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07/06/2016 | FRANCE | N°16-81694

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 juin 2016, 16-81694


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Hrachya Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NANCY, en date du 9 février 2016, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'assassinat, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 mai 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Talabardon, conseiller rapporteur, M. Straehli,

conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Lemoine ;
Greffier de chambre : M...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Hrachya Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NANCY, en date du 9 février 2016, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'assassinat, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 mai 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Talabardon, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Lemoine ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire TALABARDON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier ;
Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, préliminaire, 115, 145, 145-2 et 591 du code de procédure pénale, violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté la demande de nullité formée par le détenu, et confirmé l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire ;
" aux motifs qu'il est constant que Me A..., avocat au barreau de Nancy, assistait M. Y... depuis sa mise en examen ; que le 10 septembre 2015, Me B..., avocat au barreau de Nancy, a déclaré au greffe du juge d'instruction qu'elle était désignée par M. Y... pour assurer sa défense et a remis un courrier signé de ce dernier ; qu'il convient de constater, d'une part, que ce courrier ne mentionne pas le nom de Me B..., et, d'autre part, que cette désignation n'a été confirmée par M. Y... ni par courrier adressé au juge d'instruction ni par déclaration dans le délai de quinze jours auprès du chef de l'établissement pénitentiaire comme exigé par les dispositions susvisées ; qu'ainsi qu'il figure au procès-verbal de débat contradictoire, Me A...a été régulièrement convoquée ès qualités de seul avocat régulièrement désigné par la personne mise en examen ; qu'elle n'a informé le juge des libertés et de la détention que le 26 janvier 2016 du fait qu'elle n'assurait plus la défense de M. Y... ; que compte tenu de l'expiration du mandat de dépôt au 29 janvier 2016 à minuit, ce débat contradictoire ne pouvait faire l'objet d'aucun report ; que le débat contradictoire étant public, Me B... y a assisté et que ce n'est, selon son mémoire, qu'à l'issue de ce dernier que sa constitution a été régularisée par M. Y... auprès du greffe du juge d'instruction et qu'elle a régulièrement interjeté appel de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire prise par le juge des libertés et de la détention ; qu'il convient, par conséquent, de constater que la procédure devant le juge des libertés et de la détention est régulière et qu'il n'y a eu aucune atteinte aux droits de la défense ; qu'en effet, M. Y... n'a été privé d'avocat lors du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention que parce que l'avocat régulièrement convoqué n'est pas venu à l'audience ;

" 1°) alors que toute personne détenue a droit à l'assistance d'un avocat lors du débat contradictoire préalable à la prolongation de sa détention provisoire ; que la chambre de l'instruction, qui constate que la nouvelle avocate du détenu était présente à l'audience, et, dans le même temps, que le détenu a été privé d'avocat, ne pouvait que conclure à la violation par le juge des libertés et de la détention de l'article 145 du code de procédure pénale qui impose d'entendre les observations de l'avocat ; qu'en rejetant, néanmoins, le moyen de nullité soulevé par le détenu, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations ;
" 2°) alors que les règles de désignation de l'avocat choisi par le mis en examen, prévues à l'article 115 du code de procédure pénale, ont pour objet de garantir la bonne mise en oeuvre du droit à l'assistance d'un avocat, en permettant à la juridiction de déterminer à quel avocat adresser ses convocations ; que ces règles ne sauraient ainsi être invoquées au stade de l'audience pour empêcher l'avocat présent, autre que celui formellement désigné, d'assister la personne mise en examen ; qu'en admettant, néanmoins, que l'absence de désignation officielle de Me B... ait pu faire échec à son intervention au cours du débat contradictoire préalable à la prolongation de la détention provisoire de M. Y..., la chambre de l'instruction a méconnu les droits de la défense ;
" 3°) alors qu'en tout état de cause, l'article 115, alinéa 2, du code de procédure pénale permet la désignation d'un nouvel avocat lors d'un interrogatoire ou d'une audition ; qu'en se refusant, néanmoins, à admettre que Me B... aurait dû être officiellement désignée lors de l'audience du juge des libertés et de la détention, à laquelle elle a assisté et au cours de laquelle son client a été entendu, la chambre de l'instruction a méconnu le texte visé ci-dessus ; que la cassation interviendra sans renvoi et avec mise en liberté de M. Y... " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 29 juillet 2014, M. Y... a été mis en examen du chef d'assassinat et placé en détention provisoire, l'avocat choisi pour l'assister étant Me A...; que, le 10 septembre 2015, Me B... a déclaré au greffe du juge d'instruction avoir été désignée par l'intéressé, qui n'a toutefois pas confirmé ce choix dans les formes et délai prévus par l'article 115, alinéa 4, du code de procédure pénale ; que, saisi d'une demande de prolongation de la détention provisoire de M. Y..., le juge des libertés et de la détention a convoqué Me A..., le 18 janvier 2016, en vue d'un débat contradictoire devant se tenir le 27 janvier suivant ; que, la veille, Me A...a indiqué ne plus assurer la défense de M. Y... tandis que, le jour même, Me B... s'est présentée sans avoir été officiellement désignée par ce dernier et a assisté au débat contradictoire tenu publiquement à 10 heures 15 ; qu'à l'issue de l'audience, lors de laquelle cette avocate n'a pas été entendue, le juge des libertés et de la détention a prolongé la détention provisoire de M. Y... ; que Me B..., après s'être fait régulièrement désigner par ce dernier, a relevé appel de la décision ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation de l'ordonnance entreprise, motif pris de ce que le juge des libertés et de la détention n'a pas entendu Me B..., pourtant présente à l'audience, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que cette avocate ne s'était pas fait régulièrement désigner par M. Y... avant le débat contradictoire préalable à une éventuelle prolongation de la détention provisoire de ce dernier, sans qu'il soit établi, ni même allégué, qu'elle en ait été empêchée pour une cause tenant au service de la justice, et dès lors, d'une part, que le demandeur ne peut utilement se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article 115 du code de procédure pénale, qui ne visent que la désignation intervenant au cours d'un interrogatoire ou d'une audition par le juge d'instruction, d'autre part, que le formalisme édicté par cet article pour les désignations d'avocat au cours de l'information, qui assure une juste conciliation entre le respect des droits de la défense et la bonne administration de la justice, n'est pas contraire aux articles de la Convention européenne des droits de l'homme visés au moyen, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que, les griefs allégués n'étant pas encourus, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept juin deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-81694
Date de la décision : 07/06/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DETENTION PROVISOIRE - Prolongation de la détention - Débat contradictoire - Nature - Interrogatoire ou audition (non) - Effets - Présence d'un avocat non régulièrement désigné - Droit de l'avocat à être entendu par le juge des libertés et de la détention (non) - Droit de l'avocat de faire enregistrer sa désignation devant ce magistrat (non)

DROITS DE LA DEFENSE - Instruction - Détention provisoire - Débat contradictoire - Prolongation de la détention - Désignation régulière de l'avocat - Défaut - Portée INSTRUCTION - Détention provisoire - Prolongation de la détention - Débat contradictoire - Désignation régulière de l'avocat - Défaut - Portée

L'avocat, qui se présente au débat contradictoire préalable à la prolongation de la détention provisoire d'une personne mise en examen, sans avoir été régulièrement désigné auprès du juge d'instruction par cette dernière dans les conditions prévues par l'article 115 du code de procédure pénale, dont les dispositions ne sont pas contraires aux articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne peut ni prétendre être entendu par le juge des libertés et de la détention, ni faire enregistrer sa désignation devant ce magistrat dès lors que le débat sur la détention ne constitue pas un interrogatoire ou une audition au sens du deuxième alinéa de cet article


Références :

article 115 du code de procédure pénale

articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, 09 février 2016

Sur la portée du défaut de convocation de l'avocat au débat contradictoire relatif à la prolongation de la détention provisoire, à rapprocher :Crim., 4 décembre 2001, pourvoi n° 01-86394, Bull. crim. 2001, n° 250 (rejet) ;Crim., 20 août 2014, pourvoi n° 14-83699, Bull. crim. 2014, n° 174 (cassation)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 jui. 2016, pourvoi n°16-81694, Bull. crim. criminel 2016, n° 172
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2016, n° 172

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Lemoine
Rapporteur ?: M. Talabardon
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:16.81694
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