisément identifiés ne saurait à elle seule valoir, à raison de son caractère équivoque, renonciation, de la part de l'acceptant, à son droit de revendiquer le versement d'indemnités distinctes qui n'auraient pas été visées par l'offre d'indemnisation, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser la renonciation expresse et non équivoque de la SCP au versement d'une indemnité de remploi, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 du code civil, 13 de la loi du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel, ensemble l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que l'offre d'indemnisation formulée par le Fonds, qui était produite aux débats, proposait l'allocation d'une indemnité de 767 607 euros au titre de la perte du droit de présentation elle-même, d'une indemnité de 13 443 euros au titre des frais liés à la mise en place de contrats de sécurisation professionnelle, d'une indemnité de 16 052 euros au titre des frais d'archivage supportés par la SCP, et d'une indemnité de 9 600 euros au titre des « conséquences financières d'impératifs d'assurance et de participation aux coûts de gestion de la Chambre nationale des avoués » ; que dans son courrier du 23 mars 2012, la SCP a indiqué accepter expressément cette offre d'indemnisation, sans jamais renoncer, de façon expresse, à la réparation de préjudices qui n'auraient pas été visés par celle-ci ; qu'en se fondant sur ce courrier pour estimer que la SCP avait renoncé, sans équivoque, au versement d'une indemnité de remploi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

4°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; qu'en l'espèce, l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 a ouvert aux avoués la faculté de saisir le juge de l'expropriation afin de statuer sur les demandes d'indemnisation qui seraient dirigées contre le Fonds d'indemnisation de la profession d'avoué ; qu'en estimant que le seul constat de ce que l'avoué aurait, après avoir formulé une demande d'indemnisation, accepté « l'indemnisation du droit de présentation » proposée par le Fonds suffirait à rendre irrecevable toute action tendant, comme en l'espèce, au versement d'une indemnité distincte, la cour d'appel a privé la SCP de son droit d'accès au juge et violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 62, alinéa 3, de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ; que, selon l'article 13, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 2011, les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation ; qu'en revanche, il résulte de la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-624 du 20 janvier 2011, que le préjudice de carrière, le préjudice économique et les préjudices accessoires, toutes causes confondues, initialement prévus à l'article 13 précité, étant sans lien direct avec la nature des fonctions d'officier ministériel supprimées et dépourvus de caractère certain, ne peuvent être indemnisés sans que soit méconnue l'exigence de bon emploi des deniers publics et créée une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

Qu'il en résulte que le préjudice invoqué par la SCP au titre du remploi, en sus de l'indemnisation du préjudice résultant de la perte du droit de présentation par elle acceptée, n'est pas indemnisable ; que, par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société civile professionnelle Jean-Marc X... et Yves Y... et M. X..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Jean-Marc X... et Yves Y... et M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la SCP Jean Marc X... et Yves Y... à demander « un complément d'indemnisation », d'AVOIR dit que chaque partie conserverait à sa charge les frais irrépétibles exposés et dit que la SCP Jean Marc X... et Yves Y... supportera les entiers dépens,

AUX MOTIFS QUE « les avoués ont été institués par les décrets des 29 janvier et 20 mars 1791 pour représenter en justice les parties à un procès, après la suppression des charges des procureurs royaux dont le ministère était obligatoire depuis 1620 ; qu'ils ont été supprimés en même temps que les avocats par le décret du 24 octobre 1793, avant d'être rétablis par la loi du 18 mars 1800 près les juridictions de première instance, d'appel et de cassation, qui leur attribue un monopole de la postulation, tant en matière civile que pénale, l'Etat fixant leur nombre et leur rémunération ; Que la loi du 18 février 1801 a supprimé la spécialité d'avoué près les tribunaux criminels ; qu'après le rétablissement, également en 1800, de la profession d'avocat, celui-ci étant en charge de la plaidoirie, l'avoué a conservé le monopole de la postulation et du dépôt des conclusions ; que la profession d'avoué a été scindée en celle d'avoué au tribunal et d'avoué à la cour d'appel ; Que la loi du 28 avril 1816 a consacré la patrimonialité des offices, les avoués étant autorisés à présenter un successeur au roi puis au garde des Sceaux, pourvu qu'il réunisse les qualités ; que ce système a été maintenu, le titulaire de l'office, officier ministériel, jouissant ainsi d'un droit de présentation de son successeur, un traité étant conclu avec celui-ci, fixant un prix de cession, soumis à l'agrément de la Chancellerie ; Que la patrimonialité des offices d'avoué a été supprimée dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, après la guerre de 1870, sans avoir été rétablie après 1918, les lois du 20 février 1922 et 29 juillet 1928 définissant seulement un régime de postulation spécifique, où les avocats doivent choisir de postuler devant le tribunal de grande instance ou devant la cour d'appel ; Que les offices d'avoué au tribunal de grande instance et ceux d'avoués près les cours d'appel dans les départements d'outre-mer ont été supprimés par la loi du 31 décembre 1971, les anciens avoués devenant avocats ; Que les avoués à la cour d'appel ont conservé le monopole de la postulation devant les cours d'appel dans les procédures où la représentation est obligatoire, soit la majorité du contentieux civil, à l'exclusion notable des affaires portées devant les chambres sociales des cours d'appel ; qu'ils peuvent en outre exercer une activité hors monopole de consultation juridique, de rédaction d'actes sous seing privé, de représentation et de plaidoirie dans des contentieux judiciaires ou administratifs où la représentation n'est pas obligatoire ; Que les avocats, s'ils avaient la possibilité de plaider partout en France, ne pouvaient postuler que devant le tribunal de grande instance dont dépendait leur barreau d'inscription (les avocats des barreaux de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil pouvant eux postuler devant tous ces tribunaux de grande instance, issus de l'ancien tribunal de la Seine) ; Que les avoués percevaient pour leur activité monopolistique des émoluments tarifés, selon un tarif fixé par le décret du 30 juillet 1980, modifié en 1984, puis en 2003 ; Qu'à la suite des rapports au Président de la République présentés par MM. Z... (2008) et A... (2009), remettant en cause le bien-fondé de la dualité d'intervention de l'avoué et de l'avocat, en cause d'appel et compte tenu de la directive 2006/ 123 relative aux services dans le marché intérieur (directive « services »), un projet de loi a été élaboré, intégrant les avoués dans la profession d'avocat en les inscrivant au barreau près du tribunal de grande instance dans le ressort duquel leur office est situé, avec possibilité de renoncer à devenir avocat ou de choisir un autre barreau ; que, corrélativement, l'activité des avocats a été étendue à la postulation devant la cour d'appel, le tarif de postulation en cause d'appel étant supprimé ; Que le projet initial prévoyait seulement une indemnisation du droit de présentation des avoués correspondant aux deux tiers de la valeur de la charge, qui sera portée par l'Assemblée nationale à la totalité de cette valeur, le Sénat ajoutant ensuite l'indemnisation des préjudices de carrière, économique, accessoires et désignant le juge de l'expropriation de Paris pour fixer cette indemnisation en cas de désaccord des avoués sur les propositions à eux faites par une commission chargée de statuer sur leurs demandes ; Que sur le recours de 82 sénateurs, contestant notamment, d'une part, les modalités de l'indemnisation des avoués prévues par la loi déférée, en ce qu'elle n'était pas préalable à la suppression de cette profession, d'autre part, le régime fiscal de cette indemnisation, le Conseil constitutionnel a rejeté ces contestations et, se saisissant d'office, a notamment considéré que le préjudice de carrière était inexistant pour un avoué, que le préjudice économique et les préjudices accessoires toutes causes confondues étaient purement éventuels, compte tenu des activités qu'ils pouvaient continuer d'exercer et qu'en prévoyant l'allocation d'indemnités correspondant à ces préjudices, les dispositions de l'article 13 de la loi déférée avaient méconnu l'exigence de bon emploi des deniers publics et créé une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; Qu'en conséquence l'article 13 de la loi déférée, ainsi libellé initialement : « les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L13-1 à L13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer, en tenant compte de leur âge, la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi... » a été privé par la décision n º 2010-624 DC du 20 janvier 2011 des mots « du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues », de même que des mots « en tenant compte de leur âge » ; Sur la recevabilité des demandes d'indemnisation présentées par la SCP Jean-Marc X... et Yves Y... que l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011dispose que les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi. L'indemnité est versée par le fonds d'indemnisation prévu à l'article 19. Par dérogation aux règles de compétence territoriale, le juge de l'expropriation compétent est celui du tribunal de grande instance de Paris. Dans un délai de trois mois suivant la cessation de l'activité d'avoué près les cours d'appel et au plus tard le 31 mars 2012, la commission prévue à l'article 16 notifie à l'avoué le montant de son offre d'indemnisation. En cas d'acceptation de l'offre par l'avoué, l'indemnité correspondante est versée à l'avoué dans un délai d'un mois à compter de cette acceptation ; Que la SCP Jean-Marc X... et Yves Y... a adressé à la commission d'indemnisation un mémoire chiffrant ce qu'elle estimait être le montant de l'indemnisation de son droit de présentation ; Que, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 mars 2012, ses deux associés ont déclaré accepter expressément et sans réserve l'offre d'indemnisation du droit de présentation, présentée par la commission d'indemnisation ; Qu'il s'ensuit que la SCP Jean-Marc X... et Yves Y..., par cette acceptation sans réserve, a nécessairement renoncé à contester le montant de l'indemnisation du droit de présentation ; En conséquence que cette SCP n'est plus recevable à venir réclamer un complément d'indemnisation de ce droit de présentation ; Qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement ; Qu'il apparaît équitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles exposés ; qu'en revanche, la SCP Jean-Marc X... et Yves Y... supportera les entiers dépens » ;

1°/ ALORS QUE l'indemnité de remploi est celle qu'un propriétaire exproprié est en droit d'obtenir pour compenser les frais qu'il aurait à supporter pour l'achat d'un bien équivalent destiné à remplacer celui dont il est dessaisi ; que l'indemnité de remploi au versement de laquelle les avoués peuvent prétendre à raison de la suppression de leur profession n'a pas le même objet que l'indemnité ayant vocation à indemniser la perte du droit de présentation elle-même, cette dernière prenant la forme d'un capital correspondant à la valeur du droit de présentation ; qu'en l'espèce, la SCP Jean Marc X... et Yves Y... rappelait que le fonds d'indemnisation de la profession d'avoué lui avait communiqué une offre d'indemnisation d'un montant de 767. 607 euros pour indemniser la seule perte du droit de présentation, de 13. 443 euros pour les frais liés à la mise en place de contrats de sécurisation professionnelle, de 16. 052 euros pour les frais d'archivage supportés par elle, et de 9. 600 euros pour les « conséquences financières d'impératifs d'assurance et de participation aux coûts de gestion de la Chambre nationale des avoués » (conclusions, p. 3) ; que la SCP demandait au juge de l'expropriation le versement d'une indemnité de remploi, destinée à réparer un préjudice distinct et supplémentaire qui n'était pas visé par l'offre qu'elle avait acceptée ; qu'en déclarant l'action de la SCP irrecevable au motif qu'en acceptant l'offre émise par le fonds, elle avait renoncé à contester « le montant de l'indemnisation du droit de présentation » et à revendiquer le versement d'« un complément d'indemnisation du droit de présentation », quand celle-ci ne demandait pas à la Cour d'appel de réévaluer le montant de l'indemnisation du droit de présentation ni le versement d'un complément d'indemnisation du droit de présentation, mais demandait le versement d'une indemnité distincte au paiement de laquelle elle n'avait en aucun cas renoncé, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 322-5 du code de l'expropriation ;

2°/ ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE toute renonciation à un droit ne peut résulter que d'une manifestation de volonté expresse et dépourvue d'équivoque ; qu'en l'espèce, la SCP Jean Marc X... et Yves Y... rappelait que le fonds d'indemnisation de la profession d'avoués lui avait communiqué une offre d'indemnisation d'un montant de 767. 607 euros pour indemniser la seule perte du droit de présentation, de 13. 443 euros pour les frais liés à la mise en place de contrats de sécurisation professionnelle, de 16. 052 euros pour les frais d'archivage supportés par elle, et de 9. 600 euros pour les « conséquences financières d'impératifs d'assurance et de participation aux coûts de gestion de la Chambre nationale des avoués » (conclusions, p. 3) ; qu'elle demandait au juge de l'expropriation le versement d'une indemnité de remploi, destinée à réparer un préjudice distinct et supplémentaire dont la réparation n'avait pas été visée dans l'offre d'indemnisation ; qu'en déclarant la SCP irrecevable en ses demandes indemnitaires, aux seuls motifs que celle-ci avait formé une demande d'indemnisation auprès du fonds puis avait « accepté expressément et sans réserve l'offre d'indemnisation du droit de présentation présentée par la commission d'indemnisation », alors que l'acceptation d'une offre émise par le fonds d'indemnisation relativement à la réparation de certains postes de préjudices précisément identifiés ne saurait à elle seule valoir, à raison de son caractère équivoque, renonciation, de la part de l'acceptant, à son droit de revendiquer le versement d'indemnités distinctes qui n'auraient pas été visées par l'offre d'indemnisation, la Cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser la renonciation expresse et non équivoque de la SCP au versement d'une indemnité de remploi, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 du code civil, 13 de la loi du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les Cours d'appel, ensemble l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ;

3°/ ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE l'offre d'indemnisation formulée par le fonds, qui était produite aux débats, proposait l'allocation d'une indemnité de 767. 607 euros au titre de la perte du droit de présentation elle-même, d'une indemnité de 13. 443 euros au titre des frais liés à la mise en place de contrats de sécurisation professionnelle, d'une indemnité de 16. 052 euros au titre des frais d'archivage supportés par la SCP Jean Marc X... et Yves Y..., et d'une indemnité de 9. 600 euros au titre des « conséquences financières d'impératifs d'assurance et de participation aux coûts de gestion de la Chambre nationale des avoués » ; que dans son courrier du 23 mars 2012, la SCP Jean Marc X... et Yves Y... a indiqué accepter expressément cette offre d'indemnisation, sans jamais renoncer, de façon expresse, à la réparation de préjudices qui n'auraient pas été visés par celle-ci ; qu'en se fondant sur ce courrier pour estimer que la SCP avait renoncé, sans équivoque, au versement d'une indemnité de remploi, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

4°/ ALORS ENFIN QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; qu'en l'espèce, l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 a ouvert aux avoués la faculté de saisir le juge de l'expropriation afin de statuer sur les demandes d'indemnisation qui seraient dirigées contre le fonds d'indemnisation de la profession d'avoués ; qu'en estimant que le seul constat de ce que l'avoué aurait, après avoir formulé une demande d'indemnisation, accepté « l'indemnisation du droit de présentation » proposée par le fonds suffirait à rendre irrecevable toute action tendant, comme en l'espèce, au versement d'une indemnité distincte, la Cour d'appel a privé la SCP Jean Marc X... et Yves Y... de son droit d'accès au juge et violé l'article 6 § 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-19832
Date de la décision : 06/07/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 avril 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 06 jui. 2016, pourvoi n°15-19832


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.19832
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