LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, qui est recevable :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ayant confié à la société Broquet-Depondt et associés, devenue la société IFL avocats (l'avocat), la défense de ses intérêts dans un litige commercial, la société Codix compagnie de distribution informatique expert (la société), ultérieurement condamnée dans ce litige, a assigné l'avocat en responsabilité et en paiement de diverses sommes ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande de la société relative au remboursement des honoraires versés à l'avocat, l'arrêt énonce, après avoir retenu que la faute commise par ce dernier dans la défense de sa cliente était sans lien avec sa condamnation dans le litige commercial, que, conformément aux dispositions des articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 organisant la profession d'avocat, le tribunal de grande instance n'est pas compétent pour statuer sur cette demande laquelle doit s'analyser en une contestation d'honoraires relevant du bâtonnier de l'ordre, ou, en cas de recours, du premier président ;
Qu'en statuant ainsi, alors que cette demande avait pour objet la réparation d'un préjudice constitué par le versement inutile d'honoraires en raison d'une faute de l'avocat et non la vérification des honoraires de celui-ci, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de la société Compagnie de distribution informatique expert relative au remboursement des honoraires versés à la SCP Broquet-Depondt et associés, l'arrêt rendu le 31 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société IFL avocats aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Codix compagnie de distribution informatique expert la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat aux Conseils, pour la société Codix compagnie de distribution informatique expert
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable la demande de la société Codix, cliente, relative au remboursement des honoraires versés à la SCP Boquet Depondt Associés (nouvellement dénommée IFL Avocats), avocat, et débouté la cliente de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il suffisait de procéder à une lecture exhaustive de l'arrêt de la cour en date du 11 septembre 2009, dont les mentions n'étaient nullement contestées et dont l'appelant estimait qu'il avait fait une juste application du code de procédure pour établir que les parties avaient été averties le 3 décembre 2008 que la clôture interviendrait le 12 mai 2009 ; que Codix avait conclu le 11 mai 2009, Alix le 22 mai 2009 et Codix à nouveau le 10 juin 2009 ; que la cour d'appel avait rejeté les conclusions du 11 mai 2009, déposées et signifiées la veille de l'ordonnance de clôture et comportant 77 pages, ce qui interdisait une lecture et un examen serein et portait atteinte au principe du contradictoire ; que la cour d'appel avait aussi rejeté toutes les conclusions déposées après l'ordonnance de clôture (page 10 de ses motivations), c'est-à-dire aussi bien celle de Codix du 10 juin 2009 que celles d'Alix du 22 mai ; que la cour d'appel s'est donc rabattue sur les conclusions de Codix en date du 5 mai 2009, qui « repren[ai]ent pour l'essentiel les écritures déposées le 29 septembre 2008, l'élément nouveau étant l'abandon par les appelantes de l'exception d'incompétence qu'elles avaient soulevée à nouveau » ; que cette similitude n'était nullement contestée, la cour corroborant cette affirmation par un examen comparé des conclusions du 5 mai 2009 de Codix, retenues par le premier juge, et de la pièce 20 de l'appelant dans le présent débat, intitulée « comparaison sous traitement de texte des conclusions du 25 juillet 2007 et du 5 mai 2009 », formule qui portait en soi quelque interrogation ; mais qu'en toute hypothèse, il n'était donc ni véritablement soutenu ni a fortiori démontré que les conclusions du 5 mai 2009, sur lesquelles la cour d'appel avait fondé sa décision, divergeaient de celles antérieures, ou même de celles du 11 mai ou de celles postérieures à l'ordonnance de clôture, avec notamment le même nombre de pages à 77 et le même dispositif des conclusions dont, fallait-il le rappeler, il énonçait les seules prétentions sur lesquelles la cour devait statuer (article 954 du code de procédure civile) ; que ces premiers motifs recentraient le débat sur le nombre de pièces communiquées avant l'ordonnance de clôture, étant suffisamment démontré par les bordereaux de pièces communiquées qu'au 5 mai 2009, date des dernières conclusions acceptées par la cour d'appel, la pièce 97 n'en faisait pas partie, le bordereau en faisant mention étant en date du 13 mai 2009 ; que la communication dans de telles conditions d'une pièce reçue au plus tard le 30 avril constituait une faute, référence faite à une obligation de diligences normales exigibles de l'avocat, qui ne pouvait ignorer le risque qu'il prenait en ne transmettant cette pièce à l'avoué que le 6 mai, étant précisé par ailleurs que ni le 2 mai, ni le 4 et le 5 mai n'étaient des jours fériés, et que la carence éventuelle de l'avoué n'était pas de nature à exonérer l'avocat, parfaitement informé de la prévisible sanction que le juge appliquerait, non seulement pour atteinte au contradictoire s'agissant des conclusions du 11 mai, mais aussi pour cause d'irrecevabilité s'agissant de la communication d'une pièce après ordonnance de clôture ; mais qu'il convenait à ce stade d'examiner le lien direct entre cette faute stricto sensu et le dommage qui en serait résulté pour Codix, à savoir la perte du procès par prononcé de condamnations à son encontre, eussent-elles été inférieures à celles retenues en premier ressort ; que dans le présent débat, l'appelant ne versait pas les conclusions du 11 mai 2009 rejetées par la cour d'appel, la démonstration n'étant donc nullement faite d'éléments nouveaux contenus à ces conclusions, susceptibles d'influer sur la décision finale de la cour d'appel et permettant donc de retenir un lien direct entre le rejet de ces conclusions et la teneur de la décision de la cour d'appel ; que, s'agissant du rejet de la pièce 97, cette pièce résultait d'une mise en contemplation pure et simple des conclusions de la société Alix en date du 12 février 2009, dernières conclusions retenues par la cour d'appel, et de commentaires, page par page, dont il était évident qu'ils émanaient du gérant de la société Codix ; que l'on pouvait insister à loisir sur le travail du gérant nécessité par ces commentaires, et sur la facturation à laquelle avait donné lieu la mise en forme et la production par l'avocat de cette pièce, toutes considérations dont la cour ne mettait pas en doute la bonne foi, la difficulté majeure consistant à affirmer que les commentaires du gérant d'une société, elle-même partie au procès, sur de multiples points des conclusions adverses, étaient de nature à influer sur la décision finale de la juridiction ; qu'à l'évidence et en toute hypothèse, la cour d'appel n'avait pu se pencher, s'agissant d'une matière où les conclusions écrites sont obligatoires, que sur ses conclusions et les pièces de fond régulièrement communiquées, et non pas sur des commentaires nécessairement orientés du dirigeant social d'une partie au procès à propos des conclusions adverses ; qu'ainsi, et même à supposer franchi cet obstacle conceptuel majeur, l'appelante procédait par affirmations s'agissant de l'importance de la pièce 97, en se livrant en quelque sorte à une réévaluation de ce qu'aurait pu être une décision d'appel, si cette pièce avait permis à la cour de bien juger, c'est-à-dire selon l'appelante de débouter la société Alix ; mais qu'en droit, la présente cour n'était pas saisie d'un examen rétrospectif du litige Codix Alix, à la lumière des commentaires contenus à la pièce 97, mais de la seule perte de chance d'une décision plus favorable, si cette pièce avait été soumise au premier juge ; et qu'à cet égard, à la lecture de l'arrêt, les juges avaient fondé leur conviction sur des rapports techniques et sur deux expertises judiciaires, ainsi que sur une absence de démonstration par Codix de son respect de son obligation de résultat en tant que vendeur et éditeur de logiciels, et de son obligation de moyens en termes de maintenance ; que la cour, en conclusion, et au-delà de la portée probatoire toute relative des seuls commentaires d'une partie sur les conclusions adverses, estimait que la démonstration n'était nullement rapportée d'une perte de chance raisonnable pour Codix d'obtenir une décision de justice plus favorable dans le litige qui l'opposait à Alix, et qui était en lien direct avec le seul rejet des conclusions du 11 mai et de la pièce 97 telle que ci-dessus examinée dans sa véritable teneur et portée ; que cette analyse était d'ailleurs en germe dans l'ordonnance de référé en date du 9 février 2010 (arrêt, pp. 3 à 5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE concernant la demande de la société Codix au titre des honoraires facturés par la SCP Broquet Depondt Associés, conformément aux dispositions des articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 organisant la profession d'avocat, le tribunal de grande instance n'était pas compétent pour statuer sur une demande qui devait s'analyser en une contestation d'honoraires et qui relevait du bâtonnier de l'ordre, ou, en cas de recours, du premier président de la cour d'appel ; que cette demande serait, en conséquence, déclarée irrecevable (jugement, p. 6, § 5) ;
ALORS QU'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'honoraire de se prononcer sur une demande tendant à la réparation d'une faute professionnelle de l'avocat par voie d'allocation de dommages et intérêts ou de réduction du montant de ses honoraires ; qu'en retenant que le juge de l'honoraire aurait été seul compétent du chef de la demande de la cliente en paiement d'une somme correspondant aux honoraires facturés par l'avocat, cependant que cette demande ne relevait pas de la compétence de ce juge, puisqu'elle tendait, non à une contestation du montant des honoraires, mais à l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice tenant à ce que, l'avocat n'ayant pas assuré la recevabilité des conclusions et pièces de sa cliente par leur transmission à bonne date, c'était inutilement que des honoraires lui avaient été versés, la cour d'appel a violé l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;
ALORS, DE SURCROÎT, QU'en retenant que la demande concernée de la cliente devait s'analyser en une contestation d'honoraires, cependant qu'elle avait pour objet la réparation du préjudice tenant aux honoraires payés inutilement à l'avocat du fait de la faute de ce dernier, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et méconnu l'article 4 du code de procédure civile ;
ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions (§ 2.4, pp. 38 à 40) par lesquelles la cliente faisait valoir que les honoraires de son avocat avaient été exposés par elle inutilement, puisque la défaillance fautive de son avocat avait abouti à un rejet des débats de pièces (notamment la pièce n° 97) et de conclusions ayant pourtant donné lieu à facturation par celui-ci, et que ce paiement fait en vain constituait un chef de préjudice ouvrant droit à réparation, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du code de procédure civile.