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23/06/2016 | FRANCE | N°15-16224

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 23 juin 2016, 15-16224


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 février 2015), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 31 mai 2011, pourvoi n° 10-20. 846) qu'une servitude de passage de 10 mètres de large, grevant la parcelle C 130, propriété de M. et Mme X..., au profit de la parcelle C 131 appartenant à Mme Y..., a été constituée par acte du 1er décembre 1967 ; que Mme Y... a assigné M. et Mme X... en suppression de tous obstacles sur l'assiette de la servitude ;

Sur le premier moyen :

Attendu

que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 février 2015), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 31 mai 2011, pourvoi n° 10-20. 846) qu'une servitude de passage de 10 mètres de large, grevant la parcelle C 130, propriété de M. et Mme X..., au profit de la parcelle C 131 appartenant à Mme Y..., a été constituée par acte du 1er décembre 1967 ; que Mme Y... a assigné M. et Mme X... en suppression de tous obstacles sur l'assiette de la servitude ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que dans ses conclusions, Mme Y... soutenait que la présence des deux arbres principaux, chêne et amandier, empêchait le passage de tous véhicules sauf à les contourner et empiéter, hors l'assiette de la servitude, sur le fonds X...d'où il résultait que la servitude de passage conventionnelle de 1967 n'était pas respectée ; qu'en omettant de répondre à ce chef péremptoire de conclusions, l'arrêt a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en conséquence, le juge ne peut valider les obstacles constatés sur l'assiette d'une servitude conventionnelle de passage qui ne les prévoit pas ; qu'en déboutant Mme Y... de sa demande, fondée sur la servitude conventionnelle « de passage à pied et avec tous véhicules sur une bande de terrain d'une largeur de 10 mètres », visant à voir prononcer la condamnation des époux X... à rétablir le passage en supprimant tous obstacles sur l'assiette de la servitude, au motif inopérant que « l'accès de la servitude est donc sur toute sa longueur depuis le chemin d'accès jusqu'à la rivière parfaitement carrossable et permet une desserte complète du fonds de Mme Y... » et que la largeur « inhabituelle » de l'assiette de 10 mètres « n'empêche pas la desserte du fonds de Mme Y... à pied ou avec tous types de véhicules », l'arrêt a violé, ensemble, les articles 690, 696, 701 et 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la servitude conventionnelle constituée pour desservir le fonds C131 était d'une largeur inhabituelle qui ne s'expliquait que par la nécessité d'aménager un passage suffisant pour tous véhicules, tout en préservant les arbres plus que trentenaires poussant sur l'assiette de la servitude, et que le chêne était planté à une distance de 5, 90 mètres et l'amandier à 4, 15 mètres par rapport à la clôture du fonds C131, la cour d'appel, qui a constaté que ces distances étaient largement suffisantes pour permettre le passage de tous véhicules, même de fort tonnage, et assurer la desserte complète de la maison de Mme Y..., en a souverainement déduit que la servitude de passage n'avait subi aucune aggravation au sens de l'article 701 du code civil, et que la demande d'abattage de l'amandier et d'élagage du chêne devait être rejetée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de dire que M. et Mme X... ont le droit de se clore en posant des portails ou portillons à chaque extrémité de la servitude de passage alors, selon le moyen, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode ; qu'en autorisant les époux X... à poser un portail de 5, 95 mètres en limite de l'accès municipal de la servitude après avoir constaté que l'assiette de la servitude de passage conventionnelle litigieuse portait « sur une bande de terrain d'une largeur de 10 mètres partant du chemin de service jusqu'à la rivière », l'arrêt a violé, ensemble, les articles 690, 696, 701 et 1134 du code civil ;

Mais attendu que, le propriétaire d'un fonds grevé d'une servitude de passage conservant le droit de se clore, sauf à ne rien entreprendre qui puisse diminuer l'usage de celle-ci ou la rendre plus incommode, la cour d'appel, qui a retenu souverainement que M. et Mme X... pouvaient poser un portail ayant la largeur intégrale du chemin d'accès municipal (soit 5, 95 mètres), laquelle était suffisante pour permettre la desserte de la servitude de passage par tous véhicules, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... et la condamne à payer à M. et Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Delaporte et Briard, avocat aux Conseils, pour Mme Z...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Y... de sa demande de condamnation des époux X... à rétablir le passage en supprimant tous obstacles et d'avoir condamné Madame Y... au paiement d'une indemnité de 800 euros pour tronçonnage des branches du chêne ;

AUX MOTIFS propres QUE cette servitude conventionnelle constituée pour desservir le fonds 131 enclavé appartenant à Madame Y... est d'une largeur inhabituelle qui ne s'explique que par la nécessité d'aménager un passage suffisant avec tous véhicules, tout en préservant les arbres poussant sur l'assiette de cette servitude, tel le chêne vert dont les photographies révèlent le caractère centenaire et l'amandier plus que trentenaire, âges confirmés par l'avis du technicien (…) ; QUE les époux T ont délimité leur terrain d'agrément fin novembre 2007 en procédant à un enrochement à la limite avec l'assiette du passage sans empiéter sur l'assiette de 10 mètres de large ; QUE la configuration des lieux restée donc inchangée ainsi qu'il résulte de constat d'huissier du 14 octobre 2009 dont Madame Y... se prévaut, des plans versés aux débats par les parties qui démontrent que ce chêne est planté à une distance de 5. 90 mètres par rapport à la clôture finie du fonds de Madame Y... tandis que l'amandier plus que trentenaire est située à 4, 15 mètres de cette même clôture ; QUE ces distances sont largement suffisantes pour permettre le passage de camions même de fort tonnage et de dimensions exceptionnelles ainsi que le démontrent notamment les constats d'huissier du 16 avril 2013 où l'huissier a procédé à un test avec un gros camion toupie d'une longueur de 9, 3 mètres, d'une largeur de 2, 50 mètres et d'une hauteur de 3, 90 mètres et les photographies prises le 29 avril 2009 par madame Y... d'un camion toupie de l'entreprise Bic Béton venu livrer du béton ainsi que les attestations des témoins confirment que le camion (toupie) avait contourné le gros chêne et l'amandier sans rencontrer de gêne et des photographies du 09 décembre 2011 ; QUE les époux T ont procédé à l'élagage du chêne en avril 2013 ; QU'il n'est donc aucunement besoin d'élaguer le chêne pour permettre la circulation même de véhicules de grande hauteur ; QUE la servitude de passage n'ayant subi aucune aggravation au sens de l'article 701 du Code civil, la demande d'abattage (d) es arbres et notamment le gros amandier ou l'élagage du chêne se trouvant sur l'assiette de la servitude n'est en rien justifiée ; QUE les époux X... versent également l'attestation des sapeurs pompiers intervenus avec plusieurs camions le 4 septembre 2006 pour maîtriser un feu de végétaux d'après laquelle ils ont pu accéder à la zone par le chemin de servitude sans aucune difficulté ; QUE dans ces conditions, les distances entre les enrochements et les arbres sont largement suffisantes pour permettre le passage de tous les véhicules même de fort tonnage sur le chemin de servitude et assurent la desserte complète de la maison d'habitation de Madame Y... et même, comme elle en a l'intention, lui permettent de réaliser des travaux d'agrandissement de sa maison avec des engins de chantier ; QUE Madame Y... sera donc déboutée de sa demande de condamnation des époux X... à rétablir le passage en supprimant tous obstacles sur l'assiette de la servitude ainsi qu'à en élaguer le chêne ou abattre l'amandier ou tous arbres ; Et QUE l'accès de la servitude est donc sur toute sa longueur depuis le chemin d'accès jusqu'à la rivière parfaitement carrossable et permet une desserte complète du fonds de Madame G, sans que les époux X... soient dans l'obligation de libérer la totalité de la largeur de 10 mètres, puisque cette largeur inhabituelle même encombrée actuellement du chêne centenaire et de l'amandier plus que trentenaire à l'exception de tous autres arbres ou arbustes, n'empêche pas la desserte du fonds de Madame G à pied ou avec tous types de véhicules ;

ALORS d'une part QUE dans ses conclusions, Madame Y... soutenait que la présence des deux arbres principaux, chêne et amandier, empêchait le passage de tous véhicules sauf à les contourner et empiéter, hors l'assiette de la servitude, sur le fonds X...(Conclusions d'appel n° 4 de Madame Y... du 15 décembre 2014 p. 8, B/ §. 1 à 6 et p. 9 in fine), d'où il résultait que la servitude de passage conventionnelle de 1967 n'était pas respectée ; QU'en omettant de répondre à ce chef péremptoire de conclusions, l'arrêt a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS d'autre part QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; QU'en conséquence, le juge ne peut valider les obstacles constatés sur l'assiette d'une servitude conventionnelle de passage qui ne les prévoit pas ; QU'en déboutant madame Y... de sa demande, fondée sur la servitude conventionnelle « de passage à pied et avec tous véhicules sur une bande de terrain d'une largeur de 10 mètres », visant à voir prononcer la condamnation des époux X... à rétablir le passage en supprimant tous obstacles sur l'assiette de la servitude, au motif inopérant que « l'accès de la servitude est donc sur toute sa longueur depuis le chemin d'accès jusqu'à la rivière parfaitement carrossable et permet une desserte complète du fonds de Madame Y... » et que la largeur « inhabituelle » de l'assiette de 10 mètres « n'empêche pas la desserte du fonds de Madame Y... à pied ou avec tous types de véhicules », l'arrêt a violé, ensemble, les articles 690, 696, 701 et 1134 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les époux X... ont le droit de se clore en posant des portails ou portillons à chaque extrémité de la servitude de passage et que le portail doit être posé en limite de l'accès municipal de la servitude qui ne fait que 5, 95 mètres et non les dix mètres de large de l'assiette de la servitude ;

AUX MOTIFS QUE le propriétaire d'un fonds grevé d'une servitude de passage ayant le droit de clore son héritage en application de l'article 647 du Code civil, l'installation par Monsieur et Madame X... d'un portail n'a aucun caractère anormal et ne peut être considéré comme rendant plus difficile l'exercice de la servitude, leur seule obligation étant de fournir à Madame Y... le système d'ouverture du portail ; QUE ce système d'ouverture à distance proposé par les époux X... n'entraînera aucune gêne pour Madame Y... qui pourra ouvrir très commodément le portail automatisé : un bouton pressoir à l'usage des visiteurs situé sur le pilier du portail et commandant l'ouverture électrique pourra permettre à tous de commander rapidement et facilement l'ouverture du portail pour se rendre au domicile de Madame Y... ; QU'l'usage de la servitude ne sera donc pas rendra plus commode par la pose de ce portail automatisé, comme le soutient vainement Madame Y... ; QUE sur la largeur du portail, le portail doit être posé en limite de l'accès municipal de la servitude qui ne fait que 5, 95 mètres et non les dix mètres de large de l'assiette de la servitude ainsi qu'il résulte des photographies ; QUE dès lors les époux X..., qui ont le droit de se clore en limite de leur propriété, peuvent poser un portail qui devra avoir la largeur intégrale du chemin d'accès municipal qui est une largeur suffisante pour permettre la desserte de la servitude de passage par tous véhicules ;

ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; QUE le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode ; QU'en autorisant les époux X... à poser un portail de 5, 95 mètres en limite de l'accès municipal de la servitude après avoir constaté que l'assiette de la servitude de passage conventionnelle litigieuse portait « sur une bande de terrain d'une largeur de 10 mètres partant du chemin de service jusqu'à la rivière », l'arrêt a violé, ensemble, les articles 690, 696, 701 et 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-16224
Date de la décision : 23/06/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 05 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 23 jui. 2016, pourvoi n°15-16224


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Delaporte et Briard, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.16224
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