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21/06/2016 | FRANCE | N°15-10139

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 juin 2016, 15-10139


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 2004 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de contredit, que la société Presstalis était liée par un contrat de dépositaire central de presse avec M. X... et la société Dépôt de presse Leclerc ; qu'invoquant le non-règlement de publications, la société Presstalis a assigné en paiement devant le tribunal de commerce de Paris M. X... et M. Y... en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Dépô

t de presse Leclerc entretemps liquidée et dissoute ; que M. X... et M. Y... ès qu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 2004 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de contredit, que la société Presstalis était liée par un contrat de dépositaire central de presse avec M. X... et la société Dépôt de presse Leclerc ; qu'invoquant le non-règlement de publications, la société Presstalis a assigné en paiement devant le tribunal de commerce de Paris M. X... et M. Y... en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Dépôt de presse Leclerc entretemps liquidée et dissoute ; que M. X... et M. Y... ès qualités, ont soulevé l'incompétence matérielle et territoriale de cette juridiction, qui s'est déclarée incompétente au profit du tribunal de grande instance de Paris; que les parties ont formé un contredit ;
Attendu que pour dire le tribunal de commerce de Paris compétent à l'égard de M. X..., après avoir constaté que le contrat de dépositaire central de presse, conclu à titre personnel par celui-ci, avait pour objet d'assurer la bonne diffusion des productions des éditeurs, et lui imposait d'exploiter personnellement un magasin de vente au détail, en lui faisant obligation d'approvisionner les diffuseurs situés dans son secteur et de vendre au prix fixé par l'éditeur en étant rémunéré par les remises consenties dont il devait reverser une partie aux sous-dépositaires, l'arrêt retient que ce contrat constitue un contrat de commission ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure la qualification de mandat d'intérêt commun du contrat litigieux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le tribunal de commerce de Paris compétent pour connaître des demandes de la société Presstalis contre M. X... à titre personnel, l'arrêt rendu le 4 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Presstalis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... et à M. Y..., en qualité de mandataire ad hoc de la société Dépôt de presse Leclerc, la somme globale de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. X... et M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, qui statuait sur contredit, d'avoir dit que le tribunal de commerce de Paris était matériellement et territorialement compétent pour connaître de l'ensemble des demandes de la société Presstalis, y compris celles formées à l'encontre de M. X... à titre personnel ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article L. 721-3-1° du code de commerce : « Les tribunaux de commerce connaissent : 1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants […] » ; que l'article L. 121-1 du code de commerce affirme que « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle » ; que l'article L. 132-1 du code de commerce définit le commissionnaire comme étant celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social pour le compte d'un commettant ; que l'article L. 132-1, alinéa 2, renvoie aux dispositions relatives au mandat pour déterminer les devoirs et les droits du commissionnaire ; que les parties à un contrat de mandat d'intérêt commun participent à la réalisation d'un objet commun, notamment par la création ou le développement d'une clientèle commune aux deux parties, en tout ou partie ; qu'en l'espèce, le 30 mars 1992, M. X... a signé avec la société Presstalis, ancienne Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP), un contrat intitulé « Contrat entre les NMPP et les dépositaires centraux » qui prévoit en son article 1 avoir pour objet de « régir les rapports des NMPP avec les dépositaire central en vue de la bonne diffusion des productions (journaux quotidiens, publications périodiques, collections périodiques, almanachs, albums, etc..) des Editeurs qu'elles représentent et qu'elles lui confient […] » ; que l'article 3, intitulé « Caractères du contrat », précise : « En raison de la nature particulière de la presse et de son circuit de distribution, le présent contrat est conclu avec le dépositaire qui l'a demandé, à titre gratuit, personnel et révocable ad nutum [...]. En raison du caractère personnel du présent contrat, le dépositaire ne peut mettre celui-ci à la disposition d'un gérant, libre ou salarié, de son fonds de commerce. Si, dans certains cas, le dépositaire central désire exploiter le présent contrat en société - sous forme de société d'exploitation par exemple - il ne peut le faire qu'après accord écrit des NMPP, sous réserve, notamment, que le caractère personnel en soit préservé. Le présent accord prend fin par le décès ou la cessation d'activité du dépositaire central » ; qu'aux termes de l'article 4, M. X..., dépositaire central, possède en propre et exploite personnellement un magasin de vente au détail, utilisant l'enseigne « Maison de la Presse » et qu'en application de l'article 5, il approvisionne les diffuseurs situés sur son secteur et conclut avec eux, pour les fournitures, une convention soumise à l'approbation des NMPP ; que l'article 7, intitulé « Prix-Commissions-Comptes rendus », prévoit que le dépositaire central, tant pour la vente directe que pour les opérations de répartition aux sous-dépôts des écrits périodiques, vend au prix marqué, fixé par l'éditeur et est uniquement rémunéré par les remises qui lui sont consenties à charge pour lui de reverser aux sous-dépositaires la partie des remises qui leur est destinée et d'en justifier ; qu'il résulte de l'économie générale du contrat conclu le 30 mars 1992 entre Presstalis, société de messagerie de presse, et M. X..., dépositaire central, et plus spécialement des dispositions contractuelles sus mentionnées que les parties n'ont pas un intérêt commun participant à la réalisation d'un objet commun, que ce soit par la création ou le développement d'une clientèle commune aux deux parties ou par la fidélisation d'une clientèle, le secteur géographique des diffuseurs desservis par M. X... étant prédéfini par Presstalis ; qu'en outre M. X..., qui a agi en son nom propre puis sous le nom social de la Sarl Dépôt de Presse Leclerc pour le compte de la société Presstalis, trouvait un intérêt dans sa seule rémunération dont il convient de relever qu'il s'agissait de commissions et non d'une participation aux bénéfices ou pertes de la société Presstalis ; qu'il s'en déduit que le contrat conclu ne saurait s'analyser en un mandat d'intérêt commun mais caractérise un contrat de commission au sens de l'article L. 132-1 du code de commerce ; que si le contrat de commissionnaire est civil par nature, l'article L. 110-1 du code de commerce précise que la loi répute acte de commerce toute entreprise de commission ; qu'en conséquence, seuls sont commerçants les personnes qui exercent des actes de commission habituels et répétés ; qu'en l'espèce, il résulte des éléments produits que M. X... effectuait de façon habituelle des actes de commissionnement répétés et multiples par la conclusion de contrats avec les prestataires de transports, la réception et la distribution quotidienne des publications reçues de son commettant, la société Presstalis, la relève des invendus et la collecte des sommes perçues sur les ventes par les diffuseurs de presse ; qu'en outre, M. X... était présumé commerçant dès lors qu'il était inscrit au registre du commerce et des sociétés à la date de conclusion du contrat de dépositaire central et avant sa radiation du RCS le 1er novembre 2003 ; qu'il ne saurait utilement se prévaloir de la perte de cette qualité par la seule cession de ses activités en mars 2004 à la Sarl Dépôt de Presse Leclerc, soit avant le fait générateur des sommes réclamées par Presstalis, dès lors que l'article 3 du contrat sus visé interdisait au dépositaire de mettre à disposition d'un gérant son « fonds de commerce » et que M. X... avait poursuivi l'exécution du contrat de dépositaire dans le cadre de la Sarl Dépôt de Presse Leclerc dont il était le gérant, comme il l'indique expressément dans son courrier du 9 mars 2004 par lequel il indiquait à la société NMPP, devenue Presstalis : « Je vous confirme mon intention d'exploiter le contrat de dépositaire central dont je suis personnellement bénéficiaire, dans le cadre d'une société dont la dénomination est Sarl Dépôt de Presse Leclerc » ; qu'enfin, il était contractuellement prévu que M. X... était tenu d'exploiter parallèlement et personnellement un dépôt de vente de presse au détail ce qui implique qu'il y effectuait des actes de commerce de façon habituelle au sens de l'article L. 110-1 du code de commerce ; qu'il se déduit de l'ensemble de ces constatations que M. X... avait la qualité de commerçant dans le cadre du contrat de dépositaire central conclu le 30 mars 1992 avec la société Presstalis ; qu'il n'est pas contesté que les sommes réclamées par la société Presstalis à M. X..., en son nom propre, sont nées à l'occasion dudit contrat ; qu'il en résulte que le tribunal de commerce est la juridiction matériellement compétente pour en connaître ;
1°) ALORS QUE constitue un mandat d'intérêt commun le contrat liant une société de messagerie de presse à un dépositaire central lorsque les parties disposent d'une clientèle commune que le dépositaire doit fidéliser et développer ; qu'en se fondant, pour dire que le contrat conclu le 30 mars 1992 entre les NMPP et M. X..., dont l'objet était, selon ses constatations, de « régir les rapports des NMPP avec les dépositaire central en vue de la bonne diffusion des productions (journaux quotidiens, publications périodiques, collections périodiques, almanachs, albums, etc..) des Editeurs qu'elles représentent et qu'elles lui confient », caractérisait un contrat de commission et non un mandat d'intérêt commun, de sorte que le litige opposant la société Presstalis à M. X... à titre personnel relevait de la compétence matérielle du tribunal de commerce, sur la circonstance que ce contrat était conclu à titre personnel, qu'il faisait peser sur M. X... l'obligation d'exploiter personnellement un magasin de vente au détail, qu'il prévoyait que celui-ci approvisionnait les diffuseurs situés sur son secteur et vendait, tant pour la vente directe que pour les opérations de répartition aux sous-dépôts des écrits périodiques, au prix fixé par l'éditeur et était rémunéré uniquement par les remises qui lui étaient consenties à charge, pour lui, d'en reverser une partie aux sous-dépositaires, autant de circonstances pourtant impropres à exclure l'existence d'une clientèle commune que M. X... devait fidéliser et développer et, partant, à écarter la qualification de mandat d'intérêt commun, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2004 du code civil.
2°) ALORS en tout état de cause QUE M. X... faisait valoir dans ses conclusions (p. 4-5), pour établir que le contrat qu'il avait conclu avec les NMPP était bien un mandat d'intérêt commun, que l'article 1er de ce contrat mettait à sa charge l'obligation de concourir à la bonne diffusion des journaux, que son article 5 lui impartissait d'entretenir et d'approvisionner le secteur qui lui était limitativement imparti et l'obligeait à conclure au nom des NMPP avec tout nouveau sous-dépôt qu'il avait démarché une convention soumise à l'agrément des NMPP, que son article 9 l'obligeait à tenir un rôle d'animateur des ventes et, enfin, que selon le règlement général des NMPP, il se devait de développer les ventes au maximum chez les diffuseurs qu'il avait la charge d'approvisionner ; qu'en retenant que le contrat conclu le 30 mars 1992 entre les NMPP et M. X... n'était pas un mandat d'intérêt commun sans répondre à ces conclusions de nature à établir l'existence d'une clientèle commune entre les NMPP et M. X... que celui-ci était chargé de développer et de fidéliser, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
3°) ALORS QUE la nature commerciale d'un acte s'apprécie à la date à laquelle il a été passé ; qu'en se fondant encore, pour dire que le litige opposant la société Presstalis à M. X... à titre personnel relevait de la compétence matérielle des tribunaux de commerce, sur la circonstance que M. X... était présumé commerçant à raison de son inscription au registre du commerce et des sociétés au moment de la conclusion du contrat, tout en constatant qu'il n'était plus inscrit à ce registre au jour du fait générateur de la créance réclamée par la société Presstalis, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qu'elles emportaient et, partant, a violé l'article 721-3, 1° du code de commerce.
4°) ALORS en toute hypothèse QUE M. X... soutenait dans ses conclusions d'appel qu'à supposer que le contrat qu'il avait conclu le 30 mars 1992 avec les NMPP ait fait de lui un commerçant, il devait alors être considéré comme ayant perdu cette qualité lorsqu'il avait transféré son activité de dépositaire à la Sarl Dépôt de Presse Leclerc en mars 2004 et donc avant le fait générateur de la créance réclamée par la société Presstalis ; qu'en se fondant, pour écarter ce moyen, sur la circonstance que l'article 3 du contrat lui interdisait de mettre son « fonds de commerce » à la disposition d'un gérant, circonstance pourtant indifférente dès lors qu'il n'en demeurait pas moins qu'à compter de mars 2004, c'était la Sarl Dépôt de Presse Leclerc, et non M. X... à titre personnel, qui exerçait l'activité de dépositaire central qui lui avait été confiée par le contrat conclu en 1992, ce contrat l'autorisant, selon ses propres constatations, « à exploiter le présent contrat en société », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 721-3, 1°du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-10139
Date de la décision : 21/06/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 novembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 jui. 2016, pourvoi n°15-10139


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Rémy-Corlay, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.10139
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