LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1443 du code de procédure civile et 2244 du code civil, dans leur rédaction alors applicable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X..., avocat inscrit au barreau du Val-de-Marne, a constitué avec la Selarl Fiacre La Bâtie Hoffman (Selarl FLH), société d'avocats inscrite au barreau de Paris, une structure commune de moyens, leur " convention d'exercice groupé ", non signée, comportant une clause compromissoire stipulant, en cas de différend, la compétence ordinale du bâtonnier de Paris ; que, par lettre du 28 février 2005, M. X..., faisant référence à cette convention, a notifié à la Selarl FLH, son retrait du cabinet groupé ; qu'en raison d'un litige financier, chacune des parties a saisi, respectivement les 25 et 27 juillet 2005, le bâtonnier de son ordre d'une demande d'arbitrage ; que le président du conseil national des barreaux a désigné, le 13 février 2014, un bâtonnier tiers arbitre ;
Attendu que, pour refuser tout effet interruptif à la saisine du bâtonnier de Paris par la Selarl FLH et déclarer sa demande prescrite, l'arrêt retient qu'à défaut de convention écrite signée entre elles, aucune clause compromissoire permettant le recours à l'arbitrage ne pouvait être invoquée par les parties pour saisir les bâtonniers en juillet 2005, et que ni les textes régissant la profession d'avocat ni le règlement intérieur des ordres auxquels les parties appartenaient, ne prévoyaient à l'époque de procédure d'arbitrage permettant la solution du litige les opposant, de sorte que la simple saisine d'un bâtonnier, sans qu'il existe de procédure institutionnelle réglant les modalités d'un éventuel arbitrage, n'était pas de nature à mettre en jeu une clause compromissoire inexistante ni à créer un compromis d'arbitrage ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si en exécutant la clause compromissoire insérée à la convention, les parties ne l'avaient pas acceptée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Selarl Fiacre La Bâtie Hoffman la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la société Fiacre La Bâtie Hoffman
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR déclaré prescrite la demande de la société Fiacre La Bâtie Hoffman et D'AVOIR, au fond, débouté la société Fiacre La Bâtie Hoffman de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE, sur la prescription, la société Fiacre La Bâtie Hoffman fait valoir ensuite que c'est à tort que le bâtonnier tiers-arbitre a déclaré l'action prescrite en confondant prescription et compétence, que l'examen de la compétence est préalable à celui de la prescription et que si le bâtonnier tiers-arbitre est effectivement compétent, la prescription a bien été interrompue ; qu'elle soutient que le bâtonnier tiers-arbitre était compétent ab initio, qu'il existait une clause compromissoire dans la convention de cabinet groupé non signée, portée à la connaissance des parties, qui a été exécutée sans réserve, qu'à quatre reprises M. X... a accepté de manière expresse la clause compromissoire stipulant la compétence ordinale par désignation d'un tiers bâtonnier par les bâtonniers respectivement du Val-de-Marne et de Paris ; qu'elle ajoute que le bâtonnier tiers-arbitre est rétroactivement devenu seul compétent compte tenu des dispositions de l'article 179-2 du décret du 27 novembre 1991, issu du décret du 11 décembre 2009 ; que contrairement à ce que soutient la société Fiacre La Bâtie Hoffman, le bâtonnier tiers-arbitre n'a pas confondu prescription et compétence ; qu'à la date où il a statué, il avait seul compétence pour trancher le litige compte tenu des dispositions de l'article 179-2 du décret du 27 novembre 1991, issu du décret du 11 décembre 2009, et qu'ayant compétence, il a examiné si la demande qui lui était présentée était ou non prescrite ; que le fait que le bâtonnier tiers-arbitre soit compétent à la date à laquelle il a statué du fait de l'institution du nouveau texte lui donnant ce pouvoir, n'a pas pour conséquence de le rendre compétent ab initio à une époque où la procédure instaurée par l'article 179-2 du décret du 27 novembre 1991 n'existait pas ni de lui donner compétence rétroactivement ; qu'il n'est devenu compétent qu'à compter de l'entrée en vigueur de la disposition nouvelle, pour régler les différends entre avocats, y compris ceux ayant pris naissance avant l'entrée en vigueur du texte du fait de son application immédiate ; que le bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine a, à juste titre, examiné si à la date à laquelle il a été saisi, la demande était ou non prescrite et si des actes d'interruption de prescription étaient intervenus ; qu'il se devait donc de rechercher l'existence de tels actes interruptifs en application des textes existants tant à l'époque du litige qu'après l'instauration de l'article 179-2 du décret du 27 novembre 1991 ; qu'à défaut de convention écrite signée entre elles, aucune clause compromissoire permettant le recours à l'arbitrage ne pouvait en l'espèce être invoquée par les parties pour saisir, en juillet 2005, l'une, le bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris, l'autre, le bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau du Val-de-Marne ; que par ailleurs, ni les textes régissant la profession d'avocat, ni le règlement intérieur des Ordres auxquels les parties appartiennent, ne prévoyaient à l'époque de procédure d'arbitrage permettant la solution du litige opposant les parties, de sorte que la simple saisine d'un bâtonnier, sans qu'il existe de procédure institutionnelle réglant les modalités d'un éventuel arbitrage, n'était pas de nature à mettre en jeu une clause compromissoire inexistante ni à créer un compromis d'arbitrage ; que c'est en conséquence à juste titre que le bâtonnier tiers-arbitre a considéré que la saisine unilatérale du bâtonnier de Paris par la société Fiacre La Bâtie Hoffman ne suffisait pas à interrompre la prescription ; qu'en effet, si la saisine d'une juridiction arbitrale ou incompétente est de nature à interrompre la prescription, la mise en oeuvre d'une procédure d'arbitrage non prévue par les textes et ne résultant d'aucun compromis, n'est pas de nature à l'interrompre ; que la saisine par chacune des parties de leurs bâtonniers respectifs, ne constitue dès lors pas un acte interruptif de prescription ; que, s'agissant de la durée de la prescription, la société Fiacre La Bâtie Hoffman soutient que les sommes dues ne peuvent être qualifiées de loyers, que la prescription quinquennale n'a pas vocation à s'appliquer et que les redevances de cabinet groupé correspondent à un ensemble de prestations à la fois de mise à disposition des locaux et de prestations de services ; que les factures n° 2851, n° 2917, n° 2971 et n° 2972, d'un même montant de 4. 558, 23 euros, correspondent, selon les propres écritures de l'appelante, à des provisions sur charges courantes du cabinet groupé et la facture n° 2973 de 3. 274, 07 euros au solde des charges de la période ; que la société Fiacre La Bâtie Hoffman va jusqu'à préciser que « ces factures... ont été établies sur des bases constantes depuis 1999 » ; que les factures n° 2922 d'un montant de 1. 054, 97 euros et n° 2975 d'un montant de 2. 843, 14 euros, correspondent pour la première à la facturation provisionnelle des prestations de secrétariat qui étaient mensuellement appelées et la seconde au solde de la refacturation des frais de secrétariat sur la période du 1er octobre au 31 août 2005 ; qu'aux termes de l'article 2277 du code civil dans sa rédaction de l'époque se prescrivent par cinq ans les actions en paiement, notamment des loyers et des charges locatives et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ; que sans qu'il y ait lieu d'entrer dans le débat instauré entre les parties sur la qualification de loyers et charges ou de prestations, il suffit de relever que les factures sus-citées sont émises périodiquement, chaque mois et que la régularisation du solde est annuelle ; que l'action en paiement desdites factures est donc soumise à la prescription quinquennale ; que le premier acte interruptif de la prescription quinquennale est constitué par la lettre du 26 novembre 2013 par laquelle la société Fiacre La Bâtie Hoffman a saisi le président du conseil national des barreaux aux fins de désignation du tiers-arbitre ; que l'action en paiement des factures n° 2851, n° 2917, n° 2971 et n° 2972, n° 2973, n° 2922 et n° 2975, toutes antérieures de plus de cinq ans à la date du 26 novembre 2013, sont prescrites ; que la facture n° 2974 d'un montant de 1. 485, 63 euros correspondant au solde de quote-part d'amortissement d'un matériel ne présente pas les caractères de périodicité visés à l'article 2277 ancien du code civil ; que néanmoins, l'action en paiement à ce titre est désormais soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008 ; que le délai de prescription a en conséquence expiré le 19 juin 2013 avant que la société Fiacre La Bâtie Hoffman ne saisisse le président du conseil national des barreaux de sa demande ; que son action est prescrite ; que la société Fiacre La Bâtie Hoffman est irrecevable en ses demandes en paiement ;
ALORS, 1°), QUE la demande en justice, à laquelle est assimilée la demande d'arbitrage conforme à la clause compromissoire, interrompt le délai de prescription ; que, si la clause compromissoire doit en principe être écrite, le défaut de signature de la convention écrite la contenant peut être pallié par l'exécution sans réserve de ladite convention ; qu'en considérant qu'à défaut de signature de la convention de cabinet groupé contenant la clause compromissoire, la saisine du bâtonnier n'était pas valable et, partant, n'avait pas eu pour effet d'interrompre la prescription, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant expressément invitée, si, en exécutant sans réserve la convention et, en particulier, en ayant chacune saisi le bâtonnier en application de la clause compromissoire qui y était insérée, les parties n'avaient pas accepté cette clause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 2244 du code civil et 1443 du code de procédure civile, dans leur rédaction applicable à la cause ;
ALORS, 2°) et subsidiairement, QUE la saisine d'une juridiction incompétente interrompt le délai de prescription ; qu'en considérant que la saisine du bâtonnier n'avait pas eu pour effet d'interrompre la prescription dès lors que cette saisine ne résultait de l'application d'aucun texte ni d'aucune clause compromissoire valable, ni d'aucun compromis, cependant qu'avant l'entrée en vigueur du décret n° 2009-1544 du 11 décembre 2009, si le bâtonnier n'était pas compétent pour trancher les litiges d'ordre professionnel entre avocats, il n'en demeurait pas moins une juridiction compétente pour statuer sur certains litiges intéressant les avocats, de sorte que la saisine du bâtonnier, le 27 juillet 2005, par la société Fiacre La Bâtie Hoffman pour régler un différend d'ordre professionnel l'opposant à l'un de ses confrères constituait la saisine d'une juridiction incompétente, emportant un effet interruptif de prescription la cour d'appel a violé l'article 2246 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;
ALORS, 3°), QUE le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant au fond ; qu'en déboutant, au fond, la société Fiacre La Bâtie Hoffman de demandes qu'elle avait préalablement déclarées prescrites et, partant, irrecevables, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé les articles 122 et 562 du code de procédure civile.