LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Geodis Wilson France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés National Transport and Overseas services CO-Nosco et Saving Shipping et Forwar Ding Egypte SAE ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 juin 2014), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 19 février 2013, pourvoi n° 11-27.537), que la société Alstom T et D, aux droits de laquelle est venue la société Alstom Grid (la société Alstom), a confié à la société Geodis Overseas France, devenue Geodis Wilson France (la société Geodis), en qualité de commissionnaire, l'organisation du transport de transformateurs jusqu'en Égypte, dont deux, numérotés C21-03 et C22-04, ont été chargés, à Anvers, sur le navire « Wiebke » à destination de Port-Saïd ; que, lors de son déchargement sur le quai, le transformateur n° C22-04 a heurté le transformateur n° C21-03, une expertise amiable effectuée le 27 décembre 2001 constatant à ce moment des dommages mineurs ; que les transformateurs ont été livrés les 27 et 28 décembre 2001 sur leur site de destination ; que, faisant état d'autres dommages, la société Alstom et ses assureurs, dont la société AGF-IART, devenue Allianz, était l'apéritrice, ont, sur la base d'une expertise judiciaire, demandé réparation de leurs préjudices ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que la société Geodis fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la condamnation de la société Alstom Grid à la garantir des condamnations mises à sa charge au profit de la société Allianz, l'assureur de cette dernière, alors, selon le moyen :
1°/ qu'une attestation de non-recours a pour objet d'interdire le recours de celui qui l'a souscrite contre celui qui en bénéficie ; que le commissionnaire de transport recherchait la responsabilité de l'expéditeur dès lors que celui-ci, contrairement à l'engagement qu'il avait pris, n'avait pas demandé à son assureur une attestation de non-recours au profit du commissionnaire ; qu'en le déboutant de cette demande, au motif inopérant que « l'absence de demande d'une attestation est sans influence sur la présomption de responsabilité du commissionnaire », sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'expéditeur n'avait pas commis une faute en s'abstenant de demander à son assureur une attestation de non-recours et si cette faute n'avait pas causé un préjudice au commissionnaire en l'exposant au recours de l'assureur ou, tout au moins, en le privant de la chance de ne pas être exposé à ce recours, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil ;
2°/ qu'aux termes de l'article 10 du contrat conclu entre l'expéditeur et le commissionnaire de transport, « L'assurance garantissant les pertes ou avaries, pouvant survenir au matériel transporté pendant les opérations de manutention et de transport exécutées en continuité, est souscrite par le client auprès de ses assureurs habituels. Le client ou les assureurs subrogés se réservent le droit d'exercer un recours contre le transitaire et/ou ses substitués dans le cadre de dispositions légales, réglementaires ou contractuelles. […] Le client demandera à sa compagnie d'assurance sur requête du transitaire, une attestation de non recours contre le transitaire et/ou ses sous-traitants en ce qui concerne les pertes et avaries sur le matériel transporté. Cette attestation ne saurait dégager le transitaire de ses responsabilités, et celui-ci devra conserver en faveur du client tous les recours auprès de ses sous-traitants : manutentionnaires, transporteurs, etc. » ; qu'il résulte clairement de cette clause que, si l'expéditeur ou ses assureurs peuvent exercer un recours contre le commissionnaire de transport en l'absence de délivrance d'une attestation de non recours, en revanche, l'attestation de non-recours, lorsqu'elle a été obtenue, prive l'assureur de l'expéditeur du droit d'exercer un tel recours, seul l'expéditeur bénéficiant alors d'un recours contre le commissionnaire pour son préjudice non indemnisé par son assureur ; qu'à supposer que la cour d'appel ait retenu que l'attestation de non-recours n'était pas de nature à empêcher l'assureur de l'expéditeur de rechercher la responsabilité du commissionnaire, elle aurait alors dénaturé la clause 10 du contrat conclu entre les sociétés Alstom et Geodis, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que c'est par une interprétation, exclusive de dénaturation, des termes du contrat de commission, que leur ambiguïté rendait nécessaire, et en effectuant la recherche invoquée par la première branche, que la cour d'appel a retenu que l'absence, prétendument imputable à la société Alstom, d'une attestation de non-recours de son assureur contre le transitaire ne pouvait justifier l'appel en garantie du commissionnaire de transport contre son propre client ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour juger le commissionnaire de transport responsable des dommages survenus sur le transformateur C21-03 , l'arrêt retient que s'il est exact que le rapport de l'expert judiciaire n'a pas formellement déclaré que le choc entre les deux transformateurs était la cause des anomalies, il résulte des éléments versés aux débats que le choc de manutention entre les deux transformateurs lors du déchargement de la barge est la cause des désordres constatés après la livraison du transformateur litigieux à Port-Saïd ;
Qu'en statuant ainsi, sans indiquer, même sommairement, sur quels éléments de preuve elle se fondait pour imputer à la manutention à quai les dommages invoqués, tout en retenant elle-même qu'ils n'avaient été constatés que trois mois plus tard et que l'expert judiciaire n'avait pas déclaré que le choc subi lors du déchargement était la cause des anomalies, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Geodis Wilson France responsable des dommages subis par la société Alstom Grid et en ce qu'il la condamne à payer la somme de 1 842 080 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 février 2006 à la société AGF-IART en tant qu'apériteur des assurances de la société Alstom Grid jusqu'à concurrence de la somme de 1 462 725,88 euros et de la contre-valeur en euros de 380 000 dollars calculée au taux de change au jour du paiement et à la société Areva TetD pour le surplus, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 25 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties, dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne les sociétés Alstom Grid, Generali Global London et Allianz IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Geodis Wilson France la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Geodis Wilson France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le commissionnaire de transport (la société Geodis) responsable des dommages subis par l'expéditeur (la société Alstom Grid) et de l'avoir condamné à payer la somme principale de 1.842.080 € d'une part à l'assureur de l'expéditeur (la société Allianz) jusqu'à concurrence de la somme de 1.462.725,88 € et de la contre-valeur en euros de 380.000 USD, et d'autre part à l'expéditeur (la société Alstom Grid) pour le surplus ;
AUX MOTIFS QUE « sur les dommages au transformateur C21-03 : […] la société Geodis prétend qu'il appartenait à la société Alstom et à ses assureurs de rapporter la preuve certaine et non hypothétique que les dommages qui ont été constatés sur le transformateur C21-03, trois mois après la livraison, seraient survenus au cours de son transport ; que cette preuve de la survenance des dommages au cours du transport du transformateur ne pourrait résulter de l'expertise judiciaire qui a été réalisée ; qu'en effet, l'expert judiciaire a rappelé : « comme nous l'avons écrit, l'expert ne peut préciser le moment exact des dommages intervenus qu'en se basant sur les rapports existant » ; qu'il ne s'est donc pas prononcé sur la possibilité d'une imputabilité des dommages à des causes antérieures ou postérieures au transport ; qu'enfin, la société Geodis fait également valoir que le transformateur C21-03 qui devait être livré, selon le Tribunal, le 27 décembre 2001, a dûment été réceptionné sur site à cette date en exécution du contrat conclu le 2 août 2001 ; qu'elle prétend, en conséquence, ne devoir aucune indemnité de retard ; […] qu'il n'est pas contesté que lors de son levage de la barge pour être déchargé, le transformateur C22-04 a heurté le transformateur C21-03 ; que le commissaire d'avaries a exposé dans son procès-verbal contresigné par les sociétés Geodis, CFTI, Nosco, Saving et Alstom, les faits suivants : « Pendant que le transformateur 217967/03 (C21) a été soulevé de la barge, il a bougé et est entré en collision avec le transformateur n°217976/04 (C22) causant une déformation de 30x25cm sur une poutre en bas du transformateur n°217967/03 (C21). Le transformateur n°217967/04 a été trouvé avec un élément de protection de l'indicateur d'impact PAC manquant tel qu'il avait été constaté à bord du « WIEBKE » le 25 décembre 2001 » ; que le transformateur C21-03 ayant été directement transporté sur le site d'EDF à Port Saïd, EDF a établi un rapport d'incident lequel, après avoir rappelé les dommages aux trois transformateurs 03, 04 et 05 qui ont été décrits comme suit : « - Transformateur (C21) 03 : une poutre déformée sur côté, deux écrous cassés sur bague de protection, un bouchon manquant, Transformateur 04 : une pièce de protection sur l'indicateur d'impact manquant, Transformateur 05 : éraflures sur partie de tôle », a évalué le montant des réparations dans une fourchette comprise entre 5.000 et 50.000 USD ; que cette évaluation a été confirmée par le responsable du projet EDF à Port Saïd à la société Alstom ; qu'à la suite de l'expertise contradictoire effectuée sur site après mise des transformateurs sur massifs, le commissaire d'avaries a résumé l'avis général de tous les experts et techniciens présents en ces termes : « Les avaries constatées sont considérées comme petites avaries à l'extérieur des transformateurs. Elles sont réparables localement et elles ne devraient avoir aucun effet sur les trois transformateurs » ; […] que trois mois après la livraison des transformateurs, le responsable de la centrale électrique EDF a informé la société Alstom de la « découverte d'une partie cassée pendant l'installation du transformateur » C21-03, à savoir « un morceau de résine provenant d'un plateau de calage cuve/partie active qui avait été découverte en fond de cuve » ; qu'à la suite de l'expertise effectuée les 23 et 24 avril 2002, la société Alstom a décidé de retourner le transformateur C21-03 à Saint-Ouen pour y être réparé et a initié une expertise judiciaire ; […] qu'aux termes de l'article 132-4 du code de commerce, le commissionnaire de transport est « garant de l'arrivée des marchandises et effets dans le délai déterminé par la lettre de voiture, hors les cas de force majeure légalement constatée » ; qu'aux termes de l'article L.132-5 du même code, « il est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets, s'il n'y a pas stipulation contraire dans la lettre de voiture ou force majeure » ; qu'aux termes de l'article 1 du contrat du 2 août 2001, conclu entre les sociétés Alstom et Geodis, « le transitaire reconnaît agir au titre du présent contrat en tant que commissionnaire de transport, et être le seul responsable de l'exécution du transport dans les limites de l'article 1 ci-dessus, avoir pris connaissance des conditions locales, des dispositions à prendre et aménagement à effectuer pour mener à bonne fin le présent contrat, et renonce à toute réclamation qui serait fondée sur un manque d'informations. Le transitaire est tenu d'une obligation de résultat envers le client, et il est responsable de son propre fait et/ou du fait de ses substitués. D'une manière générale, le transitaire s'engage à fournir au client des prestations conformes aux règles de l'art, propres à sa profession, avoir conscience des intérêts du client, tant du côté de la qualité des services que du côté pécuniaire, à signaler au client toutes les possibilités d'obtenir les conditions les plus avantageuses dans le cadre du présent contrat. De plus, le transitaire s'engage à répondre pleinement de toutes les prestations relatives à l'exécution des transports de bout en bout, et à la réalisation des dispositions contractuelles qu'il aura confiées à ses sous-traitants. Le transitaire reconnaît par ailleurs avoir connaissance de l'extrême importance attachée par le client au respect très strict des délais d'exécution » ; […] que, présumée responsable des dommages subis pendant les opérations dont elle a la charge, en l'espèce les opérations de transport et de manutention, il appartient à la société Geodis de démontrer que ceux-ci sont dus à des causes étrangères ou extérieures ; qu'il résulte des éléments versés aux débats, que le choc de manutention entre les deux transformateurs lors du déchargement de la barge est la cause des désordres constatés après la livraison du transformateur litigieux à Port-Saïd ; que la circonstance que les désordres n'aient été découverts que trois mois après le choc litigieux ne saurait dégager la société Geodis de sa responsabilité ; qu'il n'était évidemment pas possible de démonter le transformateur lors de son déchargement sur le quai et de le vider de son huile pour évaluer avec précision l'étendue des dégâts ; que seule l'exploration de ce transformateur, après son installation, et la découverte au fond de cuve d'un morceau de résine provenant d'un plateau de calage, a alerté les agents d'EDF sur les anomalies apparues sur l'appareil et a mis en évidence les dommages subis par celui-ci ; que s'il est exact que le rapport de l'expert judiciaire n'a pas formellement déclaré que le choc entre les deux transformateurs était la cause des anomalies, le lien de causalité résulte des éléments du dossier ; que la société Geodis n'établit aucune circonstance étrangère qui serait de nature à expliquer les anomalies constatées ; que les simples hypothèses émises par le commissionnaire de transport au sujet du mauvais compactage du sol, de l'entreposage des transformateurs sur une pente ou d'un défaut de construction, ne sont corroborées par aucun élément du dossier et ne peuvent renverser la présomption de responsabilité qui pèse sur lui »
1) ALORS QUE pour constater l'existence d'un lien de causalité entre le choc survenu, en cours de transport, entre deux transformateurs et les dommages constatés sur l'un de ces transformateurs trois mois après sa livraison, la Cour d'appel retient « qu'il résulte des éléments versés aux débats » que ce choc « est la cause des désordres » et que « le lien de causalité résulte des éléments du dossier » ; qu'en se déterminant ainsi par le seul visa de documents non identifiés n'ayant pas fait l'objet d'une analyse même sommaire, la Cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE la présomption de responsabilité pesant sur le commissionnaire de transport suppose qu'il soit établi que le sinistre est survenu en cours de transport ; qu'en retenant que le commissionnaire de transport n'avait pas renversé la présomption de responsabilité pesant sur lui, sans avoir constaté, par des motifs opérants, que le sinistre, constaté trois mois après la livraison, était survenu en cours de transport, la Cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil, L.132-5 et L.132-6 du code de commerce.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le commissionnaire de transport (la société Geodis) responsable des dommages subis par l'expéditeur (la société Alstom Grid) et de l'avoir condamné à payer la somme principale de 1.842.080 € d'une part à l'assureur de l'expéditeur (la société Allianz) jusqu'à concurrence de la somme de 1.462.725,88 € et de la contrevaleur en euros de 380.000 USD, et d'autre part à l'expéditeur (la société Alstom Grid) pour le surplus ;
AUX MOTIFS QUE « sur les dommages au transformateur C22-04 : […] la société Geodis estime qu'elle ne saurait être tenue au paiement du coût des réparations de ce transformateur, fixées par l'expert judiciaire à 10.846 €, la démonstration n'étant pas faite que les manutentions dont il a fait l'objet le 16 juin 2002 soient à l'origine des désordres constatés le 18 juin 2002 ; […] que la société Alstom, ayant décidé de retourner à son usine de Saint Ouen le transformateur C21 pour y être réparé, a demandé à la société Geodis de sortir le transformateur C22 de sa cellule pour le déposer en face du massif où était installé le transformateur C21-03 pour être ensuite placé sur son massif ; que la société Geodis a confié cette opération à la société Nosco qui l'a réalisée dans la journée du 16 juin 2002 ; que la société Alstom a informé le commissaire d'avaries qu'elle avait constaté sur ce transformateur des désordres, celui-ci ayant aussitôt organisé une expertise et ayant procédé aux mêmes constatations que celles dont la société Alstom avait fait état » ;
1) ALORS QU'en s'abstenant de caractériser l'imputabilité des dommages signalés le 18 juin 2002 aux opérations réalisées par la société Nosco le 16 juin 2002, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.132-5 et L.132-6 du code de commerce ;
2) ALORS QUE la société Geodis faisait valoir qu'il résultait du rapport de l'expert, M. A..., que les photographies prises par la société Alstom après la fin des opérations de manutention réalisées le 16 juin 2002 révélaient que la vanne du transformateur était intacte et que ce n'est que le lendemain que la cassure de la vanne avait été découverte, ce dont il se déduisait que les dommages n'étaient pas dus aux opérations réalisées par la société Nosco ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, étayées par une pièce produite aux débats (conclusions de la société Geodis, p.18), la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le commissionnaire de transport (la société Geodis) à payer la somme principale de 1.842.080 € d'une part à l'assureur de l'expéditeur (la société Allianz) jusqu'à concurrence de la somme de 1.462.725,88 € et de la contrevaleur en euros de 380.000 USD, et d'autre part à l'expéditeur (la société Alstom Grid) pour le surplus ;
AUX MOTIFS QUE « sur le plafond de responsabilité évoqué par la société Geodis : […] dans l'hypothèse où la Cour viendrait à imputer les dommages qui ont justifié le retour du transformateur C21-03 en France à l'incident de manutention survenu au déchargement de la barge le 27 décembre 2001 à Port Saïd, la société Geodis prétend qu'elle ne pourrait en répondre en sa qualité de commissionnaire de transport que dans les mêmes conditions que l'entreprise dont elle répond, à savoir l'entreprise de manutention, la société Saving Shipping ; […] qu'elle soutient que la responsabilité de cet opérateur, qualifié de « marine contractor » est limitée par le code maritime égyptien et que sa responsabilité en sa qualité de commissionnaire de transport ne saurait excéder celle légalement encourue par son substitué, la société Saving Shipping, et doit donc être limitée à l'équivalent en Euros de (223.000 Kgs x 6 :) 1.338.000 Livres Egyptiennes ; […] que, selon les dispositions combinées des articles 148, 149 et 233 du code maritime égyptien, un plafond de responsabilité s'applique aux « marine contractor », comme au transporteur maritime ; mais […] que cette limitation de responsabilité que la société Geodis, en tant que substitué, invoque, est subordonnée à la démonstration du fait que la société Saving Shipping peut effectivement être qualifiée de « marine contractor » ; que cette qualification suppose que le dommage se soit produit avant la fin du contrat de transport maritime ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que le dommage a eu lieu lors du déchargement du transformateur de la barge, soit après la fin des opérations de transport maritime intervenue lors du chargement du transformateur depuis le pont du navire jusqu'à la barge ; que cette livraison sous palan a eu pour effet de mettre fin à toute responsabilité du transporteur maritime et donc, à toute limitation de responsabilité des opérateurs intervenant lors de cette phase ; qu'ainsi, il ne saurait être appliqué à la société Saving Shipping la limitation de responsabilité du transporteur maritime prévue dans le code maritime égyptien » ;
1) ALORS QUE l'article 151 du code maritime égyptien énonce que l'entrepreneur maritime est soumis, pour la détermination de ses obligations et de sa responsabilité, aux dispositions de l'article 233, lequel prévoit une limitation de responsabilité en cas d'avaries aux marchandises ; que l'article 148 dudit code énonce que l'agent maritime réalise toutes les opérations matérielles en relation avec le chargement des marchandises à bord du navire ou leur déchargement et peut être appelé à effectuer pour le compte du fournisseur, de l'expéditeur ou du destinataire d'autres opérations en relation avec le chargement ou le déchargement à condition que ces opérations soient données par écrit par l'agent du navire ou l'agent d'expédition ; que l'article 149 ajoute que l'entrepreneur maritime est tenu d'effectuer les opérations de chargement et de déchargement et toutes les opérations supplémentaires pour le compte de la partie qui l'a requis pour les réaliser ; qu'ainsi l'entrepreneur maritime peut être mandaté pour effectuer, en sus du chargement ou du déchargement des marchandises d'autres tâches, différentes de celles dont le transporteur maritime est responsable ; que les textes ne subordonnent pas la qualification d'entrepreneur maritime et l'application de la limitation de responsabilité au fait que le dommage se soit produit au cours des opérations de transport maritime ; que cependant, pour dénier à la société Saving Shipping la qualité d'entrepreneur maritime, la Cour – qui n'a cité, sans les analyser précisément, que les articles 148, 149 et 233 du code maritime égyptien, et ne s'est appuyée sur aucune autre source – a retenu que la qualification d'entrepreneur maritime supposait que le dommage se soit produit avant la fin du contrat de transport ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a dénaturé les articles 148, 149, 151 et 233 du code maritime égyptien, violant ainsi les articles 3 et 1134 du code civil ;
2) ALORS QUE la société Geodis se prévalait d'un affidavit établi par M. B..., professeur de droit maritime à l'académie arabe de science, technologie et de transport maritime d'Alexandrie, qui, après avoir analysé les pièces du dossier, concluait que la société Saving Shipping avait la qualité de « maritime contractor » (entrepreneur maritime) dès lors que lui avaient été confiées les opérations de déchargement des transformateurs du navire sur la barge puis de la barge à quai, ce dont il résultait que ce manutentionnaire devait bénéficier de la limitation de responsabilité applicable au transporteur maritime (conclusions de la société Geodis, p.14 et 15, et pièces 63 et 64 de la société Geodis) ; qu'en retenant que la société Saving Shipping n'avait pas la qualité d'entrepreneur maritime et ne pouvait bénéficier de la limitation de responsabilité applicable au transporteur maritime, sans s'expliquer sur l'affidavit de M. B..., la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté le commissionnaire de transport (la société Geodis) de sa demande tendant à la condamnation de l'expéditeur (la société Alstom Grid) à la garantir des condamnations mises à sa charge au profit de l'assureur de l'expéditeur (la société Allianz) ;
AUX MOTIFS QUE « sur l'appel en garantie de la société Geodis : […] la société Geodis, excipant des dispositions de l'article 10 du contrat conclu avec la société Alstom, soutient que cette dernière ne pouvait s'affranchir de son obligation de demander à ses assureurs une attestation de non recours et aurait ainsi commis une faute inexcusable qui justifierait l'appel en garantie formé à son encontre ; mais […] que si l'article 10 invoqué stipule effectivement que "le client demandera à sa compagnie d'assurances sur requête du transitaire une attestation de non recours contre le transitaire et/ou ses sous-traitants en ce qui concerne les pertes et avaries sur matériel", le même article énonce à la fois "le client ou les assureurs subrogés se réservent le droit d'exercer un recours contre le transitaire et/ou ses substitués dans le cadre des dispositions légales... ou contractuelles" et "cette attestation ne saurait dégager le transitaire de ses responsabilités" ; […] en définitive, que l'attestation de non-recours n'est pas de nature à atténuer ou à supprimer la responsabilité du commissionnaire, astreint à une obligation de résultat ; que par suite, l'absence de demande d'une attestation est sans influence sur la présomption de responsabilité du commissionnaire et la société Geodis ne peut qu'être déboutée de sa demande de garantie contre la société Alstom ; que l'existence d'un contrat d'assurance, souscrit par EDF, ne saurait modifier ces conclusions, Geodis ne pouvant se prévaloir d'un contrat à l'égard duquel elle constitue un tiers » ;
1) ALORS QU'une attestation de non-recours a pour objet d'interdire le recours de celui qui l'a souscrite contre celui qui en bénéficie ; que le commissionnaire de transport recherchait la responsabilité de l'expéditeur dès lors que celui-ci, contrairement à l'engagement qu'il avait pris, n'avait pas demandé à son assureur une attestation de non-recours au profit du commissionnaire ; qu'en le déboutant de cette demande, au motif inopérant que « l'absence de demande d'une attestation est sans influence sur la présomption de responsabilité du commissionnaire », sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'expéditeur n'avait pas commis une faute en s'abstenant de demander à son assureur une attestation de non-recours et si cette faute n'avait pas causé un préjudice au commissionnaire en l'exposant au recours de l'assureur ou, tout au moins, en le privant de la chance de ne pas être exposé à ce recours, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil ;
2) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'aux termes de l'article 10 du contrat conclu entre l'expéditeur et le commissionnaire de transport, « L'assurance garantissant les pertes ou avaries, pouvant survenir au matériel transporté pendant les opérations de manutention et de transport exécutées en continuité, est souscrite par le client auprès de ses assureurs habituels. Le client ou les assureurs subrogés se réservent le droit d'exercer un recours contre le transitaire et/ou ses substitués dans le cadre de dispositions légales, réglementaires ou contractuelles. […] Le client demandera à sa compagnie d'assurance sur requête du transitaire, une attestation de non recours contre le transitaire et/ou ses sous-traitants en ce qui concerne les pertes et avaries sur le matériel transporté. Cette attestation ne saurait dégager le transitaire de ses responsabilités, et celui-ci devra conserver en faveur du client tous les recours auprès de ses sous-traitants : manutentionnaires, transporteurs, etc. » ; qu'il résulte clairement de cette clause que, si l'expéditeur ou ses assureurs peuvent exercer un recours contre le commissionnaire de transport en l'absence de délivrance d'une attestation de non recours, en revanche, l'attestation de non-recours, lorsqu'elle a été obtenue, prive l'assureur de l'expéditeur du droit d'exercer un tel recours, seul l'expéditeur bénéficiant alors d'un recours contre le commissionnaire pour son préjudice non indemnisé par son assureur ; qu'à supposer que la Cour d'appel ait retenu que l'attestation de non-recours n'était pas de nature à empêcher l'assureur de l'expéditeur de rechercher la responsabilité du commissionnaire, elle aurait alors dénaturé la clause 10 du contrat conclu entre les sociétés Alstom et Geodis, violant ainsi l'article 1134 du code civil.