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14/06/2016 | FRANCE | N°14-16886

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 juin 2016, 14-16886


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu l'article R. 1455-7 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en référé, que le contrat de travail de M. X..., engagé en qualité d'agent de propreté, a été repris le 1er avril 2000 par la société Entreprise Guy Challancin ; que placé en arrêt de travail pour maladie professionnelle depuis le mois de novembre 2006, le salarié a été déclaré inapte à son poste à l'issue de deux examens du médecin du travail réalisés les 29 février et 14 mars

2012 ; qu'il a demandé la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme à titr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu l'article R. 1455-7 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en référé, que le contrat de travail de M. X..., engagé en qualité d'agent de propreté, a été repris le 1er avril 2000 par la société Entreprise Guy Challancin ; que placé en arrêt de travail pour maladie professionnelle depuis le mois de novembre 2006, le salarié a été déclaré inapte à son poste à l'issue de deux examens du médecin du travail réalisés les 29 février et 14 mars 2012 ; qu'il a demandé la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme à titre de provision sur le salaire dû à compter du 15 avril 2012 ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre de provision, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la fiche d'aptitude du 14 mars 2012 mentionnant expressément deuxième visite (article R. 4624-31), il s'agissait, non d'une visite de pré-reprise, mais d'une visite de reprise, et par motifs propres, qu'il n'est pas contestable que le médecin du travail a réalisé, de sa propre initiative, les deux examens médicaux dans le seul cadre de l'article R. 4624-31 du code du travail et que l'employeur qui était informé par la médecine du travail de la tenue de ces visites médicales, n'a remis en cause, ni la qualification de visites de reprise, ni les effets de l'avis d'inaptitude définitive ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la référence à l'article R. 4624-31 du code du travail n'implique pas la qualification de visite de reprise et que l'absence de contestation à l'époque de l'examen ne caractérise pas une renonciation à critiquer ultérieurement la qualification de celui-ci, la cour d'appel, dont il ne résulte pas de ses constatations que le salarié entendait reprendre le travail ou l'avait effectivement repris, ni qu'il eût sollicité l'organisation d'une visite de reprise, de sorte que l'obligation au paiement d'une provision était sérieusement contestable, a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l‘article 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mars 2014, entre les parties par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit n'y avoir lieu à référé ;
Condamne M. X... aux dépens des instances de référé et de cassation ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Entreprise Guy Challancin.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société ENTREPRISE GUY CHALLANCIN à payer à titre provisionnel à M. X... les sommes de 15.255,36 € correspondant aux salaires durant la période du 15 avril 2012 au 11 janvier 2013, 20.774,69 € à titre de rappel de salaires pour la période allant du 12 janvier 2013 au 23 janvier 2014, ainsi qu'une somme totale de 2.400 € au titre des frais irrépétibles,
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'employeur conteste que les visites des 29 février et 14 mars 2012 aient été des visites de reprise prévues par les articles R.4624-21 et R.4624-31 du code du travail et soutient qu'il s'agissait de visites de pré-reprise prévues par l'article R.4624-23 ; que l'article R.4624-23, relatif à l'examen de pré-reprise, dans sa rédaction applicable au moment des faits (antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 30 janvier 2012) prévoyait, qu'en vue de faciliter la recherche des mesures nécessaires, lorsqu'une modification de l'aptitude au travail était prévisible, un examen médical de pré-reprise préalable à la reprise du travail pouvait être sollicité, à l'initiative du salarié, du médecin traitant ou du médecin conseil des organismes de sécurité sociale; que l'article R.4624- 21, relatif à l'examen de reprise, dans sa rédaction applicable au moment des faits (antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 30 janvier 2012), prévoyait que le salarié bénéficiait d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail, notamment après une absence pour cause de maladie professionnelle, une absence d'au moins huit jours pour accident du travail et une absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie, ou d'accident, non professionnel ; que l'article R.4624-31, relatif à la déclaration d'inaptitude, dans sa rédaction applicable au moment des faits (antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 30 janvier 2012), prévoyait que le médecin du travail ne pouvait constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé : 1 ° Une étude de ce poste; 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise; 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires; qu'il résulte des débats et des pièces produites que le médecin du travail a examiné le salarié les 29 février et 14 mars 2012 et a mentionné : -sur la fiche d'aptitude du 29 février 2012 : « INAPTITUDE DEFINITIVE AU POSTE DE TRAVAIL Art R 4624 31) 1 ère visite Ne pas utiliser le membre supérieur gauche pour toute activité Utilisation possible mais modérée du membre supérieur droit Pas de charge lourde 7kg Pas de gestes répétitifs prolongés» ; -sur la fiche d'aptitude du 14 mars 2012 : « Inaptitude définitive au poste de travail 2ème visite (art R 4624 31) Processus de départ à la retraite souhaitable (salarié âgé de 68 ans) Ne pas utiliser le membre supérieur gauche et utilisation du membre supérieur droit modérée Pas de charge lourde 7kg Pas de gestes répétitifs prolongés» ; Que le médecin n'a, sur aucun de ces documents, coché la case « pré-reprise» et a indiqué que les examens étaient faits à sa demande, et non à la demande du salarié, en se référant, à chaque fois, à l'article R.4624-31 précité; que, sur la première fiche d'aptitude, il a, en outre, coché la case afférente à la reprise relative à une maladie professionnelle ; que, par ailleurs, le médecin du travail a nécessairement étudié le poste occupé par le salarié, ainsi que ses conditions de travail dans l'entreprise, compte tenu des préconisations très précises qu'il a faites en ce qui concerne l'utilisation de chacun des membres supérieurs, le port de charges et l'exécution de gestes répétitifs prolongés ; qu'enfin, le médecin du travail a espacé les deux examens médicaux de deux semaines ; que l'employeur ne peut soutenir qu'il n'a pas été averti du passage de ces visites médicales de reprise par son salarié, car les pièces versées aux débats révèlent que : il a été informé par la médecine du travail, le 16 février 2012, que son salarié était convoqué, le 29 février 2012 à 8h50, pour passer un examen médical, - il a, par courrier daté du 15 février 2012, à son tour informé son salarié qu'il était convoqué à une visite médicale le 29 février 2012 à 8h50, -il a envoyé au salarié un courrier daté du 15 mars 2012, mentionnant qu'il avait reçu la fiche d'aptitude de la médecine du travail à la suite de sa 2ème visite de reprise du 14 mars 2012 et qu'il le convoquait pour évaluer ses compétences et pour étudier les postes qui pourraient éventuellement lui être proposés dans l'optique d'un reclassement, sans remettre en cause la qualification donnée à cette visite ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas contestable que le médecin du travail a réalisé, de sa propre initiative, les deux examens médicaux dans le seul cadre des dispositions de l'article R.4624- 31 précité et que l'employeur, qui était informé par la médecine du travail de la tenue de ces visites médicales, n'a alors remis en cause, ni la qualification de visites de reprise donnée à ces visites, ni les effets de l'avis d'inaptitude définitive rendu par le médecin du travail ; que ces visites doivent, en conséquence, être qualifiées de visites de reprise, au sens du code du travail, et produire tous les effets découlant de cette qualification ; qu'aux termes de l'article L.1226-2 du code du travail, « lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités », que « cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise », l'emploi proposé devant être « aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail» ; qu'il n'est pas contesté que la SAS ENTREPRISE GUY CHALLANCIN n'a, ni proposé un poste de reclassement au salarié, ni même recherché le moindre poste de reclassement ; qu'ainsi, la SAS ENTREPRISE GUY CHALLANCIN a volontairement manqué à l'obligation de reclassement qui pèse sur elle, en application de l'article L.1226-2 précité, en ne respectant pas les préconisations du médecin du travail et en n'effectuant aucune recherche de reclassement ; que de tels manquements caractérisent un trouble manifestement illicite ; que l'article R.1455-6 du code du travail applicable au conseil de prud'hommes dispose que « la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite» et, qu'en application des dispositions de l'article R.1455-7 du même code, « dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire » ; que, dès lors, le juge des référés est compétent pour allouer au salarié des provisions à titre de rappel de salaires de 15.255,36 euros, pour la période allant du 15 avril 2012 au 11 janvier 2013, et de 20.774,69 euros, pour la période allant du 12 janvier 2013 au 23 janvier 2014, l'employeur ne contestant pas les montants sollicités ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en application de l'article R. 1455-7 du Code du travail, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. La formation de référé a ainsi compétence pour apprécier le caractère non contestable de l'obligation sur le fondement de laquelle une provision est demandée. En l'espèce, le demandeur soutient que l'employeur a comme obligation de reprendre le versement de salaires si aucun reclassement n'est proposé un mois après la deuxième visite de reprise ayant déclaré le salarié inapte définitivement à son poste. L'employeur réplique en faisant valoir qu'un processus de départ à retraite devait être enclenché et que la visite du 14-03-2012 ne correspondait pas aux conditions prévues par l'article R4624-31 du code du travail car il n'y a pas eu étude du poste et des conditions de travail faite préalablement par le médecin du travail et que le salarié n'a pas, au préalable, averti l'employeur de cette visite de reprise. Cependant, il ressort de la lecture de la fiche d'aptitude du 14-03-2012 qu'il est expressément indiqué « deuxième visite (art. R4624-31) », qu'il n'y avait donc aucune ambigüité sur le fait qu'il ne s'agissait pas d'une pré-visite mais bien d'une deuxième visite de reprise. Aux termes de l'article L1226-4 du Code du Travail, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail." Cette règle a un caractère d'ordre public et le juge des référé a compétence pour ordonner à l'employeur de reprendre le versement des salaires. En l'espèce, faute d'avoir engagé une procédure de licenciement du salarié déclaré inapte et non reclassé dans l'entreprise, l'employeur devait reprendre le paiement du salaire un mois après l'inaptitude; peu importe que le salarié ait eu aussi la possibilité de faire valoir ses droits à la retraite; il n'existe donc pas en l'espèce de contestation sérieuse. Il n'est pas contesté que l'employeur n'a procédé ni à des recherches de reclassement ni au licenciement pour inaptitude de M. X... durant la période du 15-04-2012 (soit un mois après la deuxième visite) au 11-01-2013 (date du licenciement). La demande en paiement de salaire à titre provisionnel à hauteur de 15255,36 euros correspondant aux salaires durant cette période (le salaire mensuel moyen brut retenu étant de 1595,04 euros) sera donc accueillie ;
1. ALORS QUE la visite effectuée de sa propre initiative par le médecin du travail ne constitue pas une visite de reprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les visites des 29 février et 14 mars 2012 avaient été pratiquées par le médecin du travail de sa propre initiative ; qu'en jugeant cependant qu'elles devaient être qualifiées de visites de reprise aux prétextes inopérants que le médecin du travail n'avait pas coché la cache « pré-reprise », que sur la première fiche il avait coché la case afférente à la reprise relative à une maladie professionnelle, et que l'employeur, informé par la médecine du travail de la tenue de ces visites n'avaient alors remis en cause ni la qualification de visites de reprise donnée à ces visites ni les effets de l'avis d'inaptitude définitive rendu par le médecin du travail, la cour d'appel a violé les articles R. 4624-21, R. 4624-23 et R. 4624-31 du Code du travail, ensemble l'article L. 1226-11 du Code du travail ;
2. ALORS subsidiairement QUE la visite effectuée de sa propre initiative par le médecin du travail ne peut constituer une visite de reprise que si l'employeur a été préalablement informé de l'organisation d'une visite de cette nature ; qu'en accordant un rappel de salaire à titre provisionnel au salarié après avoir qualifié de visite de reprise les visites réalisées les 29 février et 14 mars 2012 par le médecin du travail à sa propre initiative, quand la demande se heurtait à la contestation sérieuse tirée du défaut d'information préalable de l'employeur sur cette initiative prise par le médecin du travail, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-7 du Code du travail ;
3. ALORS de même QU'en accordant un rappel de salaire à titre provisionnel au salarié après avoir qualifié de visite de reprise les visites réalisées les 29 février et 14 mars 2012 par le médecin du travail à sa propre initiative, quand il n'existait aucun trouble manifestement illicite en l'état de la contestation sérieuse élevée sur le défaut d'information préalable de l'employeur sur cette initiative prise par le médecin du travail, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du Code du travail ;
4. ALORS à tout le moins QUE la visite effectuée de sa propre initiative par le médecin du travail ne peut constituer une visite de reprise que si l'employeur a été préalablement informé de l'organisation d'une visite de cette nature ; qu'en se bornant, pour qualifier la visite du 29 février 2012 réalisée à l'initiative du médecin du travail de visite de reprise, à affirmer que l'employeur avait été informé par la médecine du travail le 16 février 2012 que son salarié était convoqué le 29 février 2012 à 8h50 pour passer un examen médical et avait à son tour informé son salarié qu'il était convoqué à une visite médicale le 29 février 2012 à 8h50, ce dont il ne résulte pas que l'employeur avait préalablement été informé que cet examen constituait une visite de reprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 4624-21, R. 4624-23 et R. 4624-31 du Code du travail, ensemble l'article L. 1226-11 du Code du travail ;
5. ALORS QUE dans sa lettre du 16 février 2012, le service de médecine du travail se bornait à indiquer que « en application du décret du 28 juillet 2004 et compte tenu de la nature de la surveillance médicale que vous nous avez déclarée », M. X... était « invité à se présenter pour un examen qui aura lieu au centre médical Georges V » le 29 février 2012 à 8h50, sans indiquer à aucun moment qu'il s'agirait d'une visite de reprise ; qu'à supposer que la cour d'appel ait considéré que le médecin du travail avait, dans sa lettre du 16 février 2012, informé l'employeur qu'il convoquait le salarié pour un examen d'ores et déjà qualifié de visite de reprise, la cour d'appel a alors dénaturé cette lettre, et a ainsi méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
6. ALORS QUE le délai d'un mois à l'issue duquel le salarié déclaré inapte, qui n'est pas reclassé dans l'entreprise ou qui n'est pas licencié, a droit au paiement du salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension de son contrat de travail, ne court qu'à compter de la date du second examen médical de reprise prévu à l'article R. 4624-31 du code du travail ; qu'en retenant à l'appui de sa décision d'accorder un rappel de salaire provisionnel à compter du 15 avril 2012 que la SAS ENTREPRISE GUY CHALLANCIN avait manqué à son obligation de reclassement, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des articles R. 4624-21, R. 4624-23 et R. 4624-31 du Code du travail, ensemble l'article L. 1226-11 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société ENTREPRISE GUY CHALLANCIN à payer à titre provisionnel à M. X... la somme de 20.774,69 € à titre de rappel de salaires pour la période allant du 12 janvier 2013 au 23 janvier 2014, ainsi qu'une somme totale de 2.400 € au titre des frais irrépétibles,
AUX MOTIFS QUE « le contrat de travail de Monsieur Yanyema X..., agent de propreté, a été repris, à compter du 1er avril 2000, par la SAS ENTREPRISE GUY CHALLANCIN, en application des dispositions de la convention collective des entreprises de propreté, avec un reprise de son ancienneté au 18 septembre 1992 ; qu'il a été en arrêt de travail à partir du mois de novembre 2006 et déclaré en maladie professionnelle le 18 juillet 2008 ; qu'il a passé des visites médicales auprès du médecin du travail les 29 février et 14 mars 2012, dont la qualification fait débat ; que ce médecin l'a déclaré définitivement inapte à son poste de travail lors de la seconde visite ; qu'il n'a été, ni reclassé dans l'entreprise, ni licencié, à la suite de cet avis d'inaptitude ; qu'il a saisi le Conseil de prud'hommes de Bobigny en référé, le 2 octobre 2012, afin d'obtenir un rappel de salaires pour la période allant du 15 avril 2012 au 11 janvier 2013, et au fond, afin d'obtenir la résiliation de son contrat de travail ; qu'il a été convoqué à un entretien préalable à une procédure de licenciement fixé au 27 décembre 2012, puis a été licencié, le 11 janvier 2013, pour faute grave, pour refus réitéré de se rendre aux convocations auprès de la médecine du travail ; que le Conseil de prud'hommes de Bobigny, par ordonnance de départage du 12 juillet 2013, a condamné la SAS ENTREPRISE GUY CHALLANCIN à lui verser la somme provisionnelle de 15.255,36 euros correspondant aux salaires pour la période allant du 15 avril 2012 au 11 janvier 2013 ; que le Conseil de prud'hommes de Bobigny n'a pas encore rendu sa décision au fond, en ce qui concerne la demande de résiliation du contrat de travail ; que la SAS ENTREPRISE GUY CHALLANCIN a interjeté appel de l'ordonnance de référé ; que l'employeur conteste que les visites des 29 février et 14 mars 2012 aient été des visites de reprise prévues par les articles R.4624-21 et R.4624-31 du code du travail et soutient qu'il s'agissait de visites de pré-reprise prévues par l'article R.4624-23 ; que l'article R.4624-23, relatif à l'examen de pré-reprise, dans sa rédaction applicable au moment des faits (antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 30 janvier 2012) prévoyait, qu'en vue de faciliter la recherche des mesures nécessaires, lorsqu'une modification de l'aptitude au travail était prévisible, un examen médical de pré-reprise préalable à la reprise du travail pouvait être sollicité, à l'initiative du salarié, du médecin traitant ou du médecin conseil des organismes de sécurité sociale; que l'article R.4624- 21, relatif à l'examen de reprise, dans sa rédaction applicable au moment des faits (antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 30 janvier 2012), prévoyait que le salarié bénéficiait d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail, notamment après une absence pour cause de maladie professionnelle, une absence d'au moins huit jours pour accident du travail et une absence d'au moins vingt et un jours pour cause de maladie, ou d'accident, non professionnel ; que l'article R.4624-31, relatif à la déclaration d'inaptitude, dans sa rédaction applicable au moment des faits (antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 30 janvier 2012), prévoyait que le médecin du travail ne pouvait constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé : 1 ° Une étude de ce poste; 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise; 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires; qu'il résulte des débats et des pièces produites que le médecin du travail a examiné le salarié les 29 février et 14 mars 2012 et a mentionné : -sur la fiche d'aptitude du 29 février 2012 : « INAPTITUDE DEFINITIVE AU POSTE DE TRAVAIL Art R 4624 31) 1 ère visite Ne pas utiliser le membre supérieur gauche pour toute activité Utilisation possible mais modérée du membre supérieur droit Pas de charge lourde 7kg Pas de gestes répétitifs prolongés» ; -sur la fiche d'aptitude du 14 mars 2012 : « Inaptitude définitive au poste de travail 2ème visite (art R 4624 31) Processus de départ à la retraite souhaitable (salarié âgé de 68 ans) Ne pas utiliser le membre supérieur gauche et utilisation du membre supérieur droit modérée Pas de charge lourde 7kg Pas de gestes répétitifs prolongés» ; Que le médecin n'a, sur aucun de ces documents, coché la case « pré-reprise» et a indiqué que les examens étaient faits à sa demande, et non à la demande du salarié, en se référant, à chaque fois, à l'article R.4624-31 précité; que, sur la première fiche d'aptitude, il a, en outre, coché la case afférente à la reprise relative à une maladie professionnelle ; que, par ailleurs, le médecin du travail a nécessairement étudié le poste occupé par le salarié, ainsi que ses conditions de travail dans l'entreprise, compte tenu des préconisations très précises qu'il a faites en ce qui concerne l'utilisation de chacun des membres supérieurs, le port de charges et l'exécution de gestes répétitifs prolongés ; qu'enfin, le médecin du travail a espacé les deux examens médicaux de deux semaines ; que l'employeur ne peut soutenir qu'il n'a pas été averti du passage de ces visites médicales de reprise par son salarié, car les pièces versées aux débats révèlent que : il a été informé par la médecine du travail, le 16 février 2012, que son salarié était convoqué, le 29 février 2012 à 8h50, pour passer un examen médical, - il a, par courrier daté du 15 février 2012, à son tour informé son salarié qu'il était convoqué à une visite médicale le 29 février 2012 à 8h50, -il a envoyé au salarié un courrier daté du 15 mars 2012, mentionnant qu'il avait reçu la fiche d'aptitude de la médecine du travail à la suite de sa 2ème visite de reprise du 14 mars 2012 et qu'il le convoquait pour évaluer ses compétences et pour étudier les postes qui pourraient éventuellement lui être proposés dans l'optique d'un reclassement, sans remettre en cause la qualification donnée à cette visite ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas contestable que le médecin du travail a réalisé, de sa propre initiative, les deux examens médicaux dans le seul cadre des dispositions de l'article R.4624- 31 précité et que l'employeur, qui était informé par la médecine du travail de la tenue de ces visites médicales, n'a alors remis en cause, ni la qualification de visites de reprise donnée à ces visites, ni les effets de l'avis d'inaptitude définitive rendu par le médecin du travail ; que ces visites doivent, en conséquence, être qualifiées de visites de reprise, au sens du code du travail, et produire tous les effets découlant de cette qualification ; qu'aux termes de l'article L.1226-2 du code du travail, « lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités », que « cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise », l'emploi proposé devant être « aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail» ; qu'il n'est pas contesté que la SAS ENTREPRISE GUY CHALLANCIN n'a, ni proposé un poste de reclassement au salarié, ni même recherché le moindre poste de reclassement ; qu'ainsi, la SAS ENTREPRISE GUY CHALLANCIN a volontairement manqué à l'obligation de reclassement qui pèse sur elle, en application de l'article L.1226-2 précité, en ne respectant pas les préconisations du médecin du travail et en n'effectuant aucune recherche de reclassement ; que de tels manquements caractérisent un trouble manifestement illicite ; que l'article R.1455-6 du code du travail applicable au conseil de prud'hommes dispose que « la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite» et, qu'en application des dispositions de l'article R.1455-7 du même code, « dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire » ; que, dès lors, le juge des référés est compétent pour allouer au salarié des provisions à titre de rappel de salaires de 15.255,36 euros, pour la période allant du 15 avril 2012 au 11 janvier 2013, et de 20.774,69 euros, pour la période allant du 12 janvier 2013 au 23 janvier 2014, l'employeur ne contestant pas les montants sollicités » ;
ALORS QUE lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ; que cette obligation de verser le salaire prend fin au jour de l'envoi de la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, il était constant que le salarié avait été licencié le 11 janvier 2013, l'employeur faisant en conséquence valoir qu'il ne pouvait être débiteur d'aucun salaire après le licenciement prononcé à cette date ; qu'en condamnant néanmoins l'employeur à payer un rappel de salaire pour la période allant du 12 janvier 2013 au 23 janvier 2014, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-11 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-16886
Date de la décision : 14/06/2016
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 mars 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 jui. 2016, pourvoi n°14-16886


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Ghestin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.16886
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