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29/06/2016 | FRANCE | N°15-10473

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 juin 2016, 15-10473


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 novembre 2014), que la société Org'events et l'association Comité d'organisation des internationaux de tennis de Rennes (l'association) ont confié à la société d'expertise comptable Cocerto entreprise (la société Cocerto) la présentation annuelle de leurs comptes, avec assistance en matière fiscale ; que l'administration fiscale a notifié à la société Org'events et à l'association des propositions de rectification en matière d

'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), pour avoir omis...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 novembre 2014), que la société Org'events et l'association Comité d'organisation des internationaux de tennis de Rennes (l'association) ont confié à la société d'expertise comptable Cocerto entreprise (la société Cocerto) la présentation annuelle de leurs comptes, avec assistance en matière fiscale ; que l'administration fiscale a notifié à la société Org'events et à l'association des propositions de rectification en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), pour avoir omis le paiement de cette taxe sur certaines de leurs prestations ; qu'estimant que la société Cocerto, par ses manquements à son obligation de conseil, était responsable des redressements mis à leur charge, l'association et la société Org'events l'ont assignée en réparation ;

Attendu que la société Cocerto fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une indemnité pour perte de chance alors, selon le moyen :

1°/ que la perte d'une chance ne peut résulter que d'un événement futur et incertain et ne saurait pallier la carence du demandeur en réparation dans la preuve de son préjudice ; qu'en affirmant que la société Org'events et l'association Comité d'organisation des internationaux de tennis auraient subi un préjudice né de la perte d'une chance de récupérer la TVA auprès de leurs partenaires dont la disparition aurait été aléatoire, quand une telle disparition pouvait être établie de manière certaine en prouvant la situation des clients auprès desquels la TVA aurait dû être recouvrée, lors de l'intervention de l'expert-comptable et leur situation actuelle, et n'était donc affectée d'aucun aléa, de sorte qu'elle ne pouvait pallier la carence des deux demanderesses en réparation dans la preuve de l'impossibilité de la récupération de la TVA auprès de leurs partenaires en leur accordant la réparation de la perte d'une chance d'obtenir cette récupération, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ que le juge ne peut retenir l'existence d'un fait qui a été contesté par l'une des parties, sans viser les éléments de preuve sur lesquels il se fonde pour justifier son existence ; qu'en affirmant que la société Org'events et l'association Comité d'organisation des internationaux de tennis n'auraient pu récupérer la TVA auprès de leurs partenaires à hauteur de 28 513,73 euros, sans viser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait, quand la société Cocerto avait contesté ce fait en faisant valoir qu'« une telle impossibilité de recouvrer la TVA due auprès de leurs clients ne résulte de rien en l'espèce, l'association et la société Org'events n'en apportant pas la preuve, alors même qu'elles y sont tenues », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du code civil ;

3°/ qu'est seule causale la faute sans laquelle le préjudice allégué ne serait pas survenu ; qu'en affirmant que la société Org'events et l'association Comité d'organisation des internationaux de tennis auraient subi un préjudice né de la perte d'une chance de récupérer la TVA auprès de leurs partenaires à hauteur de 28 513,73 euros, sans rechercher si une partie de cette TVA ne pouvait, en toute hypothèse, être récupérée, même en l'absence de faute de la société Cocerto, dans la mesure où, comme les deux demanderesses en réparation le faisaient elles-mêmes valoir, une somme globale de 13 870,12 euros n'avait pas été récupérée du fait qu'elle avait été réclamée à des personnes morales de droit public, lesquelles n'étaient pas assujetties à la TVA et ne pouvaient donc, en tout état de cause, se voir facturer cette taxe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil et 256 B du code général des impôts ;

4°/ qu'un expert-comptable ne peut être condamné à indemniser un préjudice qui résulte d'une décision délibérée prise, à ses risques et périls, par le demandeur en réparation ; qu'en affirmant que la société Org'events et l'association Comité d'organisation des internationaux de tennis auraient subi un préjudice né de la perte d'une chance de récupérer la TVA auprès de leurs partenaires, sans rechercher si elles n'avaient pas eu la volonté délibérée de ne pas facturer cette taxe à leurs partenaires afin de les fidéliser en vue de prochaines manifestations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que sous le couvert des griefs infondés de violation de la loi et manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, du montant des sommes non recouvrées au titre de la TVA par la société Org'events et l'association ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt retient, par motifs non critiqués, que la société Cocerto a manqué à son devoir de conseil à l'égard de la société Org'events et de l'association en ne les avertissant pas des risques fiscaux que créait l'absence de facturation de TVA pour la plus grande partie des prestations qu'elles avaient fournies ; qu'il relève que la société Org'events et l'association justifiaient de la TVA qu'elles avaient facturée et des sommes qu'elles n'avaient pu recouvrer ; que par ces constatations et appréciations, dont il résulte que la société Org'events et l'association, en raison des manquements commis par la société Cocerto à son obligation de conseil, avaient perdu une chance de recouvrer auprès de leurs partenaires le montant de la TVA mise à leur charge au titre du redressement fiscal, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche inopérante invoquée par la quatrième branche, a pu en déduire que la société Cocerto devait réparer le préjudice subi par la société Org'events et l'association ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Cocerto entreprise aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Org'events et à l'association Comité d'organisation des internationaux de tennis de Rennes la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Cocerto entreprise.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SA COCERTO ENTREPRISE à payer, à la SARL ORG'EVENTS, les sommes de 7.500 euros pour la perte de chance de récupérer la TVA auprès de ses partenaires, 3.500 euros pour la gestion du sinistre, euros pour préjudice d'image, 7.176 euros au titre des frais et honoraires du cabinet d'avocat BONDIGUEL et 4.500 euros au titre des honoraires du cabinet GRANT THORTON et, à l'association COMITE D'ORGANISATION DES INTERNATIONAUX DE TENNIS DE RENNES, les sommes de 12.500 euros pour la perte de chance de récupérer la TVA auprès de ses partenaires, 3.500 euros pour la gestion du sinistre, 3.000 euros pour préjudice d'image, 2.392 euros au titre des frais et honoraires du cabinet d'avocat BONDIGUEL et 9.000 euros au titre des honoraires du cabinet GRANT THORTON ;

AUX MOTIFS QU'en premier lieu, les pièces n° 1 et 2 produites par la SARL ORG'EVENTS et l'association COMITE D'ORGANISATION DES INTERNATIONAUX DE TENNIS DE RENNES démontrent l'existence de relations contractuelles avec la SA COCERTO ENTREPRISE concernant d'une façon générale la comptabilité et l'assistance fiscale de ces personnes morales ; qu'en second lieu, il résulte des écritures mêmes de la SA COCERTO ENTREPRISE qui se plaint du défaut de collaboration de ses clientes sur ce point que sa mission impliquait de vérifier l'existence de factures et qu'elle a établi les comptes et bilans sans que ses demandes de pièces soient satisfaites ; qu'elle ne justifie du reste pas des refus qui lui auraient été opposés, ni avoir avisé ses clientes des conséquences à en tirer quant à la poursuite de ses missions ; qu'en passant outre, et malgré les conséquences substantielles et très dommageables qui risquaient d'en découler, la SA COCERTO ENTREPRISE s'est interdite toute connaissance de la situation réelle quant à la TVA sur des prestations qui ne pouvaient manquer d'intervenir dans un tel contexte ; qu'il doit être ajouté qu'il s'agit non pas de facturation des prestations fournies par les partenaires, mais de celles réalisées par la SARL ORG'EVENTS et l'association COMITE D'ORGANISATION DES INTERNATIONAUX DE TENNIS DE RENNES au profit de ceux-ci, et que la compensation réciproque stipulée entre eux excluait toute gratuité ; qu'il s'ensuit que la responsabilité de la SA COCERTO ENTREPRISE est engagée pour n'avoir pas averti la SARL ORG'EVENTS et l'association COMITE D'ORGANISATION DES INTERNATIONAUX DE TENNIS DE RENNES de ce que l'absence de facturation et de TVA pour la plus grande partie des prestations fournies les exposait à d'importants risques fiscaux, et, sachant cela, s'être contentée d'une affirmation de gratuité sans attendre la fourniture de pièces destinées à éclaircir la situation, et enfin d'avoir établi et révisé des comptes puis effectué des déclarations sur une base aussi incertaine ; que le paiement d'une TVA normalement due ne saurait constituer un préjudice pour la SARL ORG'EVENTS et l'association COMITE D'ORGANISATION DES INTERNATIONAUX DE TENNIS DE RENNES ; qu'il en va de même des pénalités de retard qui constituent seulement la contrepartie de l'avance de trésorerie consentie par l'administration et dont les intimés ont profité ; que les amendes tiennent au défaut de paiement par les intimées dans le délai fixé par l'administration et non à la faute de la SA COCERTO ENTREPRISE ; que toutefois, il y a bien préjudice caractérisé par une perte de chance quant à la récupération de la TVA auprès des partenaires ; que la SARL ORG'EVENTS et l'association COMITE D'ORGANISATION DES INTERNATIONAUX DE TENNIS DE RENNES justifient la leur avoir facturée ; que la disparition de certains débiteurs résulte certes au moins pour partie des risques normaux du commerce ; qu'en définitive la SARL ORG'EVENTS et l'association COMITE D'ORGANISATION DES INTERNATIONAUX DE TENNIS DE RENNES n'ont pu recouvrer cette TVA à concurrence de 28.513,73 euros se décomposant de la manière ci-après : 11.176,59 euros pour la SARL ORG'EVENTS et 17.337,14 euros pour l'association COMITE D'ORGANISATION DES INTERNATIONAUX DE TENNIS DE RENNES ; que, s'agissant d'une perte de chance, le préjudice sera évalué à 20.000 euros de ce chef, soit 7.500 euros pour la SARL ORG'EVENTS et 12.500 euros pour l'association COMITE D'ORGANISATION DES INTERNATIONAUX DE TENNIS DE RENNES ; qu'en revanche, peuvent être retenus les honoraires justifiés des avocats (2.392 euros + 7.176 euros) et de l'expert-comptable (9.000 euros + 4.500 euros) intervenus au cours des redressements et les frais de gestion du sinistre dont le montant sera ramené à 3.500 euros pour chacune des intimées ; que le préjudice d'image découle de la mauvaise impression donnée aux partenaires invités à payer une TVA à laquelle ils pensaient échapper et, dans un tel contexte d'évitement général de l'impôt, n'atteint certes pas le niveau allégué et sera ramené à 3.000 euros pour chacune des intimées ; que le jugement sera réformé en ce sens ;

1°) ALORS QUE la perte d'une chance ne peut résulter que d'un événement futur et incertain et ne saurait pallier la carence du demandeur en réparation dans la preuve de son préjudice ; qu'en affirmant que la SARL ORG'EVENTS et l'association COMITE D'ORGANISATION DES INTERNATIONAUX DE TENNIS DE RENNES auraient subi un préjudice né de la perte d'une chance de récupérer la TVA auprès de leurs partenaires dont la disparition aurait été aléatoire, quand une telle disparition pouvait être établie de manière certaine en prouvant la situation des clients auprès desquels la TVA aurait dû être recouvrée, lors de l'intervention de l'expert-comptable et leur situation actuelle, et n'était donc affectée d'aucun aléa, de sorte qu'elle ne pouvait pallier la carence des deux demanderesses en réparation dans la preuve de l'impossibilité de la récupération de la TVA auprès de leurs partenaires en leur accordant la réparation de la perte d'une chance d'obtenir cette récupération, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge ne peut retenir l'existence d'un fait qui a été contesté par l'une des parties, sans viser les éléments de preuve sur lesquels il se fonde pour justifier son existence ; qu'en affirmant que la SARL ORG'EVENTS et l'association COMITE D'ORGANISATION DES INTERNATIONAUX DE TENNIS DE RENNES n'auraient pu récupérer la TVA auprès de leurs partenaires à hauteur de 28.513,73 euros, sans viser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait, quand la SA COCERTO ENTREPRISE avait contesté ce fait en faisant valoir qu'« une telle impossibilité de recouvrer la TVA due auprès de leurs clients ne résulte de rien en l'espèce, l'association et la société ORG'EVENTS n'en apportant pas la preuve, alors même qu'elles y sont tenues » (v. ses conclusions d'appel du 13 mai 2014, p. 20, pénultième §), la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du Code civil ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, est seule causale la faute sans laquelle le préjudice allégué ne serait pas survenu ; qu'en affirmant que la SARL ORG'EVENTS et l'association COMITE D'ORGANISATION DES INTERNATIONAUX DE TENNIS DE RENNES auraient subi un préjudice né de la perte d'une chance de récupérer la TVA auprès de leurs partenaires à hauteur de 28.513,73 euros, sans rechercher si une partie de cette TVA ne pouvait, en toute hypothèse, être récupérée, même en l'absence de faute de la SA COCERTO ENTREPRISE, dans la mesure où, comme les deux demanderesses en réparation le faisaient elles-mêmes valoir, une somme globale de 13.870,12 euros n'avait pas été récupérée du fait qu'elle avait été réclamée à des personnes morales de droit public, lesquelles n'étaient pas assujetties à la TVA et ne pouvaient donc, en tout état de cause, se voir facturer cette taxe, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du Code civil et 256 B du Code général des impôts ;

4°) ALORS QU'en toute hypothèse, un expert-comptable ne peut être condamné à indemniser un préjudice qui résulte d'une décision délibérée prise, à ses risques et périls, par le demandeur en réparation ; qu'en affirmant que la SARL ORG'EVENTS et l'association COMITE D'ORGANISATION DES INTERNATIONAUX DE TENNIS DE RENNES auraient subi un préjudice né de la perte d'une chance de récupérer la TVA auprès de leurs partenaires, sans rechercher si elles n'avaient pas eu la volonté délibérée de ne pas facturer cette taxe à leurs partenaires afin de les fidéliser en vue de prochaines manifestations, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-10473
Date de la décision : 29/06/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 04 novembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 jui. 2016, pourvoi n°15-10473


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.10473
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