Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Géraldine X..., épouse B...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 8 janvier 2015, qui, pour contrefaçon, débit de contrefaçon et détention d'objets contrefaisants, l'a condamnée à quinze mois d'emprisonnement avec sursis, 50 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de confiscation et prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 3 mai 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller FARRENQ-NÉSI, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle BÉNABENT et JÉHANNIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAILLARDOT ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 122-2, L. 122-3, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, 121-1 et 121-4 du code pénal, préliminaire, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a déclaré Mme X...coupable de contrefaçon, de débit de contrefaçon et de détention d'objets contrefaisants ;
" aux motifs que Mme X...qui a sollicité sa relaxe en première instance prend des conclusions dans le même sens en cause d'appel ; qu'il a y lieu de confirmer par adoption de motifs le jugement dans ses dispositions concernant la relaxe du chef d'association de malfaiteurs et dans celles relatives à l'abandon faite par les premiers juges de la circonstance aggravante de bande organisée ; que la prévenue a, dans ses écritures, admis la découverte à son domicile de plusieurs objets provenant de chez son père qui se sont révélés contrefaisants quatre meubles C... et une lampe dite « la religieuse » de Chareau et reconnu que ce dernier lui avait indiqué qu'il conservait chez lui une reproduction, faite de façon illicite, des originaux des meubles qu'il commercialisait, cela dans le dessein de les améliorer pour trouver son propre style et exposer un jour ses propres oeuvres ; qu'elle a toutefois soutenu que, pour les objets litigieux découverts chez elle, elle n'avait, malgré les informations dont elle disposait sur les activités de son père, pas eu de suspicion en indiquant, afin de chercher à se dédouaner, que l'expert n'avait pas émis de doutes sur l'authenticité d'autres pièces initialement saisies chez elle et qui lui ont ensuite été restituées par le tribunal ; que les premiers juges ne l'ont pas suivie et l'ont ajuste titre déclarée coupable de ces faits par une motivation qui mérite d'être adoptée, l'infraction de recel d'objets contrefaisants retenue contre elle constituant désormais l'infraction de détention d'objets contrefaisants moins sévèrement réprimée comme il a été ci-dessus indiqué dans la mesure où l'intéressée qui, selon les premiers juges, connaissait la valeur des oeuvres originales et le profit qu'elle était à même de tirer de la revente de ces oeuvres contrefaisantes, encourt, en l'état de la nouvelle disposition, des peines inférieures aux peines du recel ; que la cour qui, pour permettre à la prévenue de s'en expliquer, a mis cette requalification dans les débats la déclarera donc coupable de ces faits sous la qualification de détention d'objets contrefaisants en vue leur revente en application de l'article L. 335-2, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle ; que les premiers juges ont, par ailleurs, successivement analysé les faits commis en région parisienne puis dans le bordelais en faisant une distinction, pour cette seconde période entre les faits commis jusqu'au décès du père de la prévenue et les faits ultérieurs pour lesquels la responsabilité de Mme X...est recherchée ; que, pour les faits commis en région parisienne le tribunal, dont la motivation est structurée et détaillée et mérite d'être adoptée, a estimé (voir pages 18 à 23 du jugement) qu'il ne disposait pas d'éléments de preuve à même de lui permettre de mettre en évidence la moindre participation de l'un des membres de la famille X..., dans la fabrication d'objets contrefaisants effectuée pendant cette période, à l'exception, bien sûr de Christian X..., maître d'oeuvre de l'activité délictueuse ; que les premiers juges ont, par contre, considéré, après s'être livré à une étude des comptes bancaires de Mme X..., qu'il existait des mouvements suspects portant notamment sur une somme de 30 000 euros à même de provenir de ventes illicites effectuées par Christian X...alors qu'il résidait à Vanves ; qu'il convient toutefois de relever que ce recel de sommes d'argent a toujours été contesté par la prévenue qui met en avant le fait qu'elle avait, point qui est acquis aux débats, accordé des prêts importants à son père dont il est constant qu'il était dans une situation financière des plus délicates, ce qui avait, en outre, conduit sa fille à souscrire un emprunt pour son compte et ce qui expliquerait, selon ses dires, les mouvements de fonds intervenus ; que le jugement qui l'a déclaré coupable de ces faits sera donc infirmé, l'intéressée étant sur ce point renvoyée des fins de la poursuite ; que, s'agissant des faits commis dans la région de Bordeaux, il est acquis, en l'état de l'enquête entreprise, que Christian X..., lors du transfert de " son activité " au printemps 2006 au château Cazelle, avait fait installer dans un chais utilisé comme atelier tout le matériel nécessaire à la continuation de son activité dont plusieurs machines-outils, des produits nécessaires au vieillissement et des vernis et y avait, en outre, stocké de nombreux meubles contrefaisants ; qu'il est également constant que l'activité délictueuse a continué après son décès, un achat complémentaire de cent dix-huit kilos d'ébène étant intervenu le sculpteur Z...engagé à Paris pour effectuer matériellement les reproductions, sur les directives de Christian X..., ayant eu, dans le bordelais, une activité résiduelle au cours du dernier semestre 2006, avant d'être remplacé courant 2007 par un nouveau spécialiste de la reproduction ; qu'à cet égard, et malgré les dénégations de Mme X..., le tribunal a considéré qu'elle avait donné son accord pour la fabrication de trois objets Y...contrefaisants dont la réalisation, après la mort de son père, avait, au cours du deuxième semestre 2006, été effectuée, avec le matériel mis à sa disposition, par le sculpteur Z...qui avait accepté de prêter son concours ; que le jugement s'est appuyé à cet effet sur de nombreux indices et plusieurs témoignages en mettant en avant l'absence de véracité des propos de Mme X...qui, pour tenter de prouver le contraire, avait cherché à soutenir, contre toute vraisemblance que deux objets Y...n'avaient pas quitté son domicile lors la perquisition effectuée chez elle, l'expert n'ayant pas estimé utile de les expertiser en considérant qu'ils ne s'agissait pas d'objets contrefaisants, les juges faisant en outre état d'une mise en scène à laquelle elle se serait livrée pour tenter d'attribuer le trafic à un tiers chez lequel elle avait amené de faux Y...en prenant soin de les photographier pour faire croire qu'il en était le détenteur ; que les premiers juges ont, par voie de conséquence, exactement considéré que Mme X...avait commis le délit de contrefaçon en faisant, en connaissance de cause, fabriquer ces trois objets ; qu'on sait, à cet égard, au regard de la jurisprudence que sont des contrefacteurs la personne qui dessine des meubles contrefaisants, celle qui en commande la fabrication, celle qui les fabrique, celle qui les utilise commercialement, et que la seule fabrication illicite même si elle n'est pas suivie de distribution est également une contrefaçon (voir not Civ 16 février 1999 B 56 Crim., 27 mai 1986 B176 Civ 16 juin 1990 B144 Crim., 28 février 1956 JCP 1956 H 9520) ; que, par ailleurs, dans la mesure où elle avait une parfaite connaissance de la finalité de l'activité délictueuse qui perdurait et qui avait pour objet la mise sur le marché des objets contrefaisants, le tribunal, qui s'est appuyé à cet effet, ajuste titre, sur plusieurs témoignages qui lui ont paru éclairants, a estimé qu'elle avait apporté sa contribution à la mise en vente par son frère, chargé de concrétiser la vente de ces trois mêmes objets dont Mme Odile Y..., à la recherche d'oeuvres du grand sculpteur dont elle était titulaire des droits, a fait l'acquisition en étant persuadé qu'il s'agissait d'oeuvres originales ; que, néanmoins, les premiers juges n'ont pas vu là une activité délictueuse se rattachant aux agissements de " contrefaçon " tout en affirmant que la vente des trois objets Y...était intervenue avec son accord, et que son frère avait ensuite effectué, plusieurs autres ventes en utilisant des stratagèmes pour faire croire qu'il s'agissait de pièces authentiques avant de lui remettre une partie des produits des ventes ainsi effectuées ; que le tribunal qui s'est appuyé, à cet effet, sur des indices concordants et qui s'est livré à une analyse minutieuse de diverses opérations bancaires et des chèques émis, a chiffré à 56 392 euros les fonds reversés à la prévenue par son frère et sa belle-soeur, à la suite des ventes litigieuses, une partie de ces fonds, s'appliquant à la vente des trois objets Y..., ci-dessus visés, dont elle avait demandé la fabrication, et le reste correspondant à la part à même de lui revenir dans la vente d'objets contrefaisants ultérieurement fabriqués ; que ce qui est donc reproché à Mme X..., c'est, après avoir fait fabriquer les trois objets Y..., fait constitutif, comme il a déjà été indiqué d'une contrefaçon, c'est d'avoir fait vendre, avec le concours de son frère ces trois mêmes objets contrefaisants en percevant les produits de cette vente et d'avoir, en pleine connaissance de cause, perçu une somme complémentaire provenant de la mise en vente d'objets qu'elle savait être des objets contrefaisants fabriqués illicitement sur les instructions de son frère dont elle avait une parfaite connaissance de l'activité délictueuse ; que l'ensemble de ces faits dont le tribunal, par une motivation structurée qui mérite d'être approuvée, a estimé qu'ils pouvaient être imputés à la prévenue, ont été retenus à tort par lui sous les qualifications de complicité d'escroquerie et de recel de sommes d'origine frauduleuse et feront l'objet d'une requalification que la cour a pris soin de mettre dans les débats pour respecter le principe de la contradiction ; qu'ils constituent en réalité le délit de débit de contrefaçon dont Mme X...sera déclarée coupable, étant précisé que l'ensemble des agissements ont été commis par elle sur le territoire français ;
" 1°) alors que, s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que le prévenu ait été mis en mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification envisagée ; qu'en déclarant la prévenue coupable de détention d'objets contrefaisants, lorsque les faits étaient poursuivis sous la qualification de recel, et sans qu'il résulte des mentions de la décision que Mme X...ait été mise en mesure de s'expliquer, avant les débats au fond, sur cette modification, la cour d'appel a méconnu les droits de la défense de la demanderesse et violé l'article 388 du code de procédure pénale ;
" 2°) alors que la contrefaçon suppose une reproduction, représentation ou une diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur ; qu'en jugeant que Mme X...a commis le délit de contrefaçon en faisant, en connaissance de cause, fabriquer trois reproductions d'objets Y..., lorsqu'il est constant qu'elle n'a ni reproduit, ni représenté ni diffusé une oeuvre de l'esprit protégé par le droit d'auteur, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 335-3 du code de la propriété intellectuelle ;
" 3°) alors qu'en outre, la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'en déclarant la demanderesse coupable du délit de contrefaçon en ayant fait fabriquer les trois objets litigieux, lorsque l'article 335-3, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle réprime uniquement la reproduction, la représentation ou la diffusion d'oeuvres de l'esprit, la cour d'appel, qui a étendu l'application du texte pénal à des faits n'entrant pas dans ses prévisions, a méconnu le principe d'interprétation stricte de la loi pénale ;
" 4°) alors que nul n'étant responsable que de son propre fait, il appartient aux juges du fond de caractériser la participation personnelle du prévenu aux infractions poursuivies ; qu'en déclarant la demanderesse coupable de contrefaçon, aux motifs qu'elle aurait fait fabriquer les trois objets litigieux, et sans pouvoir établir sa participation personnelle aux agissements réprimés par le texte pénal, soit à un acte de reproduction, de représentation ou de diffusion d'une oeuvre protégée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que des investigations diligentées par le parquet de Bordeaux ont mis en évidence l'existence d'une entreprise de contrefaçon d'oeuvres de grands designers industriels et d'un sculpteur, dont le maître d'oeuvre était à l'origine Christian X..., décédé le 26 juillet 2006, lequel était assisté d'un ouvrier ébéniste ; qu'une information a été ouverte dans laquelle sa fille, Mme X..., a été mise en examen puis renvoyée devant le tribunal correctionnel qui l'a déclarée coupable de contrefaçon par reproduction d'une oeuvre de l'esprit au mépris des droits d'auteur portant sur trois objets du sculpteur Y..., complicité d'escroquerie et recel de biens contrefaisants ; que Mme X...et le ministère public ont interjeté appel de la décision ;
Sur le moyen, pris en sa première branche :
Attendu que la demanderesse ne saurait se faire un grief de la requalification contestée au moyen dès lors que celle-ci, qui ne portait pas sur des faits nouveaux, a été soumise au débat contradictoire, que la prévenue, assistée de son avocat, a été mise en mesure de s'en expliquer et qu'elle a fait l'objet de réquisitions du ministère public ;
Qu'ainsi, le grief allégué n'est pas encouru ;
Sur le moyen, pris en ses autres branches :
Attendu que, pour confirmer le jugement et déclarer Mme X...coupable de contrefaçon, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, relève que le sculpteur Z..., engagé par Christian X...pour effectuer matériellement les reproductions sur ses directives, a, après le décès de celui-ci, poursuivi une activité délictueuse au cours du dernier trimestre 2006 ; qu'ils retiennent que la preuve est rapportée que Mme X..., qui avait une parfaite connaissance de l'activité délictueuse de son père, avait fait fabriquer, à cette époque, trois objets Y...contrefaisants dont la réalisation avait été effectuée, avec le matériel mis à sa disposition, par M.
Z...
qui avait accepté de prêter son concours ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 335-3 du code de la propriété intellectuelle sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées, dès lors que se rend coupable de contrefaçon celui qui concourt sciemment à la reproduction, sans autorisation, d'une oeuvre de l'esprit en la faisant réaliser par un exécutant de son choix ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que Mme X...devra payer à Mme Claude A...dite Pernette C... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze juin deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.